L’IRAN REEL – DES SPECIALISTES CIVILS ET MILITAIRES DECRYPTENT LIBREMENT LA
QUESTION IRANIENNE
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Sous la direction d’Aymeric Chauprade
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L’IRAN REEL – DES SPECIALISTES CIVILS ET
L’IRAN REEL – DES SPECIALISTES CIVILS ET
MILITAIRES DECRYPTENT LIBREMENT LA
MILITAIRES DECRYPTENT LIBREMENT LA
QUESTION IRANIENNE
QUESTION IRANIENNE
Paris, Editions Ellipses, mars 2009, 192 p
par Bertrand Lamon
Mise en ligne : dimanche 21 mars 2010
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Sous influence étrangère tout au long du XXème siècle, l’Iran de ce début du XXIème siècle ne
l’entend plus de cette oreille. Philippe Conrad, historien, journaliste, conférencier au Collège
Interarmées de Défense, nous explique comment ce pays tente de recouvrer le rôle naturel qui est
le sien depuis plus de deux millénaires. Puissance régionale aux carrefours de mondes, l’Iran fait
de son programme nucléaire le pivot de cette politique et développe, en ce sens, une ambitieuse
capacité balistique comme nous le décrit Nicolas Jenner, ancien officier de marine qui a contribué
au développement du missile français M4 et qui équipa nos sous-marins nucléaires lanceurs
d’engins. Pour François-Régis Dabas, breveté de l’Ecole de guerre et spécialise des questions de
défense européenne et transatlantique, l’Iran souhaite au contraire simplement conserver et
préserver ses intérêts nationaux et pas seulement son régime. Jean-Paul Chagnollaud, professeur
des universités, spécialiste du monde arabe et directeur de la revue internationale Confluences-
Méditerranée, analyse l’histoire et les enjeux du programme nucléaire iranien tout en soulignant,
avec Jean-François Cuignet, officier supérieur de l’armée de terre, toutes les incohérences de
l’application d’un Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Alors devant tous ces
signaux émanant du gouvernement iranien, quel rôle peut ou souhaite jouer l’Occident ? Malgré le
tonitruant « Bomb Iran » de John McCain, ex candidat républicain à la présidence des Etats-Unis,
l’Iran n’est pas aussi esseulé qu’on le croit. François Thual, père de l’école géopolitique française,
nous rappelle la faculté iranienne à mobiliser, à réactiver les solidarités chiites chez les voisins du
golfe, que ce soient dans les Emirats Arabes Unis, véritable plaque tournante de la diaspora chiite,
en passant par l’Irak ou bien encore le Liban. Aymeric Chauprade, professeur de géopolitique à
l’Ecole de guerre, le confirme. Ce serait une grave erreur de croire l’Iran isolé. Thierry Coville,
ancien allocataire de l’IFRI à Téhéran et Julien Deris, diplômé de l’IEP de Paris, se penchent eux
sur l’économie iranienne et sur le système bancaire iranien. Mohammad-Reza Djalili, professeur à
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l’institut des hautes études internationales et du développement à Genève, s’intéresse à la politique
arabe de l’Iran qui entend bien développer un certain leadership au Moyen-Orient. Denis Lambert
chargé d’études géostratégiques au Collège Interarmées de Défense à Paris, analyse les relations
qu’entretient l’Iran avec ses voisins du Golfe mais aussi avec l’Inde. Gaïdz Minassian, chercheur
au groupe d’analyse politique défense relations internationales sécurité à Paris X, nous propose un
visage méconnu de l’Iran qui tente, dans un partenariat privilégié avec la Russie, d’investir peu à
peu le Caucase du Sud, terre familière pour les Iraniens et irriguée de gazoducs. Jonathan Piron,
diplômé en histoire et relations internationales de l’université de Liège nous éclaire sur les liens
ténus qui lient l’Iran et la Russie. L’année 2008 aura été l’accélérateur dans cette coopération où
chaque partenaire met en sourdine ses griefs afin de privilégier, avant tout, ses intérêts de
développement. Enfin, Yasmine Valipour, iranienne, diplômée en sciences économiques, a
effectué l’essentiel de sa carrière professionnelle dans le domaine bancaire et dresse un autre
portrait de l’Iran un mouvement pétionnaire féminin tente de modifier les lois actuelles
régissant le mariage, l’adultère ou bien encore le divorce. L’auteure nous rappelle que les femmes,
en Iran, sont, dans de nombreux cas, considérées en droit comme la moitié des hommes.
DES AMBITIONS AFFICHEES
Héritier d’une histoire plurimillénaire, exaltée par le shah Mohammed Reza Pahlevi lors des fêtes
organisées à Persépolis en 1971, l’Iran apparaît comme le porteur d’une mémoire civilisationnelle
que même la révolution islamique de 1979 n’a pu ou voulu entamer en tentant de faire « table rase
du passé ». Entrée au XVIIIème siècle en décadence sous la dynastie des Qadjars, la Perse devient
alors l’un des enjeux du « great game » évoqué par Kipling lorsque la puissance maritime anglaise
luttait contre l’empire russe désireux d’accéder aux mers chaudes et qui finit par imposer sa loi à
l’Iran. Premier pays musulman à se doter d’une constitution en 1906 avant la révolution « jeune
turque », le pays n’a cependant pas les moyens de faire face à la puissance tutélaire britannique.
Passé la Seconde guerre mondiale et les affres des dernières grandes ruptures, la révolution
islamique s’inscrit dans le contexte du formidable réveil religieux, l’Iran d’aujourd’hui peut
prétendre à accéder au rang de grande puissance régionale qui a été le sien dans un passé lointain.
La Chine ne le prouve t’elle pas de manière éclatante ?
Afin de soutenir ses ambitions, l’Iran a patiemment tissé des réseaux d’amitié mêlant
opportunisme et intérêts communs. Bien entendu, le programme nucléaire joue le rôle d’une
variable d’ajustement non négligeable dans cette quête de puissance mais aussi, de reconnaissance
internationale. Pour la Russie, l’économie sert de levier à ce positionnement géopolitique, que ce
soit à travers le nucléaire, l’énergie ou bien encore l’armement. Depuis 1991 par exemple, l’Iran
est un nouveau débouché pour ses ventes d’armes et est progressivement devenu le troisième
importateur d’armes russes après la Chine et l’Inde. En contrepartie, ces investissements russes en
Iran s’accompagnent, en retour, d’un soutien iranien dans la résolution des crises impactant la
Russie, comme la Tchétchénie le mouvement islamiste d’obédience wahabbite s’oppose au
chiisme. Les relations avec l’Inde sont également complexes malgré les liens séculaires
qu’entretiennent ces deux civilisations. Sur le volet nucléaire, l’Inde réprouve l’acquisition par un
pays tiers d’un arsenal nucléaire qu’elle condamne mais considère que l’Iran pourrait,
éventuellement, en tant que puissance musulmane, servir d’intermédiaire dans le problème
kashmiri. Cependant, côté économique, l’Inde présente l’avantage d’être un éventuel contre-poids
face à l’agressivité commerciale de la Chine qui gagne des parts de marchés en venant
concurrencer les produits manufacturés iraniens. Enfin, comment ne pas s’intéresser à la politique
arabe de l’Iran. Or, une difficulté sous-jacente au développement des relations entre l’Iran et les
pays arabes résulte de la vision, pour le moins ambivalente, qu’Iraniens et Arabes ont les uns des
autres. L’origine de cette opposition sourde mais tenace remonte loin dans le temps, les Iraniens
reprochant aux Arabes l’invasion de leur pays tandis que les Arabes ont en mémoire les
nombreuses révoltes aux VIIIème et IXème siècle. Aujourd’hui, avec l’avènement d’une
République islamique en Iran et l’éclosion de mouvements fondamentalistes en général dans le
monde musulman, force est de constater que les oppositions traditionnelles entre Iraniens et
Arabes demeurent alors que l’Iran aspire à devenir le chef de file du Moyen-Orient, voire du
monde musulman.
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L’IRAN FACE AUX DEFIS INTERIEURS
Très peu d’études nous donne l’occasion de se pencher sur l’économie iranienne. Depuis l’arrivée
au pouvoir de Mahmoud Ahmadinedjad, le gouvernement iranien s’est attaqué à résorber le
chômage par le biais de petites unités de production. Mais l’opacité et la complexité du système
économique se dessine pourtant peu à peu. Le contrôle des flux financiers dégagés par les activités
pétrolières et gazières a été efficacement organisé au bénéfice de l’Etat. Le secteur bancaire par
exemple, a été capté, pour l’essentiel, après la révolution islamique par les « bonyad », ou
fondations religieuses, structures complexes aux intérêts et stratégies mal connus. De son côté, le
président iranien tente de s’opposer aux initiatives financières dès qu’elles proviennent de
l’extérieur ou de personnes non affidées à son mouvement. L’économie a donc été mise en coupe
réglée par et pour les ténors du régime, devenant ainsi un enjeu au sein même de la vie politique
iranienne. Cette situation s’exacerbe par l’accentuation des sanctions internationales qui se
manifestent contre les banques iraniennes ainsi que les avoirs à l’étranger. Si ces sanctions gênent
un peu plus le système bancaire iranien, la réponse du gouvernement iranien se fait aussitôt
menaçante, pratiquant la rhétorique de la question nucléaire, autour d’un nationalisme persan
sensé sublimer tous les clivages. Mais la demande iranienne est forte en demande de collaboration
internationale dans le secteur bancaire tant sont grands les besoins de modernisations ou
d’échanges. Preuve en est des refinancements iraniens qui, en contrepartie, permettent des
transferts de technologies notamment dans le secteur pétrolier : Algérie, Djibouti, Azerbaïdjan,
Russie ou bien encore au Mali. Ces différents faits montrent combien l’économie mais surtout les
fonctions bancaires sont utilisées non à des fins économiques nationales mais destinées à un usage
politique et diplomatique.
LA PROLIFERATION BALISTIQUE
Une fois de plus, le programme nucléaire se retrouve au cœur de toutes les controverses. Le
premier programme a été élaboré sous le règne du Chah, à la suite du premier choc pétrolier qui
avait eu pour effet de donner à l’Iran les moyens d’une politique ambitieuse souhaitée par le
souverain. Annoncé officiellement en 1974, le programme nucléaire visait à diversifier les sources
d’énergie pour l’industrie iranienne. Mais la révolution islamique de 1979 changea la donne. Les
nouveaux responsables du pays avaient d’autres priorités dont une guerre à mener contre l’Irak.
Les réactions internationales face au changement du régime stoppent les livraisons d’uranium
faiblement enrichi, notamment par la France. Mais c’est la fin de la guerre Iran-Iraq qui marqua la
renaissance du programme nucléaire iranien. Traumatisée par ce conflit qui lui coûta près de 1
million de morts et persuadée que l’Occident avant tacitement encouragé Saddam Hussein à
l’attaquer, la République islamique eut un regain d’intérêt pour la détention d’armes nucléaires.
De nombreuses tentatives internationales ont, sans grand succès, tenté d’empêcher que l’Iran ne se
dote de matériels soupçonnés d’être utilisés pour son programme nucléaire. Le Nuclear Suppliers
Group (NSG) dans le domaine balistique puis le régime de contrôle de la technologie des missiles
(MTCR) dans le domaine nucléaire n’y sont pas parvenus. L’Iran est donc emblématique d’un pays
en quête de puissance. L’accès à une capacité balistique et nucléaire par une puissance moyenne
risque donc, par cet exemple, de devenir de plus en plus inéluctable. Aussi ne faut-il pas oublier
que l’arme nucléaire n’est pas une arme d’emploi, mais constitue en premier lieu un puissant
levier de stratégie indirecte par son impact politique et ce, avant même de la posséder.
L’intérêt de cet ouvrage collectif est d’aborder un sujet complexe – l’Iran – sous plusieurs angles
d’attaque qui nous permettent d’appréhender le contexte mais également la situation
internationale, diplomatique et intérieure du pays. On apprécie la clarté des textes, un langage
clair et précis intégré dans des chapitres bien définis. Des rappels historiques salvateurs, au début
de cette étude, prouvent que l’Iran a toujours tissé des liens, dont nous ne soupçonnions peut-être
pas l’existence, avec de lointains voisins. Les étudiants pourront également se focaliser sur la
complexité des enjeux nucléaires mondiaux à travers le traité de non-prolifération. Une oeuvre
dense, très riche, qui pourra aussi bien intéresser les étudiants en géopolitique que des lycéens
désireux d’aborder un sujet brûlant.
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