Histoire TS le Nouveau programme Livre du professeur Sous la direction d’Hugo Billard Professeur d’histoire-géographie Lycée militaire de Saint-Cyr Bertrand JOLIVET David MITZINMACKER Professeur d’histoire-géographie Lycée Paul-Robert (Les Lilas) Formateur Académie de Paris Professeur d’histoire-géographie Lycée Pierre-de-Coubertin (Meaux) Professeur-relais au Musée de la Grande Guerre (Meaux) Éric MAGNE Professeur d’histoire-géographie Lycée Claude-de-France (Romorantin) Formateur Académie Orléans-Tours Emmanuel MELMOUX Professeur d’histoire-géographie Lycée Émile-Dubois (Paris) Arnaud PAUTET Professeur en classes préparatoires économiques et commerciales Lycée Sainte-Marie (Lyon) Jean-Marc VIDAL Xavier NADRIGNY Professeur d’histoire-géographie Lycée Alain-Colas (Nevers) Professeur en classes préparatoires Lycée Marcellin-Berthelot (Saint-Maur-des-Fossés) Chargé de cours à l’École du Louvre Professeur d’histoire-géographie Lycée Joliot-Curie (Nanterre) Claire VIDALLET www.magnard.fr Édition : Sophie Lovera Couverture : Nadia Ouddane, Barbara Tamadonpour Maquette intérieure : Yves Tremblay Cartographie Magnard : Marie-Christine Liennard, Valérie Goncalves © Magnard – Paris, 2014 – 5 allée de la 2e DB 75015 Paris ISBN : 978-2-210-10209-5 Sommaire Programme 4 Thème 1 Le rapport des sociétés à leur passé Chapitre 1 L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France Chapitre 2 L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie 8 20 Thème 2 Grandes puissances et conflits dans le monde depuis 1945 Chapitre 3 Les États-Unis et le monde depuis 1945 Chapitre 4 La Chine et le monde depuis 1949 Chapitre 5 Proche et Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis 1945 32 47 61 Thème 3 Les échelles de gouvernement dans le monde Chapitre 6 Gouverner la France depuis 1946 Chapitre 7 Une gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht Chapitre 8 Une gouvernance économique mondiale depuis le sommet du G6 de 1975 76 89 101 Des sujets pour préparer l’épreuve orale de contrôle114 Des BAC blancs et leurs corrigés 122 Les notions par chapitre : dates clés, mots clés et schémas 128 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 3 Programme d’histoire B.O. n° 8 du 21 février 2013 Préambule La classe de première S a permis d’approfondir l’approche synthétique et problématisée propre à l’enseignement de l’histoire et de la géographie au lycée et de répondre, grâce à la recherche du sens et à l’exercice du raisonnement et de l’esprit critique, aux finalités culturelles, civiques et intellectuelles de cet enseignement. Les programmes de terminale donnent des clés pour une lecture historique et géographique du monde actuel. Les modalités de leur mise en œuvre s’inscrivent dans la continuité de celles des programmes des classes de seconde et de première : – parité horaire entre les deux disciplines ; – place importante des études de cas en géographie et des études délimitées et mises en perspective en histoire ; – utilisation des technologies de l’information et de la communication ; – liberté et responsabilité pédagogiques du professeur qui peut construire son itinéraire, non seulement au sein de chacun des programmes d’histoire et de géographie, mais encore en les articulant, autant qu’il le jugera nécessaire, autour de points de convergence. Cette mise en œuvre doit également préparer les élèves à la poursuite d’études supérieures grâce à l’acquisition de connaissances et à l’approfondissement des capacités et des méthodes figurant dans le tableau qui suit et qui ont été progressivement maîtrisées de la seconde à la première. Dans cette perspective, une attention soutenue sera particulièrement accordée au développement du sens critique et à l’organisation d’un travail autonome. 4 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Programme d’histoire B.O. n° 8 du 21 février 2013 Capacités et méthodes I- Maîtriser des repères chronologiques et spatiaux 1) Identifier et localiser – nommer et périodiser les continuités et ruptures chronologiques – nommer et localiser les grands repères géographiques terrestres – situer et caractériser une date dans un contexte chronologique – nommer et localiser un lieu dans un espace géographique 2) Changer les échelles et mettre en relation – situer un événement dans le temps court ou le temps long – repérer un lieu ou un espace sur des cartes à échelles ou systèmes de projections différents – mettre en relation des faits ou événements de natures, de périodes, de localisations spatiales différentes (approches diachroniques et synchroniques) – confronter des situations historiques ou/et géographiques II- Maîtriser des outils et méthodes spécifiques 1) Exploiter et confronter des informations – identifier des documents (nature, auteur, date, conditions de production) – prélever, hiérarchiser et confronter des informations selon des approches spécifiques en fonction du document ou du corpus documentaire – cerner le sens général d’un document ou d’un corpus documentaire et le mettre en relation avec la situation historique ou géographique étudiée – critiquer des documents de types différents (textes, images, cartes, graphes, etc.) 2) Organiser et synthétiser des informations – décrire et mettre en récit une situation historique ou géographique – réaliser des cartes, croquis et schémas cartographiques, des organigrammes, des diagrammes et schémas fléchés, des graphes de différents types (évolution, répartition) – rédiger un texte ou présenter à l’oral un exposé construit et argumenté en utilisant le vocabulaire historique et géographique spécifique – lire un document (un texte ou une carte) et en exprimer oralement ou par écrit les idées clés, les parties ou composantes essentielles ; passer de la carte au croquis, de l’observation à la description 3) Utiliser les TIC – ordinateurs, logiciels, tableaux numériques ou tablettes graphiques pour rédiger des textes, confectionner des cartes, croquis et graphes, des montages documentaires III- Maîtriser des méthodes de travail personnel 1) Développer son expression personnelle et son sens critique – utiliser de manière critique les moteurs de recherche et les ressources en ligne (internet, intranet de l’établissement, blogs) – développer un discours oral ou écrit construit et argumenté, le confronter à d’autres points de vue – participer à la progression du cours en intervenant à la demande du professeur ou en sollicitant des éclairages ou explications si nécessaire 2) Préparer et organiser son travail de manière autonome – prendre des notes, faire des fiches de révision, mémoriser les cours (plans, notions et idées clés, faits essentiels, repères chronologiques et spatiaux, documents patrimoniaux) – mener à bien une recherche individuelle ou au sein d’un groupe ; prendre part à une production collective – utiliser le manuel comme outil de lecture complémentaire du cours, pour préparer le cours ou en approfondir des aspects © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 5 Programme d’histoire Regards historiques sur le monde actuel Introduction • Le programme de terminale S se situe dans la continuité de ceux de seconde et de première. Il en reprend l’organisation thématique déclinée en questions, elles-mêmes abordées à partir d’études précises. Il permet d’acquérir des connaissances et d’approfondir des capacités et des méthodes acquises lors des deux années précédentes, en accordant une grande place à l’organisation du travail autonome et au travail critique sur les sources. Parmi ces dernières, les productions artistiques doivent faire l’objet d’une attention particulière, conformément aux objectifs de l’enseignement de l’histoire des arts. • Ce programme est de nature à préparer les élèves aux exigences de l’enseignement supérieur en leur permettant d’approfondir leur réflexion historique. Le fil conducteur du programme • Le programme propose un éclairage des enjeux majeurs du monde actuel à partir du regard spécifique de l’historien. Afin de faire comprendre d’emblée ce qui caractérise ce regard, le premier thème permet d’éclairer le rapport entre l’histoire et la mémoire. • Les deux thèmes suivants ont été choisis de façon à ce que soient abordés des sujets essentiels à la compréhension du monde actuel. Pour traiter le programme • Les trois thèmes sont déclinés en cinq questions dont la mise en œuvre se fait à partir d’études. Loin de constituer une juxtaposition d’objets singuliers, ces études, choisies en fonction de leur pertinence pour faire comprendre une période et/ou un phénomène historique, doivent être sous-tendues par une problématique et impliquent une mise en perspective par rapport à la question traitée. • Le professeur exerce pleinement sa liberté et sa responsabilité pédagogiques. Il a la possibilité de construire son propre itinéraire en traitant les thèmes dans un ordre différent de celui de leur présentation, à l’exclusion du thème 1 qui doit ouvrir obligatoirement la mise en œuvre du programme. À l’intérieur de chaque thème, les questions peuvent être traitées dans un ordre différent. Programme • Le professeur peut traiter les thèmes et les questions dans un ordre différent de celui de leur présentation, à l’exclusion du thème 1 qui ouvre obligatoirement la mise en œuvre du programme. 6 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Programme d’histoire Regards historiques sur le monde actuel Thème I introductif L e rapport des sociétés à leur passé (4-5 heures) Questions Mise en œuvre Chapitres Les mémoires : lecture historique Une étude au choix parmi les deux suivantes : • L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France ; • L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie. Chapitre 1 p. 8 Chapitre 2 p. 20 Thème II G randes puissances et conflits dans le monde depuis 1945 (14-15 heures) Questions Mise en œuvre Chapitres Les chemins de la puissance • Les États-Unis et le monde depuis 1945. • La Chine et le monde depuis 1949. Chapitre 3 p. 32 Chapitre 4 p. 47 Un foyer de conflits • Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Chapitre 5 p. 61 Thème III L es échelles de gouvernement dans le monde (11-12 heures) Questions Mise en œuvre Chapitres L’échelle de l’État-nation • Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique. Chapitre 6 p. 76 L’échelle continentale • Une gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht. Chapitre 7 p. 89 L’échelle mondiale • La gouvernance économique mondiale depuis le sommet du G6 de 1975. Chapitre 8 p. 101 En histoire comme en géographie, le programme est conçu pour être traité dans un horaire annuel de 29 à 32 heures. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 7 CHAPITRE 1 L’historien et les mémoires p. 12-39 de la Seconde Guerre mondiale en France ➥ Quel rôle les historiens ont-ils joué dans l’évolution des mémoires de la Seconde Guerre mondiale ? Commentaires du programme Le programme demande de faire une lecture historique des mémoires en France – celle de la Seconde Guerre mondiale ou celle de la guerre d’Algérie – en 4 à 5 heures. Il ne s’agit ici ni de faire l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, étudiée en troisième et en première, ni de l’escamoter complètement, tout en respectant le faible temps imparti. La double page Contexte & Repères (p. 14 et 15) et les deux cours (p. 18 à 21) permettent, en guise de rappel, de brosser l’essentiel de la chronologie de la Seconde Guerre mondiale en France, et de présenter rapidement ses conséquences politiques, le travail des historiens et les enjeux mémoriels. Si les cours reviennent sur les faits, les acteurs, les moments majeurs de l’évolution de la mémoire de la Seconde Guerre en France, les dossiers s’appuient sur le travail des historiens pour démontrer l’évolution des mémoires particulières et de leur étude. Face au traumatisme qu’a représenté la défaite de 1940, la division des Français entre Résistance, collaboration et attentisme, et les différentes expressions de la victoire dans la population, notamment par l’épuration (p. 22), la mémoire de la Seconde Guerre mondiale en France a d’abord mis en avant des figures héroïques susceptibles de rassembler, autour de la victoire, l’idée que la France se fait d’elle-même. Mais gaullistes et communistes s’opposent quant à la portée de la victoire (p. 24). La première époque mémorielle est celle de l’État résistant, de la France à Londres, autour de la figure du général de Gaulle. Cette époque connaît son apogée dans la cérémonie du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. Face à cette mémoire officielle, des mémoires particulières naissent, sont héroïsées ou bannies de l’histoire d’État. D’abord les soldats – vaincus en 1940 – ont pu se reconnaître en partie dans la figure du maréchal Pétain. Les « Malgré-Nous » d’Alsace et de Moselle (p. 19) sont le symbole de cette France déchirée entre deux mémoires territorialisées : celles des régions sous le contrôle total du Reich (Alsace, Moselle, Nord), celle des régions occu- pées dès 1940 (zone Nord), celle enfin des régions vivant dans l’apparence d’un semblant d’État (zone Sud) jusqu’à l’invasion de novembre 1942. Les mémoires des résistances sont complexes. Officiellement elles sont unies sous le drapeau gaulliste de la France libre, en réalité bien plus concurrentielles, d’où la difficulté rencontrée par les acteurs de faire l’histoire de cette période sans provoquer de polémiques. Ces polémiques tiennent d’abord au rôle de l’État. Quel est l’État ? Selon de Gaulle, la France libre. Selon les partisans de la collaboration, c’est la figure du maréchal Pétain. Selon les historiens, la question se pose moins de savoir quel est l’État que de comprendre comment la IVe et la Ve République ont d’abord choisi de commémorer une France unanimement combattante et résistante, jusqu’à ce que le travail des historiens, les procès et les scandales ne poussent à la reconnaissance, par le président Jacques Chirac, des crimes de l’État français (p. 26). L’évolution de l’histoire et de la mémoire du maréchal Pétain offre un exemple des silences mémoriels progressivement déchirés par le travail historique (p. 30). Enfin, une mémoire d’abord mal entendue, puis extirpée des silences par le travail des historiens, les procès, et la demande de l’opinion publique, s’exprime avec plus de force au fil des ans : la mémoire de la Shoah (p. 28), notamment par la question de la responsabilité des institutions françaises (la police, la justice) qui ont participé, sous contrôle allemand, à l’organisation de la déportation des Juifs de France. L’histoire de la déportation, dans un premier temps centrée sur la déportation politique et résistante, devient surtout celle de l’extermination des Juifs de France. Se pose pour la démarche historique une question fondamentale – mise en exergue en page débat (p. 32) : « l’historien peut-il écrire l’histoire de son époque ? » Si la réponse est bien entendu et bien heureusement positive, elle interroge le rôle des sources orales, la question de la mémoire de celui qui écrit, et la question du témoignage des différents acteurs. Liens vers d’autres chapitres du manuel • Chapitre 2 : un parallèle sur les polémiques qui entourent les commémorations peut être fait avec la date de commémoration de la fin de la guerre d’Algérie (Débat, p. 58). • Chapitre 6 : sur la reconstruction de la France en 1945 (Étude, p.176) 8 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Ressources numériques liées au chapitre Vidéo et fiche d’activités L e discours d’André Malraux lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon Carte interactive et fond de carte La France entre 1940 et 1945 Fiche d’exploitation de site Internet Le mémorial de la Shoah Frise modifiable L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France Bibliographie du chapitre • Jean-Pierre Azéma (dir.), Jean Moulin face à l’Histoire, Flammarion, 2004. Un ouvrage sur les conflits mémoriels liés au personnage de Jean Moulin. • Jean-Pierre Azéma et Olivier Wieviorka, Vichy 1940-1944, Perrin, 1997. Une somme historique sur la période de la Seconde Guerre mondiale. • Marc Bloch, L’Étrange défaite, éditions Gallimard, 1990 (1re éd. 1946). Un récit sur le vif de la défaite de 1940, par un historien. • Éric Conan et Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Fayard, 1994. Un retour historique sur l’impossibilité, durant plusieurs décennies, d’écrire une histoire sereine de Vichy. • Daniel Cordier, Jean Moulin. L’Inconnu du Panthéon, 3 vol., Jean-Claude Lattès, 1989-1993. La somme historique sur l’histoire de Jean Moulin, écrite par son ancien secrétaire particulier. • Daniel Cordier, Jean Moulin. La République des catacombes, éditions Gallimard, 1999. • Daniel Cordier, Alias Caracalla, éditions Gallimard, 2009. Les mémoires de Daniel Cordier, de son enfance à la disparition de Jean Moulin. • Laurent Douzou, La Résistance française, une histoire périlleuse, Le Seuil, 2005. Un essai réflexif sur l’histoire de la Résistance. • Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, trad. M.-F. de Paloméra, Fayard, 1988. Le travail d’un historien américain sur le génocide. • Pierre Laborie, Le Chagrin et le Venin : la France sous l’Occupation, mémoire et idées reçues, Bayard, 2011. Un éclairage sur les débats mémoriels qui ont agité la France. • Michael R. Marrus et Robert Paxton, Vichy et les Juifs, trad. M. Delmotte, Calmann Levy, 1981. Un travail franco-américain sur la politique juive de Vichy. • Johann Michel, Gouverner les mémoires, les politiques mémorielles en France, PUF, 2010. Un ouvrage – qui ne traite pas seulement de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale – qui éclaire l’évolution des politiques mémorielles de l’État depuis la Libération. • Robert Paxton, La France de Vichy 1940-1944, trad. C. Bertrand, Le Seuil, 1997 (1re éd. 1972). Le premier ouvrage à avoir « brisé le miroir » et, pour la première fois, montré le rôle actif de l’administration et du gouvernement de Vichy dans la collaboration et la déportation des Juifs de France. • Pierre Péan, Une Jeunesse française. François Mitterrand 1934-1947, Fayard, 1994. Le livre qui a provoqué la polémique sur le passé de François Mitterrand, alors président de la République, en révélant sa participation à l’administration vichyste durant la guerre. • Henry Rousso, Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, éditions Gallimard, 2001. Une réflexion historique sur l’évolution de la mémoire de Vichy et son rapport à l’histoire. • Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy, Le Seuil, 1990. Un ouvrage sur la difficulté à étudier Vichy. • Jean-Noël Jeanneney et Jean-François Sirinelli (dir.), Les Troubles de la mémoire française 1940-1962, actes du colloque du 10 décembre 2010, Sénat. Un colloque sur la difficulté à apaiser la mémoire de la guerre dans l’immédiat après-guerre. • Simone Veil, Une Vie, Stock, 2007. Un récit autobiographique, dont une part est consacrée au récit de la déportation et du retour en France en 1945. • Bénédicte Vergez-Chaignon, Histoire de l’épuration, Larousse, 2010. Un ouvrage complet sur l’histoire de l’épuration, qu’elle soit extra-judiciaire ou légale. • Bénédicte Vergez-Chaignon, Les Vichysto-résistants de 1940 à nos jours, Perrin, 2008. Le premier ouvrage de synthèse sur ceux, qui, tout en prenant part à des activités de résistants, ont aussi collaboré à l’administration de la France de Vichy. • Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire, La Découverte, 1987. Le premier ouvrage sur le négationnisme. • Annette Wieviorka, L’Ère du témoin, Plon, 1998. Un ouvrage réflexif sur la place du témoignage dans l’écriture de l’histoire. • Olivier Wieviorka, La Mémoire désunie, le souvenir politique des années sombres, de la Libération à nos jours, Le Seuil, 2010. Un ouvrage sur la mémoire de la France de Vichy et sur son évolution. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 9 Utiliser le manuel Document iconographique (p. 12) En 1956, le film Nuit et Brouillard d’Alain Resnais décrit le fonctionnement de la déportation et de la destruction des Juifs d’Europe. Sélectionné au festival de Cannes, ce documentaire au rythme lent utilise exclusivement des images d’archives, dont cette photographie. On y voit un gendarme français observant l’intérieur du camp de Beaune-la-Rolande (et non de Pithiviers, comme on l’a longtemps cru) – mettant en cause par là, avec force, la responsabilité de la police, de la gendarmerie, de la justice et de l’administration française (nous sommes en zone Nord) dans l’arrestation et la déportation des Juifs de France, et donc les complicités françaises dans les crimes contre l’humanité. Pour diffuser son documentaire, Alain Resnais a subi la censure et dû cacher le képi du gendarme par une poutre de bois ajoutée en surimpression. Contextes & Repères Les mémoires de la Seconde Guerre mondiale (p. 14) Cette double page a pour objectif de permettre une remise en contexte rapide des mémoires de la Seconde Guerre mondiale. Elle peut être à la fois un outil de mise en œuvre du programme ou un outil de révision : on peut se référer à un document en particulier ou bien au contraire utiliser la double page dans son ensemble. Six « temps forts » chronologiques ont été retenus, un sur l’événement lui-même (la Seconde Guerre mondiale), les suivants sur l’évolution de ses mémoires, du temps du résistancialisme triomphant jusqu’à l’expression mémorielle la plus récente. Les documents iconographiques choisis l’ont été dans un souci de variété. Un certain nombre de couvertures d’ouvrages historiques figurent sur cette page, la place tenue par les historiens dans cette étude étant centrale. Le dernier document, une affiche annonçant les commémorations de janvier 2014 à la mémoire des déportés, peut faire l’objet, malgré son petit format, d’une étude particulière. On y voit que cette journée, qui mobilise de nombreux acteurs, est placée sous le patronage de l’État (deux ministres), ce qui permet de travailler sur la place particulière de la déportation dans la politique mémorielle de l’État. Cartes Les lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale (p. 16) Les cartes présentées permettent de mettre en avant l’évolution mémorielle de la Seconde Guerre mondiale en France au travers de l’implantation des différents lieux de mémoire. Elles permettent aussi de recenser le « type » de mémoire célébrée dans ces monuments. 10 La confrontation entre les deux cartes – avant 1973 et après 1973 – permet de montrer l’évolution mémorielle majeure : on passe d’une commémoration massive des actes de résistance (qu’elle soit combattante ou martyre) [carte 1], à une prédominance de la mémoire de la déportation (et des Justes de France) [carte 2]. La localisation des lieux de mémoire peut aussi faire l’objet d’une étude : la plupart des monuments sont implantés sur les lieux même de l’événement commémoré (monuments aux fusillés, monuments dans les maquis, monuments commémorant le débarquement…). Certaines mémoires, qu’on peut qualifier de « locales », trouvent, après 1973, un certain renouveau : la mémoire des Malgré-Nous, la mémoire des résistants espagnols, la mémoire des enfants d’Izieu…. Ressources numériques Fond de carte et carte interactive En complément des cartes des lieux de mémoire, vous pouvez trouver dans le manuel interactif une carte de la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle permet de visualiser les zones occupées, les grands maquis et les débarquements (Normandie et Provence) et donc de faire des rappels sur la période de la guerre. Cours 1 La mémoire résistante (1944-années 1970) (p. 18) ➥ Comment se construit, dès la Libération, une mémoire sélective de la Seconde Guerre mondiale en France ? Ce qu’il faut savoir Cette leçon permet de montrer comment, dès la Libération, une volonté de gommer les divergences d’attitude des Français pendant la Seconde Guerre mondiale se met en place à l’initiative du général de Gaulle (doc. 1) : la Résistance présente un visage héroïque et uni, tandis que les quelques traîtres collaborateurs sont jugés et condamnés (doc. 2 et étude 1). La spécificité de la mémoire juive est niée, tous les déportés étant assimilés (doc. 3). Certains conflits mémoriels apparaissent (doc. 4). De grandes cérémonies illustrent cette politique mémorielle résistancialiste (transfert des cendres de Jean Moulin, 1964, étude 2). Réponses aux questions Doc. 1 > En 1944, de Gaulle fait le choix de dresser le portrait d’une France diverse (premier paragraphe) mais unie, « sincère, fraternelle », dans la reconstruction du pays. Il désigne comme traitres une « poignée de misérables et d’indignes » en promettant que justice sera faite, et considère que, pour les autres, toute collusion avec le régime de Vichy était le résultat du « mensonge », ou du « découragement ». © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Doc. 2 > Cet extrait du réquisitoire contre Pétain lors de son procès en 1945 s’attaque à l’argument principal défendu par ce dernier : Pétain prétend avoir été un « bouclier » entre l’Allemagne nazie et le peuple français, et avoir cédé à l’ennemi pour mieux protéger les Français. L’accusation remet en cause cet argument en montrant que dans les pays où l’État a refusé de collaborer, la situation du peuple n’a pas été pire que celle qu’ont connu les Français, chiffres à l’appui. Doc. 3 > L’affiche a pour objectif d’unir les mémoires des déportations, qu’elles soient du travail (STO), de guerre ou raciale. Doc. 4 > Le verdict de Bordeaux, qui conclut à la culpabilité de treize Malgré-Nous qui ont participé au massacre d’Oradour-sur-Glane, est très mal accueilli en Alsace : en effet ces jeunes hommes ont été enrôlés de force dans l’armée nazie. Pour les Alsaciens, les Malgré-Nous sont donc des victimes. Activité numérique complémentaire Affiches de 1945 et 1946 Dans le manuel interactif, en vidéoprojection, vous pouvez utiliser l’outil de comparaison des documents pour confronter les affiches des pages 19 (doc. 3) et 39 (sujet Bac). Bibliographie • Laurent Douzou, La Résistance française, une histoire périlleuse, Le Seuil, 2005. Un essai réflexif sur l’histoire de la Résistance. • B énédicte Vergez-Chaignon, Histoire de l’épuration, Larousse, 2010. Un ouvrage complet sur l’histoire de l’épuration, qu’elle soit extra-judiciaire ou légale. • Olivier Wieviorka, La Mémoire désunie, le souvenir politique des années sombres, de la Libération à nos jours, Le Seuil, 2010. Un ouvrage sur la mémoire de la France de Vichy et sur son évolution. Cours 2 Les mémoires face à l’Histoire (depuis 1973) (p. 20) ➥ Comment les mémoires de la Seconde Guerre mondiale se transforment-elles depuis les années 1970 ? Ce qu’il faut savoir La diffusion d’un documentaire, Le Chagrin et la Pitié (doc. 1), et la publication de l’ouvrage de l’historien américain Robert Paxton, La France de Vichy (doc. 3), bouleverse l’histoire de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale en France. S’appuyant sur des archives pour l’essentiel allemandes, R. Paxton montre la participation active de Vichy à l’ordre nazi, et en particulier à la déportation des Juifs de France, tandis que le documentaire de Max Ophüls montre la vie quotidienne sous l’Occupation, et déconstruit l’image d’une France unanimement résistante. Des mémoires plurielles émergent alors, en particulier la mémoire juive, qui se renforce grâce aux nombreuses prises de paroles des survivants. Des procès sont organisés contre les criminels de guerre encore en vie, et des polémiques naissent sur le comportement parfois ambigu de certains hommes politiques sous le régime de Vichy. Le devoir de mémoire s’impose alors, et la politique mémorielle de l’État, après la reconnaissance de la part prise par Vichy dans la déportation des Juifs de France, se modifie (doc. 2 et 4). Cette politique mémorielle n’est pas exempte de polémique, comme en témoigne le conflit mémoriel autour de la lecture de la lettre d’adieu de Guy Môquet en 2007. Réponses aux questions Doc. 1 > L’Occupation est représentée comme une période sombre : inscription en allemand sur les monuments français, soldats de la Wehrmacht dans les rues, etc. On voit des affiches incitant les Français à s’engager dans l’armée d’occupation, et les résistants sont désignés par des affiches comme responsables du sort du peuple. Doc. 2 > Les Justes sont les Français qui ont sauvé des Juifs, leur évitant la déportation. Ces actions étaient très lourdement punies, par la déportation ou la mort. À ce titre, ils sont des résistants, puisqu’ils ont refusé de se soumettre à l’ordre nazi. Doc. 3 > Robert Paxton s’est appuyé sur des archives allemandes, transférées aux États-Unis lors de la Libération. En effet en France, la fermeture des archives entravait tout travail historique. Bibliographie • Johann Michel, Gouverner les mémoires, les politiques mémorielles en France, PUF, 2010. Un ouvrage – qui ne traite pas seulement de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale – qui éclaire l’évolution des politiques mémorielles de l’État depuis la Libération. • Robert Paxton, La France de Vichy 1940-1944, trad. C. Bertrand, Le Seuil, 1997 (1re éd. 1972). Le premier ouvrage à avoir « brisé le miroir » et, pour la première fois, montré le rôle actif de l’administration et du gouvernement de Vichy dans la collaboration et la déportation des Juifs de France. • Henry Rousso, Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, éditions Gallimard, 2001. Une réflexion historique sur l’évolution de la mémoire de Vichy et son rapport à l’histoire. • Bénédicte Vergez-Chaignon, Les Vichysto-résistants de 1940 à nos jours, Perrin, 2008. Le premier ouvrage de synthèse sur ceux, qui, tout en prenant part à des activités de résistants, ont aussi collaboré à l’administration de la France de Vichy. • Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire, La Découverte, 1987. Le premier ouvrage sur le négationnisme. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 11 Étude 1 L’épuration (p. 22) ➥ Quels sont les effets de l’épuration en France ? Ce qu’il faut savoir Cette étude permet d’analyser les deux temps de l’épuration, l’épuration extrajudiciaire (« sauvage ») qui débute dès la libération du territoire (doc. 1) et dont les débordements suscitent des réactions (doc. 2), puis l’épuration légale mise en place par le Gouvernement provisoire de la République française en 1944. Cette épuration montre l’intensité des tensions qui parcourent la France, et semble avoir des vocations multiples (doc. 4). Les procès de Pierre Laval et de Philippe Pétain (doc. 3) sont des temps forts de l’épuration, qui vise ici les plus hauts responsables du régime de Vichy. Réponses aux questions 1. Très vite, à la Libération, l’épuration sauvage, aussi appelée épuration extrajudiciaire, se manifeste spontanément dans les villes et villages libérés, sous la forme de lynchages principalement, parfois après un simulacre de procès. Les femmes soupçonnées de « collaboration horizontale » sont tondues en public. Cette épuration est considérée par Mauriac comme un déni de justice, car elle se produit sans instruction, sans défense, sans procès. Elle est donc contraire à toutes les règles du droit et de la justice. 2. Philippe Pétain, chef de l’État français de 1940 à 1945, et Pierre Laval, chef du gouvernement, sont jugés en 1945 pour collaboration avec l’Allemagne nazie et haute trahison. 3. L’épuration a conduit à l’exécution de quelques 10 000 personnes, dont 9 000 exécutées lors de l’épuration sauvage. Moins de la moitié des personnes jugées ont été condamnées. L’épuration a surtout permis au pays de se reconstruire en éliminant rapidement les éléments considérés comme des collaborateurs avec l’occupant nazi et responsables des difficultés rencontrées par la population française. BAC Vers l’analyse d’un document. L’épuration a commencé de manière spontanée en 1944, lors de la libération du territoire. Très vite, face aux exactions commises, le gouvernement provisoire a organisé l’épuration légale. Mais sur plus de 300 000 dossiers instruits, un peu moins de la moitié ont abouti à un procès, et moins de 800 personnes ont été exécutées. Cette épuration légale a donc finalement eu une portée assez limitée, car une de ses fonctions est d’aider à la reconstruction nationale, et donc de permettre de punir quelques éléments symboliques pour amener la nation à se réconcilier au plus vite. Vers la composition. Durant quatre ans, de 1940 à 1944, la France a connu des « années noires » : le maréchal 12 Pétain, doté des pleins pouvoirs, choisit en 1940 la voie de la capitulation et engage le pays dans la voie de la collaboration avec l’Allemagne nazie. Dès la Libération, une épuration « sauvage » commence, visant les hommes et les femmes accusés de collaboration avec l’ennemi. Rapidement, il apparaît aux membres du gouvernement provisoire que cette situation est dangereuse et qu’il faut rétablir la justice. L’épuration devient alors légale et judiciaire. Sur les quelques 300 000 dossiers instruits, 127 000 donneront lieu à un procès, la moitié se soldant par une condamnation. Car l’enjeu principal de l’épuration légale, bien au-delà de la seule punition des coupables de collaboration, est la réconciliation nationale : il s’agit de punir rapidement quelques coupables, pour entamer au plus vite la reconstruction de la nation. On peut donc considérer qu’en châtiant quelques collaborateurs pour l’exemple, l’épuration a participé à l’élaboration du mythe résistancialiste : la France a été unanimement résistante, à l’exception de ces quelques traîtres. Bibliographie • Bénédicte Vergez-Chaignon, Histoire de l’épuration, Larousse, 2010. Un ouvrage complet sur l’histoire de l’épuration, qu’elle soit extra-judiciaire ou légale. Étude 2 Les mémoires de la Résistance (p. 24) ➥ Comment la mémoire gaulliste entre-t-elle en conflit avec la mémoire communiste ? Ce qu’il faut savoir Cette étude est centrée sur la guerre des mémoires que se livrent les communistes et les gaullistes après la Libération. D’abord unis au sein du gouvernement provisoire, forts de leur participation à la Résistance, ils élaborent de concert le mythe résistancialiste. Mais en 1947 les débuts de la guerre froide ont pour effet une bipolarisation mémorielle : chaque camp estime être l’incarnation la plus légitime de la Résistance (doc. 1, 2 et 3). Très vite, les gaullistes et les communistes s’affrontent, cherchant parfois à « récupérer » certains héros de la Résistance, comme par exemple Jean Moulin (doc. 4). Ressources numériques Vidéo et fiche d’activités Le 19 décembre 1964, André Malraux, ministre d’État chargé des affaires culturelles, prononce un hommage à Jean Moulin, héros de la Résistance, lors de l’entrée des cendres de ce dernier au Panthéon. Le discours est retransmis à la télévision et diffusé dans les lycées français. Une fiche d’activités accompagne la vidéo et permet notamment de faire travailler les élèves sur les figures du gaullisme présentes lors de cette cérémonie. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Réponses aux questions 1. Le Parti communiste présente l’action de ses membres dans la Résistance sous un jour héroïque : nombreux sont ceux qui ont été exécutés par les nazis. Le PCF se baptise donc « parti des fusillés », dès octobre 1945. Il revendique alors 75 000 fusillés. 2. Cet article insiste sur le pacte germano-soviétique de 1939 qui explique l’entrée considérée comme tardive des communistes dans la Résistance (1942). Les gaullistes estiment que les chefs du PCF utilisent les martyrs de la Résistance pour mieux s’imposer dans la vie politique. 3. Ces extraits du discours d’André Malraux, prononcé à l’occasion du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon en 1964, est l’occasion de présenter une vision unie de la Résistance. En effet Malraux rappelle la pluralité politique de la Résistance, qui regroupe des « mouvements », « partis » et « syndicats » pluriels. Résistants intérieurs, armée de la France libre, communistes, gaullistes, tous choisissent en 1942 de s’unir sous les ordres du général de Gaulle. La figure de Jean Moulin, héros martyr de la Résistance, homme de gauche convaincu, initiateur de programme du Conseil national de la Résistance, mais aussi missionné par de Gaulle pour unifier la Résistance intérieure, est donc une figure qui permet d’unir les mémoires gaullistes et communistes. BAC Vers l’analyse de documents. Les gaullistes et le Parti communiste représentent les deux principales forces numériques de la Libération. Unis dans le combat contre l’Allemagne nazie après 1941, puis dans le combat pour la reconstruction de la France à la Libération, ils s’affrontent à partir de 1947, chacun prétendant être l’incarnation la plus légitime de la Résistance pour mieux asseoir leur influence politique dans la France de l’après-guerre. En effet les débuts de la guerre froide marquent la fin de cette union ; le PCF quitte le gouvernement et devient une force d’opposition. Mais, dans une France résistancialiste, qui vit dans le culte des héros et des martyrs, les gaullistes et les communistes cherchent à utiliser leurs faits de résistance et leurs martyrs pour valoriser leur camp, et, parfois, à amoindrir les actions du camp adverse. Vers la composition. Unis dans le combat contre l’Allemagne nazie, les gaullistes et les communistes le sont aussi au sein du gouvernement provisoire, et entament ensemble la reconstruction de la France. Mais, dès 1947, cette alliance se fissure : la guerre froide commence, chaque camp se structure et le temps des grandes alliances est révolu. En effet Moscou demande aux partis communistes de se retirer des gouvernements et de constituer une opposition. La référence à la Résistance se politise alors car elle permet d’accroître la légitimité de chaque mouvement. Dès lors, de ces tensions politiques, résultent des enjeux mémoriels, chaque camp cherchant à valoriser « ses » martyrs. Bibliographie • Jean-Pierre Azéma (dir.), Jean Moulin face à l’Histoire, Flammarion, 2004. Sur les conflits mémoriels liés au personnage de Jean Moulin. • Daniel Cordier, Jean Moulin. L’Inconnu du Panthéon, 3 vol., Jean- Claude Lattès, 1989-1993. La somme historique sur l’histoire de Jean Moulin, écrite par son ancien secrétaire particulier. • Daniel Cordier, Jean Moulin. La République des catacombes, éditions Gallimard, 1999. • Laurent Douzou, La Résistance française, une histoire périlleuse, Le Seuil, 2005. Un essai réflexif sur l’histoire de la Résistance. Étude 3 L’État face aux crimes de Vichy (p. 26) ➥ Comment expliquer que la France n’ait que tardivement reconnu les crimes de l’État sous Vichy ? Ce qu’il faut savoir La France de Vichy est au cœur d’un conflit mémoriel : quel rôle a-t-elle tenu dans l’ordre nazi ? Quelle part a-t-elle prise dans la déportation (doc. 1), dans la lutte contre la Résistance ? Dès la Libération, de Gaulle, soucieux de rétablir au plus vite la légalité républicaine, impose une lecture résistancialiste des années noires et considère Vichy comme une parenthèse (doc. 2). Il ne peut donc être question, pour lui comme pour ses successeurs (doc. 3), de reconnaître la responsabilité de l’État dans les crimes de Vichy, malgré les pressions croissantes des opinions publiques. Il faut donc attendre 1995 pour que Jacques Chirac reconnaisse cette responsabilité (doc. 4), ce qui engage alors la France dans un travail de mémoire autant que d’histoire. Dans les années 1980 et 1990, des dossiers de collaboration sont instruits, des procès se tiennent (doc. 5). Réponses aux questions 1. Dès octobre 1940, le gouvernement de Vichy édicte un statut des Juifs : exclus de nombreux métiers, ils sont obligés de porter un signe distinctif, l’étoile jaune. Certains lieux leur sont interdits. Cette législation est la première étape vers la déportation des Juifs de France. 2. Les actes de Vichy sont considérés comme n’ayant pas d’existence légale, car l’ordonnance du 9 août 1944 stipule que le gouvernement était « de fait » et non de droit, n’ayant pas obtenu de mandat républicain pour gouverner en 1940 : le gouvernement de Vichy constitue une parenthèse dans l’histoire de la République française, un gouvernement d’usurpation « se disant “gouvernement de l’État français” », un gouvernement « qui n’était pas la République ». 3. Pompidou, face à la controverse suscitée par la grâce partielle accordée à Paul Touvier en 1971, répond que © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 13 « le temps de l’oubli » doit venir, qu’il faut « jeter un voile » sur cette partie de l’histoire de France. Il s’inscrit ainsi comme l’héritier de De Gaulle. Mais, au début des années 1970, l’opinion publique a évolué, et elle souhaite que les collaborateurs soient justement châtiés. Peu à peu, le « miroir se brise » sur les réalités de la France de Vichy. 4. Les années 1990 sont un profond tournant mémoriel : en 1995 Jacques Chirac, président de la République, reconnaît les crimes de l’État français. Plusieurs polémiques et procès marquent cette période (fleurissement de la tombe de Pétain par Mitterrand, procès Touvier, procès Papon…). Ce tournant s’explique par plusieurs facteurs : – l’éloignement temporel de la Seconde Guerre mondiale (50 ans) ; – la disparition de nombreux acteurs de cette période, et un changement de génération dans le personnel politique, désormais trop jeune pour avoir participé à la Seconde Guerre mondiale et plus éloigné de la figure de De Gaulle ; – le travail des historiens, qui, après Robert Paxton en 1972, ont travaillé à l’écriture de l’histoire de cette période, grâce à l’ouverture d’une partie des archives ; – le poids de l’opinion publique, sensible aux polémiques des années 1980 et du début des années 1990. Bibliographie • Éric Conan et Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Fayard, 1994. Un retour historique sur l’impossibilité, durant plusieurs décennies, d’écrire une histoire sereine de Vichy. • Pierre Laborie, Le Chagrin et le Venin : la France sous l’Occupation, mémoire et idées reçues, Bayard, 2011. Un éclairage sur les débats mémoriels qui ont agité la France sur le sujet des années noires. • Johann Michel, Gouverner les mémoires, les politiques mémorielles en France, PUF, 2010. Un ouvrage – qui ne traite pas seulement de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale – qui éclaire l’évolution des politiques mémorielles de l’État depuis la Libération. • Henry Rousso, Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, éditions Gallimard, 2001. Une réflexion historique sur l’évolution de la mémoire de Vichy et son rapport à l’histoire. • Olivier Wieviorka, La Mémoire désunie, le souvenir politique des années sombres, de la Libération à nos jours, Le Seuil, 2010. Un ouvrage sur la mémoire de la France de Vichy et sur son évolution. Étude 4 Histoire et mémoire de la Shoah en France BAC Vers l’analyse de documents. Le discours prononcé par Jacques Chirac, alors président de la République française, le 16 juillet 1995, marque un tournant dans la politique mémorielle de l’État. En effet, dès 1944, de Gaulle avait choisi de faire de Vichy une parenthèse de l’histoire de France. « Vichy, ce n’était pas la France » déclare le président Mitterrand dans les années 1980. Mais l’éloignement temporel de la guerre et le renouvellement des générations conduit le président Jacques Chirac à reconnaître les crimes de l’État français : « oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français ». Vers la composition. Dans l’immédiat après-guerre, le Gouvernement provisoire de la République française choisit de faire de Vichy une parenthèse : il qualifie ainsi le gouvernement du maréchal Pétain « d’autorité de fait » et non de droit. Cette volonté d’oubli conduit, sous la IVe République et durant les premières décennies de la Ve République, à nier l’existence des crimes de l’État français, celui-ci n’étant pas reconnu comme légal. Dans les années 1980, grâce au travail des historiens mais aussi du fait des nombreuses polémiques nées du développement des thèses négationnistes et des découvertes sur le passé de certains hommes politiques de premier plan (dont François Mitterrand), des avancées décisives se produisent quant à l’écriture de l’Histoire. En 1995, Jacques Chirac, qui vient d’être élu président de la République, reconnait solennellement, 14 à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv, la responsabilité du gouvernement français dans la déportation des Juifs de France. (p. 28) ➥ Comment une mémoire de la Shoah émerget-elle progressivement en France ? Ce qu’il faut savoir La mémoire de la Shoah a longtemps été tue : dès le retour des camps, les déportés raciaux sont assimilés aux autres déportés. La reconstruction ne libère pas la parole des victimes, et c’est le procès Eichmann d’abord (1961), puis la très vive émotion suscitée par l’exposition de thèses négationnistes dans les années 1970, qui confèrent une place prépondérante à la mémoire de la Shoah dans les mémoires de la Seconde Guerre mondiale. Cette étude montre cette évolution en étudiant les moments clés de l’éveil et de l’affirmation de cette mémoire. Ressources numériques Fiche d’exploitation de site Internet La fiche d’activités proposée permet une exploration du site du mémorial de la Shoah, en se concentrant en particulier sur certains acteurs impliqués dans la déportation des Juifs et sur la résistance juive. Réponses aux questions 1. Ces procès se sont tenus, dans les années 1980 et 1990, pour répondre à l’exigence de justice de la population, et en particulier des rescapés ou des enfants de déportés. Le procès d’Adolf Eichmann, qui se tient en 1961 à Jérusalem, permet à la mémoire de la déportation raciale © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur de susciter un véritable intérêt médiatique. Les travaux des historiens, après la publication par Robert Paxton de La France de Vichy, permettent de mieux comprendre le rôle joué par des Français, membres de l’administration de Pétain, dans la déportation des Juifs de France. 2. Dès la Libération et le retour des rescapés des camps, la mémoire juive s’est heurtée à un « mur d’indifférence ». En effet, selon Simone Veil, les déportés raciaux n’étaient pas conviés à s’exprimer, au contraire des déportés politiques. Le pays, à reconstruire, préférait fêter ses héros. Les témoignages des rescapés n’ont donc pas été recueillis, ou rarement. La pluralité des sources a aussi pu poser problème dans le travail des historiens sur la déportation. En effet, les archives doivent être étudiées à toutes les échelles et dans toutes les institutions. Le recours aux archives allemandes, et parfois américaines, est également nécessaire, comme le prouve le travail de Robert Paxton. 3. Le mémorial de la Shoah a été ouvert en 2005 à Paris. Il est un lieu de mémoire fondamental de la déportation des Juifs de France, puisque le nom des 76 000 Juifs déportés y ont été gravés. Ce mémorial est aussi un outil de lutte contre le négationnisme qui émerge dans les années 1970 et qui nie la réalité même du génocide. BAC sions publiques des thèses négationnistes, qui visent à remettre en cause l’existence même des camps de la mort, renforce ce sursaut mémoriel. Peu à peu, la mémoire du génocide s’affirme, et devient même, à partir des années 1980, la forme de mémoire la plus commémorée par l’État, que ce soit sous la forme monumentale (Mémorial de la Shoah, 2005) ou sous des formes plus ponctuelles (plaques sur les écoles, journées du souvenir, etc.). Bibliographie • Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, trad. M.-F. de Paloméra, Fayard, 1988. Le travail d’un historien américain sur le génocide. • Simone Veil, Une Vie, Stock, 2007. Un récit autobiographique, dont une part est consacrée au récit de la déportation et du retour en France en 1945. •P ierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire, La Découverte, 1987. Le premier ouvrage sur le négationnisme. Étude 5 Les historiens face au rôle du maréchal Pétain (p. 30) ➥ Comment le rôle de Pétain durant la Seconde Guerre mondiale a-t-il été analysé par les historiens ? Ce qu’il faut savoir Vers l’analyse de documents. L’histoire de la Shoah s’est beaucoup appuyée sur la force du témoignage : déjà pendant la guerre, les habitants des ghettos, les déportés ont cherché à laisser une trace. Certaines de ces traces nous sont parvenues. Les survivants de la Shoah ont été sollicités, mais tardivement (doc. 1), en tant que témoins, pour raconter, pour « rendre tangible ce qui s’est passé ». Les historiens se fondent aussi sur un méticuleux travail d’exploration des archives. C’est ainsi que Beate et Serge Klarsfeld, pour mieux pourchasser et produire devant la justice les criminels de guerre en fuite, ont adopté une méthode proche de celle de la recherche en Histoire. Dans les années 1970 et 1980, l’expression de thèses négationnistes redonne tout son sens au témoignage : « nous voulons que ces [élèves] soient des témoins, des relais de la mémoire » (doc. 4). Les historiens, mais aussi les cinéastes, à l’image de Claude Lanzmann dans le film Shoah, cherchent à produire un juste récit des événements en se fondant sur les archives publiques et privées. Vers la composition. En 1945, les survivants des camps de la mort, de retour en France, ne trouvent guère d’audience pour raconter leur histoire. Longtemps, la mémoire juive de la déportation est tue, ou assimilée aux autres mémoires de déportés, en particulier les rescapés du STO et les déportés politiques. Il faut attendre le début des années 1970 pour que cette mémoire émerge, à la faveur conjointe du procès, en Israël, d’Adolf Eichmann, qui permet l’expression publique de nombreux témoins, et du travail des historiens sur la Shoah. Dans les années 1970, les premières expres- Cette étude se penche sur l’évolution de l’analyse du rôle de Pétain durant la guerre. Héros de la Première Guerre mondiale, puis chef de l’État français de 1940 à 1944, il engage la France dans la voie de la collaboration avec l’Allemagne nazie. Cette dualité du personnage rend son procès difficile, et conduit à la diffusion, dans les années qui suivent, de la thèse du glaive et du bouclier (doc. 2), faisant de De Gaulle le bras armé de la France tandis que Pétain, lui, aurait cherché à protéger le peuple français des exigences de l’occupant. L’ouverture des archives a permis de démontrer le rôle actif que Pétain a pris dans la collaboration certes, mais aussi dans la répression de la résistance et dans la déportation des Juifs de France (doc. 3 et 4). Réponses aux questions 1. Lors de son procès, durant l’été 1945, Pétain fonde sa défense sur l’idée qu’il aurait fait don de sa personne à la France pour être le « bouclier » protecteur du peuple français, pour le défendre face aux exigences de l’occupant nazi. C’est là le point de départ de la thèse du glaive et du bouclier, bientôt relayée par des historiens et des journalistes, à l’image de Robert Aron. Cette thèse remporte un succès certain, car elle permet de lire l’histoire de la France durant la Seconde Guerre mondiale sous un jour presque unanimement héroïque, en rendant les seuls Allemands responsables. Elle accrédite donc le résistancialisme gaulliste. 2. Robert Paxton a publié en 1972 La France de Vichy, livre dans lequel il démontre que le gouvernement de Vichy s’engage dès 1940 dans une collaboration active © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 15 avec l’Allemagne nazie : ainsi c’est ce gouvernement, sous l’autorité de Pétain et de Laval, qui insiste pour coopérer à la déportation des Juifs de France. Mais lorsqu’il rédige cet ouvrage, seules les archives américaines et allemandes (conservées aux États-Unis) sont accessibles. À partir de 1981, l’ouverture partielle des archives françaises permet de nuancer l’attitude de la population face à la politique de collaboration menée par son gouvernement : malgré le prestige du maréchal, très tôt l’opinion publique semble très réservée à l’égard de cette politique. 3. Ce document, rendu public en 2010, révèle le rôle actif joué par Pétain dans l’élaboration du statut des Juifs d’octobre 1940 : de nombreuses modifications sont demandées par Pétain, toutes dans le sens d’une aggravation des mesures discriminantes à l’égard des populations juives. Le document est d’ailleurs annoté à la main par Pétain lui-même. Les historiens savent désormais que, loin d’être un vieux monsieur soucieux du sort des Français, et s’offrant en « bouclier » protecteur, Pétain a choisi la voie d’une collaboration active avec l’Allemagne d’Hitler. Bibliographie •R obert Paxton, La France de Vichy 1940-1944, trad. C. Bertrand, Le Seuil, 1997 (1re éd. 1972). •H enry Rousso, Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, éditions Gallimard, 2001. Débat Un historien peut-il écrire l’histoire de son époque ? (p. 32) Objet de la confrontation Il s’agit de confronter ici, d’une part, un témoignage d’un historien, Marc Bloch, qui se propose, « à chaud », de raconter la Drôle de guerre et la défaite de 1940, et, d’autre part, les réflexions de Daniel Cordier, résistant, secrétaire de Jean Moulin jusqu’en 1943, évoquant l’impuissance du témoin et de l’historien à faire revivre pleinement l’histoire vécue. Réponses aux questions BAC Le point de vue de Marc Bloch Vers l’analyse de documents. Le travail de l’historien est fondé sur l’exploitation et la confrontation de documents d’archives. Lorsque Robert Aron publie en 1954, avec Georgette Elgey, une Histoire de Vichy, il a seulement accès à des témoignages et aux archives des procès de 1945 : il dresse alors un portrait héroïque du « vieillard chargé d’années » (doc. 2), rejetant la responsabilité de la collaboration sur Laval. Mais l’ouverture des archives à partir de 1979 conduit les historiens à mieux comprendre la collaboration entre la France et l’Allemagne : « rapports de police, […] écoutes téléphoniques, […] contrôle du courrier » (doc. 3) sont par exemple attentivement étudiés. On comprend alors mieux le jugement que la population portait sur son gouvernement. De même, l’étude des archives permet de retrouver les documents dans lesquels Pétain et ses ministres choisissent la voie de la collaboration active, et « insistent en 1942 pour coopérer à la déportation des Juifs vers l’Est » (doc. 3). Vers la composition. La construction, dans l’immédiat après-guerre, du mythe résistancialiste conduit très tôt à voir en Pétain un homme soucieux du sort du pays, et espérant, par la capitulation, sauver la vie de nombreux Français tout en laissant le temps à de Gaulle de rassembler une force militaire suffisante pour libérer le pays. Mais cette thèse du glaive et du bouclier ne survit pas à l’ouverture des fonds d’archives à partir de 1979. Très vite, il apparait aux historiens que Pétain a choisi la voie d’une collaboration active avec l’Allemagne nazie, et qu’il était tout à fait conscient de ce que cette collaboration signifiait, en particulier pour les Juifs de France. 16 Ainsi il a lui-même aggravé les mesures du statut des Juifs d’octobre 1940, destinées à les exclure de la communauté nationale. 1. Marc Bloch adresse son texte aux historiens, « aux chercheurs », qui « trouveront […] quelque profit à feuilleter ce procès-verbal de l’an 1940 » pour reconstituer l’histoire de cette période. 2. Le témoin oculaire, « si les yeux sont bons », s’il écrit son témoignage rapidement, peut fournir un témoignage authentique sur les événements. 3. Un souvenir est transformé par le temps, alors que le témoignage « à chaud », sans filtre du souvenir, peut être considéré comme plus authentique. Le point de vue de Daniel Cordier 1. Daniel Cordier voulait reconstituer le passé dans « l’éclat de sa vérité originelle ». 2. Daniel Cordier considère que le souvenir « déforme » le témoignage. 3. L’historien s’épuise à tenter de reconstituer le passé, car les documents et témoignages ne permettent pas de montrer la complexité de l’histoire, ni de rendre les faits « vivants ». Bilan Écrire l’histoire de la Seconde Guerre mondiale est difficile car cet épisode a laissé des mémoires plurielles, parfois contradictoires, et des témoignages multiples. L’historien doit donc tenter de reconstituer, à partir de ces témoignages, mais aussi – et surtout – des archives, une analyse réflexive sur les faits, les acteurs et les enjeux. À ces difficultés s’ajoutent les conflits mémoriels qui placent parfois les historiens au cœur de polémiques. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 1 p. 38 COMPOSITION SUJET L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France Exemple de réponse rédigée Durant la Seconde Guerre mondiale, la France a été occupée par l’Allemagne, administrée par Vichy, et libérée, en 1944, par les Anglo-américains et la Résistance française. Très vite, dans l’urgence de la reconstruction, une mémoire sélective de la guerre s’impose : la mémoire de la Résistance. Omniprésente jusqu’aux années 1970, elle rend complexe le travail des historiens. Depuis, les historiens étudient les sources mais sont confrontés à une mémoire éclatée du conflit. Nous montrerons comment les historiens se confrontent aux différentes mémoires de la Seconde Guerre mondiale pour en écrire l’histoire. À la Libération une mémoire officielle sélective s’impose : le mythe résistancialiste, élaboré par les gaullistes et les communistes, se fonde sur la vision d’une France quasi unanimement résistante. Il a pour but de montrer aux Alliés que l’ordre républicain et l’unité nationale sont restaurés. L’épuration, qu’elle soit sauvage ou légale, a pour but de châtier les principaux collaborateurs. Cette prédominance de la mémoire résistante se marque dans le paysage, avec la construction de nombreux mémoriaux (Mémorial de la France combattante, 1960), l’organisation de cérémonies grandioses (transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, 1964). La culture populaire s’empare du mythe (La Bataille du Rail, 1946 ; La Grande Vadrouille, 1966). Le travail des historiens se heurte, dans les vingt ans qui suivent la guerre, à cette omniprésence mémorielle, et aux archives inaccessibles. En 1954, le journaliste Robert Aron écrit une Histoire de Vichy à l’aide de témoignages et de quelques archives judiciaires. Cet ouvrage accrédite la thèse du glaive et du bouclier et œuvre de fait pour la réhabilitation du régime de Vichy. Gaullistes Communistes créent Mythe résistancialiste Les années 1960-1970 marquent un tournant majeur dans la mémoire comme dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. En effet certaines mémoires, en particulier la mémoire juive de la déportation, mais aussi des mémoires particulières (MalgréNous, prisonniers et évadés, etc.), commencent à s’affirmer. En 1961, le procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem met en avant la parole des survivants du génocide. Ces témoignages deviennent, dans les années 1970, d’autant plus importants que des théories négationnistes commencent à s’exprimer dans les médias. Le recul du résistancialisme et cette accélération du nombre de témoignages permettent au travail historique sur la Seconde Guerre mondiale de prendre un nouveau tournant. En 1973 « le miroir se brise » (Henry Rousso) lorsqu’est publié La France de Vichy, un ouvrage de l’historien américain Robert Paxton, qui révèle que le gouvernement de Vichy avait volontairement collaboré avec l’Allemagne nazie, et devancé certaines demandes de l’occupant. Ces réveils mémoriels et historiques suscitent de nombreuses polémiques. Le rôle joué par certains collaborateurs dans la déportation des Juifs de France conduit à l’arrestation et au procès de certains d’entre eux, comme le milicien Paul Touvier (1994) ou le haut fonctionnaire Maurice Papon (1998). Les fonctions de François Mitterrand dans l’administration de Vichy, parallèlement à ses activités de résistant, sont révélées en 1994, alors qu’il est président de la République. L’historien Denis Peschanski forge alors le terme de « vichysto-résistant ». L’éloignement temporel et l’ouverture des archives conduisent, à partir des années 1990, à l’écriture d’une histoire plus sereine. La reconnaissance par le président Jacques Chirac, en 1995, des responsabilités de l’État français dans la déportation des Juifs de France a beaucoup contribué à cet apaisement. Les mémoires, devenues objet d’histoire, semblent plus apaisées, même si des conflits mémoriels ressurgissent parfois, comme « l’affaire Guy Môquet » (2007). En 2014, l’entrée au Panthéon de quatre résistants symbolise cette unité symbolique de la mémoire résistante. L’omniprésence mémorielle de la Résistance, les archives longtemps fermées, les témoignages souvent partiels ont été des freins à l’écriture de l’histoire des « années noires ». Plus de 70 ans après la Libération, le travail des historiens paraît plus aisé. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 17 Corrigé du Sujet 2 p. 36 ANALYSE D'UN DOCUMENT SUJET Lionel Jospin commémore la rafle du Vel’ d’Hiv (1997) Expliquez comment ce discours révèle le tournant pris par la politique mémorielle de l’État dans les années 1990 et montrez l’importance du travail des historiens dans les mémoires de la Seconde Guerre mondiale. Exemple de réponse rédigée Après la Seconde Guerre mondiale commence, en France, un temps de silence et d’oubli des crimes commis par le gouvernement de Vichy. C’est seulement en 1995 que le président Jacques Chirac reconnaît la responsabilité de l’État français dans les crimes de Vichy. Deux ans plus tard, le premier ministre, Lionel Jospin, prononce ce discours à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv. Nous montrerons ce que ce discours révèle du tournant mémoriel et de l’impact du travail des historiens sur ce sujet. Ce discours de Lionel Jospin illustre le tournant pris par la politique mémorielle de l’État sous la présidence de Jacques Chirac : dès les premières lignes il reconnaît la part prise par « des responsables politiques, des administrateurs, des policiers, des gendarmes », reconnaissant ainsi le rôle joué par le gouvernement de Vichy dans la déportation des Juifs de France. Ainsi les 16 et 17 juillet 1942, lors de la rafle du Vel’ d’Hiv, « pas un soldat allemand ne fut nécessaire ». Cette reconnaissance a conduit à de profondes modifications de la politique mémorielle officielle, longtemps dominée par la mémoire de la Résistance. Dans ce discours, la mémoire du génocide est mise en avant : Lionel Jospin s’engage à soutenir « l’aménagement à Paris […] d’un musée de la Shoah », projet qui s’insère dans un ensemble de commémorations. Il encourage chacun à entretenir la mémoire de cette « infamie ». Pour Lionel Jospin, ce « devoir de mémoire » conduit à rendre justice. En effet, en 1944-1945, l’épuration, rapide, n’avait pas jugé tous les collaborateurs. Il est temps, dans les années 1990, de « jug[er] ceux sur qui pèse le soupçon d’une responsabilité dans les crimes passés. » Grâce aux travaux d’historiens, des dossiers de collaboration et de crimes contre l’humanité ont en effet été instruits : ce discours est prononcé quelques mois avant l’ouverture du procès de Maurice Papon. Les années 1990 marquent donc un tournant mémoriel majeur, mais sont aussi des années où « le travail des historiens » sur la Seconde Guerre mondiale est particulièrement important. En effet depuis les années 1970 « les assassins de la mémoire », c’est-à-dire les négationnistes, ont entrepris de nier l’existence du génocide. Les historiens, parce qu’ils travaillent de manière savante, en confrontant les sources pour écrire l’histoire, « livrent un combat fondamental pour la vérité ». Pour les aider dans ce travail, Lionel Jospin propose de rendre l’accès aux archives plus facile. En effet les archives de la guerre ont longtemps été fermées, souvent pour protéger les acteurs de l’histoire. Prononcé deux ans après la reconnaissance officielle des crimes de Vichy par le président Jacques Chirac, ce discours de Lionel Jospin illustre le nouvel éclairage historique sur la Seconde Guerre mondiale et le tournant de la politique mémorielle de l’État, désormais dominée par la mémoire de la déportation. 18 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 3 p. 39 ANALYSE D'UN DOCUMENT SUJET Les Journées nationales du souvenir (1946) Après avoir rappelé le contexte de production de cette affiche, montrez qu’elle révèle la volonté d’unir les mémoires de la Seconde Guerre mondiale pour unir la nation. Exemple de réponse rédigée Un an après la fin de la Seconde Guerre mondiale, du 15 au 18 août 1946, sont organisées à Compiègne des Journées nationales du souvenir. À cette occasion une affiche est créée par Guy Georget. Comment ce document montre-t-il la volonté de mêler, dans l’immédiat après-guerre, les différentes mémoires de la déportation ? Cette affiche représente quatre hommes groupés, qui semblent entretenir entre eux des liens d’amitié. On peut penser qu’il s’agit, sur fond de paysage désolé (arbres morts ou calcinés, maisons en ruine), de retrouvailles. Ces quatre personnages sont identifiables : on reconnaît un ancien combattant casqué, un prisonnier de guerre chaudement vêtu, un déporté du STO (Service du travail obligatoire), portant la casquette, et un déporté racial de camp de concentration, reconnaissable à sa tenue rayée. En 1946, le retour des survivants des camps de prisonniers ou de concentration est presque achevé. Mais tous les survivants ne reçoivent pas le même accueil. Les déportés « résistants et patriotes » sont reçus avec beaucoup d’honneurs, ils sont conviés à témoigner, tandis que les rescapés du STO ou les survivants de la déportation raciale ne sont pas intégrés aux cérémonies de commémoration. En effet, dès 1944, les forces gaullistes et communistes commencent à élaborer le mythe résistancialiste, qui veut faire de la France une nation de résistants. Or ce mythe s’accommode mal de la déportation des Juifs de France ou bien de l’envoi en Allemagne de jeunes travailleurs requis par le STO. C’est pourquoi ces Journées nationales du souvenir de Compiègne choisissent d’unir les mémoires des différents rescapés, qui figurent ici groupés sous le drapeau tricolore symbolisant la France. Les associations participant à cet événement sont diverses (associations d’anciens combattants, fédération nationale des prisonniers de guerre, fédération des déportés résistants et patriotes, fédération nationale des déportés du travail), mais aucune association ne représente les survivants juifs (sur 75 000 Juifs déportés, seuls 2 500 ont survécu). Cette volonté d’union mémorielle est liée à la position de la France à la Libération. En 1940, la France a signé avec l’Allemagne nazie un armistice, et le gouvernement de Philippe Pétain a choisi la voie de la collaboration. Les forces résistantes cherchent, en 1944-1945, à montrer aux Alliés que la France fait partie du camp des vainqueurs. Pour y parvenir, le mythe résistancialiste vise à faire du pays une nation de résistants unis contre une poignée de collaborateurs. Dans cette optique, seuls les « déportés résistants et patriotes » sont mis en avant. Les requis du STO et les déportés raciaux rappellent trop cruellement la collaboration de la France avec l’Allemagne nazie. En 1945, tous les déportés sont assimilés ; la spécificité de la mémoire juive de la déportation n’est pas prise en compte. La volonté gaullienne de réintégrer la France aux puissances victorieuses conduit à une lecture glorieuse et héroïque de la Seconde Guerre mondiale. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 19 CHAPITRE 2 L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie p. 40-65 ➥ Quelle place les historiens prennent-ils, en France, dans la transformation des mémoires de la guerre d’Algérie ? Commentaires du programme Le programme demande d’étudier une lecture historique des mémoires en France – celle de la Seconde Guerre mondiale ou celle de la guerre d’Algérie – en 4 à 5 heures. Il ne s’agit ici ni de faire l’histoire de la guerre d’Algérie, abordée en Première, ni de l’escamoter, tout en respectant le faible temps imparti. Les pages Contexte et Repères (p. 42) et les deux cours permettent de brosser l’essentiel de la chronologie de la guerre, et de présenter rapidement ses conséquences politiques, le travail des historiens et les enjeux mémoriels. Les cartes (p. 44) sont une autre manière de rappeler les hauts lieux du conflit, et surtout d’introduire la question des lieux de mémoires concurrents, héritiers des tensions de la guerre. En outre, les porteurs de mémoire se voient consacrer un temps important de réflexion : l’étude sur les rapatriés et les harkis (p. 54) permet de comprendre leur stratégie et leur attente d’une reconnaissance d’un abandon par l’État. Celle sur Palestro (p. 50) invite à réfléchir aux horreurs vécues par les appelés et à leur désir, au soir du conflit, de perpétuer le souvenir dans le cadre d’associations d’anciens combattants. Celle sur la mémoire politisée de l’Algérie (p. 56) braque les projecteurs sur la mémoire des indépendantistes en Algérie, confisquée par un pouvoir qui réécrit l’histoire pour taire les dissensions au sein du mouvement. La question de la violence est prégnante dans ce chapitre (p. 52) : au-delà de la torture, il faut poser la question de la banalisation, de part et d’autres, des exactions, des attentats, des représailles. Il faut aussi examiner l’attitude de l’État français, qui a laissé s’insinuer cette violence et fut prompt à couvrir son armée et sa police, au moment de la bataille d’Alger ou des manifestations du 17 octobre 1961 et de Charonne. Il faut enfin éviter de sombrer dans un discours victimaire qui systématise les exactions, en montrant avec J.-C. Jauffret (p. 53) que « la plupart des hommes […] n’ont jamais torturé eux-mêmes », ou avec R. Branche que « toutes les femmes arrêtées n’ont pas été violées ». La problématique du rôle des historiens dans l’apaisement des tensions mémorielles est aussi posée : qu’il s’agisse de réexaminer des événements comme le 17 octobre 1961 avec R. Branche (p. 49) ou de questionner la sortie progressive de « l’amnésie » avec B. Stora (p. 49), les historiens sont partout présents, tout comme les sources exploitées pour rétablir les faits : la photographie (p. 52) et les témoignages de combattants et de victimes (p. 47), notamment. Ce travail historique n’est pas sans lien avec la reconnaissance progressive par l’État de sa propre responsabilité : inauguration du mémorial du quai Branly (p. 49), détermination d’une date officielle de commémoration. Les pages « Débat » (p. 58) permettent en outre au professeur qui le souhaite d’introduire la question des enjeux politiques du choix d’une date commémorative. Ce choix ne peut contenter toutes les parties prenantes et risque de raviver les tensions mémorielles entre des groupes aux intérêts divergents. L’ étude d’un tel chapitre se confronte à trois difficultés : – distinguer historiens et acteurs du conflit ; – distinguer les mémoires particulières (rapatriés, harkis, soldats) de la mémoire véhiculée par les États ; – distinguer, parmi les historiens, ceux qui ont eu un accès limité aux sources et ceux qui peuvent, depuis une vingtaine d’années, accompagner les témoignages et les archives privées des sources d’institutions d’État en France. Nous avons voulu, pour les pages consacrées aux épreuves du Bac, proposer deux formes différentes d’entrée dans la complexité des liens entre histoire et mémoire. Le témoignage de Paul Aussaresses, en 2000, pose la question des conséquences judiciaires et mémorielles de l’usage de la torture (p. 62). L’étude consacrée à la couverture d’une revue destinée aux militaires et à leurs familles permet aux élèves de présenter la diversité des acteurs et la question de la critique des sources (p. 65). Liens vers d’autres chapitres du manuel • Chapitre 1 : un parallèle sur les polémiques qui entourent les célébrations peut être fait avec la figure du maréchal Pétain (Études, p. 26 et p. 30). • Chapitre 3 : sur le conteste de la décolonisation et du tiers-monde dans les années 1950 et 1960 (Étude, p. 84). • Chapitre 5 : sur les solidarités arabes lors de la guerre d’Algérie (Étude, p. 144 sur Nasser). 20 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Ressources numériques liées au chapitre Vidéo et fiche d’activités La Bataille d’Alger, film de Gillo Pontecorvo, censuré en France Cartes interactives et fonds de carte La manifestation du 8 février 1962 à Paris Les violences de la guerre d’Algérie (1954-1962) Fiche d’exploitation de film Gillo Pontecorvo, La Bataille d’Alger (1966) Frise modifiable L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie Bibliographie du chapitre Ouvrages scientifiques L ydia Aït-Saadi, in Pour une histoire critique et citoyenne. Le cas de l’Histoire franco-algérienne, juin 2006, Lyon, ENS LSH 2007. Une analyse du contenu des ouvrages algériens sur la guerre d’indépendance, montrant la responsabilité française dans l’emballement de la violence. R aphaëlle Branche, La Torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962, éditions Gallimard, 2001. Une thèse remarquée sur la banalisation de la torture dans les rangs de l’armée, et la difficulté à la reconnaître presque un demi-siècle après les faits. Raphaëlle Branche, La Guerre d’Algérie, une histoire apaisée ?, Le Seuil, 2005. L’auteur revient sur les conflits mémoriels entourant notamment les événements traumatisants, comme la manifestation des soutiens au FLN réprimée par la police le 17 octobre 1961. R aphaëlle Branche, L’Embuscade de Palestro, Algérie, 1956, Armand Colin, 2010. Un ouvrage reprenant avec minutie l’enchaînement des événements, le contexte dans lequel ce massacre s’inscrit. L’auteur revient sur le bilan réel de l’embuscade et la riposte de l’État français. Jean-Paul Brunet, Police contre FLN. Le drame d’octobre 1961, Flammarion, 1999. Une analyse précieuse faite par un historien qui fut le seul autorisé à consulter un certain nombre d’archives de la préfecture de police de Paris. Alain Dewerpe, Charonne, 8 février 1962 : anthropologie historique d’un massacre d’État, « Folio Histoire », éditions Gallimard, 2006. Un ouvrage mêlant histoire et anthropologie pour cerner les mécanismes de la violence d’État, par un auteur qui est aussi une victime indirecte de l’événement, sa mère faisant partie des morts de la manifestation. Bernard Droz, Évelyne Lever, Histoire de la Guerre d’Algérie. 1954-1962, « Points Histoire », Le Seuil, 2001. Un ouvrage indépassable pour connaître les événements et les enjeux clefs du conflit. J ean-Luc Einaudi, La Bataille de Paris, 17 octobre 1961, Le Seuil, 1991. Un ouvrage engagé mais rigoureux sur le massacre du 17 octobre 1961. Jean-Pierre Guéno, Paroles de torturés, lettres de France et d’Algérie, 1956-1957, Jacob Duvernet, 2011. Une collection de témoignages d’acteurs classés chronologiquement. François-Xavier Hautreux, La Guerre d’Algérie des harkis, 1954-1962, Perrin, 2013. Une étude pionnière sur les harkis, présentant la diversité du groupe décrit sous cette appellation, ses combats, ses désillusions. Joëlle Hureau, La Mémoire des pieds-noirs, « Tempus », Perrin, 2010. Une réflexion sur la nostalgérie, la nostalgie des piedsnoirs qui ont le sentiment d’avoir tout perdu avec la guerre et le rapatriement. Jean-Charles Jauffret, Entendre et enseigner l’expérience du combattant français de la guerre d’Algérie, actes de la DESCO, octobre 2001. Une réflexion sur le rapport des militaires à la violence et la manière dont on donne à lire cette violence aux élèves dans les programmes scolaires ; sur les motivations et les refus des appelés aussi. Claire Mauss-Copeaux, Appelés en Algérie, la parole confisquée, « Pluriel », Hachette, 2002. Une analyse sur les difficultés de faire son métier d’historien à partir des enquêtes orales menées auprès d’anciens acteurs et témoins : la parole d’abord étouffée par l’État peine à être entendue, et les acteurs peinent à admettre des actes parfois répréhensibles commis pendant la guerre. Claire Mauss-Copeaux, Algérie, 20 août 1955, insurrection, répression, massacres, Payot, 2011. Une analyse de la répression de l’armée française aux massacres perpétrés par le FLN dans la région de Philippeville. Benjamin Stora, La Guerre d’Algérie, 1954-2004. La fin de l’amnésie, Robert Laffont, 2004. Un ouvrage sur la mémoire recouvrée de la guerre d’Algérie. La position de l’historien a évolué depuis sa dénonciation, en 1991, d’une amnésie pesante entourant le conflit. Benjamin Stora, Trévor Quémeneur, Algérie 1954-1962 – Lettres, carnets et récits des Français et des Algériens dans la guerre, Les Arènes, 2010. Un bel ouvrage qui vaut principalement par la qualité des reproductions de documents d’époque (photographies, affiches, textes officiels…). Témoignages Henri Alleg, La Question, éditions de Minuit, 1958. La première dénonciation de la violence commise par la police et l’armée. Pierre Vidal-Naquet, La Torture dans la République : essai d’histoire et de politique contemporaine (1954-1962), éditions de Minuit, 1972. Un ouvrage pionnier dénonçant la torture et les crimes d’État de la France, fait par un témoin, un acteur et par ailleurs un historien engagé. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 21 Films Sites Internet R aphaëlle Branche et Rémi Lainé, Palestro, 1956, Histoire d’une embuscade, documentaire diffusé sur Arte le 20 mars 2012, Arte France les poissons volants, 2012. Gillo Pontecorvo, La Bataille d’Alger, 1966. Florent Siri, L’Ennemi intime, 2007. Bertrand Tavernier, La Guerre sans nom, 1989. Blog de Guy Pervillé : http ://guy.perville.free.fr/. Site de Benjamin Stora : http ://www.univ-paris13.fr/benjaminstora/. Une mine d’articles et de résumés de thèses ou d’ouvrages, sur la guerre d’Algérie et ses mémoires. Site de la Ligue des droits de l’homme de Toulon : http ://www.ldh-toulon.net/. Nombreux articles et résumés d’ouvrages d’historiens et d’acteurs, témoins du conflit. Utiliser le manuel Document iconographique (p. 40) La photographie montre des rapatriés d’Algérie forcés au retour par les accords d’Évian fraîchement signés en mars 1962. Cette image peut être rapprochée de la Une de Paris Match où l’on voit un couple d’instituteurs, les Tissot, regarder avec angoisse la terre qu’ils quittent (p. 43). Cette photographie est une invitation à travailler sur la précipitation du rapatriement et ses conditions (des pieds-noirs agglutinés sur des bateaux dont on va chercher à freiner la rotation), l’impréparation de leur retour en métropole, leur dénuement (ils ont seulement pu rassembler quelques affaires dans une valise). Le document permet d’introduire la notion de « nostalgérie » et d’esquisser les conséquences de ce mal-être : les difficultés du relogement (carte postale de La Courneuve dans les années 1960, p. 54) et les actes de terrorisme de l’OAS (affiche de l’OAS p. 42). Contextes & Repères L’Algérie et la France, des destins liés depuis 1830 (p. 42) Cette double page permet de raisonner à différentes échelles de temps : on peut évoquer le cours de la colonisation, rappeler la chronologie de la conquête et les injustices du système colonial à l’origine de la montée des violences. On peut revenir sur les moments décisifs de la guerre d’Algérie (1957, 1962). On peut évoquer à l’aide de la première photographie la contribution des indigènes à la victoire de la France en 1944, non récompensée par l’indépendance au lendemain de la capitulation allemande (cf. Sétif et Guelma). Les deux images suivantes permettent de montrer l’emballement de la violence au moment de la bataille d’Alger, et les fractures dans l’opinion à mesure que le conflit s’éternise (OAS, FLN). La naissance de l’OAS est une réponse à l’acceptation progressive de l’indépendance, qui va poser des problèmes politiques et logistiques. La Une de Paris Match permet de l’illustrer et d’introduire la question du rapatriement. La page de droite est construite autour de la structuration et de l’affrontement des mémoires du conflit, et de la reconnaissance tardive par l’État français de la « guerre ». Les œuvres (films, livres) représentées sur la chronologie permettent de montrer aux élèves 22 quelle place le cinéma puis les travaux historiques ont joué dans cette reconnaissance progressive. La vision d’ensemble qui se dégage de cette double page est donc celle d’une transition : de la soumission aux divisions, des divisions à la réconciliation. Cartes Les mémoires de la guerre d’Algérie (p. 44) Les cartes de la page de gauche invitent à réfléchir au statut particulier de l’Algérie (divisée en département intégrés à la République en 1848) et à la violence singulière au moment du conflit : la carte 2 permet d’identifier les acteurs des violences (État français, indépendantistes), de montrer qu’il s’agit d’une guerre civile où les indépendantistes sont eux-mêmes divisés et se livrent une guerre dans la guerre (MNA/FLN). On peut aussi spatialiser les combats en identifiant les hauts lieux de la violence, les territoires convoités par chaque camp, et la menace de régionalisation de la crise (cf. Sakhiet Sidi Youssef). Cette carte permet donc d’entrer dans le chapitre en rappelant quelques données sur la guerre elle-même, objet du programme de Première. La carte 3 pose la question des lieux de mémoire, reflet des conflits entre les porteurs de mémoire. Les nostalgiques de l’Algérie française ont les leurs, surtout dans le Midi. L’État officialise la reconnaissance du conflit en inaugurant le mémorial du quai Branly (cf. J. Chirac, doc. 2 p. 49). Les Algériens édifient un mémorial du martyr à côté d’Alger, reconnu par la France (cf. F. Hollande, p. 43). On doit insister sur les rôles des monuments de la période coloniale en France, reflet de la volonté de pieds-noirs et parfois de nostalgiques de l’OAS. On peut montrer qu’un même monument cristallise la guerre des mémoires, en présentant l’histoire du mémorial de Toulon plastiqué parce qu’il honorait R. Degueldre, ancien activiste de l’OAS. Ressources numériques Fond de carte La carte 2 est proposée sous forme de fond de carte que vous pouvez compléter avec vos élèves pour spatialiser les combats et rappeler quelques données sur la guerre elle-même, étudiée en classe de Première. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Carte interactive En complément de la carte 3 sur les lieux de mémoire, une carte interactive est proposée pour présenter la manifestation du 8 février 1962 à Paris. Elle montre en particulier les itinéraires suivis par les manifestants et les lieux de heurts avec les forces de police ce qui permet d’évoquer la violence des répressions policières qui ont eu lieu ce jour-là. Cours 1 Histoire et mémoires immédiates, années 1950 et 1960 (p. 46) ➥ Comment une lecture officielle des « événements » en Algérie s’est-elle imposée ? Ce qu’il faut savoir Cette double page permet d’appréhender une mémoire « en train de se faire ». On y voit s’affronter la mémoire officielle (doc. 2), construite par l’armée sur ordre des gouvernements (de Guy Mollet à de Gaulle), à celle des indépendantistes et de leurs alliés. Ce sont souvent des intellectuels (doc. 3) stigmatisant le reniement des valeurs de la démocratie par la République et prônant l’action directe (J.-P. Sartre, F. Fanon). Il faut attendre les années 1990 pour que les historiens puissent relire de manière critique les faits, déconstruisant la propagande (B. Stora) en s’appuyant sur de nouvelles archives (photographies, témoignages). Le document 1 permet de montrer que ce conflit colonial est rattrapé par la guerre froide. Activité numérique complémentaire La guerre d’Algérie dans la guerre froide Dans le manuel interactif, en vidéoprojection, vous pouvez masquer la partie droite du document 1 avec l’outil Cache et amener les élèves à retrouver les grands éléments qui structurent la légende. Réponses aux questions Doc. 2 > La fraternité est feinte car le système colonial a créé d’importantes inégalités. Elle existe principalement dans les documents de propagande de l’armée. Les communautés cohabitent sans se rencontrer. > C’est l’armée, espérant le maintien de l’Algérie français, qui a porté le général de Gaulle au pouvoir en mai 1958. Celui-ci craint de ne pouvoir la satisfaire, et redoute en cas d’indépendance une rébellion (elle a lieu en avril 1961). Doc. 3 > Le matériel servant à « l’interrogatoire » a largement servi ; les policiers ne manifestent aucun remords car ils ont le soutien de leur hiérarchie ; les cris des suppliciés donnent l’impression de violences à la chaîne. > Reconnaître ces violences faisait de l’État français le complice de ces crimes, lui le pays des droits de l’homme et de la résistance au nazisme. L’opinion publique risquait de se retourner, les indigènes d’adhérer à la cause indépendantiste. Bibliographie Raphaëlle Branche, La Torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962, éditions Gallimard, 2001. Un ouvrage majeur pour la compréhension de la banalisation de la violence de l’armée et de l’État. Claire Mauss-Copeaux, Appelés en Algérie, la parole confisquée, « Pluriel », Hachette, 2002. Une analyse éclairante sur la difficulté de l’historien à collecter des témoignages, à faire parler les témoins. Benjamin Stora, La Guerre d’Algérie, 1954-2004. La fin de l’amnésie, Robert Laffont, 2004. Un ouvrage de synthèse pour penser la sortie progressive de l’amnésie et les travaux historiques qui ont contribué à accélérer la reconnaissance par l’État de ses responsabilités. Cours 2 Depuis les années 1970, les mémoires (p. 48) contradictoires de la guerre ➥ C omment étudier l’histoire de la guerre d’Algérie après l’indépendance ? Ce qu’il faut savoir Les mémoires de la guerre d’Algérie sont devenues depuis vingt ans le principal chantier des historiens spécialistes de la question. Ces mémoires sont de plus en plus militantes et visent à obtenir une reconnaissance politique : les anciens combattants s’associent pour entretenir le souvenir du conflit (FNACA, etc.) en faisant ériger des monuments ; les harkis revendiquent une reconnaissance de leur sacrifice pour la France (doc. 4) ; les pieds-noirs clament leur « nostalgérie ». L’État finit par reconnaître l’existence d’une guerre (1999) puis construit un mémorial (2002, doc. 2). Depuis le début des années 2000, les historiens relisent des événements clefs du conflit : R. Branche a ainsi récemment réinterprété l’embuscade de Palestro de 1956, C. Mauss-Copeaux les émeutes de Philippeville d’août 1955, J.-P. Brunet le 17 octobre 1961 (doc. 1). Les révélations d’acteurs au seuil de leur vie (Massu, Bigeard, Aussaresses) participent à cette « accélération mémorielle » (B. Stora). Réponses aux questions Doc. 1 > Acteurs : des associations (de victimes), des syndicalistes, des hommes politiques (le maire de Paris), des historiens (par leurs travaux). > Il redoute sans doute d’amorcer une spirale de repentance, et estime qu’en faisant cela, il agirait sous la pression des porteurs de mémoire. Doc. 2 > L’État reconnaît le sacrifice de ses soldats, des harkis, et admet une guerre civile et coloniale alors qu’il l’avait niée jusqu’en 1999. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 23 > À partir de là, l’État français n’a de cesse d’œuvrer pour le rapprochement avec l’Algérie, et se montre plus à l’écoute des revendications des porteurs de mémoire. Doc. 3 > Le silence ou l’absence d’écoute des acteurs ; l’absence de jour commémoratif et de lieux de mémoire dédiés au conflit, au contraire des autres guerres. Doc. 4 > Les principales tensions naissent des discours opposés des acteurs du conflit, devenus les porteurs de mémoire (nostalgiques de l’Algérie française contre descendants des indépendantistes). Bibliographie A lain Dewerpe, Charonne, 8 février 1962 : anthropologie historique d’un massacre d’État, « Folio Histoire », éditions Gallimard, 2006. Un témoignage d’un historien, fils de victime, sur l’effacement de la mémoire de l’événement voulu par l’État. Claire Mauss-Copeaux, Algérie, 20 août 1955, insurrection, répression, massacres, Payot, 2011. Une analyse des violences réciproques après les massacres de Philippeville. Étude 1 L’embuscade de Palestro (1956) (p. 50) ➥ Comment le massacre de Palestro est-il devenu un lieu de mémoire conflictuel ? Ce qu’il faut savoir Le massacre de Palestro est vu immédiatement en France comme la manifestation de la barbarie du FLN. On relaie les sévices et les mutilations subies par les militaires pris en tenaille dans ces gorges (doc. 1). La France rend un hommage national à ses morts (doc. 3) et médiatise les témoignages horrifiés du survivant (doc. 2). Cette indignation légitime une opération de représailles sanglante qui fait 44 morts (doc. 4), et surtout la mobilisation des appelés venus défendre l’Algérie française. L’événement n’est évidemment pas perçu de la même manière côté algérien où il apparaît comme une victoire face à l’oppresseur. Réponses aux questions 1. Les acteurs : les « musulmans », en fait l’ALN, les indépendantistes ; les soldats appelés tués ou survivants (cf. Ponsignon) ; les militaires professionnels participant aux représailles. Les victimes : les soldats français tués ; les indigènes, villageois principalement, tués en représailles. 2. 21 morts mutilés selon L’Écho d’Alger, 20 selon R. Branche. Le journal ignore la survie du lieutenant Ponsignon. L’historienne a le recul pour donner un bilan définitif. 3. Par la ritualisation de la levée des corps avant le rapatriement, les cercueils alignés devant les membres du régiment. Par le relais offert à la presse hostile aux indépendantistes. 24 BAC Vers l’analyse de documents. Les objectifs de l’historien ne sont pas ceux d’un groupe de porteurs de mémoire : il vise à rétablir les faits, à remettre les événements en contexte. Les porteurs de mémoire cherchent à partager un point de vue et parfois à obtenir une reconnaissance des institutions. Les récits divergent largement. La première divergence concerne le sort réservé aux jeunes recrues piégées dans les gorges : le lieutenant insiste sur la profanation des corps, les sévices subis, notamment sexuels. Le second évoque des mutilations sans insister sur les détails. La seconde divergence tient à la structure du récit : l’historienne insiste sur le contexte, à savoir la nécessité de médiatiser l’événement pour convaincre les derniers réticents à l’envoi du contingent. La troisième porte sur les acteurs algériens du massacre : Ponsignon en fait un acte isolé et barbare du FLN, nourri de la propagande de l’armée qui insiste sur la complicité entre les indigènes et l’armée française. L’historienne évoque aussi la responsabilité des villageois qui ont aidé l’ALN à prendre à revers le détachement de soldat. La quatrième et dernière tient au silence du soldat sur la perte des armes. L’historienne ne manque pas de l’indiquer, car le but des missions du FLN était de collecter du matériel de guerre. Pour le lieutenant, la perte de ses armes ajoute à l’humiliation, et il ne l’évoque pas. Ces décalages s’expliquent par le légitime désir de revanche et la grande peur du soldat, alors que l’historienne essaie de rétablir les faits. Vers la composition. Cette violence est instrumentalisée par l’État et l’armée française, comme par les indépendantistes. Pour l’État français, l’embuscade arrive à point nommé pour justifier l’envoi massif du contingent en appui aux militaires professionnels. Le but est de collecter des informations, de surveiller la population, de limiter l’extension du réseau FLN. Pour l’armée française, cette embuscade est le signe fort de la montée en puissance des indépendantistes et nécessite une intensification de la répression. Elle poursuit dans le sang les responsables de Palestro, et tue 44 personnes. Pour masquer la répression, l’État donne une large publicité à l’événement. Pour les Algériens, cette embuscade est d’abord le signe du délitement de l’engagement français. Les armes qui ont servi leur ont été fournies par un déserteur. Elle montre le succès de la guérilla dans la stratégie de terrorisation de l’ennemi. Les sévices infligés aux corps participent de cette logique. Le FLN espère aussi des exactions en représailles pour que les Algériens se rallient à la cause indépendantiste. Enfin, l’embuscade est prétexte à récupérer davantage d’armes, dans une guerre où chaque munition compte du côté de l’armée présumée la plus faible. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Bibliographie R aphaëlle Branche, L’Embuscade de Palestro, Algérie, 1956, Armand Colin, 2010. Un ouvrage reprenant avec minutie l’enchaînement des événements, le contexte dans lequel ce massacre s’inscrit. Jean-Pierre Guéno, Paroles de torturés, lettres de France et d’Algérie, 1956-1957, Jacob Duvernet, 2011. Une collection de témoignages d’acteurs classés chronologiquement. Étude 2 Les violences des armées (p. 52) ➥ Comment les historiens étudient-ils la violence des combats ? Ce qu’il faut savoir Environ 350 000 personnes ont perdu la vie dans le conflit, dont 10 % de Français. Les violences ont débordé la sphère militaire puisque les morts civils représentent au moins les deux tiers des victimes. Elles ont atteint la métropole, avec plus de 4 300 morts (90 % d’Algériens). Les violences ne se limitent pas aux affrontements entre Français et Algériens : les tensions internes aux armées (MNA/ALN) provoquent de lourdes pertes. La violence ne se réduit pas aux exécutions sommaires et à la torture : le viol, sans qu’il devienne une « arme de guerre », est une dérive possible ; les attentats pour terroriser ou retourner l’opinion sont aussi bien le fait du FLN que de l’OAS. La violence se banalise, cette brutalisation est dénoncée par les intellectuels de l’époque, d’André Mandouze à Pierre-Vidal Naquet. Réponses aux questions 1. Entre 50 % et 2/3 des victimes sont des civils côté algérien, environ 6 % côté français pour les seules pertes en Algérie. Il faut y ajouter plus de 4 200 morts en métropole. 2. Les formes : exécution sommaire, représailles (« maintien de l’ordre »), viols. Les cibles : militaires, civils indigènes suspectés d’être partisans, harkis, femmes. Les auteurs : militaires français, professionnels ou appelés, indépendantistes algériens. 3. La photographie (doc. 2 et 3), les témoignages civils (doc. 5) et militaires (doc. 4). BAC Vers l’analyse de documents. Voici deux textes récents d’historiens qui ont collecté des témoignages d’acteurs et de victimes, de soldats et de civils, de la guerre d’Algérie. Qu’apportent-ils à la compréhension de la banalisation de la violence ? Les violences commises par les armées sont de natures diverses : la torture est pratiquée pour obtenir des renseignements, ou venger la mort de camarades tombés dans des embuscades (Palestro, 1956). Ces violences sont aussi sexuelles : elles visent les femmes arrêtées et contrôlées. La banalisation est due au manque de clarté et de fermeté du pouvoir qui laisse toute latitude à l’armée sur le terrain pour faire ce qu’elle estime nécessaire. Un sentiment de laxisme et d’impunité a pu autoriser des comportements contraires à la loi. Un sentiment d’impunité a pu encourager les viols. Il ne faut pas exagérer cette banalisation : la torture a été moins utilisée que les moyens conventionnels de renseignement (infiltration, écoutes) ; le viol n’a pas été une arme de guerre à des fins d’épuration ethnique. Cette banalisation vaut principalement de la bataille d’Alger à la fin du plan Challe (1957-1960). Vers la composition. Pour analyser les violences faites aux civils par les combattants, il faut en premier lieu montrer la diversité des soldats engagés dans le conflit. Ces forces combattantes sont pléthoriques et différentes dans les deux camps. Côté français, aux militaires professionnels (comme les parachutistes du général Massu) se sont ajoutés après 1956 des appelés pour renforcer la pression sur les indépendantistes. Guy Mollet profite du massacre de Palestro pour convaincre les Français de l’utilité des conscrits pour pacifier l’Algérie. Il faut aussi ajouter des supplétifs, indigènes engagés aux côtés des Français, principalement les harkis. Du côté algérien, l’armée indépendantiste est également hétérogène : la faction la plus nombreuse et active est l’Armée de Libération Nationale, bras armé du FLN. Mais d’autres groupes indépendantistes comme le MNA de Messali Hadj ne partagent pas les méthodes du FLN. Écrire l’histoire de ces combattants est malaisé, et le récit historique est forcément lacunaire : les témoignages sont parcellaires, surtout côté algérien (manque de traces écrites, acteurs survivants non identifiés et moins nombreux), et les combattants de part et d’autre parlent difficilement de leur propre violence. La presse et les archives militaires (françaises) offrent aussi un prisme pour une analyse statistique du profil des combattants. D’autres sources comme la photographie, l’archéologie participent à l’écriture de cette histoire. Il faut aussi à l’historien décons­truire les propagandes officielles, de part et d’autre, pour faire la part des choses. Il lui faut enfin s’émanciper des discours construits par les porteurs de mémoire, défendant leurs intérêts (par exemple les harkis ou les anciens combattants français) afin de rétablir les faits. Les violences infligées par les combattants peuvent varier selon leur statut dans ces armées. C’est ce que nous allons voir dans une seconde partie. Bibliographie Jean-Charles Jauffret, Entendre et enseigner l’expérience du combattant français de la guerre d’Algérie, actes de la DESCO, octobre 2001. Une réflexion sur le rapport des militaires à la violence et la manière dont on donne à lire cette violence aux élèves dans les programmes scolaires. Claire Mauss-Copeaux, Appelés en Algérie, la parole confisquée, « Pluriel », Hachette, 2002. Une analyse sur les difficultés du métier d’historien à partir des enquêtes orales : parole étouffée par l’État, silence des auteurs de crimes. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 25 Étude 3 Harkis et rapatriés (p. 54) ➥ Comment l’historien peut-il écrire l’histoire des rapatriés, pieds-noirs et harkis, dont la mémoire est un enjeu politique ? Ce qu’il faut savoir L’histoire des rapatriés est en train de s’écrire, et cherche à s’émanciper des mémoires partisanes développées par les pieds-noirs et les harkis eux-mêmes. Ces derniers ont cherché longtemps à obtenir une reconnaissance de l’État, pour eux et leurs enfants. Les travaux récents s’intéressent à la « nostalgérie » (J. Hureau), au sentiment d’abandon des harkis (F.-X. Hautreux). Comme l’explique B. Stora, le désir des jeunes générations de mieux connaître leurs racines et leur filiation n’est pas étranger au regain d’études sur ces groupes sociaux. Réponses aux questions 1. L’abandon (malgré le sacrifice) à la vengeance des indépendantistes ; la renonciation aux valeurs républicaines (fraternité). 2. Les supplétifs engagés dans l’armée, puis leurs descendants ; un groupe protéiforme qui s’exprime au travers d’associations diverses. Un groupe revendicatif. 3. Le problème du relogement des 800 000 pieds-noirs ; le problème de l’identité (à moitié algérien, à moitié français). Les descendants de ces pieds-noirs se sentent souvent déracinés et poursuivent une quête des origines. BAC Vers l’analyse d’un document. Saïd Boualam a joué un rôle politique important en métropole et a été un officier de l’armée française. Il est le symbole de l’intégration à la République coloniale. Son témoignage en 1962 est pourtant un cri de révolte, il se sent victime d’un abandon de l’État. Il nous aide à comprendre pourquoi l’écriture de l’histoire des rapatriés a été si difficile en France. Les premiers récits émanent, à l’instar de ce témoignage, d’acteurs engagés du conflit, qui ont vécu des expériences traumatisantes : ici S. Boualam n’obtient aucune reconnaissance alors que son fils s’est également sacrifié pour la France. Le discours est victimaire, il exige des réparations et la mise en conformité de la République avec ses principes, notamment la fraternité. Ce groupe social des « harkis » fait se rencontrer d’anciens supplétifs avec des trajectoires de vie similaires. Leur discours vise à obtenir une reconnaissance. L’écriture de l’histoire des rapatriés est complexe pour deux raisons : elle tient d’une part au métier même de l’historien, qui doit poser sur son objet un regard dépassionné et essayer de rétablir les faits, en déconstruisant aussi la propagande d’État. D’autre part, elle tient à la concurrence entre les mémoires de rapatriés : par leur nombre et leurs associations, les pieds-noirs ont été 26 beaucoup plus revendicatifs pour que l’État prenne en compte leur « nostalgérie ». Ce n’est que récemment que le sort des harkis a plus spécifiquement retenu l’attention des chercheurs. Vers la composition. La guerre d’Algérie a été une guerre civile opposant Français et Algériens : elle a impliqué les civils (par la terreur, les attentats, et le fait qu’un million de colons y résidaient). Elle a aussi transformé les civils en militaires (les appelés) même si les premiers combats furent réservés à des professionnels (cf. parachutistes) qui étaient souvent d’anciens combattants d’Indochine. Les civils de métropole ont vécu les événements de manière plus détachée, à l’exception de ceux qui prirent part directement au conflit (les porteurs de valise) ou des parents qui virent leur enfant partir de l’autre côté de la Méditerranée. Ils ne partagent pas tous la même mémoire du conflit. Les premiers porteurs de mémoire ont été des militaires (1954-1962). Puis la mémoire des civils envahit l’espace mémoriel avec les rapatriés (1962, années 1980). Depuis trente ans, d’autres groupes défendent leur position mémorielle, anciens hauts gradés ou civils longtemps oubliés comme les harkis. On s’aperçoit qu’il existe autant de mémoires que d’acteurs du conflit. Les militaires décrivent tantôt un conflit héroïque et sacrificiel (cf. Bigeard) pour l’honneur du pays, tantôt une boucherie inutile et un abandon de l’État français (pieds-noirs engagés, harkis). Parmi les civils, les pieds-noirs ont surtout créé une mémoire de la nostalgie (« nostalgérie ») pointant les difficultés d’intégration dans un pays qu’ils connaissaient peu. Ils partagent avec les harkis et leurs descendants un sentiment d’abandon et ces porteurs de mémoire sont revendicatifs, exigent une reconnaissance et des réparations. Ces mémoires sont donc concurrentes (Algérie française contre soutiens de la cause indépendantistes) et s’expriment dans des lieux de mémoire souvent conflictuels. Bibliographie François-Xavier Hautreux, La Guerre d’Algérie des harkis, 1954-1962, Perrin, 2013. Une étude pionnière sur les harkis, présentant la diversité du groupe, ses combats, ses désillusions. Joëlle Hureau, La Mémoire des pieds-noirs, « Tempus », Perrin, 2010. Une réflexion sur la « nostalgérie », le sentiment d’avoir tout perdu avec la guerre et le rapatriement. Étude 4 En Algérie, une mémoire politisée (p. 56) ➥ Sur quelles bases peut-il y avoir une réconciliation franco-algérienne ? Ce qu’il faut savoir L’État algérien joue une partition ambiguë sur la réconciliation franco-algérienne. Il accueille en grande pompe les chefs d’État français qui, de Jacques Chirac à François © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Hollande, ont assumé leur responsabilité dans la guerre. Les gestes d’amitié et de coopération se multiplient. Mais face à son opinion, le pouvoir attise les rancœurs mémorielles : il gonfle le bilan des morts de Sétif et Guelma (1945) en faisant un parallèle avec le nazisme (doc. 3) ; il insiste sur les violences policières françaises du 17 octobre 1961 (doc. 4) pour faire du FLN un parti martyr, et écrit lui-même l’histoire nationale (doc. 5) pour entretenir la mémoire des violences françaises chez les jeunes. C’est pour lui un moyen de rejeter sur l’État français la responsabilité des problèmes économiques et sociaux. Réponses aux questions 1. Un système colonial prédateur ; une guerre d’occupation digne du nazisme ; un régime policier corrompu et violent (17 octobre). 2. Visites mutuelles des chefs d’État ; faire de la Méditerranée un espace de coopération et de prospérité partagée. 3. Idée de résistance à un régime policier ; dénonciation d’une violence unilatérale des Français pour faire taire les dissensions des indépendantistes ; construire une identité nationale. BAC Vers l’analyse de documents. Si les gestes d’amitié et de coopération se multiplient entre France et Algérie, les tensions en Algérie autour de la « guerre d’indépendance » sont encore vives. L’État contrôle étroitement le récit fait par les historiens de cette période sanglante de l’histoire nationale, source de divisions. Les tensions sont liées au fait que l’écriture de l’histoire du conflit est encore entre les mains de l’État. Les historiens ne sont pas libres dans leurs conclusions. On fait le choix d’insister sur des événements traumatiques, comme la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 en soutien au FLN. Ce timbre commémore les martyrs du FLN et leur contribution pacifique à la libération du territoire algérien. Il faut véhiculer l’image d’une guerre de libération et d’actes de résistance. Cette version de l’histoire alimente des revendications politiques anti-françaises : en 2010 un député du Parlement a réclamé dans un projet de loi des dommages et intérêts à la France pour les descendants des victimes du conflit. Les Algériens reprochent aussi aux Français l’ambiguïté des lois mémorielles comme la loi Mekachera (2005) invitant à une reconnaissance des harkis et à célébrer le rôle positif de la colonisation. Côté algérien, les harkis continuent à être vus comme des traîtres. Les divisions tiennent aussi à la vigueur des mémoires : les descendants des victimes civiles du FLN, ou des indépendantistes du MNA massacrés par les combattants du FLN, savent que l’Armée de Libération Nationale a commis des exactions nombreuses. Tous les Algériens ne défendent pas non plus le massacre systématique des harkis après le départ des Français. L’État algérien œuvre pour la construction d’une identité nationale mais ne parvient pas en mettant l’histoire « sous surveillance » à museler ces conflits mémoriels. Vers la composition. L’État algérien cherche à écrire une histoire officielle, à effacer les mémoires partisanes pour apaiser les tensions mémorielles. Il attire l’attention sur les crimes de l’armée et de l’État français et transforme les indépendantistes en résistants unis à la recherche d’une identité nationale. Tout d’abord, il met l’histoire « sous surveillance », en encadrant la recherche et en diffusant dans les manuels scolaires l’image d’une armée coloniale d’occupation qui a massacré des civils et institutionnalisé la torture à des fins des renseignement. Ensuite, diverses institutions attirent l’attention des citoyens sur les exactions françaises : le timbre imprimé en 2011 commémorant le massacre des manifestants du FLN sur les bords de Seine fait de l’État français un régime policier. Régulièrement, le chef de l’État algérien amplifie le nombre de victimes des émeutes de Sétif et Guelma (30 000 à 50 000 selon lui, 15 000 sans doute selon la plupart des historiens) pour accabler davantage le système colonial et l’armée de pacification. Cette stratégie fait oublier les exactions du FLN, notamment contre les civils algériens et les courants minoritaires dans la résistance indépendantiste, comme les messalistes du MNA. Il trouve ici une explication commode aux problèmes économiques, sociaux et politiques actuels, en imputant un certain nombre de retards au système colonial. Bibliographie Lydia Aït-Saadi, in Pour une histoire critique et citoyenne. Le cas de l’Histoire franco-algérienne, juin 2006, Lyon, ENS LSH 2007. Une analyse du contenu des ouvrages algériens sur la guerre d’indépendance, montrant la responsabilité française dans l’emballement de la violence. Jean-Luc Einaudi, La Bataille de Paris, 17 octobre 1961, Le Seuil, 1991. Un ouvrage engagé mais rigoureux sur le massacre du 17 octobre 1961. Débat Commémorer la fin de la guerre d’Algérie (p. 58) Objet de la confrontation La double page porte sur un point particulièrement aigu des tensions mémorielles actuelles : le choix d’une date commémorant le conflit franco-algérien. La date du 19 mars, célébrant le cessez-le-feu consécutif aux accords d’Évian, ne fait pas consensus chez les parties prenantes du conflit et leurs descendants. Ici, un sénateur UMP et un historien spécialiste du conflit exposent les arguments opposés à ceux qui voulaient faire de cette journée une journée du souvenir. Ce débat est l’occasion de revenir sur la thématique de la « sortie de guerre » et ses difficultés (imposer le cessez-le-feu, rapatrier…). Et sur le combat des porteurs de mémoire pour imposer leur date et à travers elle leur vision de la guerre. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 27 Réponses aux questions Le point de vue de Jean-Claude Carle 1. Le 19 mars est la date symbole des accords d’Évian, donc de la fin de la guerre. Elle n’est pas acceptée par les pieds-noirs, les harkis et les descendants des Français tués après cette fin officielle du conflit. 2. Le sénateur s’inquiète que la France célèbre une défaite et se complaise dans la repentance en donnant satisfaction aux associations désireuses de braquer les projecteurs sur les massacres du 17 octobre 1961. 3. Il conteste la criminalisation des policiers qui furent les principales victimes du FLN, sans pour autant justifier le massacre. 4. La guerre est reconnue depuis 1999, ses morts honorés depuis 2003, et la date du 19 mars s’est imposée en 2012. Le point de vue de Benjamin Stora 1. B. Stora insiste sur les exactions ultérieures au 19 mars (rue d’Isly, massacre d’Oran) et sur la crainte d’une logique communautaire dans le choix des dates. 28 2. Les anciens combattants d’Algérie, sans doute certains nostalgiques de l’Algérie française, les descendants des victimes. 3. La Turquie essaie de faire le parallèle entre le déni du génocide arménien et le déni des crimes français pendant la guerre d’Algérie alors que les situations sont difficilement comparables. 4. Il évoque la loi Mekachera qui indigna parce qu’elle couronnait le rôle positif de la colonisation. Bilan La fin de la guerre (19 mars 1962) n’est pas la fin des violences (5 juillet 1962) ni la date la plus symbolique des violences de la guerre civile (17 octobre 1961). Trancher, c’est favoriser un groupe de porteurs de mémoire et s’aliéner les autres. Le choix d’une date « neutre » (comme le 5 décembre avec l’inauguration du quai Branly) peut être rassurante, mais ne satisfait aucun parti. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 4 p. 64 COMPOSITION SUJET L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie Exemple de réponse rédigée La guerre d’Algérie s’est officiellement achevée le 19 mars 1962 par les accords d’Evian. Mais de nombreux acteurs et témoins contestent la légitimité de cette date, qui n’est pas le point final des violences en Algérie. À l’été suivant, des Européens sont encore massacrés par des indépendantistes. Côté algérien, le 19 mars marque la victoire et la libération des Algériens du joug colonial. Ces perceptions différentes montrent que les mémoires du conflit ne sont pas apaisées, et divergent selon les acteurs. On peut questionner le rôle de l’historien face à ces acteurs passionnés qui défendent leurs intérêts propres. Son travail s’ordonne autour d’une problématique qu’il cherche à élucider par un travail sur des sources diverses : archives administratives, judiciaires, militaires, mais aussi témoignages et traces archéologiques du conflit. Nous montrerons comment le travail historique a contribué à apaiser les conflits mémoriels sur la guerre d’Algérie. Dans les années 1990, les historiens sont de plus en plus nombreux à soutenir des thèses sur la question des mémoires du conflit. Benjamin Stora joue un grand rôle dans la promotion de cette question, analysant les processus qui conduisent à l’amnésie collective, dans La Gangrène et l’oubli (1991). Il dirige de jeunes chercheurs sur des questions polémiques, comme Raphaëlle Branche sur la torture par les armées. Ils sont rejoints par d’autres chercheurs qui se penchent sur la manière dont les événements ont été réécrits par les autorités à des fins politiques, ou pour minorer les violences de l’armée française, sur commande de l’État : il en va ainsi des événements de Philippeville en 1955, étudiés par Claire Mauss-Copeaux, ou de ceux de Palestro, analysés par Raphaëlle Branche. Les historiens apparaissent ensuite comme des experts, qui aident l’opinion et ses représentants politiques à y voir clair, alors que les groupes de porteurs de mémoire veulent plus souvent imposer leur propre lecture des événements algériens. Ils permettent aussi à l’État d’aller plus loin dans la reconnaissance de sa responsabilité, ou des zones d’ombres du conflit, à l’instar de Roger Brunet pour le 17 octobre 1961 ou d’Alain Dewerpe pour le massacre du métro Charonne en 1962. On assiste grâce à eux à une « accélération de la mémoire » (Benjamin Stora). L’État reconnaît la « guerre » d’Algérie en 1999, inaugure un mémorial au quai Branly en 2002, puis tente une réconciliation avec l’Algérie, marquée par les visites de présidents français. Les historiens sont enfin là pour rétablir les faits quand les porteurs de mémoire cherchent à servir en priorité leur propre lecture. Ils rappellent les crimes de l’OAS et les injustices du système colonial face aux nostalgiques de l’Algérie française, quand ces derniers veulent ériger des stèles aux généraux accusés de torture, ou nient les crimes de la République coloniale. Ils réécrivent l’histoire des pieds-noirs ou des harkis (François-Xavier Hautreux) alors que ceux-ci demandent réparation. Ils réexaminent les responsabilités de part et d’autre de la Méditerranée quand les autorités algériennes font peser sur la France la responsabilité du sous-développement algérien. Ils cherchent à éviter de se complaire dans une repentance coloniale jugée stérile, à l’instar de Daniel Lefeuvre. 1962-années 1980 Porteurs de mémoire face à la mémoire des États Années 1990-2000 Tous les acteurs mémoriels sont étudiés par les historiens Depuis 1999 Multiplication des actes de reconnaissance en France Les historiens sont donc essentiels pour rétablir les faits et éviter de laisser les porteurs de mémoire imposer leur seule vision de l’histoire. Ce travail est la condition d’un débat apaisé entre les descendants des acteurs du conflit, et peut aiguiller le travail de reconnaissance et de réconciliation des représentants de l’État. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 29 Corrigé du Sujet 5 p. 62 ANALYSE D'UN DOCUMENT SUJET Un général face à la torture, Paul Aussaresses En insistant sur le contexte du document, étudiez la banalisation de la torture pendant le conflit, et montrez les conditions qui ont permis que l’État et les acteurs de la torture sortent du déni à son sujet. Exemple de réponse rédigée En 2000, le débat sur la torture pendant la guerre d’Algérie refait surface à la suite d’articles du Monde, mettant en accusation les généraux Massu et Bigeard. Le premier avoue à demi-mot avoir ordonné de torturer, le second nie. Le général Paul Aussaresses se livre alors dans ses mémoires à une apologie de la torture. L’ancien résistant, chargé de diverses missions de police à Philippeville (1955) puis Alger (1957), est condamné en 2002 pour apologie de crimes de guerre. Nous nous interrogerons sur le crédit à accorder à ce témoignage sur la banalisation des violences pendant la guerre d’Algérie dès 1955. Le témoignage du général Aussaresses évoque une banalisation de la violence chez les policiers et les militaires français, après les massacres de Philippeville perpétrés par l’ALN sur des pieds-noirs. Il décrit ces massacres (« tuaient avec une férocité inouïe », « s’emparer des bébés pour les écraser contre les murs ») pour mieux justifier les pratiques des militaires et des policiers : la « gégène », le supplice de la baignoire, les exécutions sommaires ou les humiliations. Le général ne témoigne d’aucun remords. Le système était pour lui connu des autorités métropolitaines (« leur hiérarchie le savait »). Sa mission lui semble juste car les lois de la guerre diffèrent de celles de la paix. Il faut cependant rappeler que l’État français niait l’existence d’une guerre et parlait d’opérations de pacification. La question ne porte pas seulement sur la torture mais sur des crimes de guerre : il évoque des exécutions sommaires et en masse de membres du FLN. De plus, la lutte n’est pas binaire : des Algériens soutiennent l’armée française comme supplétifs (harkis) et des Français, comme Maurice Audin, soutiennent le FLN (les porteurs de valise). Les conflits et procès postérieurs montrent la complexité de l’aveu dans le contexte de la politique de devoir de mémoire française. Acteurs hostiles à l'armée française Porteurs de valises FLN aident Ce témoignage paraît dans un contexte polémique, celui de la reconnaissance de la « guerre » d’Algérie par l’Assemblée nationale en 1999. Comme d’autres nostalgiques de l’Algérie française, Aussaresses vit la stigmatisation des crimes de l’armée comme une humiliation. Pourtant les représailles des massacres de Philippeville par l’armée ont été, effectivement, terribles : selon Claire Mauss-Copeaux, l’État et son armée ont amplifié les actions du FLN pour minorer leurs propres représailles dans le Constantinois. Le FLN a visé prioritairement des lieux symboliques (casernes, lieux administratifs), tué 26 militaires, 71 Européens, et sans doute 24 civils suspectés d’aide aux colons. 7 500 Algériens auraient été tués en représailles, selon la journaliste Florence Beaugé. Pour autant, les exactions n’ont pas été systématiques du moins pas avant la bataille d’Alger, puis le plan Challe. Si les « interrogatoires » par les policiers sont indéniables (mort de Maurice Audin, récit d’Henri Alleg, témoignage de Louisette Ighilahriz…), les tortures et les massacres ont avant tout été le fait d’une minorité de soldats professionnels, initiés à ces violences en Indochine, notamment chez les parachutistes. Certains les ont rejetés avec fracas, comme le général Pâris de la Bollardière. La violence des interrogatoires et les crimes de guerre n’ont pas été acceptés par tous. Souvent, les représailles témoignent d’une peur obsédante chez les soldats, et d’un espoir de venger des camarades tombés au feu, et non du désir d’accomplir une mission juste ou d’obéir servilement aux ordres. 30 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 6 p. 65 ANALYSE D'UN DOCUMENT SUJET L’armée et l’Algérie française Présentez le document dans son contexte, puis expliquez la nature de son engagement dans le conflit algérien ; demandez-vous s’il reflète l’opinion d’une majorité de Français en 1961. Exemple de réponse rédigée Cette couverture d’un Almanach du combattant date de 1961. On y voit un jeune soldat parachutiste expliquer à sa famille qu’il part défendre l’Algérie française. Cette année est marquée par le pourrissement du conflit, avec le transfert de la violence en France, et ce malgré l’envoi du contingent (1956) et le retour de De Gaulle (1958). On s’oriente vers l’indépendance depuis 1959, ce que refuse une partie de l’opinion publique et de l’armée. Au premier plan, un jeune parachutiste, en treillis et coiffé du béret amarante, montre une carte d’Afrique du Nord à son grand-père et à une jeune femme (sa femme, ou sa mère ; elle tient un enfant dans ses bras, représentant l’avenir) ; il pointe l’Algérie. Au second plan, sa grand-mère et son père, inquiets, l’écoutent postés devant deux cartes murales : l’une représente l’Indochine, perdue à la suite de la défaite de Dien Bien Phû (1954), l’autre met l’accent sur Verdun, haut lieu de la résistance à l’ennemi allemand (1916), moment clé de la Grande Guerre dans l’imaginaire français. La mise en relation de ces trois conflits est censée montrer une continuité dans les services rendus par l’armée à la République : la défense du territoire, national, impérial, et contre toutes formes de dangers (l’autocratie du Kaiser, le communisme indochinois, le nationalisme algérien). À l’arrière-plan, on devine par la fenêtre un petit village paisible, métaphore d’une France éternelle (le vieillard n’est pas sans rappeler la figure paternaliste de Pétain, dans l’iconographie de la Révolution nationale). Le document semble anachronique : en 1961, l’indépendance est planifiée même s’il a fallu attendre la ratification des accords d’Evian pour l’entériner (1962). L’Indochine n’est plus française (1954), le Maroc et la Tunisie non plus (1956). L’armée, qui a ramené de Gaulle au pouvoir pour garder l’Algérie française, suite au putsch du 13 mai 1958, doit consentir à cette perte. Les dissensions sont fortes et cette image traduit l’humiliation d’une partie de l’armée, défaite en 1940 puis face à Hô Chi Minh. Le fait de prendre pour protagoniste un parachutiste est symbolique : il représente cette minorité de soldats professionnels, présents en Algérie depuis le départ, qui s’est souvent aguerrie dans la Résistance, et a fait ses armes en Indochine. Il représente ainsi une jeunesse qui s’est sacrifiée pour la République mais n’a connu que défaites militaires et clandestinité. Il incarne les partisans de l’Algérie française, dont les plus jusqu’au-boutistes se retrouvent en 1961 dans l’OAS. Le titre « c’est toujours la France qu’il faut sauver » résonne comme une critique à l’égard de la politique gouvernementale. Il faut enfin nuancer la vision passéiste qui se dégage du petit village. La France de 1960 est déjà largement urbaine et industrielle, et le village renvoie à une image d’Épinal, désuète. Ce document traduit le malaise d’une partie des soldats de métier face à une troisième défaite militaire majeure en vingt ans. Il est à contre-courant des événements, l’indépendance étant en cours. Les événements contemporains traduisent ces divisions et cette violence, avec les manifestations terribles du 17 octobre 1961 ou encore de Charonne (1962). © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 31 CHAPITRE 3 Les États-Unis et le monde depuis 1945 p. 66-99 ➥ Comment s’affirme la puissance américaine depuis 1945 ? Commentaires du programme Le programme demande d’étudier la construction de deux puissances mondiales – les États-Unis et la Chine – dans le temps long, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. 5 à 6 heures doivent être consacrées à l’étude de chacune de ces puissances. Il ne s’agit donc pas d’étudier l’histoire intérieure des États-Unis, mais de s’appuyer sur l’ensemble des contextes – intérieur et extérieur – pour montrer comment les États-Unis ont progressivement construit une influence mondiale. La double page Contexte et Repères, et les 3 doubles pages de cours permettent de mettre en place l’ensemble des éléments chronologiques et de présenter les successifs effets géopolitiques, militaires, économiques, culturels, constitutifs de la puissance américaine dans le reste du monde. La victoire américaine de 1945, le plan Marshall de 1947, les modalités de l’opposition à l’URSS avec Kennedy, ferme, mais qui entame la détente, Nixon qui parie sur la Chine, Reagan qui relance la course aux armements, les hésitations de l’ère Clinton (enlargement) suivis de l’interventionnisme de la doctrine Bush, permettent de présenter les États-Unis autrement qu’une puissance aux objectifs définitifs : toute décision, à toute époque, a donné lieu à des discussions, des compromis, des oppositions internes, également contre les alliés des États-Unis. L’étude de ce chapitre confronte le professeur à trois difficultés : – rappeler une chronologie en partie connue des élèves sans pour autant donner le sentiment de la répétition ; – s’en tenir à l’histoire des États-Unis dans le monde quand la tentation est forte de faire ici une histoire des relations internationales ; – construire un cours qui ne soit pas téléologique, afin que les élèves fassent l’apprentissage de la complexité par le rappel constant du contexte. Pour contrer ces difficultés, le manuel rappelle avec insistance le contexte afin d’ancrer dans l’esprit des élèves que chaque événement est le fruit d’un enchevêtrement de décisions qui n’ont pas toujours été pensées en cohérence. La question est posée par Hubert Védrine et Pierre Mélandri dans la double page Débat : penser les États-Unis comme un empire implique de donner une cohérence à l’histoire des relations entre les États-Unis et le reste du monde, qu’elle possède en apparence mais qui est en partie le fruit des circonstances. Pour les pages consacrées aux épreuves du Bac, les compositions concernent de longues périodes, mais l’étude d’un document, le discours de Marshall, insiste sur des inflexions de la politique internationale américaine à un moment-clé : le lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L’étude de deux documents permet aux élèves de faire le point sur les moyens, l’influence et l’image de la puissance américaine dans les jours qui suivent les attentats du 11 septembre 2001 : autant d’arguments pour interroger le chemin de la puissance américaine. Liens vers d’autres chapitres du manuel • Chapitre 4 : s ur la question de la concurrence des puissances, le rapport entre les États-Unis et la Chine peut être étudié (Débat p.122). • Chapitre 5 : sur le rôle du pétrole et des États-Unis dans la géopolitique du Moyen-Orient (Étude p. 152). • Chapitre 8 : sur le rôle des États-Unis dans les crises financières des années 1970-1980 (Étude p. 230). 32 © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur Ressources numériques liées au chapitre Vidéo et fiche d’activités L’Europe en 1948 Carte interactive et fond de carte Les États-Unis et le monde pendant la guerre froide Document interactif L’histoire des Nations Unies Frise modifiable Les États-Unis et le monde depuis 1945 Bibliographie du chapitre Livres D enise Artaud, La Fin de l’innocence : les États-Unis de Wilson à Reagan, Paris, Armand Colin, 1985. Une étude consacrée à l’exceptionnelle destinée des ÉtatsUnis et au rêve américain de 1919 à nos jours. De très bonnes pages sur le drame vietnamien et l’incompréhension des États-Unis devant « le refus de tout un peuple de devenir américain ». Bertrand Badie, L’Impuissance de la puissance. Essai sur les nouvelles relations internationales, Paris, Fayard, 2004. Ce livre éclaire les nouveaux défis posés à la puissance américaine, débarrassée de l’ennemi soviétique. Une défense du multilatéralisme. Robert Dallek, F. D. Roosevelt and the American Foreign Policy, 1932-1945, New York, Oxford University Press,1979. L’ouvrage de référence pour comprendre la politique étrangère américaine sous Roosevelt notamment face aux totalitarismes. Simone de Beauvoir, L’ Amérique au jour le jour, Paris, Gallimard, 1954. Simone de Beauvoir raconte ses quatre mois passés aux États-Unis sous la forme d’un journal de voyage. Sa fascination pour New York est un bel exemple du soft power américain. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, t. 3, « Le Salut », Paris, Plon, 1959. Un livre qui expose la vision de la France par de Gaulle. Le texte relate sa rencontre avec Truman en août 1945. Jean-Baptiste Duroselle, De Wilson à Roosevelt. La politique extérieure des États-Unis, 1913-1945, Paris, Armand Colin, 1960. Une étude classique sur la politique étrangère américaine du premier xxe siècle. Pour être clair sur le débat entre isolationnistes et interventionnistes. François Durpaire et Thomas Snégaroff, L’Unité réinventée. Les présidents américains face à la nation, Paris, Ellipses, 2008. Pour une analyse des discours sur l’état de l’Union de F. D. Roosevelt à G. W. Bush. Jean Heffer, Les États-Unis de Truman à Bush, Paris, Armand Colin, 1990. Une vision synthétique (190 pages) sur l’histoire des ÉtatsUnis depuis 1945. Approche à la fois chronologique et thématique (population, transformations économiques, mutations sociales et bouleversements intervenus dans les relations avec le monde extérieur). Samuel P. Huntington, Le Choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 2007. Un livre qui marqua le débat intellectuel des années 2000. Ce succès d’édition a suscité de nombreux commentaires. La thèse du choc est éminemment contestable. Tony Judt, Après-Guerre. Une histoire de l’Europe depuis 1945, trad. P.-E Dauzat, Paris, Armand Colin, 2007. Un ouvrage qui montre comment l’Europe a su renaître de la Seconde Guerre mondiale. On lira avec profit notamment le chapitre 3 consacré au relèvement de l’Europe pour y voir la part prise par les États-Unis. Zaki Laïdi, Le Monde selon Obama, Paris, Stock, 2010. Premier ouvrage consacré à la politique étrangère d’Obama, il expose clairement les objectifs de la politique étrangère américaine depuis 2009. Pierre Mélandri, Les États-Unis face à l’unification de l‘Europe, 1945-1954, Paris, A. Pedone, 1980. Une bonne synthèse pour éclairer les rapports entre les États-Unis et l’Europe au lendemain de la guerre. Le rôle moteur des États-Unis est bien souligné. Pierre Mélandri, Serge Ricard (dir.), Ethnocentrisme et diplomatie, l’Amérique et le monde au XXe siècle, L’Harmattan, 2003. De très bonnes analyses sur le regard que portent les ÉtatsUnis sur le monde. Lire notamment le chapitre consacré aux États-Unis et l’Europe de l’Est dans les années 1950 et celui sur le monde vu par les dirigeants des multinationales américaines. Pierre Mélandri, Histoire des États-Unis contemporains, Paris, André Versailles, 2008. Un ouvrage très complet et récent sur l’histoire des ÉtatsUnis. Écrit par un grand spécialiste des États-Unis, il permet de mettre ses connaissances à jours. Vincent Michelot, Le Président des États-Unis, un pouvoir impérial, Paris, Gallimard, 2008. Publié dans la collection « Découvertes Gallimard », cet ouvrage est très utile pour comprendre cette institution complexe qu’est la présidence américaine. Il offre de nombreux documents. Yves-Henri Nouailhat, Sylvie de la Foye, Les États-Unis et l’islam, Paris, Armand Colin, 2006. Une étude consacrée aux relations entre les États-Unis et le monde musulman depuis 1945 qui montre comment l’image des États-Unis s’est progressivement dégradée. Un point utile sur la guerre d’Irak de 2003. © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur 33 Y ves-Henri Nouailhat, Les États-Unis et le monde au xxe siècle, Paris, Armand Colin, 1997. Un manuel constitué de fiches synthétiques qui retrace l’histoire de la doctrine impérialiste américaine. T homas Snégaroff, L’ Amérique dans la peau. Quand le président fait corps avec la nation, Paris, Armand Colin, 2012. Une réflexion sur la présidence américaine qui s’intéresse particulièrement au rôle du corps. Georges-Henri Soutou, La Guerre de Cinquante Ans, Les relations Est-Ouest, 1943-1990, Paris, Fayard, 2001. Un ouvrage récent sur la guerre froide. De très bonnes pages sur les origines de cette guerre, sur ses grandes crises (notamment Cuba) et sur la place du nucléaire. Des mises au point historiographiques. Maurice Vaïsse, Les Relations internationales depuis 1945, Paris, Armand Colin, 1990. Un ouvrage utile pour remettre dans le contexte l’histoire des États-Unis au xxe siècle. Irwin Wall, L’Influence américaine sur la politique française, 1945-1954, Paris, Balland, 1989. Cet ouvrage explique comment les États-Unis, faisant de la France la pierre angulaire de leur système de sécurité en Europe, ont tenté de favoriser la stabilité politique de la IVe République. Des pages éclairantes sur l’aide militaire des États-Unis à la France. Revues Raymond Aron, « Du plan Marshall à l’Europe unie », Le Figaro, 27 juillet 1948. Philippe Grangereau, « Obama ajuste sa stratégie asiatique », Libération, 13 novembre 2009. Pierre Mélandri, « Les États-Unis, un empire qui n’ose pas dire son nom », Cités, n° 20, 2004. Justin Vaïsse, « Géopolitique des États-Unis, la fin de l’empire américain »,Diplomatie, juin-juillet 2011. Hubert Védrine, « Les États-Unis : puissance ou empire ? », Cités, n° 20, 2004. Utiliser le manuel Document iconographique (p. 66) Cette photographie de Marilyn Monroe devant des GI’s stationnés en Corée du Sud en 1954 est prise après la guerre de Corée lors de laquelle les États-Unis sont intervenus pour défendre leur allié sud-coréen face à la Corée du Nord, soutenue par l’URSS. Elle permet de souligner un moment clé de l’affirmation de la puissance américaine qui s’engage pour la première fois hors d’Europe afin de contenir l’expansion du communisme. La photographie permet d’insister sur la puissance militaire des États-Unis et notamment sur sa capacité de projection dans le monde. L’engagement des troupes américaines en Asie est durable puisque, dans le contexte de la guerre froide, les États-Unis maintiennent, sur ce continent, leur présence militaire afin de prévenir l’expansion du communisme. Ils s’engageront, sur ce continent, dans une autre guerre, celle du Vietnam, de 1964 à 1973. L’actrice Marilyn Monroe permet en outre d’aborder un autre aspect de la puissance américaine : le soft power, à savoir la capacité à séduire. L’American Way of Life fascine le monde après la Seconde Guerre mondiale. Il est véhiculé principalement par le cinéma hollywoodien dont Marilyn Monroe est l’égérie. Contexte et Repères La puissance américaine depuis 1945 (p. 68) Ces deux pages ont pour objectif de rappeler aux élèves les points forts de l’histoire américaine déjà étudiés en classe de Première ou dans les années antérieures au lycée. Elles permettent également au professeur de s’appuyer sur des images et une rapide mise en contexte pour brosser le cadre chronologique et pour poser les notions plus théoriques que pose le chapitre (hard power/soft power…). L’explosion de la bombe atomique sur Nagasaki (doc. 1) souligne la puissance militaire des États-Unis en 1945, 34 une puissance alors inégalée puisque la parité nucléaire n’intervient qu’en 1949, date à laquelle l’URSS se dote également de la bombe A. Le document 2 (bras de fer américano-soviétique à Cuba) et le document 3 (premiers pas sur la Lune) évoquent la confrontation avec l’URSS dans une guerre qui se joue sur le terrain diplomatique, militaire mais aussi scientifique. Le document 4 permet d’aborder un autre aspect de la puissance américaine, le soft power, alimenté entre autres par le cinéma. Après la victoire américaine dans la guerre froide, les attentats du 11 septembre (doc. 5) ouvrent pour les États-Unis une période d’incertitudes : confrontée à la menace terroriste, la puissance américaine doit également faire face à l’émergence de nouvelles puissances comme la Chine (doc. 6), notamment dans le domaine économique. Cartes Les États-Unis et le monde (p. 70) Cette double-page présente deux grandes cartes. La première porte sur la division du monde en deux blocs, pendant la guerre froide. Elle permet de montrer le rôle joué par les États-Unis entre 1945 et 1991, celui de leader du monde occidental. Les nombreux pactes signés par la puissance américaine ont pour principale conséquence l’encerclement des Soviétiques. La deuxième carte porte sur les États-Unis et le monde aujourd’hui. Si l’adversaire communiste a disparu, on peut y voir la montée en puissance de nouveaux rivaux dans un monde multipolaire. La confrontation des deux cartes par les élèves a l’avantage de souligner les continuités et les ruptures entre les deux périodes. Pour dégager les ruptures, il faut mettre en avant la fin du monde bipolaire et l’émergence de nouvelles puissances jusque dans la sphère d’influence traditionnelle des États-Unis comme le montre l’exemple brésilien en Amérique du Sud. © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur Pour dégager les continuités, on peut insister sur le maintien de la capacité militaire américaine qui conserve encore de nos jours une présence mondiale grâce à de nombreuses bases. Noter également la permanence des alliances conclues en temps de guerre froide. L’OTAN a ainsi survécu à la chute de l’URSS et continue de structurer la défense européenne. > Les objectifs du plan Marshall, qui sont mis en avant sur cette affiche, résident dans le fait d’apporter une aide à la reconstruction de l’Europe dont seule la partie occidentale est ici représentée. Les États-Unis souhaitent assurer des débouchés à l’économie nationale en comblant le dollar gap (manque de moyens de paiement) des Européens. Cours 1 Bibliographie L’affirmation de la puissance américaine (1945-1950) (p. 72) ➥ Quel rôle les États-Unis jouent-ils dans la mise en place d’un nouvel ordre mondial ? Ce qu’il faut savoir Victorieux en 1945, les États-Unis s’imposent comme les architectes d’un monde nouveau. Ils sont à l’origine de l’ONU qui siège à New York : c’est la preuve qu’ils sont désormais le nouveau centre de gravité politique de la planète alors que ce centre se situait en Europe entre les deux guerres. La victoire de 1945 n’empêche pas le monde d’être traversé par de violentes tensions. Les Américains s’engagent alors dans une nouvelle guerre, non déclarée, pour défendre le monde libre face à la menace soviétique. En 1949, ils structurent le monde occidental avec le Pacte atlantique qui s’impose comme la clé de voûte du containment (endiguement du communisme). Réponses aux questions Doc. 2 > Le Pacte atlantique est un pacte défensif prévoyant une aide en cas d’agression contre l’un des pays signataires. S’inscrivant dans la continuité de la doctrine Truman, il fonde également la communauté atlantique qui repose sur un héritage commun : la démocratie et le respect des libertés individuelles. > Ses objectifs sont de structurer le bloc occidental sous domination américaine afin de lutter contre l’expansion du communisme. Il est l’un des nombreux pactes signés par les États-Unis avec leurs alliés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Doc. 3 > Les deux modes de vie identifiés par Truman sont le mode de vie américain, et plus largement occidental, caractérisé par la démocratie et le respect des libertés fondamentales et le mode de vie des pays communistes, fondé sur la répression et la terreur et sur la suppression des libertés. > La mission des États-Unis doit être d’aider les peuples libres à préserver leur liberté. Il s’agit ici de contenir la menace communiste (containment) mais non de la refouler (roll-back). Doc. 4 > Les symboles visibles sur cette affiche sont l’oncle Sam et la Statue de la Liberté. R obert Dallek, F. D. Roosevelt and the American Foreign Policy, 1932-1945, New York, Oxford University Press,1979. L’ouvrage de référence pour comprendre la politique étrangère américaine sous Roosevelt notamment face aux totalitarismes. G eorges-Henri Soutou, La Guerre de Cinquante Ans, Les relations Est-Ouest, 1943-1990, Paris, Fayard, 2001. Un ouvrage récent sur la guerre froide. De très bonnes pages sur les origines de cette guerre, sur ses grandes crises (notamment Cuba) et sur la place du nucléaire. Des mises au point historiographiques. Cours 2 Une superpuissance de la guerre froide (p. 74) ➥ Comment le leadership américain s’exerce-t-il dans un monde bipolaire ? Ce qu’il faut savoir Les États-Unis maintiennent leur politique interventionniste du début de la guerre froide, déclarée en 1947 et soutenue par les doctrines Jdanov et Truman, jusqu’en 1991. Leur puissance économique leur permet de développer de vastes réseaux d’intérêts et d’alliances à travers le monde, et de poursuivre une politique intensive de course aux armements. Leur leadership, un temps affaibli par la phase de doute qu’ils traversent sur leur propre modèle et sur leur façon de s’impliquer dans les affaires mondiales (guerre du Vietnam), est réaffirmé par un interventionnisme croissant au cours des années 1980. Réponses aux questions Doc. 3 > L’ Amérique attire Simone de Beauvoir par les facilités qu’elle offre : « Manger, se déplacer, se vêtir, tout cela se fait sans effort et sans dépense de temps ». Elle est le royaume de la transcendance qui permet à l’individu, débarrassé des contingences matérielles, de se dépasser. Écrit en 1954, l’ouvrage de Simone de Beauvoir illustre la fascination exercée par l’American Way of Life sur une Europe qui peine à se relever de la Seconde Guerre mondiale. Ce document est une illustration du soft power américain, à savoir la capacité des ÉtatsUnis à séduire. Doc. 4 > La guerre froide accroît considérablement l’appareil militaire américain. Les dépenses de sécurité de l’État américain atteignent alors un montant considérable (67% du budget en 1953) et le système militaro-industriel emploie des millions de salariés. © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur 35 > Le poids de ce système militaro-industriel peut, selon Eisenhower, constituer une menace pour la démocratie américaine et ses valeurs. Il pointe ici les différents lobbies qui peuvent exercer des pressions sur le pouvoir politique. Bibliographie Y ves-Henri Nouailhat, Les États-Unis et le monde au XXe siècle, Paris, Armand Colin, 1997. Un manuel constitué de fiches synthétiques qui retrace l’histoire de la doctrine impérialiste américaine. G eorges-Henri Soutou, La Guerre de Cinquante Ans, Les relations Est-Ouest, 1943-1990, Paris, Fayard, 2001. Un ouvrage récent sur la guerre froide. De très bonnes pages sur les origines de cette guerre, sur ses grandes crises (notamment Cuba) et sur la place du nucléaire. Des mises au point historiographiques. M aurice Vaïsse, Les Relations internationales depuis 1945, Paris, Armand Colin, 1990. Un ouvrage utile pour remettre dans le contexte l’histoire des États-Unis au XXe siècle. Bibliographie J ustin Vaïsse, « Géopolitique des États-Unis, la fin de l’empire américain », Diplomatie, juin-juillet 2011. Cours 3 Depuis 1991, la seule puissance mondiale ? (p. 76) ➥ Quel poids conserve la puissance américaine après la fin de la guerre froide ? Ce qu’il faut savoir Étude 1 En 1945, les architectes du nouvel ordre mondial (p. 78) ➥ Comment les États-Unis s’imposent-ils comme la puissance influente du nouvel ordre mondial ? Les États-Unis jouent un rôle de premier plan depuis la fin de la guerre froide et ne cessent de réaffirmer leur vocation interventionniste pour promouvoir l’économie de marché et les droits de l’homme. Leur puissance est telle que l’on emploie désormais le néologisme d’«hyperpuissance», inventé par l’ancien ministre des Affaires étrangères français, Hubert Védrine, pour la qualifier. Cependant, cet interventionnisme est dénoncé comme une forme d’unilatéralisme et leur puissance est contestée par de nouveaux acteurs qui en rejettent les fondements, comme l’islamisme, ou deviennent de véritables concurrents, comme la Chine. Réponses aux questions Doc. 2 > La photographie montre tout d’abord l’engagement américain dans le conflit yougoslave. Cet engagement date de février 1994 et se fait dans le cadre de l’OTAN. Il permet d’aboutir à la conclusion des accords de Dayton en 1995. La photographie montre également les précautions prises par les États-Unis qui ne veulent pas apparaître comme une puissance occupante. On peut y voir un soldat chargé de distribuer un journal contenant des informations sur les raisons de la présence américaine. Doc. 3 > L’intervention américaine en Irak en 2003 suscite l’opposition d’une partie des opinions publiques, notamment occidentales. Cette photographie est prise en 36 Pologne, un pays pourtant allié des États-Unis et soutenant cette opération militaire. On retrouve ce type de manifestation un peu partout en Europe et hors d’Europe. Doc. 4 > La puissance concurrente des États-Unis en Asie est la puissance chinoise, « premier partenaire à la fois du Japon, de la Corée du Sud, et des pays de l’ASEAN ». > Les relations américano-japonaises sont aujourd’hui moins déséquilibrées que par le passé, certains responsables désirant une relation « d’égal à égal ». Ce changement est notamment dû aux nouveaux rapports de force économique, le Japon ayant désormais d’autres partenaires importants, dont la Chine et la Corée du Sud. Les États-Unis assurent toujours néanmoins un rôle de gendarme dans la région, où stationnent près de 100 000 GI’s. Ce qu’il faut savoir Forts de leur victoire, de leur puissance militaire et économique, les États-Unis s’imposent en 1945 comme les grands ordonnateurs de la reconstruction et les grands architectes du nouvel ordre mondial. Ils sont à l’origine de l’ONU qui naît lors de la conférence de San Francisco, le 26 juin 1945. Ils jouent également un rôle moteur dans la mise en place des institutions économiques internationales censées garantir la stabilité et la prospérité après-guerre, décidée en 1944 lors de la conférence de Bretton Woods. Les idées libérales américaines triomphent alors avec la création du GATT ou encore du FMI et de la Banque mondiale. Les États-Unis sont désormais conscients que leur sécurité dépend de la stabilité mondiale alors qu’idéologiquement et stratégiquement, tout les oppose à leurs anciens alliés soviétiques. Comme l’affirme Truman devant le Congrès le 6 septembre 1945, « Notre sécurité géographique a disparu, disparu avec l’avènement de la bombe atomique, du missile et des armes modernes ». Réponses aux questions 1. Les États-Unis interviennent d’abord dans le domaine économique : ils façonnent les institutions internationales qui se donnent pour objectifs de garantir la stabilité monétaire et la liberté du commerce. Par ailleurs, le dollar s’impose comme la monnaie de référence. En 1947, pour relancer l’économie mon- © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur diale, les États-Unis viennent en aide massivement aux pays d’Europe occidentale avec le plan Marshall. En échange, ces derniers ouvrent leur marché aux produits américains. Les États-Unis interviennent également dans le domaine politique, poussant à la création de l’ONU, chargée d’assurer la « sécurité du monde » (doc. 3). 2. Les États-Unis et le Royaume-Uni s’appuient sur la Charte de l’Atlantique (août 1941) et rappellent leur attachement, lors de la conférence de Yalta, au principe des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes et à la démocratie (doc. 1). Les deux puissances militent pour la mise en place d’une organisation chargée d’instaurer un système de sécurité collective (doc. 5). Dans le domaine économique, les États-Unis défendent le libre-échange censé renforcer les liens entre les nations. 3. La première difficulté est l’état du monde au lendemain de la guerre. L’Europe est très affaiblie et en ruines (doc. 2). Par ailleurs, les Soviétiques ne peuvent souscrire à la mise en place d’un monde fondé sur des valeurs libérales. De fait, l’ordre voulu par les ÉtatsUnis en 1945 se heurte aux réalités de la guerre froide. En Europe, les Soviétiques imposent des régimes communistes dans les pays occupés par l’armée rouge, violant par là-même les principes énoncés lors de la conférence de Yalta (doc. 4). BAC Vers l’analyse de documents. Les documents 1 et 3 livrent de nombreuses informations pour apprécier les formes que prend la puissance américaine en 1945 : – Une forme militaire : seuls les États-Unis possèdent l’arme nucléaire qui « fera reculer n’importe quel agresseur » (doc. 3). – Une forme économique : la puissance financière des États-Unis leur permet de dicter les nouvelles règles du jeu économique, notamment lors de la conférence de Bretton Woods en 1944. – Une forme politique : les États-Unis sont incontournables dans la fondation du nouvel ordre mondial de l’après- 1945. Le siège de l’ONU situé à New York symbolise le déplacement du centre de gravité politique de la planète de l’Europe vers l’Amérique. Vers la composition. Dès 1944, lors de la conférence de Bretton Woods, les États-Unis posent les fondements du développement économique du monde après 1945. La conférence crée le FMI, la BIRD, chargée d’accorder des prêts aux pays en développement, et consacre le dollar comme seule monnaie internationale. En 1947, les idées libérales triomphent avec la naissance du GATT chargé de réglementer les échanges commerciaux. Ce système ne parvient toutefois pas à rassembler toutes les nations. L’URSS le refuse et le monde se divise en deux blocs. L’ idée d’une paix retrouvée grâce à la prospérité échoue donc en partie. Bibliographie Y ves-Henri Nouailhat, Les États-Unis et le monde au XXe siècle, Paris, Armand Colin, 1997. Un manuel constitué de fiches synthétiques qui retrace l’histoire de la doctrine impérialiste américaine. G eorges-Henri Soutou, La Guerre de Cinquante Ans, Les relations Est-Ouest, 1943-1990, Paris, Fayard, 2001. Un ouvrage récent sur la guerre froide. De très bonnes pages sur les origines de cette guerre, sur ses grandes crises (notamment Cuba) et sur la place du nucléaire. Des mises au point historiographiques. Étude 2 Les États-Unis et l’Europe (p. 80) ➥ Quel rôle les États-Unis jouent-ils dans les débuts de la construction européenne ? Ce qu’il faut savoir Au lendemain de la guerre, les États-Unis participent à la reconstruction de l’Europe occidentale. Héritière de l’entente anglo-américaine en temps de guerre, l’alliance entre les États-Unis et l’Europe occidentale se concrétise par le plan Marshall de 1947 et, en 1949, par la signature du Pacte atlantique. L’alliance est motivée par la nécessité de tenir en respect le régime de Moscou par le maintien de forces américaines en Europe. Dans le même temps, les États-Unis soutiennent les premiers pas de la construction européenne dans la mesure où le projet politique se veut essentiellement un partenariat sous leadership américain. Réponses aux questions 1. Le comité d’experts de la France libre milite pour l’implication des États-Unis parce qu’il considère qu’il en va de la stabilité du continent. Les États-Unis représentent un gage de sécurité contre la menace allemande qui, en moins d’un demi-siècle, a provoqué trois guerres contre la France. 2. Les formes d’intervention des États-Unis en Europe occidentale au lendemain de la guerre sont multiples : économique et politique avec le plan Marshall, militaire avec l’installation de bases dans les pays de l’OTAN, diplomatique avec l’encouragement à l’unification des pays ouest-européens. Ces interventions soudent le camp atlantique face à la menace soviétique. Elles accélèrent la construction européenne en invitant les pays européens à définir une politique commune. 3. Les relations entre les États-Unis et l’Europe évoluent vers des rapports plus équilibrés. Au lendemain de la guerre, les États européens sont assistés par les ÉtatsUnis qui financent la reconstruction. Au début des années 1960, ils se sont hissés au statut d’associés, © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur 37 voire de concurrents dans le domaine économique. Entre-temps, la construction européenne a avancé avec la signature de la CECA en 1951 et les traités de Rome de 1957 qui fondent la Communauté économique européenne. BAC Science, espace, cyberespace : les autres (p. 82) chemins de la puissance ➥ Comment les technologies sont-elles mises au service de la puissance américaine ? Ce qu’il faut savoir Vers l’analyse de documents. On peut choisir, par exemple, les documents 1 et 5. Le document 1 montre l’aide apportée par les États-Unis à Berlin en ruines et plus généralement à l’Europe dévastée par la guerre. Le pont aérien organisé par les États-Unis permet en outre de conserver Berlin-Ouest dans le camp occidental et illustre la politique de containment suivie par les Américains ainsi que leur volonté d’intégrer l’Allemagne de l’Ouest dans le bloc européen. Le document 5 aborde d’autres aspects du rôle joué par les États-Unis. Ainsi, la signature du Pacte atlantique en 1949 et la fondation de l’OTAN en 1950 contribuent à renforcer les liens entre les pays d’Europe occidentale. On observe que les pays de la CECA ont tous accepté l’aide Marshall en 1947. On peut choisir également le document 4 en lieu et place du document 5 : il souligne l’objectif politique du plan Marshall. Vers la composition. De 1945 à 1962, les États-Unis et l’Europe entretiennent des liens très étroits. Dans un premier temps, les États-Unis entreprennent de relever l’Europe, dévastée par la Seconde Guerre mondiale. Ils mettent en place le plan Marshall en 1947 qui remédie à la dislocation de l’économie européenne tout en accélérant la division en deux blocs du continent. Le plan Marshall pose également les fondements de l’unité européenne en obligeant les pays européens à s’entendre sur l’attribution de l’aide américaine : c’est la naissance de l’OECE en 1948, première étape vers l’unité de l’Europe occidentale. De fait, les États-Unis président aux premiers pas de la construction européenne qu’ils encouragent. L’Europe communautaire se déclare dès son origine atlantiste et s’impose comme l’allié indéfectible des États-Unis, ses différents membres intégrant tous l’OTAN. D’assistés, les pays européens passent au statut d’associés voire, dans le domaine économique, de concurrents. Bibliographie P ierre Mélandri, Les États-Unis face à l’unification de l‘Europe, 1945-1954, Paris, A. Pedone, 1980. Une bonne synthèse pour éclairer les rapports entre les États-Unis et l’Europe au lendemain de la guerre. Le rôle moteur des États-Unis est bien souligné. Irwin Wall, L’Influence américaine sur la politique française, 1945-1954, Paris, Balland, 1989. Cet ouvrage explique comment les États-Unis, faisant de la France la pierre angulaire de leur système de sécurité en Europe, ont tenté de favoriser la stabilité politique de la IVe République. Des pages éclairantes sur l’aide militaire des États-Unis à la France. 38 Étude 3 La guerre froide n’est pas seulement un affrontement idéologique et militaire entre les États-Unis et l’URSS. Elle se traduit par une véritable compétition scientifique qui mobilise des ressources humaines et financières considérables. La recherche scientifique est mise au service du développement de nouveaux armements ou de nouveaux moyens de contrôle et de maîtrise de l’espace, mais elle participe aussi du soft power, développant la puissance d’attraction et de séduction d’un modèle économique et politique libéral. Un temps contestée dans les faits par l’URSS, l’avance scientifique des États-Unis est un facteur majeur de la victoire dans la guerre froide. Réponses aux questions 1. Les États-Unis font plusieurs utilisations de l’espace : une utilisation militaire ; un terrain de lutte contre l’ennemi soviétique (doc. 2) ; un moyen pour entretenir le « rêve américain » et alimenter ainsi le soft power (doc. 5). 2. Les deux documents soulignent la puissance scientifique et technologique des États-Unis. Ils permettent de souligner l’avance prise par l’ Amérique dans ces différents domaines et le rôle des différents acteurs : les universités, l’État, ainsi que les grandes entreprises. 3. Le nombre élevé de prix Nobel traduit la puissance du système de la recherche aux États-Unis et notamment la capacité de l’Amérique à attirer les « cerveaux ». Dès la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis mènent une politique active pour recruter les meilleurs chercheurs étrangers, les attirant en leur promettant des salaires et des conditions de vie et de travail supérieurs à ce qu’ils pourraient espérer dans leur pays d’origine. Einstein, physicien d’origine juive allemande, amené à fuir les persécutions raciales en Europe, est un exemple emblématique de cette « fuite des cerveaux ». BAC Vers l’analyse d’un document. Le document 2 intervient dans un contexte de guerre froide et de compétition spatiale entre les États-Unis et l’URSS. En 1961, les Soviétiques ont dans ce domaine un avantage : ils sont les premiers à envoyer un satellite artificiel autour de la Terre, en 1957, et à envoyer un homme dans l’espace, en 1961. Les États-Unis entendent ici relever le défi de la course à l’espace. Kennedy explique les objectifs de sa politique spatiale. Il entend réaliser le but d’envoyer un homme sur la Lune et de le ramener sain et sauf. Le document © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur permet d’apprécier la puissance mondiale des États-Unis qui, grâce au développement intensif de la recherche scientifique aussi bien dans le domaine de la médecine que dans celui de la physique, de la chimie ou de l’informatique, disposera d’une avance considérable, dès la fin des années 1960, sur l’URSS. Ces investissements massifs, menés à la fois par l’État, les entreprises et les grandes universités traduisent la puissance économique des États-Unis. Ils déboucheront sur la réalisation des objectifs de Kennedy (premier homme sur la Lune en 1969) mais aussi sur la mise au point d’armes de plus en plus sophistiquées. Vers la composition. La puissance spatiale américaine se développe surtout à la suite des succès de l’Union soviétique : en 1957, l’URSS parvient à envoyer dans l’espace le premier satellite artificiel, puis le premier homme en 1961. Pour répondre au défi des Soviétiques, les États-Unis font de l’espace leur priorité stratégique à partir des années 1960. Le défi lancé par le président Kennedy d’envoyer un homme sur la Lune est relevé en 1969. Le développement du space power permet, par la suite, aux États-Unis d’accroître leur domination sur le monde. Dotés de la première flotte de satellites au monde, ils disposent notamment d’un système d’écoutes inégalé : le système Échelon qui leur permet d’intercepter les communications privées et publiques. L’espace est également mis au service du soft power américain : les films sur la conquête spatiale, extrêmement populaires, entretiennent la fascination pour le modèle américain. Bibliographie M aurice Vaïsse, Les Relations internationales depuis 1945, Paris, Armand Colin, 1990. Un ouvrage utile pour remettre dans le contexte l’histoire des États-Unis au XXe siècle. Étude 4 Les États-Unis face au tiers-monde dans la guerre froide (p. 84) ➥ Comment s’exprime la politique d’endiguement du communisme ? Ce qu’il faut savoir Ancienne colonie britannique, les États-Unis défendent historiquement des principes anticolonialistes. Ils considèrent que la colonisation est une atteinte aux droits des peuples à disposer d’eux-mêmes et ne peut être qu’une situation temporaire. Ils sont rendus par leur propre histoire d’autant plus sensibles à ces principes libéraux. Cependant, les circonstances de la guerre froide et la peur de la progression des Partis communistes soutenus par l’URSS, elle-même anticolonialiste, au sein des pays alliés, les contraignent à amender leurs principes et à s’impliquer fortement et souvent militairement dans la vie politique des pays du tiers-monde. Cet interventionnisme leur vaut d’être dénoncés comme une puissance impérialiste. Réponses aux questions 1. Par principe, les États-Unis sont opposés à la colonisation. Leur volonté de défendre les aspirations à l’indépendance des colonies se heurte cependant au principe de réalité qui les pousse à soutenir les puissances coloniales alliées pour empêcher la progression du communisme. 2. Les États-Unis interviennent soit directement en menant des actions militaires de plus ou moins longue durée, comme en République dominicaine en 1965, ou en organisant des blocus comme à Cuba, soit indirectement en soutenant financièrement des mouvements anticommunistes comme les Moudjahidin en Afghanistan ou le Vietnam du Sud à partir de 1973, date du retrait des troupes américaines. 3. La doctrine Nixon stipule que les États-Unis attendent de leurs alliés qu’ils s’engagent davantage pour leur propre défense, en particulier qu’ils fournissent des troupes. En contrepartie, ils leur promettent de leur fournir des armes et des moyens financiers. Trouvant son application au Vietnam, elle ne remet pas en cause l’objectif premier de la doctrine Truman, à savoir contenir l’expansion du communisme dans le monde. BAC Vers l’analyse de documents. Le document 4, qui expose la doctrine Nixon, illustre le souhait de Washington de limiter la portée de l’engagement américain, tant en hommes qu’en matériel, les dépenses des administrations Kennedy et Johnson ayant grevé les comptes de l’État. Elle ne signifie toutefois pas l’arrêt du containment qui demeure la règle à suivre : il s’agit donc plus d’une réflexion sur les moyens à utiliser qu’une véritable inflexion de la politique américaine. Cette poursuite du containment par d’autres moyens est illustrée par le document 5 qui montre des Moudjahidin armés par les États-Unis lors de la première guerre d’Afghanistan suite à l’invasion de ce pays par les troupes soviétiques venues officiellement soutenir un régime allié. La résistance afghane sera en effet financée et soutenue matériellement par les États-Unis. L’ Amérique encouragera par ailleurs le sentiment religieux des Afghans contre le laïcisme des Soviétiques, favorisant ainsi l’essor des mouvances islamistes déjà présentes dans le pays. Vers la composition. Introduction. Si la lutte contre le communisme se joue principalement en Europe, elle déborde largement ce cadre pour s’étendre à d’autres régions du monde, notamment dans les pays du tiersmonde. Elle prend alors d’autres formes et recoupent d’autres enjeux, notamment celui lié à la décolonisation. Comment les États-Unis entendent-ils lutter contre le communisme dans les pays du tiers-monde ? Nous verrons tout d’abord le soutien apporté par les États-Unis aux mouvements nationalistes avant d’aborder les interventions américaines contre l’ennemi com- © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur 39 muniste. Conclusion. La priorité de la lutte contre le communisme contraint donc les États-Unis à laisser parfois de côté leur soutien à la décolonisation. Dès les années 1950, ils s’impliquent fortement et souvent militairement dans la vie politique des pays du tiers-monde, n’hésitant pas parfois à soutenir des dictatures. Cet interventionnisme leur vaut d’être dénoncés comme une puissance impérialiste. Bibliographie P ierre Mélandri, Serge Ricard (dir.), Ethnocentrisme et diplomatie, l’Amérique et le monde au XXe siècle, L’Harmattan, 2003. De très bonnes analyses sur le regard que portent les ÉtatsUnis sur le monde. Lire notamment le chapitre consacré aux États-Unis et l’Europe de l’Est dans les années 1950 et celui sur le monde vu par les dirigeants des multinationales américaines. Y ves-Henri Nouailhat, Les États-Unis et le monde au XXe siècle, Paris, Armand Colin, 1997. Un manuel constitué de fiches synthétiques qui retrace l’histoire de la doctrine impérialiste américaine. M aurice Vaïsse, Les Relations internationales depuis 1945, Paris, Armand Colin, 1990. Un ouvrage utile pour remettre dans le contexte l’histoire des États-Unis au XXe siècle. (p. 86) ➥ Quels sont les enjeux de la guerre mondiale contre le terrorisme lancée après les attentats du 11 septembre 2001 ? Ce qu’il faut savoir Le 11 septembre 2001, des attentats sont perpétrés contre les tours jumelles du World Trade Center à New York et contre le Pentagone à Washington. Ils marquent le début d’une « déclaration de guerre » par les États-Unis et sont suivis par des interventions militaires : en Afghanistan en automne 2001, et en Irak en 2003. Lors de cette dernière intervention, les États-Unis privilégient une réponse unilatérale en rupture avec leur tradition multilatéraliste héritée de Wilson. Les attentats provoquent ainsi une crise de l’Alliance atlantique, en marginalisant ses membres et ses structures. Par ailleurs, la guerre contre le terrorisme accroît l’impopularité des États-Unis surtout dans le monde musulman qui accuse l’Amérique de chercher à propager les valeurs occidentales et à entretenir la domination occidentale. Le président B. Obama tenterait de faire admettre l’idée que la lutte contre l’islamisme peut se mener dans le respect de l’islam. Cette guerre contre le terrorisme a un impact national : elle soulève de vives critiques chez certains qui dénoncent une restriction des libertés individuelles, entérinée par le Patriot Act, les conditions de détention à Guantanamo et la mise en place de prisons secrètes de la CIA dans le monde. 40 1. L es objectifs de la politique américaine au lendemain du 11 septembre sont de mener une guerre contre le terrorisme. George Bush reprend une terminologie chère aux autres présidents américains : lutte du Bien contre le Mal, de la liberté contre un système de terreur. Il s’agit également pour lui de défendre le mode de vie américain et les valeurs des États-Unis. 2. Les moyens engagés sont des moyens militaires mais surtout des moyens de renseignement, le but étant de repérer les responsables des attentats pour les empêcher de nuire. 3. La lutte menée par les États-Unis se fait contre les « extrémistes violents ». B. Obama dit vouloir assurer la sécurité des États-Unis. Il ne renonce toutefois pas à exporter le modèle démocratique, mais il s’engage à le faire par des moyens pacifiques en privilégiant les aides pour le développement dans les domaines de l’éducation et de l’économie. Il cherche, avec ce discours, à réconcilier l’Amérique avec le monde musulman. BAC Étude 5 Les États-Unis en guerre contre le terrorisme Réponses aux questions Vers l’analyse de documents. Le document 2 rend compte de la volonté de G. W. Bush de mener une guerre sans merci contre le terrorisme, en utilisant des moyens militaires pour « punir » les responsables des attentats et de défendre la démocratie. La volonté de lutter contre le terrorisme demeure dans le discours de Barack Obama, mais avec le désir de promouvoir des programmes d’aide par une véritable collaboration et de défendre une autre image du monde musulman. Vers la composition. La guerre contre le terrorisme après la guerre froide constitue la priorité stratégique des États-Unis jusqu’à nos jours. Elle prend une forme militaire : les États-Unis s’engagent en Afghanistan pour mettre fin au régime des Talibans dont la direction spirituelle est assurée par le mollah Omar, proche d’Al-Qaïda et d’Oussama Ben Laden ; les États-Unis interviennent également en Irak, en 2003, au nom de la lutte contre les « États voyous ». Cette lutte connaît un certain succès avec l’exécution de Ben Laden, en 2011, sous l’administration de B. Obama. La lutte contre le terrorisme isole toutefois les États-Unis sur la scène internationale : privilégiant un temps les actions unilatérales, l’Amérique se coupe de ses alliés traditionnels, notamment des pays de la « vieille Europe », la France et l’Allemagne, favorables à une action multilatérale. Elle alimente également dans certains pays musulmans un antiaméricanisme, les États-Unis étant accusés de chercher à propager les valeurs occidentales et à entretenir la domination occidentale. © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur Bibliographie Y ves-Henri Nouailhat, Sylvie de la Foye, Les États-Unis et l’islam, Paris, Armand Colin, 2006. Une étude consacrée aux relations entre les États-Unis et le monde musulman depuis 1945 qui montre comment l’image des États-Unis s’est progressivement dégradée. Un point utile sur la guerre d’Irak de 2003. 5. Les élèves pourront évoquer les romans de la littérature américaine incarnant le 11 septembre 2001 : Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Sfar, La Belle Vie de Jay McInerney, L’Homme qui tombe de Don de Lillo. Débat Les États-Unis sont-ils un empire ? Histoire des Arts Le nouveau World Trade Center à New York (p. 88) Ce qu’il faut savoir Le choix du Nouveau World Trade Center permet de prolonger la réflexion sur les attentats du 11 septembre 2001 : confié en 2003 à l’architecte Daniel Libeskind, déjà auteur du Musée juif de Berlin, le projet est à la fois un rappel de ces attentats, avec la préservation de Ground Zero, mais délivre également un message d’espoir incarné par la Freedom Tower, haute de plus de 540 mètres de hauteur. Le projet, désormais presque achevé, est une illustration pertinente d’un des aspects du modèle américain caractérisé par l’optimisme. Réponses aux questions 1. Les événements commémorés à Ground Zero sont les attentats du 11 septembre 2001 perpétrés par l’organisation terroriste Al Qaïda. Filmés en direct, ils ont fait plus de 3 000 victimes, mettant un terme à l’espoir d’un nouvel ordre mondial pacifié. 2. Ce nouvel espace, situé au sud de Manhattan, est composé de cinq tours, dont la Freedom Tower. Le site Ground Zero est préservé comme en témoigne les Memory Foundations, situé à l’emplacement des anciennes tours jumelles. Sur les bords des bassins sont inscrits les noms des victimes des attentats. 3. La dimension civique du nouveau lieu s’exprime à travers la construction du Mémorial qui accueille les New-yorkais et les visiteurs, ainsi rassemblés pour rendre hommage aux victimes. Le lieu se prête à la commémoration de cette tragédie. Il fut inauguré le 11 septembre 2011 lors d’une cérémonie associant les présidents B. Obama et G. W. Bush. 4. Le projet du Nouveau World Trade Center se compose d’un mémorial, construit en l’honneur des victimes de l’attentat, et d’un ensemble constitué de tours dont la Freedom Tower, la plus haute des États-Unis. Ce complexe articule ainsi deux lieux : un lieu du souvenir incarné par le mémorial et le musée ainsi qu’un lieu d’espoir, montrant que New York se tourne vers le futur avec des gratte-ciels audacieux. Le message ainsi délivré est, certes d’assurer le devoir de mémoire, mais aussi de se tourner résolument vers l’avenir avec optimisme, l’une des valeurs fondatrices du modèle américain. (p. 90) Objet de la confrontation L’intérêt est de confronter le point de vue d’un historien, Pierre Mélandri, et celui d’un acteur des relations internationales, l’ancien ministre des Affaires étrangères français de 1997 à 2002, Hubert Védrine. Le débat sur le caractère impérial de la puissance américaine est un débat ancien qui traverse le XXe siècle. Il est donc intéressant de faire ici un point sur ce thème. Réponses aux questions Le point de vue de Pierre Mélandri 1. Les États-Unis peuvent être qualifiés d’empire car leur présence militaire se déploie sur toutes les parties de la planète. Le modèle américain se pense également comme un modèle universel. 2. Les États-Unis doivent prendre en compte la réticence de leur opinion publique, bien plus préoccupée par son bien-être que par l’exercice de la puissance mondiale. 3. Le poids des circonstances est à considérer. Le 11 septembre 2001 a justifié l’emploi de la force armée et a contribué à renforcer la tentation impériale. Le point de vue de Hubert Védrine 1. Les Américains rejettent le qualificatif d’empire car ils se sont toujours définis comme une puissance anti-impérialiste. Par principe, les États-Unis se sont d’ailleurs toujours opposés à la colonisation. 2. Une hyperpuissance n’est pas synonyme d’omnipotence. Elle n’a pas pour objectif d’entretenir des troupes dans tous les pays du monde. L’empire se définit justement par la volonté de résider dans les territoires qui le constituent pour les tenir par la force. 3. Les Américains semblent plus préoccupés par leur sécurité que par leur volonté impériale. Bilan Certains aspects de la puissance des États-Unis en font une puissance impériale : les bases militaires américaines installées sur tous les continents, les flottes naviguant sur tous les océans, un modèle culturel qui tend à être adopté par de nombreux pays dans le monde. Cependant les États-Unis se sont historiquement définis comme une puissance anti-impériale et le peuple américain est beaucoup plus préoccupé par son bienêtre et sa sécurité que par la domination de son pays sur le monde. © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur 41 Corrigé du Sujet 7 p. 94 COMPOSITION SUJET Les États-Unis et le monde de 1945 à 1991 Exemple de réponse rédigée En 1945, les États-Unis sont avec l’URSS les deux Grands des relations internationales. La lutte contre l’expansion soviétique et la formation de blocs font des États-Unis le leader du « monde libre » pendant la guerre froide. En 1991, après la disparition de l’URSS, les États-Unis deviennent la seule grande puissance mondiale. Nous montrerons quel rôle jouent les États-Unis dans les relations internationales entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la fin de la guerre froide. Entre 1945 et 1949, les États-Unis mettent en place les fondements d’un nouvel ordre mondial. Il est à la fois politique, avec la création d’une ONU dont le siège est à New York, et économique, avec la mise en place de la conférence de Bretton Woods en 1944, ou la proposition du plan Marshall, en 1947, pour aider les pays détruits par les combats, en Europe, à se reconstruire. Mais ces fondements contribuent également à créer un fossé croissant entre les États- Unis et leurs alliés d’un côté, et de l’autre l’URSS et les pays que l’Armée Rouge occupe en Europe. En 1947, le président Truman met en place une doctrine d’endiguement du communisme (containment), affronte indirectement l’URSS lors du blocus de Berlin (1948-1949) et signe le Pacte atlantique en 1949, qui permet aux pays alliés des États-Unis de bénéficier entre eux d’une solidarité militaire immédiate en cas d’attaque extérieure. En 1949, le bloc de l’Ouest est constitué face au bloc de l’Est : la guerre froide bat son plein. Doctrine Truman Plan Marshall Pacte atlantique Constitution du bloc de l’Ouest ( 1947 - 1949 ) Des années 1950 aux années 1960, les États-Unis, leaders d’un « monde libre », luttent contre l’influence communiste. Cette lutte se traduit tout d’abord par des interventions militaires : de 1950 à 1953, ils prennent la tête d’une coalition de l’ONU pour soutenir la Corée du Sud face à son voisin du Nord, appuyé par l’URSS. En 1962, ils font le blocus de l’île de Cuba, renforcent la surveillance de l’île, et menacent d’une frappe nucléaire l’URSS pour la forcer à démanteler les rampes de lancement de missiles balistiques qu’elle avait installées à Cuba. Parallèlement, les États-Unis poursuivent la course aux armements avec l’URSS : en 1962, ils possèdent 300 missiles intercontinentaux alors que l’URSS n’en compte que 75. Cette course aux armements se double d’une course à l’espace avec, en 1969, les premiers pas de l’homme sur la Lune. Enfin, les États-Unis soutiennent dans le tiers-monde les mouvements indépendantistes. Ils se rapprochent des pays producteurs de pétrole, notamment de l’Arabie Saoudite. Des années 1970 à 1991, la puissance des États-Unis est contestée mais également réaffirmée. Le contexte des années 1970 est celui de l’affaiblissement de la puissance américaine. La guerre du Vietnam épuise les finances américaines, la fin de la convertibilité du dollar en or met fin au système de Bretton Woods qui avait consacré la puissance des États-Unis, les aides aux dictatures d’Amérique latine (Chili, 1973) provoquent une crise morale que tente de surmonter le président Jimmy Carter avec sa politique des bons sentiments. Elle se traduit par un recul des États-Unis sur la scène internationale malgré le succès des accords de Camp-David. À partir des années 1980, les États-Unis sont de retour. Ronald Reagan relance la guerre froide et mène une politique interventionniste en Europe et dans le tiers-monde, soutenant notamment les rebelles afghans en lutte contre l’URSS. Les États-Unis parviennent enfin à accélérer la fin du bloc de l’Est et de l’URSS. Ils sortent vainqueur de la guerre froide. Grands gagnants de cette seconde moitié du xxe siècle, les États-Unis s’imposent comme un modèle politique, une puissance militaire, un géant économique. Leur influence s’est étendue à l’échelle mondiale au fur et à mesure de la guerre froide. Avec la fin de l’URSS, les États-Unis s’interrogent sur leur volonté d’intervenir dans les affaires mondiales. 42 © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 8 p. 96 COMPOSITION SUJET La puissance américaine dans le monde depuis 1945 Exemple de réponse rédigée La victoire américaine dans la Seconde Guerre mondiale consacre la puissance des États-Unis dans le monde. Cette puissance, à la fois politique, militaire, économique et culturelle, permet aux États-Unis de jouer un rôle central dans les relations internationales jusqu’à nos jours. Nous nous interrogerons sur la manière dont s’exerce la puissance américaine dans le monde, de 1945 à aujourd’hui et sur sa remise en cause au xxie siècle. De 1945 à 1991, les États-Unis s’imposent comme les leaders du monde libre. Dès 1945, les États-Unis s’affirment comme les architectes d’un nouvel ordre mondial. Dans le domaine politique, ils sont à l’origine de la création de l’ONU dont le siège est à New York, signe du déplacement du centre de gravité politique mondial de l’Europe vers les États-Unis. Dans le domaine économique, ils fixent les nouvelles règles du jeu avec la mise en place de la conférence de Bretton Woods en 1944. Nouvel ordre mondial Création Conférence de Tout au long de ce demi-siècle, la puissance américaine revêt plusieurs formes. Bretton Woods de l’ONU Une forme politique et militaire tout d’abord. Les États-Unis développent leur (1944) (1945) arsenal nucléaire qui dépasse de loin celui de l’URSS : en 1962, ils possèdent 300 missiles intercontinentaux alors que l’Union soviétique n’en compte que 75. Ils sont à la tête d’un vaste réseau d’alliances, parmi lesquelles l’OTAN, chargée en Europe de faire face à la menace soviétique. Les États-Unis s’appuient sur cette puissance militaire pour multiplier les interventions comme en Corée de1950 à 1953 ou au Vietnam de 1964 à 1973. La puissance des États-Unis est également économique. Au milieu des années 1950, ils produisent à eux seuls 33 % des biens de la planète avec seulement 6 % de la population. Le dollar est consacré monnaie internationale. Jusqu’en 1971, il est la seule monnaie de fait convertible en or. La puissance américaine s’exerce également par le soft power, la capacité à séduire. Le modèle américain fascine. Il est diffusé par les médias, principalement le cinéma et la télévision. Sa propagation sert les intérêts politiques et économiques des États-Unis, dans le contexte de la guerre froide, permettant d’illustrer la réussite de son modèle par rapport à celui proposé par les Soviétiques. À partir des années 1990, la victoire contre le totalitarisme soviétique hisse les États-Unis au rang de seule superpuissance. Les années 1990 ouvrent une période d’optimisme. Les États-Unis entendent fonder un nouvel ordre mondial qui doit reposer sur la restauration de la place de l’ONU, sur le respect des droits de l’homme et des traités internationaux. Cette politique se traduit notamment par l’opération « Tempête du désert » qui réussit à libérer le Koweït de l’occupation irakienne. Sous la présidence du démocrate Bill Clinton, les États-Unis pratiquent l’enlargement, multipliant les accords de libre-échange, intégrant les nouvelles démocraties d’Europe centrale et orientale dans le camp occidental en élargissant l’OTAN à la Pologne, la République tchèque et la Hongrie en 1999. Les attentats du 11 septembre 2001 mettent toutefois un terme aux espoirs d’un nouvel ordre mondial pacifié. Les États-Unis les interprètent comme une déclaration de guerre de nouveaux ennemis « totalitaires » unis dans « l’axe du mal ». Ils mènent dans les années 2000 une guerre contre le terrorisme, intervenant en Afghanistan mais également en Irak. Depuis 2007, affaiblie par la crise économique, l’Amérique n’a plus la place qu’elle occupait pendant la guerre froide. En Asie, elle doit composer avec la Chine. Elle est contestée jusque dans sa sphère d’influence traditionnelle, l’Amérique latine, où son impérialisme est dénoncé, notamment par le président du Venezuela, Hugo Chavez (1999-2013). Les États-Unis entretiennent avec le monde des rapports moins déséquilibré. Leur leadership, sous la présidence de Barack Obama, s’exerce plus à l’intérieur des institutions du monde multipolaire comme le G8. Leur suprématie militaire et leur situation géostratégique privilégiée leur assurent toutefois un rôle de premier plan. © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur 43 Corrigé du Sujet 9 p. 97 ANALYSE D'UN DOCUMENT SUJET Le plan Marshall (1947) Expliquez les fondements et les effets de la politique extérieure américaine en 1947. Exemple de réponse rédigée Le document est le discours prononcé par le secrétaire d’État des États-Unis, George Marshall, à l’université américaine de Harvard. Il y annonce un plan d’assistance économique dans le but de remédier à la dislocation de l’économie européenne. Cette annonce s’inscrit dans le contexte de la guerre froide et de la fin de la Grande Alliance. En mars 1947, le président américain Truman annonce sa doctrine dont l’objectif est d’endiguer l’extension du communisme. L’aide proposée par les États-Unis a pour but premier de reconstruire une Europe dévastée par la Seconde Guerre mondiale. George Marshall affirme ainsi : « Notre politique n’est dirigée contre aucun pays […] mais contre la famine, la pauvreté, le désespoir et le chaos. » Il ajoute que le but ultime doit être de créer « les conditions politiques et sociales où de libres institutions puissent exister. » George Marshall reprend ici les grandes orientations de la doctrine Truman énoncée en mars. Le président américain se prononçait alors pour un soutien économique et financier destiné à aider les « peuples libres à forger leur destin ». Il réaffirme aussi la conviction américaine selon laquelle la pauvreté engendrerait le communisme : « les gouvernements […] qui cherchent à perpétuer la misère humaine pour en tirer profit sur le plan politique […] se heurteront à l’opposition des États-Unis. » Les effets attendus de cette politique sont tout d’abord de relever l’Europe et de l’unir. L’aide est d’ailleurs conditionnée par la mise en place d’une coopération entre les pays bénéficiaires pour la répartir. C’est ce que George Marshall souligne en disant : « un accord devra être réalisé par les pays de l’Europe sur leurs besoins actuels et ce que ces pays de l’Europe feront eux-mêmes pour rendre efficaces toutes les mesures que ce gouvernement pourrait prendre. » Cet accord intervient en avril 1948 lorsque seize pays ouest-européens créent, lors de la conférence de Paris, l’Organisation européenne de coopération économique (OECE), chargée de répartir l’aide des États-Unis d’un montant de 13 milliards de dollars. Celle-ci profite surtout à la France et au Royaume-Uni qui en prennent la moitié. Elle facilite la reconstruction des pays d’Europe de l’Ouest mais alimente également l’antiaméricanisme de ceux qui voient dans la « marshallisation » une soumission aux ÉtatsUnis. Un second effet est d’assurer des débouchés à l’économie américaine en comblant le dollar gap à savoir le manque de moyens de paiement des Européens. C’est là une condition de « la renaissance d’une économie active dans le monde » évoquée par George Marshall. Enfin, un dernier effet est d’accélérer la division du monde en deux blocs antagonistes. Les conditions posées par Washington sont refusées par l’URSS au nom de l’indépendance nationale. Les Soviétiques poussent leurs satellites d’Europe de l’Est à en faire autant. La proposition Marshall est donc autant une aide à la reconstruction qu’une manière, pour les États-Unis et leurs alliés, de faire progressivement bloc face à l’extension, en Europe, de l’influence communiste. 44 © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 10 p. 98 ANALYSE DE DEUX DOCUMENTS SUJET Les États-Unis et l’après 11 septembre 2001 En confrontant ces documents, montrez ce qu’ils révèlent des oppositions suscitées par l’interventionnisme américain après le 11 septembre 2001, et interrogez les fondements divergents de ces résistances. Exemple de réponse rédigée L’année 2001 est une année charnière pour l’histoire de l’influence de la puissance des États-Unis après la guerre froide. Une photographie d’une manifestation des partisans des talibans à Peshawar au Pakistan le 23 septembre 2001 est prise alors que les États-Unis entreprennent de renverser le régime taliban suite à la revendication des attentats du 11 septembre 2001 par Ben Laden. « Talibans » désigne les étudiants fondamentalistes des écoles coraniques qui contrôlent l’essentiel du pays depuis 1996 avec le soutien actif du Pakistan. Ils sont soupçonnés d’abriter les bases d’Al-Qaïda, l’organisation terroriste responsable des attentats du 11 septembre 2001. Le deuxième document est extrait d’un discours du président du Venezuela depuis 1999, Hugo Chavez, prononcé à la tribune de l’ONU, le 20 septembre 2006. Il critique avec virulence l’influence des ÉtatsUnis. Nous étudierons les formes, points communs et différences entre ces oppositions. Les deux documents font état d’oppositions qui diffèrent sur la forme. Le discours d’Hugo Chavez nous montre une opposition officielle, celle du Venezuela qui qualifie les États-Unis de puissance « impérialiste », à savoir une puissance dont les principales motivations sont d’étendre son modèle à l’ensemble du monde. Cette opposition d’État est complétée par une autre forme d’opposition, celle de la rue et des opinions publiques. Elle est incarnée, de manière très radicale, dans le document 2, par les partisans des talibans. On voit ici leurs partisans brûler un drapeau américain devant des photographes et brandir des pancartes hostiles à l’intervention américaine en Afghanistan. Ce type de manifestation ne se retrouve pas seulement dans cette partie du monde mais a parfois lieu dans des pays occidentaux et alliés des États-Unis qui abritent des opinions publiques hostiles à la guerre. Ces deux formes d’opposition ont des fondements différents. Le document 2 nous montre la position de l’islam radical. Cet islamisme revient au premier plan sur la scène internationale depuis les attentats du 11 septembre 2001 au travers d’Al-Qaïda qui espère unir le monde arabo-musulman sur le rejet de l’Occident et d’Israël (on distingue sur la photo l’étoile de David associée aux États-Unis sur les pancartes). Le discours d’Hugo Chavez s’inscrit, quant à lui, dans la volonté d’indépendance par rapport aux États-Unis. Il s’agit d’une opposition fondée notamment sur la critique du capitalisme américain, coupable, selon Chavez, d’asservir les peuples. Chavez entend promouvoir une plus grande indépendance du sous-continent américain autour d’un axe « progressiste » comprenant le Brésil, la Bolivie ou encore le Chili. Ces oppositions se rejoignent toutefois sur certains points. Tout d’abord sur l’hostilité aux États-Unis. Les deux documents ont pour principal point commun un antiaméricanisme virulent. Elles sont également liées par un même refus de l’interventionnisme américain, considéré comme une nouvelle forme de colonialisme. © Magnard, 2014 – Histoire Terminales S – Livre du professeur 45 CHAPITRE 4 La Chine et le monde depuis 1949 p. 101-131 ➥ Comment la puissance chinoise s’affirme-t-elle depuis 1949 ? Commentaires du programme Le programme demande d’étudier en 4 à 6 heures l’évolution de la puissance et de l’influence chinoise dans le monde depuis 1949, c’est-à-dire au moment où s’achève la longue guerre civile chinoise et où les communistes emmenés par Mao Zedong s’installent au pouvoir. La seconde moitié du xxe siècle est celle de l’affirmation progressive d’un État au niveau économique et politique qui devient la deuxième puissance économique mondiale et se pose en rival des États-Unis pour la suprématie mondiale au xxie siècle. Nous avons choisi de suivre pour les cours un plan chronologique afin de rendre plus claire l’évolution de la Chine et de faire ressortir le tournant majeur des années 1976-1978 marqué par la mort de Mao et la progressive prise de pouvoir de Deng Xiaoping qui initie l’ouverture au monde de la Chine. En 1949, la Chine devient le deuxième pôle du monde communiste et si ses relations avec l’URSS sont d’abord cordiales, elles ne tardent pas à se tendre après la mort de Staline. La Chine n’accepte pas le tournant pris par Khrouchtchev lançant la déstalinisation et veut aussi affirmer son influence en tant que modèle notamment dans le monde asiatique en s’appuyant sur son orthodoxie idéologique et sur son poids démographique. La recherche d’un statut international qui marque la voie chinoise depuis 1949 passe par un soutien affirmé aux pays des Suds depuis la conférence de Bandung face aux grandes puissances aussi bien celles du camp occidental que celle du camp communiste. Cette politique se poursuit après la mort de Mao et se perpétue aujourd’hui pour satisfaire ses ambitions économiques. Cependant, les errements de la politique de Mao, du « Grand Bond en avant » à la « Révolution culturelle » ne permettent pas une réelle affirmation de la Chine, bien que son leader fasse l’objet d’une véritable admiration dans certains groupes de la jeunesse occidentale et que la Chine soit érigée en modèle. Cette faiblesse de la puissance chinoise est prise en compte par la République populaire qui entame un rapprochement stratégique avec les ÉtatsUnis pour revenir sur la scène mondiale. À partir de 1978, Deng Xiaoping pose les bases de sa puissance actuelle autour d’une devise : « Un État, deux systèmes ». Politiquement, la Chine reste un État communiste dictatorial, économiquement, elle suit les règles de l’économie capitaliste. L’ouverture au monde est avant tout économique, la Chine attire d’abord les capitaux étrangers avant de devenir à son tour une grande puissance financière et d’investir massivement en Asie centrale, en Amérique du Sud et en Afrique. L’influence est donc sans cesse croissante, même si la Chine se heurte à des limites en partie créées par son propre système qui ternit son image politique et la fait percevoir comme une menace ce qui nuit au développement de son soft power. Lien vers un autre chapitre du manuel • Chapitre 8 : sur l’affirmation des BRICS dans la gouvernance mondiale (Étude 4, p. 236). © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 47 Ressources numériques liées au chapitre Vidéo et fiche d’activités Les manifestations de la place Tian’anmen vues par la télévision française Carte interactive et fond de carte Une grande puissance régionale et globale Document interactif Couverture d’une revue de propagande chinoise (1966) Frise modifiable La Chine et le monde depuis 1949 Bibliographie du chapitre Livres M arie-Claire Bergère, La Chine de 1949 à nos jours, Armand Colin, 2000. Une synthèse classique et riche. Jean-Pierre Cabestan, La Politique internationale de la Chine, Presses de Sciences Po, 2010. Une mise au point sur l’influence de la Chine et ses limites. Yves Chevrier, Mao et la révolution chinoise, éditions Casterman, 1993. Une vision qui mêle les sources chinoises et occidentales pour un regard plus riche. Wei Djao, Being Chinese, Voices from the diaspora, University of Arizona Press, 2003. Un ouvrage qui permet de prendre conscience de l’importance économique de la diaspora. Jean-Louis Domenach, Comprendre la Chine d’aujourd’hui, Perrin, 2007. Les enjeux de la Chine contemporaine par un véritable spécialiste. Jacques Guillermaz, Histoire du Parti communiste chinois, Payot, 1975. Un classique pour approcher le rapport au communisme du modèle chinois. François Gipouloux, La Chine au xxie siècle. Une nouvelle superpuissance ?, Armand Colin, 2005. Un reflet de la perception ambivalente de la Chine par l’Occident. C laude Hudelot, La Longue Marche vers la Chine moderne, éditions Gallimard, 2003. Un classique qui permet d’inscrire la Chine dans son passé depuis la fin du xixe siècle en quelques pages. S imon Leys, Les Habits neufs du président Mao, Ivrea, 2009. La première véritable analyse du système dictatorial chinois. Valérie Niquet, Chine-Japon, l’affrontement, Perrin, 2006. Un état précis des relations politiques, diplomatiques, stratégiques, voire énergétiques, entre les deux pays. Carine Pina-Guerassimoff, La Chine dans le monde : panorama d’une ascension, Ellipses, 2011. Une bonne synthèse avec des chapitres thématiques accessibles. Nora Pirovano-Wang, L’Asie orientale de 1840 à nos jours, Armand Colin, 2000. Une histoire générale de la Chine dans le cadre plus large de l’Asie. Alain Roux, La Chine contemporaine, « Cursus », Armand Colin, 5e éd., 2010. Une bonne synthèse, claire et accessible. Thierry Sanjuan, Atlas de la Chine, Autrement, 2012. Ouvrage riche en graphiques, cartes et tableaux de synthèse, très pratique. Revues « La Chine et la nouvelle Asie », Questions internationales, La Documentation française, n° 48, mars-avril 2011. Thierry Sanjuan, Le Défi chinois, La Documentation photographique, juillet-août 2008. Le Monde, Bilan Géostratégie, 2013. Courrier international, Hors-série « La Chine qui vient », oct-nov 2010. Utiliser le manuel Document iconographique (p. 100) Sur la place Tian’anmen, devant l’entrée de la Cité interdite, cœur du pouvoir impérial renversé en 1911 et sous le portrait de Mao Zedong, son père fondateur, est célébrée le soixantième anniversaire de la proclamation de la République populaire le 1er octobre 1949. La puissance politique et militaire qui s’affirme au premier plan répond à la puissance économique nouvelle visible à l’arrière-plan avec les gratte-ciel. Le document illustre à la fois la modernisation de la Chine mais aussi l’ancien- 48 neté de sa puissance et son ancrage dans le passé. La figure tutélaire de Mao incarne paradoxalement le lien entre le passé et le présent de la Chine. La tradition du défilé militaire comme démonstration de la puissance et la présence du portrait de Mao sont aussi le rappel du type de régime qui s’est installé en Chine depuis 1949 qui s’inscrit dans la tradition des régimes totalitaires du xxe siècle. On peut ainsi voir que la rupture économique des années Deng Xiaoping ne s’est pas traduite par une rupture politique et un rejet de l’héritage de Mao. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S– Livre du professeur Contextes & Repères La Chine et le monde depuis 1949 (p. 102) L’objectif de la double-page est d’offrir une vision panoramique et problématisée de l’évolution du rapport au monde de la Chine depuis 1949. Ce qu’il faut savoir Image 1 (1949) : Mao, leader communiste de la guerre civile, a pu rassembler une armée de 900 000 hommes pour écarter les nationalistes du pouvoir en 1949. Image 2 (1966) : le culte de la personnalité est une partie intégrante du régime maoïste. La jeunesse est embrigadée derrière le « Grand timonier ». Image 3 (1972) : dans le cadre de la guerre du Vietnam, Américains et Chinois se rapprochent pour mieux s’opposer à l’URSS. Image 4 (1987) : L’ouverture au monde se traduit par une politique de grands travaux de modernisation dans les ZES. Image 5 (2006) : La caricature met en place les protagonistes de l’affrontement économique d’abord mais sans doute bientôt politique qui doit marquer le xxie siècle. Image 6 (2013) : La Chine devient une grande puissance scientifique et technologique, rejoignant les Russes et les Américains. Pistes pédagogiques La double page peut s’étudier en elle-même : – comparaison des images 1, 4 et 6 pour analyser la modernisation ; – mise en rapport des images 3 et 5 sur le rapport ambivalent avec les États-Unis. Elle peut aussi s’étudier en lien avec d’autres doubles pages du chapitre : – mise en rapport de l’image 2 et de l’étude 2 (sur Mao) ou de la page Histoire des Arts ; – mise en rapport de l’image 5 avec la double page « Débat » et l’étude 5 (soft power). Activité numérique complémentaire Le culte de la personnalité Dans le manuel interactif, en vidéoprojection, vous pouvez utiliser l’outil Comparateur de documents pour présenter côte à côte différentes images en rapport avec le culte de la personnalité de Mao. Cartes La Chine depuis 1949 (p. 104) Les trois cartes permettent de dresser une évolution politique et économique de la puissance chinoise. On peut les étudier une à une en lien avec les cours et les études. La carte 1 (1949-1951) peut permettre de faire comprendre la fragilité de l’État né de la révolution communiste en 1949 et d’expliquer son faible rayonnement initial sur la scène internationale que l’on constate dans le cours 1. Un lien peut aussi être fait avec l’étude 1 pour l’ancrage dans le monde communiste. La carte 2 (mondialisation, 2012) rend compte de la puissance économique et financière de la Chine, elle permet de voir son rayonnement et de mesurer ses liens avec les différentes parties du monde. Le lien avec l’étude 3 sur le rapport aux Suds peut être enrichissant. La carte 3 (grande puissance) permet, avec l’encart explicatif, un état des lieux de la puissance chinoise d’un point de vue politique, militaire et économique. Elle peut être utilisée en lien avec la double page « Débat » ou avec l’étude 4 pour expliciter le sentiment de « menace » qu’éprouve l’Occident face aux tensions territoriales liées à l’affirmation chinoise. On peut les étudier de façon croisée en insistant sur ce qui traduit une continuité et ce qui marque une rupture. La mise en rapport de la carte 1 et de la carte 3 peut s’avérer intéressante pour faire ressortir la permanence de certaines tensions, les inscrire ainsi dans leur contexte et mettre en avant des perspectives futures. Ressources numériques Fond de carte et carte interactive La carte 3 est proposée sous forme de carte interactive ce qui permet de mettre en évidence par exemple les emplacements des bases navales ou encore le jeu des alliances. Un travail sur le fond de carte proposé en plus peut permettre de retrouver les éléments repérés au préalable. Cours 1 La recherche d’une voie chinoise (1949-1976) (p. 106) ➥ Quelle est l’influence de la Chine maoïste sur la scène internationale ? Ce qu’il faut savoir La Chine entre dans les relations internationales comme alliée de l’URSS dans le cadre de la guerre froide. Sa première véritable manifestation de puissance a lieu lors de la guerre de Corée (1950-1953). Cependant elle prend vite son indépendance par rapport à l’URSS et entend incarner la « vraie » voie du socialisme. Son influence cherche à se manifester en priorité sur les pays du tiers-monde : la Chine est un acteur majeur de la « troisième voie ». Sa faible puissance, réduite par les luttes intestines pour le pouvoir, ne lui permet pas de jouer un rôle majeur, mais l’influence intellectuelle et morale du maoïsme dépasse les frontières chinoises. Réponses aux questions Doc. 1 > La conférence de Bandung marque l’entrée du tiersmonde sur la scène internationale. Isolée politiquement, la Chine, par la voix de Zhou Enlai, entend s’affirmer © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 49 et devenir le véritable porte-parole des pays dominés. Elle soutient ainsi une « troisième voie », opposée à celles de l’URSS et des États-Unis. Doc. 2 > La principale différence de la Chine face aux autres puissances est son refus de toute politique impérialiste et sa volonté au contraire de soutenir les pays opprimés. > Deux justifications sont présentées par la Chine. Il s’agit d’abord pour elle d’assurer sa défense et donc son indépendance. Enfin, sa possession de l’arme nucléaire est une garantie que les autres possesseurs ne l’utiliseront pas, une garantie de paix. Doc. 3 > La cause première est la volonté de Mao de reconquérir le pouvoir. La Révolution culturelle repose sur un mouvement de masse violent, parti de la jeunesse, qui tend à échapper au contrôle de ses initiateurs. > L’Occident veut voir dans la Révolution culturelle un authentique mouvement révolutionnaire alors qu’elle n’est qu’une banale lutte pour le pouvoir selon l’auteur. Doc. 4 > Le régime organise de grandes manifestations de masse, démonstration du soutien de la population. La propagande se lit dans le culte de la personnalité du leader, Mao, et elle est véhiculée par le recueil de ses pensées brandi par les manifestants, le Petit Livre rouge. Bibliographie M arie-Claire Bergère, La Chine de 1949 à nos jours, Armand Colin, 2000. Une très bonne synthèse. Simon Leys, Les Habits neufs du président Mao, Ivrea, 2009. Une analyse critique pertinente du maoïsme. Réponses aux questions Doc. 1 > Le gouvernement pékinois réprime violemment les manifestations et réaffirme de ce fait le principe fondamental : « un pays, deux systèmes » : la démocratie ou 5e modernisation ne va pas automatiquement de pair avec le libéralisme économique. > La répression nuit à l’image de la Chine. Elle réaffirme aux yeux du monde le caractère dictatorial du régime. Doc. 2 > La Chine réaffirme l’importance de ces réformes qui à long terme sont porteuses de bénéfices aussi bien pour le monde rural que pour le monde urbain. La patience demandée est à l’aune des succès espérés. > Le principal impact de cette ouverture sur le monde est la captation des technologies étrangères qui doivent permettre à la Chine de rattraper son retard sur le monde occidental. À cela s’ajoute aussi l’espoir d’un nouveau regard sur la Chine de la part de l’étranger. Doc. 3 > On ne peut séparer l’essor économique de la Chine de l’augmentation des IDE qui ont eu un effet accélérateur de la croissance dans les années 1990. La Chine base son développement sur la croissance de son commerce extérieur portée à l’origine par les IDE et qui a tendance à s’en affranchir. Ressources numériques Vidéo et fiche d’activités Le 17 mai 1989, le journal télévisé de 20 heures, sur Antenne 2, s’ouvre par un reportage montrant des manifestants réclamant plus de libertés individuelles dans la Chine communiste. Une fiche d’activités permet de travailler avec les élèves sur les limites de l’ouverture chinoise au monde. Cours 2 Bibliographie ➥ Quels sont les aspects et les limites Carine Pina-Guerassimoff, La Chine dans le monde : panorama d’une ascension, Ellipses, 2011. Une synthèse claire sur les conditions de l’affirmation de la puissance chinoise et ses limites. Thierry Sanjuan, Atlas de la Chine, Autrement, 2012. Très utile pour les différents documents. Depuis 1976, une affirmation progressive de la puissance (p. 108) de la puissance chinoise ? Ce qu’il faut savoir Une véritable rupture s’opère en 1976 avec la mort de Mao Zedong et de Zhou Enlai. Elle est organisée par Deng Xiaoping qui prend conscience de l’isolement et du retard de la Chine. La Chine adopte sur le plan économique les règles de l’économie libérale, même si le Parti et l’État restent fortement présents dans la vie économique. Le libéralisme n’atteint pas le domaine politique ; la « 5e modernisation », celle de la démocratisation, est combattue par le pouvoir. L’affirmation de la Chine frappe par sa rapidité et est ressentie par ses voisins et par les États-Unis comme une menace potentielle. Cependant, le modèle chinois a encore des défis politiques et économiques à relever. 50 Étude 1 La Chine et le monde communiste (p. 110) ➥ Quels rapports la Chine entretient-elle avec le monde communiste ? Ce qu’il faut savoir La Chine occupe une place à part dans le monde communiste. Elle est le premier État non européen à devenir communiste au lendemain de la Seconde Guerre mondiale après une guerre civile qui a commencé en 1927. Le communisme est, de plus, en Chine une des formes du nationalisme, puisant sa légitimité aussi dans la guerre © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S– Livre du professeur contre l’envahisseur japonais. Son rapport à l’URSS est une autre de ses spécificités ; la Chine affirme très tôt une volonté d’indépendance que sa position géographique et son poids démographique peuvent lui permettre contrairement aux pays d’Europe de l’Est. L’indépendance se transforme en conflit, parfois ouvert, mais le plus souvent larvé entre deux États qui revendiquent la direction du monde communiste. La séduction du modèle maoïste subsiste plus longtemps en Occident que celle du modèle stalinien dont les errements sont rapidement connus. La Chine demeure un des derniers États officiellement communistes. Réponses aux questions 1. Le rapport entre les deux puissances se joue entre continuité et rupture. Mao se proclame l’héritier des grands penseurs et dirigeants du modèle communiste international mais se pose comme le dernier et le plus important. Ainsi, l’influence des Soviétiques en Chine décroît progressivement et Mao entend prendre la tête du monde communiste et faire de la Chine une grande puissance. 2. La Chine veut jouer un rôle majeur dans les relations internationales. Son intervention dans la guerre de Corée est sa première véritable apparition sur la scène mondiale. Elle agit ici avec le soutien de l’URSS au nom du communisme international et avec la volonté de s’opposer à l’expansion américaine. Il s’agit aussi pour elle de défendre ses frontières en maintenant un État-tampon communiste en Corée. 3. Entre l’URSS et la Chine, les deux grandes puissances du monde communiste, les relations sont tendues. Des conflits frontaliers les opposent qui dégénèrent en guerre. La raison majeure de l’opposition est celle du contrôle d’une zone d’influence en Asie du Sud-Est. Vers la composition. Introduction. En 1949, la Chine entre dans le bloc communiste dont elle demeure un des derniers membres en 1991 lors de la disparition de l’URSS. Dans le cadre de la guerre froide, l’URSS trouve un nouvel allié dans l’espace asiatique. La Chine – qui sort d’une longue période de guerre civile et d’occupation japonaise – est trop affaiblie pour ne pas avoir besoin du soutien de l’URSS. Cependant les ambitions de Mao, la mort de Staline et le poids démographique de la Chine sont porteurs de tensions entre les deux États majeurs du monde communiste. La question se pose donc de savoir de quelle façon évoluent les rapports entre l’URSS et la Chine dans le cadre des relations internationales agitées de la guerre froide et pour la primauté dans le monde communiste. Nous verrons dans un premier temps comment se noue la coopération entre les deux États avant d’exposer les conséquences de l’affirmation d’une voie chinoise spécifique au milieu des années 1950 sur leurs relations pour finir sur l’opposition à la fois tactique et idéologique qui se structure à partir des années 1970. Conclusion. La fin de la guerre froide entre 1989 et 1991 marque l’épilogue de la relation qui s’était transformée en rivalité entre l’URSS et la Chine. Le rapprochement sino-américain a fait de la Chine un allié objectif contre l’URSS même si idéologiquement la parenté restait affirmée. Si l’URSS disparaît, la Chine s’affirme à la tête d’un monde communiste dont elle est un des derniers représentants mais surtout elle poursuit son affirmation sur la scène internationale et son allié d’hier contre l’URSS devient son rival dans la suprématie mondiale. Bibliographie Jacques Guillermaz, Histoire du Parti communiste chinois, Payot, 1975. Le point sur l’évolution du parti et son rapport à l’URSS. Étude 2 BAC Mao, icône controversée du communisme chinois Vers l’analyse d’un document. Le document illustre l’ambivalence des rapports entre la Chine et la Corée du Nord. Allié officiel de l’État nord-coréen contre la Corée du Sud depuis son intervention en 1951 dans la guerre qui les opposa, la Chine maintient son alliance et des liens étroits avec le Parti communiste au pouvoir. Cependant elle craint la politique agressive que la Corée du Nord entend mener contre l’État du Sud. Aussi exerce-t-elle des pressions économiques sur cet État dont la survie dépend d’elle. La Chine est consciente des risques que l’éclatement d’un conflit ferait naître. Elle craint de devoir supporter un afflux de réfugiés en provenance d’un État qui perdrait la guerre et elle redoute l’implication des États-Unis qui ne laisseraient pas leur allié sud-coréen se faire agresser par le Nord. Ainsi, les pressions exercées sur son allié et que celui-ci trouvent pesantes, sont elles vues comme indispensables. (p. 112) ➥ Comment se transforme l’image de Mao dans le monde ? Ce qu’il faut savoir Figure centrale de la vie politique chinoise depuis les années 1920 jusqu’à sa mort en 1976, Mao Zedong sait mettre en avant son image et construit très tôt son mythe de libérateur intègre et généreux. L’héroïsation du personnage en Chine prend sa source dans la « Longue Marche » de 1934-1935, un long repli de 12 000 km à travers la Chine pour fuir l’avancée de ses ennemis qu’il transforme en épopée. Mao n’est pas qu’un idéologue puisant ses analyses dans la tradition marxiste ; il est aussi un homme de pouvoir multipliant les tournants idéologiques pour se maintenir ou pour revenir à la tête du pays et faire oublier ses échecs économiques notamment du « Grand Bond en avant ». Le bilan sombre qu’il © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 51 laisse aussi bien sur le plan humain – des millions de morts, les laogaï ou camps de travail – que sur le plan économique n’empêche pas son aura de grandir, notamment dans la jeunesse occidentale des années 1970 qui n’a qu’une connaissance détournée par la propagande de ce qui se passe en Chine. Ressources numériques Document interactif Le document 1 est proposé dans une version interactive qui permet de mettre en avant les éléments principaux de l’image (jeunesse instrumentalisée, drapeaux rouge de la révolution). Réponses aux questions 1. Au premier plan, une jeunesse joyeuse agitant des drapeaux rouges, à l’arrière-plan, la figure tutélaire de Mao. Un peuple uni derrière son leader pour « construire » le pays avec vitalité et entrain. 2. Une partie de la jeunesse occidentale est fascinée par Mao. Il incarne à la fois la lutte contre l’impérialisme américain, la société de consommation et l’impérialisme soviétique. Mao devient lui-même une icône désincarnée, un objet artistique. Par ailleurs, ses analyses correspondent peu à la situation des pays développés. 3. L’embrigadement de la jeunesse, l’encadrement par le parti et l’armée ainsi que le culte de la personnalité sont des caractéristiques essentielles. On retrouve aussi l’intense propagande justifiant la violence. BAC Vers l’analyse de documents. Au moment de la Révolution culturelle, l’Occident est traversé par une phase de contestation provenant entre autres de la jeunesse. En France, le mouvement de mai 68 (doc. 2) cristallise cette contestation. La figure de Mao devient populaire (doc. 3) comme sa pensée (doc. 2) véhiculée par le Petit Livre rouge. Le rêve d’une nouvelle société issue de la révolution s’empare de la jeunesse étudiante et si le communisme soviétique n’exerce plus la même séduction qu’auparavant, l’exemple de la Révolution culturelle chinoise censée faire advenir une société plus juste et libérée des carcans de l’autoritarisme séduit. Face au modèle de la société de consommation qui s’impose en Occident et face à celui de la dictature qui se développe en URSS, la Chine incarne bien la troisième voie possible. La réalité de la Révolution culturelle est loin. Cependant, cette séduction débouche aussi dans certains groupuscules sur une aspiration à la violence pour renverser l’ordre social traditionnel assimilé à l’occupation nazie. La propagande chinoise masque de fait la réalité de ce qui se passe en Chine, l’élan révolutionnaire exalté par la jeunesse occidentale est avant tout pour Mao une démarche tactique pour revenir au pouvoir en Chine. 52 Vers la composition. Alors qu’en Chine se développe la Révolution culturelle dans un climat de violence profond et sanglant, une partie de la jeunesse occidentale succombe à la séduction du maoïsme. Le Petit Livre rouge, recueil des pensées de Mao, se diffuse et devient le bréviaire de la jeunesse révolutionnaire. La pensée de Mao incarne l’espoir d’un changement de société au moment où l’idéal proposé en Occident est celui de la société de consommation en laquelle une partie de la jeunesse voit une nouvelle forme d’aliénation. Le maoïsme propose la rupture et la refondation d’un nouvel ordre social plus égalitaire et permettant aux classes les plus défavorisées comme les ouvriers d’échapper enfin à la domination de la bourgeoisie. La jeunesse est aussi séduite par les accents anti-autoritaires du programme de Mao comme « Feu sur les états-majors » appelant à renverser les vieilles structures de domination et donc à lui donner la parole. Cette image positive de Mao et de l’expérience maoïste s’effondre progressivement à mesure que sont connus les véritables effets de sa politique en Chine et que les plus absolus dans le culte de la pensée de Mao ne se radicalisent eux-mêmes. Bibliographie Yves Chevrier, Mao et la révolution chinoise, éditions Casterman, 1993. Un ouvrage accessible qui fait le point sur les formes du pouvoir de Mao. Claude Hudelot, La Longue Marche vers la Chine moderne, éditions Gallimard, 2003. De nombreux documents pour cerner le personnage de Mao et son influence. Simon Leys, Les Habits neufs du président Mao, Ivrea, 2009. Une analyse du système maoïste. Étude 3 L’influence chinoise dans les pays des Suds (p. 114) ➥ Quels rapports la Chine entretient-elle avec les pays des Suds ? Ce qu’il faut savoir La Chine suit une tradition de rapports de coopération avec les pays des Suds depuis la conférence de Bandung en 1955 à laquelle elle participe. Elle entend être un des leaders de l’affirmation des pays du tiersmonde à la recherche de leur indépendance économique et politique face aux deux blocs en place et aux puissances coloniales. Cette relation privilégiée n’a jamais réellement existé avant l’essor économique chinois des années 1980. Désormais, la Chine se présente comme un allié devant les pays des Suds confrontés à la pression et au poids économique des pays développés. Cette orientation obéit à une logique économique et politique. La Chine doit se constituer une zone d’influence pour devenir une réelle grande puissance. Elle doit aussi chercher à garantir son indépendance énergétique, condition © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S– Livre du professeur de son affirmation future. La Chine n’échappe cependant pas aux accusations de néocolonialisme que son implication croissante fait naître. Réponses aux questions 1. À la conférence de Bandung en 1955, la Chine affiche sa solidarité et son destin commun avec les pays d’Afrique et d’Asie. C’est l’occasion pour elle de trouver des alliés dans l’optique de défendre une voie alternative à celles de l’URSS et des États-Unis. Elle affirme ainsi son poids international. 2. Les principaux moyens sont les investissements qui passent par le rachat d’entreprises ou l’obtention de concessions. Elle envoie aussi des travailleurs chinois. Les conséquences sont l’influence croissante sur les pays des Suds et l’affirmation de la puissance à long terme. 3. La Chine est le premier importateur d’hydrocarbures et doit diversifier son approvisionnement pour garantir son indépendance. Elle est donc de plus en plus présente en Asie centrale, en Afrique et en Amérique du Sud. L’objectif est d’échapper au contrôle des ressources dont disposent les États-Unis et la Russie. BAC Vers l’analyse de documents. À la conférence de Bandung en 1955, la Chine affiche son idéal de « coopération » avec les pays du Sud pour garantir leur indépendance par rapport aux puissances coloniales et aux deux Grands. L’augmentation de ses besoins énergétiques a modifié son attitude à l’égard des pays du Sud. Le document 3 met en avant le terme de « conquête » qui marque bien la rupture avec l’idéal de décolonisation de la conférence de Bandung lorsqu’il s’agissait de « secouer le joug du colonialisme ». La Chine investit massivement dans les pays du Sud producteurs de matières premières, on peut même parler de « diplomatie de l’énergie » qui n’a que peu à voir avec le « rétablissement de la souveraineté » (document 1). La puissance financière de la Chine lui permet ainsi d’acquérir les moyens de production pour satisfaire ses besoins mais aussi d’installer durablement son influence. En effet, l’ « aide » proposée en 1955 n’a rien de commun avec celle « sous forme de prêts » de 2010. Ceux-ci engagent les pays du Sud qui les remboursent en matières premières ou facilitent l’arrivée de produits chinois ou de nouveaux investissements. C’est donc une nouvelle relation de dépendance qui se tisse pour les pays du Sud. La Chine fait ainsi figure de nouvelle puissance dominante remplaçant souvent les puissances occidentales dans des espaces qui leur étaient réservés depuis la colonisation. C’est le cas notamment en Afrique où elle est devenue le premier investisseur étranger au détriment de la France et de l’Angleterre. Vers la composition. L’objectif de la Chine en investissant massivement dans les pays du Sud n’est pas seulement de se procurer les ressources nécessaires à sa crois- sance qui se maintient à environ 10% par an depuis les années 1990, mais il est aussi d’accroître son influence géopolitique. L’affirmation de sa puissance passe par son indépendance, la Chine en est consciente. Les États-Unis sont les partenaires privilégiés des pays du Golfe, les premiers producteurs de pétrole, et la Russie dispose de ressources propres considérables. La Chine qui aspire à devenir une très grande puissance influente sur la scène internationale ne peut lier son destin aux pressions potentielles de ses rivaux, aussi se doit-elle de se procurer de façon autonome les ressources dont elle a besoin. Cette recherche de l’autonomie est aussi un support de l’affirmation de son influence. Les pays dans lesquels elle investit sont, historiquement, dans la sphère d’influence des États européens pour ce qui est de l’Afrique, dans celle de la Russie pour l’Asie centrale et dans celle des États-Unis pour l’Amérique du Sud. La Chine se pose ainsi directement en rivale. Bibliographie Jean-Pierre Cabestan, La Politique internationale de la Chine, Presses de Sciences Po, 2010. Une mise en perspective des grands axes de la politique étrangère chinoise. « La Chine et la nouvelle Asie », Questions internationales, La Documentation française, n° 48, mars-avril 2011. Un bilan sur la place croissante de la Chine en Asie et les raisons de ces relations avec les pays de la région. Étude 4 La Chine et l’Occident (p. 116) ➥ Quelle image la Chine se fait-elle de l’Occident et de ses valeurs ? Ce qu’il faut savoir La Chine s’est longtemps développée en entretenant peu de liens et de contacts avec le monde extérieur. Au xixe siècle, un tournant a été pris à ses dépens. Les puissances occidentales se sont mises à exercer une influence croissante sur l’empire chinois alors affaibli allant jusqu’à se faire accorder des zones d’influence et des territoires à bail ce qui a nourri le réveil du nationalisme chinois. La naissance de la Chine moderne après la révolution de 1911 se fait contre les puissances occidentales et se poursuit dans les années 1930-1940 contre le Japon avec lequel elle a encore des contentieux territoriaux. Les rapports avec l’Occident restent ambivalents après la prise de pouvoir des communistes en 1949. Ennemis idéologiques, les Occidentaux deviennent aussi des partenaires dans l’opposition à l’URSS. L’ambivalence demeure aujourd’hui et se retrouve dans le regard des Occidentaux sur la Chine. L’Occident séduit mais les valeurs occidentales, notamment les Droits de l’homme, sont rejetées comme des formes d’impérialisme culturel. La Chine de son côté fascine par sa croissance mais est perçue aussi, pour cette raison, avec une certaine crainte. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 53 Réponses aux questions 1. A ux États-Unis comme en Europe s’est installée dès la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle une forte communauté chinoise. Cette diaspora qui diffuse la culture chinoise donne naissance à des quartiers fortement marqués par sa présence : bâtiments, décorations, magasins… 2. Les valeurs chinoises reposent sur la collectivité et non sur l’individu contrairement à l’Occident. Le conflit peut naître de cette incompréhension et surtout de la crainte de l’expansionnisme chinois qui se manifeste au niveau commercial. La Chine peut se revendiquer à son tour comme modèle à suivre. 3. La Chine voit dans l’Occident un marché à conquérir. Les marques occidentales exercent une forte séduction sur les consommateurs mais aussi sur les multinationales chinoises et s’en emparer par le biais des investissements est source de fierté. BAC Vers l’analyse d’un document. Le modèle chinois ne s’analyse pas de la même façon en Chine et en Occident. La vision occidentale insiste sur le caractère autoritaire du régime qui repose entre les mains du Parti communiste. Cet État-parti fort investit massivement dans l’économie et a fait de la Chine une véritable puissance exportatrice, comme l’ensemble des pays d’Asie du Sud-Est, mais le régime se soucie peu des questions sociales. La Chine mesure l’incompréhension occidentale de son modèle qui pour elle repose sur le primat donné au collectif par rapport à l’individu dont elle ne comprend pas la mise en avant par l’Occident. L’importance pour la Chine de la notion de famille qui mérite que l’on sacrifie son intérêt personnel pour elle est posée comme une différence fondamentale. Son modèle n’a pas vocation à s’étendre et n’est pas par principe universel, se distinguant en cela du modèle occidental qui se pense comme une référence universelle. Cependant, la Chine ne peut que constater que sa réussite inspire largement le monde alentour, ce dont elle tire une certaine fierté. Ainsi son influence s’exerce-t-elle à l’échelle mondiale, même si ce sont avant tout les pays voisins d’Asie qui se réfèrent à son modèle. On peut noter une certaine ironie à constater que pour la Chine, la Russie, ancienne inspiratrice du modèle puis rivale, s’inspire désormais de ce qui fait la réussite chinoise. Vers la composition. La Chine a une vision ambivalente de l’Occident. Dominée depuis la deuxième moitié du xixe siècle par les puissances occidentales qui la privaient d’une partie de sa souveraineté, la Chine entend aujourd’hui affirmer sa présence et son indépendance sur la scène mondiale. L’Occident exerce toujours une forte séduction, notamment par ses marques prestigieuses qui illustrent un certain art de vivre. Leur consommation témoigne d’une réussite. Cependant, la Chine n’entend plus se faire dicter son comportement et ses valeurs par 54 un Occident qu’elle juge hypocrite et impérialiste. L’Occident pour les Chinois tente par tous les moyens d’empêcher l’affirmation politique et économique de la Chine lui reprochant en fin de compte de faire ce que lui-même n’a cessé de faire. Les questions tournant autour des Droits de l’homme ou de la pollution ne sont que des moyens pour freiner la Chine dans la défense de ses intérêts. Leur utilisation est d’autant moins bien perçue que les pays occidentaux sont accusés d’avoir fondé leur développement passé sur la violation des droits politiques et sur un mépris souverain des conséquences écologiques de leur croissance. Ainsi l’Occident est-il vu comme un monde vieillissant qui ne peut se résoudre à avoir perdu la suprématie mondiale au profit de la Chine. Bibliographie Jean-Pierre Cabestan, La Politique internationale de la Chine, Presses de Sciences Po, 2010. Une mise au point sur l’influence de la Chine et ses limites. Jean-Louis Domenach, Comprendre la Chine d’aujourd’hui, Perrin, 2007. Les enjeux de la Chine contemporaine par un véritable spécialiste. Étude 5 Le soft power chinois (p. 118) ➥ Peut-on parler de l’émergence d’un soft power chinois ? Ce qu’il faut savoir La notion de soft power en opposition à celle de hard power est apparue dans les années 1990 pour repenser la notion de puissance et la détacher de ses seules manifestations politiques, économiques ou militaires. Elle désigne littéralement la « puissance douce », c’est-à-dire la capacité de séduire et d’exercer une influence. Si la puissance de la Chine ne fait plus de doute tant au niveau militaire qu’au niveau industriel, commercial ou financier, il n’en va pas de même pour son influence immatérielle. Le statut de très grande puissance suppose cette capacité à exporter son modèle, à le rendre attractif au-delà des frontières du pays. Longtemps refermée sur elle-même en raison des vicissitudes de sa vie politique et de son retard économique, la Chine tente depuis les années 1990 de s’ouvrir au monde et d’exercer dans le monde une influence similaire à celle des États-Unis et de l’American way of life dont la présence est planétaire. Les efforts en ce sens sont réels et deviennent une priorité de l’État chinois même si l’image de la Chine est toujours ternie par les jugements portés sur son système politique. L’affirmation du soft power chinois passe justement par le changement de regard sur le système en place. Réponses aux questions 1. La diffusion de la culture chinoise est la marque même de la volonté d’ouverture de la Chine. Faire redécouvrir cette culture fondée sur « l’harmonie » permettrait © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S– Livre du professeur qu’un autre regard soit porté sur la Chine, c’est le but des instituts Confucius dont l’essor est frappant dans les pays occidentaux. 2. La Chine se fait un nom en tant que puissance culturelle dans le domaine des arts, notamment du cinéma. Le festival de Cannes apporte cette consécration. L’objectif est plus vaste et déborde ce seul domaine pour mener une nouvelle forme de « guerre » (doc. 3). 3. Le premier illustre les limites du soft power, l’autre sa réussite au niveau international. BAC Vers l’étude critique de documents. La résonance mondiale de l’accueil des Jeux olympiques de Pékin en 2008 est un signe majeur de l’affirmation du soft power chinois. Leur organisation s’est faite malgré les protestations des défenseurs des Droits de l’homme que la Chine bafoue comme le montre l’exemple du Nobel emprisonné, Liu Xiaobo. Aucun État n’a boycotté cet événement sportif ce qui montre bien que la Chine, par sa puissance, peut se permettre une politique qu’un État moins influent ne saurait mener sans encourir de sanctions majeures. La violation des valeurs de l’olympisme n’a donc pas représenté un frein pas plus que celle du prix Nobel. Mo Yan l’a reçu en 2012 en tant qu’écrivain, mais en suscitant la protestation de ceux qui voient aussi en lui le représentant du régime dans la mesure où il occupe un poste officiel dépendant du Parti communiste, la vice-présidence de l’Union des écrivains. Cependant malgré ces succès, l’image de la Chine reste marquée par le caractère dictatorial du régime et la politique qu’il mène vis-à-vis de ses opposants ou encore au Tibet. Le soft power chinois est de ce fait encore limité malgré les efforts des dirigeants. Vers la composition. La Chine a conscience des limites de son soft power et met tout en œuvre pour le développer et devenir ainsi une puissance globale. Ces efforts sont largement soutenus par l’État qui finance l’installation des instituts Confucius dans le monde depuis 2004. Chargés de diffuser la culture, la langue et l’art de vivre chinois, ils sont des armes pour permettre la « dédiabolisation » de la Chine particulièrement dans les pays occidentaux. Le soft power chinois avait commencé à se développer avant cela. La reconnaissance au festival de Cannes, le premier festival de cinéma du monde, en 1992, d’Adieu ma concubine en était un signe éclatant. La Chine se hissait parmi les grandes nations de la culture au moment même où elle commençait son ascension économique. Cependant, c’est à partir de 2008 avec l’organisation des JO de Pékin que l’on peut parler de l’émergence du soft power chinois. La résonance internationale de l’événement et son succès ont ouvert la Chine au monde. Par ailleurs, l’attribution de ces JO à la Chine, malgré les protestations de ceux qui dénonçaient un régime foulant aux pieds les valeurs humanistes de l’olympisme, a démontré la montée en puissance du pays. Une polémique simi- laire s’est développée au moment de l’attribution du prix Nobel de littérature à Mo Yan dénoncé comme un écrivain « officiel » du régime. La Chine peut donc surmonter les handicaps de son image et la rendre plus positive aux yeux du monde. On ne peut toutefois pas encore parler de la séduction d’une Chinese way of life au même titre que l’on parle de l’American wy of life. Bibliographie François Gipouloux, La Chine au xxie siècle. Une nouvelle superpuissance ?, Armand Colin, 2005. Une interrogation utile sur la notion de puissance. Carine Pina-Guerassimoff, La Chine dans le monde : panorama d’une ascension, Ellipses, 2011. Une approche claire et simple de la question. Histoire des Arts Great Criticism : Coca-Cola de Wang Guangyi (p. 120) Ce qu’il faut savoir Le choix de l’œuvre s’explique par ce qu’elle mêle l’aspect traditionnel de la peinture de propagande des régimes totalitaires, qui se retrouve notamment lors de la Révolution culturelle, et la perspective plus moderne de l’affiche publicitaire vantant un produit emblématique, symbole de l’American way of Life. Wang Guangyi qui a vécu sa jeunesse pendant la Révolution culturelle, a fondé sa célébrité internationale sur cette démarche de mélange critique des deux apports. L’œuvre apporte à la fois un éclairage sur l’histoire politique de la Chine et rend compte du rapport ambivalent à l’Occident ainsi que du développement du soft power chinois. Réponses aux questions 1. Un mouvement est créé vers l’avant par le mouvement des bras et l’utilisation de la couleur. À gauche, le Petit Livre rouge est ironiquement la source d’inspiration de cette défense de la marque rouge, Coca-Cola. 2. L’œuvre s’inspire des affiches de propagande qui ont fleuri pendant la Révolution culturelle. 3. La détermination se lit dans leur regard comme s’il fallait lutter pour imposer la marque américaine. 4. La marque symbolise l’American way of life, omniprésente même dans un pays en lutte contre elle. Le nouvel opium du peuple est fourni par la société de consommation. 5. Le système chiffré renvoie aux codes-barres des produits de consommation. Leur usage systématique dénonce la marchandisation du monde qui concerne même l’art, produit commercial parmi d’autres. Les personnages en sont recouverts comme s’ils ne pouvaient eux-mêmes échapper à la loi du marché. 6. L’œuvre fait partie d’une série élaborée à partir des années 1990 qui reprend toutes les grandes marques symboliques de la société occidentale comme Porsche © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 55 ou encore Ford. L’ouverture au monde de la Chine et son enrichissement sont marqués par l’entrée sur le marché chinois de ces marques, symboles de réussite mais aussi de l’occidentalisation du monde. L’auteur détourne les affiches de propagande communiste avec ses personnages emblématiques, le combat révolutionnaire est parodié comme si l’homme ne pouvait plus aujourd’hui se battre pour une idéologie et en son nom mais n’avait d’autre choix que de défendre le droit de consommer du Coca-Cola. Un double lavage de cerveaux est ici dénoncé, celui qu’a connu la Chine dans sa phase révolutionnaire par l’idéologie et celui qu’elle connaît aujourd’hui par la société de consommation. Une tyrannie en a remplacé une autre, et l’homme n’est plus qu’un numéro, désindividualisé. Wang Guangyi est à la charnière de deux mondes tout aussi menaçants. Débat États-Unis contre Chine : quel basculement des puissances ? (p. 122) Objet de la confrontation La confrontation répond à l’enjeu principal du xxie siècle. Elle est au cœur des études 3 à 5. Le premier auteur est un acteur politique engagé, le second, un spécialiste. Réponses aux questions Le point de vue de Zbigniew Brzezinski 1. La Chine peut se permettre de ne pas se soumettre aux exigences américaines « Nous ne pouvons nous contenter… ». Brzezinski montre bien qu’elle ne répond pas aux attentes américaines et qu’il faut un « compromis ». 2. L’auteur insiste sur l’absence de rôle de la Chine au Moyen-Orient (« de toute évidence »). Une position qui semble précisément absurde dans la mesure où les besoins énergétiques chinois exigent qu’elle y joue un rôle majeur comme elle le fait désormais pour les mêmes raisons en Afrique. 56 3. Même si, selon Brzezinski, le monde n’est pas « multipolaire », l’unilatéralisme américain n’est plus réellement possible. Les États-Unis doivent composer avec une nouvelle puissance. Le point de vue de Valérie Niquet 1. Les Chinois sont convaincus ou veulent se convaincre que les États-Unis sont « affaiblis [et] qu’ils n’ont plus la volonté d’agir ». Les échecs américains autant que leur affirmation économique (« transformer l’essai économique… ») les confortent dans ce point de vue. 2. La limite tient à la fois au refus des puissances asiatiques de la laisser devenir une « puissance régionale incontestée » et à son absence de réel poids militaire face aux États-Unis. La Chine ne peut assurer seule le contrôle et la sécurité des grandes routes stratégiques pour l’énergie. 3. La Chine n’influe pas sur le monde comme le faisait l’URSS, elle ne se partage pas le monde avec les États-Unis. Bilan Il est clair pour les deux parties en présence que la Chine a acquis le statut de puissance régionale et qu’elle envisage de devenir une véritable puissance mondiale. Elle est désormais, et les deux intervenants en sont convaincus, capable de peser économiquement face aux États-Unis – « Réévaluer le yuan » (doc. 1), « transformer l’essai économique » (doc. 2). Cependant son statut de puissance régionale se heurte à l’opposition de ses voisins (« tensions avec le Japon », doc. 1) avec lesquels elle doit composer, « aucun pays… incontesté » (doc. 2). La volonté est réelle de devenir une puissance mondiale, « autosatisfaction » (doc. 2), elle ne cesse de s’affirmer, « accroître sa puissance » (doc. 1), mais elle est encore loin d’égaler les ÉtatsUnis, notamment sur le plan militaire et elle a même besoin de leur interventionnisme pour garantir l’équilibre mondial et son ravitaillement énergétique. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S– Livre du professeur Corrigé du Sujet 11 p. 126 COMPOSITION SUJET La Chine depuis 1978, une superpuissance ? Exemple de réponse rédigée La Chine est un État communiste depuis la révolution maoïste de 1949. Le gouvernement de Mao (1949-1976) laisse le pays économiquement exsangue. En 1978, Deng Xiaoping ouvre le pays, d’une manière limitée, aux échanges internationaux. Nous nous demanderons en quoi l’année 1978 représente un tournant pour la puissance chinoise. En 1978, la Chine sort affaiblie de l’ère maoïste. Plusieurs dizaines de millions de victimes, une mise à bas des élites : après l’échec de l’imitation du modèle soviétique, la Révolution culturelle n’a pas permis à Mao d’établir une voie communiste spécifique (paysannerie, autosuffisance). Les exactions de ses alliés khmers rouges au Cambodge et les témoignages de victimes du maoïsme nuisent à son image internationale. La visite en 1972 du président Nixon n’est qu’une manière de mettre l’URSS à distance. En 1978, l’arrivée au pouvoir de dirigeants communistes victimes de la Révolution culturelle, comme Deng Xiaoping, permet de lancer une politique d’ouverture économique, les Quatre modernisations (agriculture, industrie, recherche, défense). Naît un « socialisme de marché » : adoption du libéralisme économique sur quelques territoires, maintien d’un communisme politique partout. Le tournant de 1978 est donc à la fois politique et économique : moderniser sans rompre avec le communisme officiel. Époque maoïste 1978 Socialisme de marché Maintien d’un modèle politique communiste Ouverture économique partielle (ZES) À partir des années 1980, la Chine communiste se développe par l’ouverture de son littoral au commerce mondial. Les Zones Économiques Spéciales (ZES), notamment à Shanghai, deviennent les vitrines d’un État dont les 1,3 milliard d’habitants forment un vivier immense de production et de consommation. On parle de la Chine, dans les années 1980 et 1990, comme de l’atelier du monde. En 2001, son entrée à OMC place la Chine au cœur des échanges mondiaux. En 2011, elle est la 2e puissance économique mondiale. Ses investissements directs à l’étranger en font un acteur majeur à l’échelle régionale, via la diaspora, et sur d’autres continents dont les ressources sont nécessaires au maintien de sa croissance, comme l’Afrique. Des événements médiatiques, comme les Jeux olympiques d’été de Pékin (2008) ou l’Exposition universelle de 2010 permettent l’expression mondiale de cette puissance. L’alunissage d’un module chinois, en 2013, fait symboliquement de la Chine une puissance scientifique et technique mondiale. Pourtant la puissance chinoise n’est pas pleinement attractive. La puissance chinoise est confrontée à des limites intérieures et à des concurrences extérieures. L’essor économique et l’ouverture partielle du territoire révèlent les très fortes inégalités socio-spatiales du pays. Le littoral, urbanisé, attractif, voit des villes comme Shanghai ou Shenzhen devenir les premier et deuxième ports mondiaux. L’exode rural intérieur s’accélère, malgré l’essor de villes intérieures (Chongqing). Le littoral chinois devient une terre d’immigration asiatique. Dans le même temps, la répression du mouvement démocratique de Tian’anmen (1989), l’emprisonnement du prix Nobel de la paix Liu Xiaobo (2010), et la révélation de scandales de corruption au sein du PCC montrent les limites de l’ouverture officielle. Une partie de la classe moyenne chinoise est sensible aux valeurs démocratiques diffusées par la libéralisation des échanges. Vers l’extérieur, les menaces chinoises sur ses marges se précisent : si la Chine nationaliste de Taïwan et Pékin entretiennent des relations ambiguës, les revendications maritimes contre le Japon (îles Senkaku/Diaoyu) et les États d’Asie du Sud-Est (îles Paracels et Spratley) sont vécues comme une menace qui pousse les États-Unis à y étendre leur protection militaire. Puissance économique mondiale, la Chine est un géant politiquement et régionalement fragile. Depuis 1978, le socialisme de marché permet la création d’une Chine nouvelle, qui repose sur deux pieds inégaux : la puissance chinoise, économiquement forte, est en interne une puissance fragile, et en Asie une puissance jugée menaçante. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 57 Corrigé du Sujet 12 p. 128 COMPOSITION SUJET La Chine et le monde depuis 1949 Exemple de réponse rédigée La prise du pouvoir par Mao Zedong en 1949 a fait de la Chine un État communiste. Isolé sous l’ère maoïste, cet État s’ouvre au commerce mondial depuis 1978 et s’affirme comme une puissance régionale et globale. Longtemps isolée, la Chine entretient des relations de plus en plus fortes avec le reste du monde. Entre 1949 et les années 1960, la Chine reste une puissance isolée. L’alliance politique et militaire avec l’URSS en fait un État du bloc soviétique. Les critiques de cet allié contre l’industrialisation forcée du Grand Bond en avant (1958), et leur rupture en 1960, isolent la Chine dans les relations internationales. Dans le même temps, Mao affirme le modèle chinois sur la scène des pays du tiers-monde : la participation du ministre des Affaires étrangères chinois Zou Enlai à la conférence de Bandung (1955) fait de ce pays un des promoteurs du non-alignement. La guerre indo-chinoise de 1962 met la Chine au ban de ces nations. Malgré tout, le modèle maoïste se diffuse dans les pays occidentaux comme une alternative au communisme soviétique. Entre les années 1960 et la mort de Mao, en 1976, la Chine cherche à affirmer un modèle particulier, et à sortir en partie de l’isolement. L’annonce de la maîtrise de la technologie nucléaire (1964) insère la Chine dans un club encore restreint. Mais la Révolution culturelle (1966-1976), par ses dizaines de millions de victimes, désorganise l’État comme la société chinoise : la volonté de Mao de reprendre le contrôle du parti a mis à l’écart une grande partie des élites administratives, techniques et culturelles. Dans le même temps, la guerre du Vietnam affaiblit les États-Unis, et un conflit frontalier entre la Chine et l’URSS fait de ce dernier un modèle répulsif pour Mao. En 1972, la visite du président Nixon à Pékin est l’occasion pour la Chine de montrer à la fois sa volonté d’ouverture, et de mettre la menace soviétique à distance. À la mort de Mao, la Chine est symboliquement sortie de son isolement, mais le pays est économiquement exsangue. À partir de 1978, la Chine construit son influence à différentes échelles. La puissance chinoise repose sur deux piliers : une ouverture économique partielle du territoire, et le maintien d’un 1978 système politique communiste à parti unique. L’ouverture économique, annoncée en 1978 par le nouveau secrétaire général du parti communiste Deng Xiaoping, est permise par la politique des Quatre modernisations (agriculture, industrie, recherche, défense). Sont créées des Zones Deng Xiaoping Économiques Spéciales : des quartiers de grandes villes littorales, comme Tianjin, Shanghai, Shenzhen, voient s’installer des firmes transnationales, en lien avec des entreprises chinoises, qui profitent d’une main d’œuvre peu chère et de facilités fiscales. Ce développement rapide est étendu à tout le littoral puis, dans les années 1990, à la partie orientale du territoire chinois. Quatre modernisations Une classe moyenne se développe. L’adhésion de la Chine à l’OMC en 2001 est le symbole de cette puissance nouvelle. Les réserves monétaires du pays en font un concurrent ambigu des États-Unis : la Chine possède alors près de 40 % de la dette américaine. En 2011 le pays est devenu la 2e puissance économique mondiale. Cet essor économique s’accompagne de « Socialisme revendications politiques. La répression de la révolte de Tian’anmen (1989), l’emprisonnement de marché » du prix Nobel de la paix Liu Xiaobo (2010), et la révélation de scandales de corruption au sein du PCC montrent les limites de l’ouverture officielle, et nuisent à son image mondiale. En Asie, la Chine nationaliste de Taïwan et Pékin entretiennent des relations ambiguës, les revendications maritimes contre le Japon (îles Senkaku/Diaoyu) et les États d’Asie du Sud-Est (îles Paracels et Spratley) sont vécues comme une menace qui pousse les États-Unis à étendre leur protection militaire. Puissance économique mondiale, la Chine est un géant politiquement et régionalement fragile. La Chine maoïste, après un relatif isolement, s’est affirmée depuis 1949 comme une grande puissance mondiale. Mais les limites de la puissance, en Asie comme sur son territoire, en font une puissance fragile. 58 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S– Livre du professeur Corrigé du Sujet 13 p. 129 ANALYSE D'UN DOCUMENT SUJET Les trois mondes selon Deng Xiaoping (1974) En la replaçant dans son contexte, analysez la vision du monde proposée par l’auteur et dégagez la mission que s’y donne la Chine. Exemple de réponse rédigée En 1974, la Chine est un État communiste qui cherche, depuis les années 1950, à se placer à distance de l’URSS, et qui entretient depuis 1972 des relations officielles avec les États-Unis. Elle se place, en même temps, comme un des promoteurs d’un tiers-monde non-aligné. Nous montrerons comment le discours de l’officiel chinois Deng Xiaoping, le 10 avril 1974, devant l’Assemblée générale de l’ONU montre cette recherche d’équilibre au sein des « trois mondes » qui organisent les relations internationales. Deng Xiaoping présente l’opposition entre les deux superpuissances mondiales de la guerre froide, États-Unis et URSS, comme « le foyer d’une nouvelle guerre mondiale ». Les armes nucléaires, la course aux armements, la capacité de projection militaire, l’influence politique sont vus comme des instruments pour « soumettre les autres pays » par la constitution de blocs d’influence. Pourtant, la Chine est elle-même une puissance nucléaire, depuis 1964, et diffuse, malgré les difficultés économiques liées au Grand Bond en avant (1958-années 1960) et à la Révolution culturelle (1966-1976), un modèle politique et économique qu’elle propose, depuis la conférence de Bandung de 1955, comme un modèle alternatif aux deux Grands. Parmi ces deux Grands, l’URSS subit les attaques les plus virulentes. « Superpuissance qui arbore l’enseigne du socialisme », elle est considérée depuis la rupture sino-soviétique de 1960 comme un État « perfide » et non légitimement communiste. La Chine se considère comme le seul héraut du communisme mondial. La description des interventions soviétiques en Europe de l’Est (Printemps de Prague de 1968) sert à Deng Xiaoping à présenter l’URSS comme un État impérialiste, comme les ÉtatsUnis. Pourtant les États-Unis sont plus faiblement attaqués : la visite du président Nixon en 1972 a placé la Chine dans une position d’équilibre entre les deux Grands. Face à l’influence des deux modèles majeurs de la guerre froide, la Chine « appartient au tiers-monde ». Défense de l’indépendance nationale, développement des économies nationales, résistance à l’influence extérieure (« colonialisme ») : la description par Deng Xiaoping des objectifs des pays non-alignés ressemble fortement à la situation chinoise. L’arme nucléaire a fait de la Chine une puissance militaire mondiale. L’échec de la Révolution culturelle encore en cours révèle le désordre économique du pays et oblige certains, autour des héritiers de Zhou Enlai, à s’interroger sur une ouverture commerciale. Enfin, la résistance à l’influence extérieure relève, pour Deng Xiaoping, de l’expression d’un nationalisme chinois qui va, dans les décennies qui suivent, transformer le communisme chinois. Si la Chine se présente comme le bras d’une résistance du tiers-monde aux deux Grands, elle est encore, en 1974, un État économiquement faible. Sa place en équilibre entre les deux Grands en fait néanmoins une voix écoutée à l’échelle mondiale. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 59 Corrigé du Sujet 14 p. 130 ANALYSE DE DEUX DOCUMENTS SUJET La conquête spatiale chinoise Que montrent ces documents de l’affirmation de la puissance chinoise et des craintes qu’elle suscite ? Exemple de réponse rédigée En 2013, la Chine a envoyé sur la Lune un petit engin d’exploration. La deuxième puissance mondiale affirme ainsi sa puissance scientifique et technique. Depuis 2011, ce pays est la deuxième puissance économique mondiale. Cet essor et cette influence suscitent des craintes. Dans un article paru sur le site « Atlantico », Jean-Paul Brisset met en avant le « retard » de la Chine dans la course à l’espace. Une caricature de Chapatte interroge les liens entre puissance économique et puissance spatiale chinoises. Nous étudierons ce que ces documents révèlent des ambiguïtés de la puissance. La puissance spatiale exige, pour être menée rapidement, des « moyens importants » et une « volonté politique ». Si la recherche spatiale chinoise a commencé sous Mao, avec le lancement d’un premier satellite en 1970, ce n’est qu’après l’ouverture économique chinoise et son enrichissement massif des années 1990-2000 que le pays s’est donné les moyens de rattraper son retard en matière spatiale. La date de 2020 fixée pour la mise en service de la première station spatiale permanente chinoise, reprise par le dessin de Chapatte, relève du symbole : il s’agit de rattraper un retard symbolique, à l’heure où les grandes puissances spatiales comme les États-Unis ou l’Union européenne envoient des modules dans le système solaire et au-delà. La conquête spatiale chinoise n’est pas un sujet d’inquiétude, tant la concurrence est forte, et le retard important. En revanche, les capacités économiques, financières et techniques que ce rattrapage montre, qu’il soit réel ou symbolique, sont à mettre en parallèle avec les capacités d’investissement de la deuxième puissance économique mondiale. Les investissements chinois en Afrique – on a parlé de « Chinafrique » – ou dans les pays industrialisés, les menaces régionales que font peser les revendications chinoises sur les eaux territoriales japonaises ou d’autres pays du Sud-Est asiatique, et surtout les réserves monétaires très importantes de l’État chinois, qui est le premier acheteur de la dette américaine, font de la Chine un pays dont le développement économique très rapide se matérialise aussi dans la construction d’instruments d’une « puissance stratégique globale » (militaire, scientifique, industrielle, politique, culturelle) dont la conquête spatiale, après les Jeux olympiques de 2008 ou l’Exposition universelle de 2010, n’est qu’un des aspects. Ces deux documents, au-delà des interrogations sur la capacité réelle de la Chine à devenir rapidement une puissance spatiale, montrent que la Chine est vécue à la fois comme une grande puissance économique mondiale, et comme une menace potentielle sur l’équilibre des puissances stratégiques mondiales. 60 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S– Livre du professeur CHAPITRE 5 Proche et Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis 1945 p. 132- 165 ➥ Pourquoi le Moyen-Orient reste-t-il depuis 1945 un constant foyer de conflits ? Commentaires du programme Le programme demande d’expliquer en 5 heures les conflits au Proche et Moyen-Orient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit de faire comprendre la complexité et l’hétérogénéité de ces conflits, et les raisons pour lesquelles ils dépassent les limites géographiques du Proche-Orient (Turquie, Liban, Syrie, Israël, Territoires palestiniens, Jordanie, Égypte) et du MoyenOrient (du Proche-Orient à l’Iran et à la péninsule arabique). La question se doit d’être replacée dans un triple contexte. Le contexte national voit se constituer un certain nombre d’États, souvent militarisés, aux frontières en partie tracées par les puissances occidentales. Quelles nations existent dans cette partie du monde ? Les conflits résultent souvent de la difficulté à répondre à cette question au cœur de laquelle se trouve la question palestinienne. Le contexte international ensuite, voit s’opposer dans la guerre froide les alliés de l’URSS à ceux des États-Unis, ce qui n’exclut pas les retournements d’alliances, comme en Iran ou en Égypte. Enfin, le contexte politique issu de la fin de la guerre froide qui voit se développer l’islamisme politique face à des États arabes dont la légitimité est parfois remise en cause, non seulement par leurs alliances (États-Unis, Israël), mais aussi par leur autoritarisme militaire et leur incapacité à stimuler un développement économique et humain. Nous avons choisi de présenter la chronologie de cette deuxième partie du XXe siècle moyen-oriental en deux cours qui s’articulent autour de grandes césures. La première grande époque correspond à la guerre froide et aux alliances passées par les États de la région avec l’un ou l’autre des deux Grands. Quatre Études montrent la complexité de ces tensions : l’essor du foyer national juif en Palestine, dont les causes multiples permettent de nuancer les lectures souvent univoques venues de la région, qu’elles soient israéliennes ou arabes (p. 142143), le panarabisme autour de la figure de l’Égyptien Nasser (p. 144-145), la question palestinienne par les guerres israélo-arabes (p. 146-147), la place de l’Iran dans la diffusion de l’islamisme politique (p. 148-149). Depuis la fin de la guerre froide, la guerre du Golfe et la signature des accords d’Oslo (1993), une deuxième époque s’ouvre qui voit l’islamisme politique essaimer dans la région et entraîner des interventions militaires directes des grandes puissances mondiales. Deux Études accompagnent cette réflexion sur le monde contemporain et montrent la complexité de la région : les territoires palestiniens après 1993 (p. 150-151) et la place que joue le contrôle des réserves et des routes du pétrole depuis le début du XXe siècle (p. 152-153). Pour accompagner la réflexion sur le travail historique, nous proposons de confronter les méthodes de travail de deux historiens autour de la question de l’écriture de l’histoire (p. 156). Peut-on écrire sereinement sur le Proche et le Moyen-Orient? Pour l’historien israélien Avi Shlaim, se pose d’abord le problème des sources; pour l’historien français Henry Laurens, spécialiste du monde arabe et de la question palestinienne, la difficulté majeure de l’histoire de cette région repose sur son caractère passionnel. Liens vers d’autres chapitres du manuel • Chapitre 8 : sur le rôle des pays de l’OPEP dans les crises financières mondiales (Étude, p. 230). © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 61 Ressources numériques liées au chapitre Vidéo et fiche d’activités Les accords d’Oslo et la poignée de mains entre Rabin et Arafat Cartes interactives et fonds de cartes Une mosaïque de peuples Une mosaïque de religions La situation politique du Moyen-Orient en 2013 Fiche d’exploitation de film Otto Preminger, Exodus (1960) Frise modifiable Le Proche et le Moyen Orient, foyer de conflits depuis 1945 Bibliographie du chapitre G eorges Bensoussan, Histoire intellectuelle et politique du sionisme, 1860-1940, Paris, Fayard, 2008. Un ouvrage très complet sur les origines et le développement du mouvement sioniste qui présente notamment ses divisions et ses filiations intellectuelles. A nne-Laure Dupont, Catherine Mayeur-Jaouen, Chantal Verdeil, Le Moyen-Orient par les textes, Paris, Armand Colin, 2011. Précédés d’une introduction, les textes présentés racontent l’histoire du Moyen-Orient sur plus de deux siècles et témoignent des bouleversements économiques, politiques et culturels de cette région. Un ouvrage très utile pour nourrir les cours. F rédéric Encel, François Thual, Géopolitique d’Israël, Dictionnaire pour sortir des fantasmes, Paris, Le Seuil, 2004. Un ouvrage de synthèse qui tente de revenir sur des idées reçues. C hapour Haghighat, Histoire de la guerre du Golfe, Bruxelles, Complexe, 1992. Pour faire le point sur la première guerre du Golfe et la volonté américaine de mettre en place un nouvel ordre mondial. G illes Kepel, Jean-Pierre Minelli, Al-Qaida dans le texte, Paris, PUF, 2005. Par de grands spécialistes du monde arabe, cet ouvrage analyse les textes de l’organisation terroriste Al-Qaïda. Utile pour trouver des documents originaux. Gérard D. Khoury, Une tutelle coloniale, le mandat français en Syrie et au Liban, Écrits politiques de Robert de Caix, Paris, Belin, 2006. Pour faire le point sur la politique française menée au MoyenOrient. H enry Laurens, L’Orient arabe. Arabisme et islamisme de 1798 à 1945, Paris, Armand Colin, 2000. Un ouvrage de synthèse pour mettre à jour ses connaissances sur le monde arabe et la naissance de l’islamisme. François Massoulié, Les Conflits du Proche-Orient, Paris, Casterman-Giunti, 1994. Un ouvrage très utile qui répond assez bien au programme de Terminale. L’ouvrage aborde les principales crises qui ont agité la région depuis 1918. Une bonne mise au point sur la question libanaise. Benny Morris, Victimes, histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Bruxelles, Complexe, 2003. Une histoire très complète du conflit israélo-arabe écrite par l’un des « nouveaux historiens » israélien. Benny Morris livre ici une histoire des mentalités montrant comment le fossé psychologique qui sépare les antagonistes a freiné les rapprochements possibles. André Nouschi, Pétrole et relations internationales depuis 1945, Paris, Armand Colin, 1999. Un ouvrage de synthèse très complet sur la question pétrolière. Nadine Picaudou, La Déchirure libanaise, Bruxelles, Complexe, 1989. Pour faire le point sur la question libanaise, notamment sur la guerre civile et l’intervention israélienne de 1982. Olivier Roy, Généalogie de l’islamisme, Paris, coll. « Pluriel », Hachette, 2002. Un ouvrage pour se mettre à jour sur l’islamisme et notamment sur ses origines. Marjane Satrapi, Persépolis, Paris, L’Association, 2001. La bande dessinée de Marjane Satrapi présente son autobiographie. On peut l’utiliser pour nourrir la réflexion sur l’Iran et faire de l’histoire des Arts. Thierry Zarcone, La Turquie, de l’Empire ottoman à la République d’Atatürk, Paris, coll. « Découvertes », éd. Gallimard, 2005. Comme tous les ouvrages de cette collection, un écrit très complet et surtout très bien documenté. On y trouvera des textes utiles à étudier. Utiliser le manuel Document iconographique (p. 132) Cette photographie montre la poignée de main, à Washington, entre le Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, et le dirigeant de l’OLP, Y asser Arafat, à l’occasion de la conclusion des accords de paix négociés à Oslo à partir de 1992. Parmi les tensions au Moyen-Orient, une place de choix revient au conflit 62 arabo-sioniste qui, dès 1917 avec la déclaration Balfour, alimente les conflits dans cette région du monde. La photographie montre également le président américain Bill Clinton, preuve que les crises du MoyenOrient débordent largement le seul cadre régional. Les États-Unis demeurent un acteur incontournable pour tout règlement de paix dans la région. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Ressources numériques Vidéo et fiche d’activités Retrouvez dans le manuel interactif un reportage de la télévision française datant du 13 septembre 1993, après la signature de l’accord sur l’autonomie des territoires palestiniens. Contextes & Repères L’Orient, un espace de tensions (p. 134) Ce qu’il faut savoir Ces deux pages ont pour objectif de rappeler aux élèves les points forts du sujet traité dans le chapitre et déjà étudiés en classe de Première ou dans les années antérieures du collège ou du lycée. Elles permettent au professeur de s’appuyer sur des images et une rapide mise en contexte pour brosser le cadre chronologique et les questions plus théoriques que pose le chapitre. Les tensions du Proche et du Moyen-Orient reposent sur des fondements qui sont, selon le contexte, la cause première ou le prétexte des conflits. La création de l’État d’Israël en 1948 (doc. 1) déclenche la première guerre israélo-arabe par laquelle le tout jeune État hébreu assure son existence. Elle donne naissance à la question des réfugiés palestiniens relancée lors de la guerre des Six Jours (doc. 2 et 3) : avec la conquête de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, 1,5 million de Palestiniens se retrouvent sous l’autorité israélienne. La photographie de la guerre du Golfe de 1991 (doc. 4) souligne le rôle joué par les États-Unis dans cette région qui s’impose après la guerre froide comme la clé du nouvel ordre mondial voulu par George Bush. Ce nouvel ordre mondial est assez vite contrarié par le développement de l’organisation terroriste islamiste Al-Qaïda fondée en 1988 par Oussama Ben Laden (doc. 5). Elle revendique notamment la libération de l’ensemble des lieux saints de l’Islam : Jérusalem mais aussi La Mecque, ville aux mains de musulmans alliés de l’Occident. À partir de 2011, le printemps arabe (doc. 6) remodèle la région, faisant tomber notamment le régime du président égyptien Hosni Moubarak, menaçant d’autres pouvoirs (la Syrie). Cartes Le Proche et le Moyen-Orient depuis 1945 (p. 136) Les cartes reprennent la logique des cours qui s’enchaînent chronologiquement. Les deux premières posent les enjeux historiques, religieux et culturels de la région qui sont autant de permanences jouant un rôle majeur aujourd’hui encore. Les deux dernières sont plus axées sur les enjeux économiques et l’évolution politique actuelle. Les cartes 1 et 2 permettent de faire ressortir la complexité de la région et sa diversité à la fois confessionnelle et ethnique. Elles peuvent permettre d’observer que les clivages ethniques ne recoupent pas nécessairement les clivages religieux pour donner ainsi une idée de la complexité de la région et éviter les analyses simplistes. Ainsi tous les Arabes ne sont pas musulmans et tous les musulmans ne sont pas arabes. Les tensions liées aux clivages montrés dans les cartes 1 et 2 ressortent dans la carte 3 qui rajoute un autre paramètre, l’enjeu pétrolier. Elle peut permettre de prendre en compte la dimension à la fois régionale et internationale des conflits du Proche et Moyen-Orient dont la distinction géographique apparaît en encart. On peut avec profit la mettre en rapport avec l’étude 6. La carte 4 fait un état des lieux de la région en 2013 en élargissant le phénomène des « printemps arabes » à l’ensemble du bassin méditerranéen pour l’inscrire dans un cadre plus large. Ressources numériques Cartes interactives et fonds de cartes Une mosaïque de peuples (carte 1) Une mosaïque de religions (carte 2) Chaque carte est proposée dans une version interactive qui permet de faire apparaître ou disparaître les différents figurés de la légende, mais aussi sous forme de fond de carte à compléter. Activité numérique complémentaire Comparaison de documents Dans le manuel interactif, en vidéoprojection, vous pouvez confronter deux à deux des cartes présentes dans les pages Étude. Cours 1 Proche et Moyen-Orient de 1945 à 1991 (p. 138) ➥ Quelle place prend la guerre froide dans les tensions régionales ? Ce qu’il faut savoir De 1945 à 1991, le Moyen-Orient s’impose comme un terrain de guerre froide. La confrontation Est-Ouest débute au Moyen-Orient, en Turquie et en Iran. Dans les années 1950, les pays de la région entrent dans la logique des blocs malgré les tentatives de certaines puissances, telle l’Égypte de Nasser, d’y échapper. L’URSS et les USA sont cependant présents derrière l’essentiel des conflits par alliés interposés. Ces années sont également marquées par cinq guerres israélo-arabes qui modifient les frontières entre l’État hébreu et ses voisins. À partir de 1967, le problème palestinien occupe une place centrale et devient le problème d’Israël qui occupe la Cisjordanie et la bande de Gaza, majoritairement peuplées de Palestiniens. Parallèlement la région est traversée par un conflit majeur, la guerre Iran-Irak sur fond de tensions pétrolières, ethniques et religieuses. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 63 Réponses aux questions Doc 1 > Le rapprochement se fait sur fond de guerre froide et de tension israélo-égyptienne. Israël est vu comme l’allié du bloc occidental et l’Égypte en lutte contre Israël obtient le soutien de l’URSS. Doc 2 > L’impact tient à la nature même de l’événement qui sert de cadre à la prise d’otage. Les JO sont un moment emblématique de rapprochement entre les peuples et le monde entier les suit. Ce retentissement était le but des Palestiniens. Doc 4 > La cause est d’abord nationale, le Chatt al-Arab ne peut qu’être sous souveraineté arabe. Elle est aussi religieuse, les Iraniens utilisent faussement la religion pour voiler leur agression. > Il s’agit de reprendre le combat historique, millénaire, contre les Persans, ennemis des Arabes et aujourd’hui alliés des Juifs. Le combat de Saddam Hussein se fait donc au nom de la cause arabe. Bibliographie F rançois Massoulié, Les Conflits du Proche-Orient, Paris, Casterman- Giunti, 1994. Une mise en perspective des principaux conflits de la région. Benny Morris, Victimes, histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Bruxelles, Complexe, 2003. Une vision décalée et approfondie des affrontements israélo-arabes. George-Henri Soutou, La Guerre de cinquante ans : les relations Est-Ouest, 1943-1990, Paris, Fayard, 2007. Une lecture profonde et réactualisée de la guerre froide par un spécialiste. Cours 2 Paix et guerre en Orient depuis 1991 (p. 140) ➥ Comment expliquer que le Moyen-Orient demeure au cœur des enjeux internationaux depuis 1991 ? Ce qu’il faut savoir À partir de 1991, le Moyen-Orient occupe une place centrale dans les relations internationales. Il est le terrain d’expérimentation du nouvel ordre mondial, expression employée par George Bush au lendemain de la guerre du Golfe. Les objectifs du président américain dans la région : « mettre sur pied des accords de sécurité mutuelle », « contrôler la prolifération des armes de destruction massive », « créer de nouvelles conditions pour la paix fondée sur les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ». Mais le nouvel ordre mondial a du mal à s’imposer dans la région. La question palestinienne n’est toujours pas résolue : en septembre 2011, les ÉtatsUnis s’opposent à la reconnaissance d’un État palestinien à l’ONU. La question de l’arme atomique iranienne fait débat et risque de causer une intervention militaire 64 israélienne contre les installations nucléaires iraniennes. Enfin, le danger du terrorisme islamiste n’est toujours pas écarté. Réponses aux questions Doc. 1 > Saddam Hussein se pose en leader guerrier, sabre à la main, conduisant les troupes arabes vers Jérusalem, reprenant ainsi le combat panarabe. Le drapeau vert, couleur de l’islam, sur lequel est inscrit une sourate du Coran, identifie le monde arabe au monde musulman. Deux mondes que Hussein veut guider. > La mosquée al-Aqsa est un lieu saint de l’islam. Saddam Hussein légitime ainsi sa mission bien que son régime soit laïc. Par ailleurs, Jérusalem est un point d’achoppement fondamental des négociations israélo-arabes et israélo-palestiniennes, le leader irakien reprend ainsi le rêve nassérien d’incarner la défense des idéaux musulmans et arabes. Doc. 2 > Le problème de l’eau vient ici compliquer un peu les rapports entre Israël et les Palestiniens. Ces derniers réclament 80 % des ressources de la Cisjordanie alors qu’Israël intègre pour l’instant « 80 % des eaux de Cisjordanie dans son réseau national ». Le problème de l’eau oppose également Israël à ses autres voisins notamment la Syrie et la Jordanie. Le Jourdain, fleuve frontière, est particulièrement convoité par Israël. Alimenté par quatre rivières dont une seule prend sa source en Israël, il est au centre des rivalités entre les différents pays de la région. Doc. 3 > Ce mur de séparation a été édifié par Israël à partir de 2002 pour parer les attaques terroristes qui se sont développées depuis la seconde Intifada de 2000. Les conséquences pour les Palestiniens sont complexes à exposer. D’une part, le mur déborde du tracé officiel de la frontière (la Ligne verte) en englobant des colonies juives de Cisjordanie. Il annexe de fait une partie de la Cisjordanie ce qui ne peut que détériorer les relations entre Israël et son voisin. D’autre part, le mur acte la renonciation d’Israël à l’idée du « Grand Israël ». L’État hébreu reconnaît que ce qu’il y a au-delà du mur ne lui appartient plus. Le mur peut donc être également interprété comme la première étape vers la reconnaissance d’un futur État palestinien. Doc. 4 > Les conditions posées dans ce document sont l’arrêt de la violence et du terrorisme. Le texte exhorte également Israël à « faire le nécessaire pour qu’un État palestinien démocratique soit établi ». Bibliographie Gilles Kepel, Jean-Pierre Minelli, Al-Qaida dans le texte, PUF, 2005. François Massoulié, Les Conflits du Proche-Orient, Paris, Casterman-Giunti, 1994. Benny Morris, Victimes, histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Bruxelles, Complexe, 2003. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Étude 1 1948 : la naissance de l’État d’Israël (p. 142) ➥ Dans quelles conditions l’État d’Israël naît-il et sur quels fondements est-il créé ? Ce qu’il faut savoir L’idéologie sioniste naît à la fin du XIXe siècle. Elle a pour objectif de doter le peuple juif d’un État. En 1897, le premier congrès sioniste se réunit à Bâle. Il se prononce pour la poursuite de l’immigration juive en Palestine, pour le renforcement du sentiment national juif et recherche le « consentement des gouvernements nécessaire à la réalisation des objectifs du sionisme ». En 1917, le mouvement sioniste obtient le soutien du gouvernement britannique qui se prononce en faveur de l’établissement « d’un foyer national juif » en Palestine. Il faut cependant attendre quarante ans pour que celui-ci voit le jour, en 1948, en pleine guerre civile entre Arabes palestiniens et le Yishouv (la communauté juive de Palestine). La naissance de l’État d’Israël pose dès ses origines le problème des réfugiés palestiniens : 700 000 sont expulsés ou s’enfuient des territoires sous souveraineté israélienne. Réponses aux questions 1. Le nombre de Juifs en Palestine est croissant, passant de 84 000 au début des années 1920 à plus de 650 000 en 1948. À cette date, les Juifs représentent plus de 30% de la population palestinienne. 2. Les fondements tels qu’ils apparaissent dans le document sont historiques et découlent d’une longue lutte portée par le mouvement sioniste pour obtenir un État. Il existe également un fondement moral (choc de la solution finale) et juridique (plan de partage de l’ONU de 1947). 3. La Seconde Guerre mondiale accélère la naissance de l’État d’Israël. Le choc de la Shoah incite les États-Unis à faire pression sur les Britanniques pour un règlement rapide de la question de la Palestine confiée à l’ONU. Par ailleurs, les vagues d’immigration juive en Palestine se poursuivent après la guerre et s’accélèrent même. L’opinion mondiale s’émeut notamment du sort de l’Exodus et prend fait et cause pour la revendication sioniste. également sur le drame de la Shoah : il est nécessaire de prévenir une nouvelle catastrophe en concédant au peuple juif un État susceptible de lui offrir protection, dignité et « un statut d’égalité au sein de la communauté des nations » (art. 5). Enfin, le texte (art. 8) fait référence au plan de partage de l’ONU de 1947 adopté par la majorité requise des deux tiers (33 voix dont celles des États-Unis, de l’URSS et de la France). Cette proclamation a pour conséquence immédiate de précipiter la guerre entre Israël et ses voisins arabes qui avaient d’ailleurs déjà refusé en 1947 le plan de partage de l’ONU. À l’issue de ce conflit, en 1949, l’État hébreu assure son existence. Vers la composition. La naissance de l’État d’Israël découle de l’adoption en novembre 1947 du plan de partage de l’ONU dans un contexte marqué par le choc de la Shoah. Accepté par les responsables sionistes, il est refusé par les États arabes et est suivi très rapidement d’une guerre civile en Palestine déclenchée par les Arabes palestiniens. C’est dans ce contexte de guerre que naît officiellement l’État hébreu. Le 14 mai 1948, David Ben Gourion, le chef de fil des leaders sionistes, proclame l’indépendance de l’État d’Israël. Cette naissance a pour principal effet de déclencher la première guerre entre Israël et ses voisins arabes, le Liban, la Syrie, l’Irak, la Transjordanie et l’Égypte. Ce conflit, remporté par Israël donne naissance à la question des réfugiés palestiniens : 700 000 sont expulsés ou s’enfuient des territoires sous souveraineté israélienne. Bibliographie Georges Bensoussan, Histoire intellectuelle et politique du sionisme, 1860-1940, Fayard, 2008. Un ouvrage très complet sur les origines et le développement du mouvement sioniste qui présente ses divisions et ses filiations intellectuelles. François Massoulié, Les Conflits du Proche-Orient, Paris, Casterman- Giunti, 1994. Une mise en perspective des principaux conflits de la région. Benny Morris, Victimes, histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Bruxelles, Complexe, 2003. Une vision décalée et approfondie des affrontements israélo­ arabes. Étude 2 Nasser, la voix du panarabisme (p. 144) ➥ Comment Nasser veut-il appliquer l’idée d’unité BAC du monde arabe ? Vers l’analyse d’un document. Le document met en avant plusieurs conditions qui justifient la naissance d’un État juif en Palestine. La première s’appuie sur la déclaration Balfour qui avait promis dès 1917 l’établissement d’un foyer national juif en Palestine (art. 4). La naissance de l’État d’Israël est ainsi inscrite dans le combat mené depuis la fin du XIXe siècle par le mouvement sioniste. La proclamation d’indépendance revient Ce qu’il faut savoir Le panarabisme ne date pas de Nasser. Ce mouvement politique qui vise à l’unité des peuples arabes, forgé au xixe siècle, se développe surtout dans la première moitié du xxe siècle dans le contexte de la montée du sentiment national contre la présence et l’influence occidentale. Le mouvement prend de l’ampleur avec la fondation de la Ligue arabe en 1945. Il est porté, à partir des années 1950, © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 65 par le leader égyptien Nasser qui mène la lutte contre Israël en 1956, lors de la crise de Suez, et en 1967, lors de la guerre des Six Jours. Ses échecs face à l’État hébreu, puis sa mort en 1970 mettent fin aux rêves panarabes, abandonnés par son successeur Anouar el-Sadate. Le panarabisme est porté par la suite, dans les années 1980, par le leader libyen Kadhafi et l’Irakien Saddam Hussein. Sans succès. Réponses aux questions 1. La prise de conscience des « trois cercles » marque la fin de l’isolement de l’Égypte qui s’ouvre sur le monde arabe, le monde africain et le monde musulman. 2. Nationaliser le canal, c’est retrouver la liberté et la dignité pour Nasser. Cette manifestation de la lutte contre l’impérialisme occidental marque aussi le début d’un projet de croissance économique. 3. L e panarabisme est le projet d’union des peuples arabes. Il se manifeste dans la tentative avortée de formation de la R.A.U. mais aussi dans une lutte commune contre le colonialisme symbolisée par le monstre transpercé des drapeaux de l’indépendance. BAC Vers l’analyse de documents. Nasser utilise deux moyens essentiels pour unifier le monde arabe. Ces deux moyens sont au service de deux objectifs : redonner fierté au monde arabe et supprimer l’État d’Israël. Le premier moyen est économique et symbolique. L’Égypte nationalisant le canal de Suez envoie ce message à ses voisins et montre que la résistance à l’influence occidentale est possible et permet l’affirmation des ambitions. Au-delà du message envoyé qui permet d’unifier les peuples arabes derrière l’Égypte, le principal moyen d’unification est la détermination d’un ennemi commun : « Israël, œuvre de l’impérialisme ». La lutte contre « les complots des impérialistes » derrière le drapeau de l’Égypte est une aspiration commune qui doit réunir les peuples arabes. Elle se met en place dès 1948 quand la proclamation de l’État d’Israël est automatiquement suivie de la déclaration de guerre des pays arabes. Le projet de lutte se poursuit et s’incarne avec Nasser qui, nationalisant le canal de Suez, fait pression sur Israël, ce qui entraîne le déclenchement de l’offensive de 1956. La dernière guerre menée par l’Égypte nassérienne attaquée par Israël en 1967 lors de la guerre des Six jours marque la fin de ce rêve d’unification arabe. La défaite égyptienne symbolisée ici ironiquement par le portrait du « raïs » posée sur le char abandonné dans le désert rend compte de l’effondrement de ce projet panarabe. Vers la composition. L’objectif du panarabisme est celui de l’union des peuples arabes dans un objectif 66 commun d’affirmation contre les traces du colonialisme occidental et notamment ses derniers effets, la création de l’État d’Israël. Nasser qui parvient au pouvoir en renversant le général Mohamed Neguib en novembre 1954, prend la tête de la République égyptienne et mène une politique nationaliste relançant dans le même temps l’idée panarabe. Tentant d’unifier le monde arabe derrière lui et de venger la défaite de 1948-1949 face à Israël, il est à l’origine de la création de l’éphémère République arabe unie qui rassemble l’Égypte, la Syrie et le Yémen à partir de 1958. Cette première tentative d’union échoue toutefois en 1961 devant la résistance des alliés de Nasser qui juge son influence excessive. De fait, le rêve panarabe de Nasser s’écroule face aux divisions persistantes du monde arabe et devant les défaites subies contre l’État d’Israël qui achèvent de ternir son image. Le panarabisme ne peut plus être invoqué lors de la réconciliation israélo­ égyptienne à la fin des années 1970. Une autre idéologie, l’islamisme, prend le relais avec les mêmes objectifs initiaux : la lutte contre l’Occident et Israël. Le panarabisme n’a donc plus d’effet à long terme. Bibliographie François Massoulié, Les Conflits du Proche-Orient, Paris, Casterman-Giunti, 1994. Une synthèse sur l’ensemble des conflits. Benny Morris, Victimes, Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Bruxelles, Complexe, 2003. Pour voir précisément l’impact de la guerre des Six Jours. Étude 3 La guerre des Six Jours (1967) (p. 146) ➥ Comment la guerre des Six Jours radicalise-t-elle la question palestinienne ? Ce qu’il faut savoir De 1948 à 1973, quatre guerres israélo-arabes éclatent. La guerre de 1967, troisième guerre israélo-arabe, oppose Israël à l’Égypte, la Syrie et la Jordanie. Elle est déclenchée à l’initiative de l’État hébreu qui craint un encerclement après la signature, le 30 mai 1967, d’un pacte de défense mutuelle entre l’Égypte et la Jordanie. Cette guerre est la plus lourde de conséquences. La victoire amène Israël à occuper et à coloniser des territoires peuplés d’Arabes palestiniens qui, encadrés par l’OLP, se radicalisent. Sur le plan international, les dirigeants arabes réunis à Khartoum, au Soudan, en septembre 1967, formulent trois non : « non à la paix avec Israël, à la reconnaissance d’Israël et aux négociations avec Israël ». Paradoxalement, la domination israélienne sur les territoires occupés rend possible à terme la création d’un État palestinien, ce qui n’était pas le cas lorsque la Jordanie exerçait sa tutelle : Israël peut désormais monnayer ses conquêtes en échange de la paix (premiers accords conclus avec l’Égypte en 1979). © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Étude 4 Réponses aux questions 1. Israël conquiert le Sinaï, Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est et au Nord, le Golan. Avec la conquête de la Cisjordanie et de Gaza, 1,5 million de Palestiniens se trouvent placés sous l’autorité israélienne. 2. La résolution 242 ordonne le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés mais donne lieu à différentes interprétations en fonction de la traduction retenue : la version anglaise « from occupied territories » pouvant se traduire soit par « de territoires occupés » ou bien par « des territoires occupés ». 3. Les objectifs de l’OLP, née en janvier 1964 au Caire lors du premier sommet de la Ligue arabe, sont de libérer la Palestine et de lutter contre Israël. Son autre but est de fédérer les différents mouvements de lutte palestiniens et d’organiser la lutte contre l’ennemi sioniste. Les idéologies qui inspirent cette organisation sont le panarabisme, un mouvement politique visant à l’unité de tous les peuples arabes, et le nationalisme. BAC L’Iran et l’islamisme chiite après 1979 (p. 148) ➥ Quel rôle joue l’Iran dans la diffusion de l’idéologie politique islamiste ? Ce qu’il faut savoir En janvier 1979, le régime du Shah, soutenu par les ÉtatsUnis, est renversé par l’ayatollah Khomeiny qui installe un régime islamiste qui se veut opposé à l’Union soviétique comme aux États-Unis. Le nouveau régime prône un retour aux sources de l’islam pour relever le pays, le monde musulman et plus largement l’ensemble des pays les plus pauvres. Concrètement, la République islamique d’Iran soutient les mouvements islamistes au Liban et dans les territoires occupés. Khomeiny utilise également l’arme économique contre les États-Unis, gelant les avoirs américains et augmentant les prix du pétrole. L’Iran cherche à devenir un acteur majeur et indépendant sur la scène internationale développant pour cela une politique nucléaire qui lui vaut l’attention intense de la communauté internationale. Réponses aux questions Vers l’analyse de documents. Les deux documents peuvent être les documents 3 et 4. Le document 3 permet de souligner le problème des réfugiés palestiniens, poussés à émigrer par l’État hébreu qui les prive de leurs terres et de leurs ressources. Ils s’installent dans des camps en Transjordanie, en Syrie et au Liban, territoires à partir desquels la résistance s’organise. Le document 4 montre la radicalisation de la résistance palestinienne qui privilégie la lutte armée contre Israël. Il montre aussi le but de cette résistance : affirmer la Palestine en tant qu’État indépendant. Vers la composition. Les conséquences de la guerre des Six Jours sont doubles. La guerre relance tout d’abord la question palestinienne en suspens depuis 1949. Avec la conquête de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, 1,5 million de Palestiniens se trouvent sous la domination d’Israël. Le nationalisme palestinien se développe, encadré par l’OLP. Nombreux sont également les Palestiniens qui se réfugient dans des camps en Transjordanie, en Syrie et au Liban, territoires à partir desquels la résistance s’organise. Sur le plan international, la guerre des Six Jours réduit le prestige de Nasser, le leader égyptien. Les pays arabes se radicalisent : en septembre 1967, lors du sommet de Khartoum, ils affirment leur opposition à la reconnaissance d’Israël et à la paix avec l’État hébreu. Quant à l’ONU, elle peine à imposer une solution de paix, la résolution 242 restant pour le moins ambiguë. Bibliographie François Massoulié, Les Conflits du Proche-Orient, Paris, Casterman-Giunti, 1994. Benny Morris, Victimes, histoire revisitée du conflit arabo­ sioniste, Bruxelles, Complexe, 2003. 1. La politique iranienne repose sur l’islam et sa défense. Les principes du régime se trouvent dans le Coran. 2. L’Iran tient un discours agressif à l’égard de nombreux États. Les premiers ennemis sont les puissances occidentales pour des raisons religieuses et politiques. Les « païens » soutiennent Israël « stigmate » du monde musulman. 3. Le soutien à toutes les « luttes islamiques du monde islamique » est annoncé. Il est mis en œuvre notamment au Liban où il repose sur la lutte armée terroriste. Il passe aussi par un appel par le biais de la fatwa à la défense commune du Coran. BAC Vers l’analyse de documents. La continuité idéologique depuis 1979 l’emporte sur la rupture. La politique iranienne repose sur l’idée du combat au nom de l’islam qui en est le fondement. L’Iran appelle donc à lutter contre l’influence occidentale païenne, qu’elle soit américaine ou soviétique du temps de l’URSS. Les « forces de Satan » sont aussi bien à l’ « Est » qu’à l’ « Ouest ». Ce combat doit être mené avec l’ensemble du monde musulman dont l’Iran veut prendre la tête contre le « sionisme », véritable « cancer » ou « stigmate » dont il faut effacer la présence. L’attitude belliqueuse à l’égard d’Israël se retrouve donc de 1979 aux années 2010. C’est une question religieuse et politique pour l’unité de la « oumma musulmane ». Les éléments d’évolution dépendent des circonstances internationales, l’URSS ayant disparu dès 1991 en tant qu’ennemi. Ils dépendent aussi du rapport établi avec l’objectif essentiel : « Israël doit être rayé de la carte ». Ainsi les États musulmans © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 67 reconnaissant cet État deviennent-ils de facto des ennemis qu’il faut aussi combattre en raison de leur trahison. On peut donc dire que l’Iran islamiste ne dévie pas de la ligne politique qu’il s’est fixé depuis la révolution de 1979. Vers la composition. Introduction. Le Moyen-Orient est une région traversée par de nombreux conflits et d’importantes tensions qui sans nécessairement éclater, sont persistantes. L’Iran est un pays qui se distingue à la fois par sa religion, il est chiite dans une région majoritairement sunnite, et par son peuplement, il est persan dans un ensemble dominé par les peuples arabes. Ces spécificités contribuent à lui donner une place à part. La révolution islamiste de 1979 met en place un régime fortement nationaliste qui se veut guidé par la religion. Quel rôle l’Iran joue-t-il dans les tensions du Moyen-Orient ? Nous verrons dans un premier temps le poids des spécificités iraniennes dans une région mosaïque de peuples et de religions avant de nous pencher sur le tournant qu’occasionne la révolution islamiste de 1979 puis nous nous interrogerons sur les éléments de continuité de la politique iranienne dans les tensions régionales. Conclusion. Acteur majeur d’un des principaux conflits qui a ensanglanté la région dans les années 1980, l’Iran mène une politique dont les implications ont des retombées internationales notamment en raison du pétrole. S’il s’est moins manifesté sur la scène internationale que son voisin l’Irak depuis vingt ans, il demeure au cœur des principales tensions entre Israël et les Palestiniens et les États arabes voisins. Son implication, appuyée par les éléments chiites éparpillés dans différents États, se retrouve dans toutes les tensions et sa volonté supposée de détenir l’arme nucléaire ainsi que son poids démographique en font un acteur majeur et incontournable du Moyen-Orient. Bibliographie F rançois Massoulié, Les Conflits du Proche-Orient, Paris, Casterman-Giunti, 1994. Une approche synthétique qui permet de cerner le rôle des différents acteurs. Olivier Roy, Généalogie de l’islamisme, coll. « Pluriel », Hachette, 2002. La spécificité de la politique iranienne dans le développement de cette idéologie est montrée. Marjane Satrapi, Persépolis, L’Association, 2001. Un éclairage par la bande dessinée de la politique iranienne. Étude 5 Les territoires palestiniens après 1993 (p. 150) ➥ Comment le sort des Palestiniens évolue-t-il après les accords d’Oslo ? Ce qu’il faut savoir Les accords d’Oslo aboutissent à la reconnaissance mutuelle d’Israël et de l’OLP et ouvrent un processus de négociations par étapes devant conduire, à terme, à l’établissement d’un État palestinien. En 2003, les États-Unis, 68 avec l’appui de la Russie, de l’UE et de l’ONU relancent le processus avec l’adoption d’une feuille de route devant conduire à la création d’un État palestinien en 2005. À la même date, les Israéliens se retirent de Gaza. Les accords d’Annapolis (États-Unis) de 2007 entre Israéliens et Palestiniens fixent à 2008 la date de la création d’un État palestinien. L’idée d’un État pour les Palestiniens fait lentement son chemin sans pour autant s’incarner encore. Réponses aux questions 1. Les objectifs des accords d’Oslo sont de parvenir à une paix durable entre Israël et les Palestiniens, à une reconnaissance mutuelle pour vivre dans une « coexistence pacifique ». Les négociations doivent déboucher sur la création d’une autorité palestinienne autonome. À terme, le but est la création d’un État palestinien. Même si une Autorité palestinienne est effectivement créée, le processus enclenché à Oslo s’essouffle rapidement et l’État palestinien n’existe toujours pas en 2014. 2. Israël est confrontée à la radicalisation des Palestiniens. Une nouvelle force politique islamiste, le Hamas, opposé au processus de paix remporte les élections législatives palestiniennes en 2006 et évince le Fatah de la bande de Gaza. À cela s’ajoute le développement des colonies israéliennes. 3. L’ONU tente d’imposer la résolution 242 pour imposer la paix et reconnaît officiellement l’Autorité palestinienne pour en faire un interlocuteur valable dans le processus de paix. BAC Vers l’analyse d’un document. La naissance d’un État arabe en Palestine est prévue dans le plan de partage de l’ONU de 1947. Il n’a jamais vu le jour en raison de l’opposition des États arabes voisins et de la guerre avec l’État d’Israël. La première guerre israélo-arabe s’est traduite par l’annexion du territoire qui lui était dévolu à la fois par les États arabes voisins et par l’État d’Israël naissant. La question palestinienne en tant que telle naît en 1967 au lendemain de la guerre des Six jours qui fait passer l’ensemble des terres de l’État arabe sous souveraineté israélienne. Elle se pose dans les mêmes termes jusqu’aux années 1990. Des espoirs de règlement du problème se font jour avec la signature des accords d’Oslo (1993) qui donnent naissance à l’Autorité palestinienne et portent en germe la création d’un véritable État. La radicalisation des opinions publiques tant israéliennes, avec l’assassinat de Y. Rabin, que palestiniennes, avec la montée de l’islamisme, ont mis un frein à ce processus. En 2000, toutes les questions restent en suspens. L’insurrection de la seconde Intifada qui s’est appuyée sur la visite d’Ariel Sharon, premier ministre israélien, sur l’esplanade des mosquées, révèle la persistance des tensions communautaires. Le poids symbolique et © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur politique de Jérusalem, ville sainte des religions monothéistes présentes sur le territoire, est au cœur du conflit. La résolution du Conseil de sécurité qui rappelle d’autres résolutions précédentes de la communauté internationale, traduit le blocage de la situation. Vers la composition. Introduction. Les territoires palestiniens sont les territoires de l’État arabe de Palestine qui aurait dû voir le jour après le partage de l’ONU en 1947 au côté de l’État d’Israël. La première guerre israélo-arabe de 1948-1949 s’est soldée par l’annexion des territoires palestiniens par les États arabes et Israël. La guerre des Six jours de 1967 a fait passer ces territoires sous souveraineté palestinienne donnant naissance au conflit spécifique qui dure de manière ouverte jusqu’en 1993, date des accords d’Oslo devant déboucher sur une solution au problème territorial. Comment évoluent les rapports entre Israël et les territoires palestiniens depuis 1993 ? Nous verrons dans un premier temps en quoi consiste le processus de paix initié en 1993 avant de voir quelles en sont ses limites. Conclusion. Les rapports entre Israël et les territoires palestiniens restent tendus. Les conditions posées dans la résolution 242 de l’ONU base d’un véritable processus de paix ne sont pas remplies. Le conflit larvé demeure et est une image en réduction de l’ensemble des conflits du Moyen-Orient avec ses différents composants, religieux, ethnique, économique et politique. Bibliographie F rédéric Encel, François Thual, Géopolitique d’Israël, Dictionnaire pour sortir des fantasmes, Le Seuil, 2004. Un ouvrage d’accès simple et très précis pour de vraies mises au point. Benny Morris, Victimes, histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Bruxelles, Complexe, 2003. Les racines et les enjeux du conflit israélo-palestinien. Étude 6 Les États du Moyen-Orient et le pétrole depuis 1945 (p. 152) ➥ Quel rôle le contrôle des hydrocarbures joue-t-il dans les relations entre les États ? Ce qu’il faut savoir Jusqu’au début des années 1960, le marché pétrolier est dominé par les Majors. Les « sept sœurs » dictent leur loi aux pays producteurs en maintenant un prix bas qui sert l’Occident dans son développement. En 1960, la création de l’OPEP permet aux pays producteurs de modifier la situation, notamment en matière de prix. L’organisation s’affirme surtout à partir 1973 en doublant le prix du pétrole lors de la guerre du Kippour. Tout au long du XXe siècle, le pétrole s’impose comme un enjeu dans de nombreux conflits : en Iran entre 1951 et 1953, en 1956 lors de la crise de Suez, en 1967 lors de la guerre des Six Jours, lors de la révolution iranienne de 1979 ou encore lors des guerres du Golfe de 1991 et 2003. Le Moyen-Orient est toujours aujourd’hui la première région pétrolière du monde tant au niveau des réserves prouvées, évaluées aujourd’hui à 60 % du total mondial, qu’au niveau de la production. Réponses aux questions 1. L a question du pétrole est stratégique pour les États-Unis. Leur volonté est de s’assurer la maîtrise de cette ressource. Ils interviennent de façon diplomatique en signant des traités mais n’hésitent pas à faire pression par la force. 2. L es pays du Moyen-Orient voient leur intérêt à contrôler le pétrole. Ils peuvent tenter de le faire par la nationalisation de la production mais le principal moyen a été la création de l’OPEP, un cartel de producteurs s’entendant sur le volume et les cours de la production. 3. L a question pétrolière implique une politique étrangère fortement interventionniste des États-Unis qui sont omniprésents dans la région. Diplomatiquement, ils sont aux avant-postes avec les différents partenaires et ils n’hésitent pas à intervenir militairement si besoin. BAC Vers l’analyse de documents. Les documents 2 et 5 illustrent particulièrement la difficulté des États du Moyen-Orient à contrôler une ressource aussi indispensable et stratégique. Le document 2 fait état du renversement de Mossadegh par la CIA pour mettre fin à sa tentative de nationaliser la production et d’en retirer les bénéfices. On voit bien le double intérêt des États-Unis qui expliquent cette intervention. Il est d’abord économique, l’accès au pétrole doit être préservé. Il est surtout politique. Dans le cadre de la guerre froide, la crainte est que l’Iran ne tombe avec son pétrole dans la mouvance soviétique. Par ailleurs, laisser agir l’Iran pourrait pousser les autres producteurs dans la même voie. Le document 5 rejoint cette question du double intérêt. L’intervention contre l’Irak de Saddam Hussein s’explique par le fait qu’il était inenvisageable de laisser l’Irak contrôler 20% des ressources ce qui lui aurait permis d’influer sur les prix, de s’en servir comme d’une « arme » de pression. Il est aussi politique, les États-Unis depuis la fin de la guerre froide sont garants du « nouvel ordre mondial », ils manifestent ici leur puissance et leur implication dans une région stratégique pour leur statut. Vers la composition. La guerre du Kippour déclenchée en 1973 par des pays arabes contre Israël est un nouvel épisode de l’affrontement israélo-arabe qui a débuté en 1948. Cependant, cette guerre marque un tournant. Le conflit a un enjeu pétrolier même si les belligérants ne sont pas des pays producteurs. Elle s’inscrit dans © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 69 la continuité d’une volonté des pays producteurs du Moyen-Orient d’obtenir la maîtrise des cours de l’or noir et d’en tirer l’essentiel des bénéfices. Cette volonté avait présidé à la formation de l’OPEP en 1960 pour mettre fin au pouvoir jugé abusif des cartels occidentaux qui décidaient du volume de la production et des prix. 1973 est donc l’aboutissement d’une longue lutte qui a marqué le XXe siècle. Cette année-là, en réaction au soutien occidental à Israël en passe de gagner la guerre du Kippour, les pays arabes producteurs s’entendent sur la limitation progressive de la production et la hausse brutale des cours. Le pétrole est utilisé comme une arme politique de pression pour la première fois. La rupture est renforcée par le fait qu’après 1973 le pétrole ne retrouve jamais son cours relativement bas et stable d’avant 1973. Globalement, hormis dans une courte période de la fin des années 1990, son cours reste plus élevé qu’il ne l’était avant 1973. Bibliographie A ndré Nouschi, Pétrole et relations internationales depuis 1945, Armand Colin, 1999. Une synthèse efficace sur le poids de la question pétrolière dans les relations internationales. « Le pétrole : ordre ou désordre mondial », Questions internationales, n° 2, juillet-août 2003. Une série d’articles de spécialistes sur l’impact de la question pétrolière. Histoire des Arts « Par un témoin » d’Azadeh Akhlaghi (p. 154) Ce qu’il faut savoir certains sont en anglais, poste de radio, chaises renversées…Ce travail de reconstitution s’accompagne d’une réflexion sur la lumière qui éclaire l’un des membres des fedaie et sur la profondeur avec plusieurs plans qui forment des scènes presque indépendantes : des tableaux dans le tableau. 3. Cette photographie emprunte au cinéma la composition avec la profondeur de champ ainsi que la mise en scène. Le mouvement est également bien rendu : tous les acteurs vivants de cette scène sont en mouvement. 4. Le projet d’Azadeh Akhlaghi est de reconstituer en une série de 19 photos les morts de certains de ses compatriotes célèbres, comme ici Hamid Ashraf ou encore, sur une autre photographie, Mohammad Mosadegh, Premier ministre entre 1951 et 1953, dont le gouvernement fut renversé avec l’aide de la CIA. À travers la mort de ces personnages, ce sont des pans entiers de l’histoire de l’Iran contemporain qui sont évoqués. L’artiste se pose ainsi en témoin oculaire du passé iranien. Sa méthode se fonde sur un travail d’enquête : l’artiste a recours à la lecture d’articles de journaux, de rapports des services secrets, de témoignages. Elle permet de composer des photographies extrêmement réalistes avec un souci constant du détail et de la composition. 5. Les élèves pourront également se pencher sur le cinéma iranien et montrer comment les cinéastes abordent aujourd’hui la complexité de la société iranienne. Débat Comment écrire l’histoire d’un espace de conflits ? (p. 156) Le choix de la série « Par un témoin » d’Azadeh Akhlaghi permet de compléter l’étude 6 consacrée à l’Iran. Azadeh Akhlaghi rappelle les violences politiques de l’histoire iranienne de 1905 à la guerre Iran-Irak des années 1980-1988. Exposée à Téhéran en mars 2012, cette artiste témoigne de l’émergence d’une société civile soucieuse de revisiter le passé iranien. Elle est également une nouvelle preuve du dynamisme des artistes iraniens plus connus, en Occident, par le cinéma avec notamment les films d’Abba Kiarostami (Copie conforme, 2010) ou d’Asghar Farhadi (Une Séparation, 2011 ; Le Passé, 2013). Objet de la confrontation Réponses aux questions 1. Les sources israéliennes sont beaucoup plus importantes et accessibles que les sources arabes. 1. Les acteurs représentés sont tout d’abord les militants communistes opposés au régime du Shah d’Iran. Ils sont tous assassinés. On distingue également les membres de la police iranienne et des services de sécurité. Au centre de la photographie, une femme et un homme semblent être des proches d’Hamid Ashraf. 2. La scène de l’assassinat est ici montrée très précisément avec un souci du détail : livres éparpillés dont 70 L’intérêt de la confrontation est d’évoquer les problèmes auxquels sont confrontés les historiens dans l’écriture de l’histoire du Moyen-Orient. Sont évoqués le problème des sources, de la passion qui entoure la « question de la Palestine », des problèmes internationaux qu’engendre le conflit proche-oriental. Les deux historiens livrent leur méthode et réfléchissent dans le même temps sur leur métier d’historien. Réponses aux questions Le point de vue d’Avi Shlaim 2. L’écriture de l’histoire du Moyen-Orient se fait donc essentiellement à travers des documents israéliens, ce qui ne permet pas toujours d’éclairer de manière satisfaisante les décisions côté arabe. 3. L’historien a tout de même à sa disposition des sources arabes, comme les autobiographies de responsables politiques ou militaires. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Le point de vue de Henry Laurens Bilan 1. Le conflit israélo-arabe a des répercussions internationales que les autres conflits n’ont pas forcément. De plus, la question de la Palestine a une dimension passionnelle. Les problèmes auxquels sont confrontés les historiens dans la construction d’une histoire du Moyen-Orient tiennent tout d’abord aux sources, plus accessibles en Israël que dans les pays arabes qui n’ont généralement pas d’archives ouvertes. Le deuxième problème est dû au climat passionnel qui entoure cette question et qui soumet l’historien à de nombreuses pressions. Pour les sources, Avi Shlaim contourne le problème en consultant les mémoires d’acteurs politiques ou militaires. Sur le deuxième problème, Henry Laurens élargit le sujet pour qu’il soit moins soumis aux passions que recèle ce conflit, préférant d’ailleurs évoquer « la question de la Palestine » que « l’histoire de la Palestine ». 2. Les historiens sont soumis, de par les tensions qui accompagnent ce conflit, à de fortes pressions qui risquent d’obscurcir le jugement. Il est difficile de rester objectif et de ne pas verser dans le récit partisan. 3. Henry Laurens s’emploie à élargir autant que possible le sujet en intégrant dans ses analyses la multiplicité des acteurs et des enjeux, à la fois territoriaux mais aussi mondiaux. Cela permet de prendre en compte les différentes interactions de ce conflit. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 71 Corrigé du Sujet 15 p. 162 COMPOSITION SUJET Proche et Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis 1945 Exemple de réponse rédigée Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Proche et le Moyen-Orient sont un foyer de guerres et de tensions multiples pour des raisons politiques, religieuses, ethniques et économiques. Ces conflits, dans une région stratégique en raison de ses ressources, ont une résonnance internationale. Nous montrerons la diversité des conflits, guerres ou tensions qui traversent la région et présenterons les acteurs qui s’opposent. Depuis 1945, le Proche et le Moyen-Orient sont le lieu de multiples conflits armés. Le principal est le conflit israélo-arabe qui éclate dès la fondation de l’État d’Israël en 1948. La première guerre de 1948-1949 se traduit par la victoire d’Israël. Elle est suivie de quatre autres guerres jusqu’en 1982 qui se soldent par la victoire d’Israël. Parmi ces guerres, celle des « Six Jours » en 1967 est la plus lourde de conséquences. Elle s’accompagne de modifications de frontières annonciatrices de la guerre du Kippour (1973), et donne naissance à la question palestinienne. L’espoir de paix suscité par la signature des accords de Camp-David en 1978 entre Israël et l’Égypte retombe vite, les autres États arabes ne reconnaissant pas l’État hébreu. La tension demeure alimentée entre autre par la question palestinienne. L’annexion par Israël, en 1967, des terres de l’État arabe de Palestine anime la révolte palestinienne menée par l’OLP de Yasser Arafat qui désire la destruction de l’État d’Israël. L’OLP utilise l’arme du terrorisme pour mener la guerre. Cette guerre larvée se transforme à partir de 1987 en guerre civile avec le déclenchement de l’Intifada. Malgré la signature des accords d’Oslo en 1993 qui prévoient la création de l’Autorité palestinienne, le conflit n’est pas réglé. Il est encore ravivé par la montée de l’influence de mouvements islamistes comme le Hamas qui ne renonce pas à l’usage de la violence. Le soutien de la communauté internationale au processus de paix ne permet pas le règlement du conflit. Les guerres israélo-arabes ne sont pas les seuls conflits qui ensanglantent la région. De 1980 à 1988, l’Iran dirigé par l’ayatollah Khomeiny est en guerre contre l’Irak de Saddam Hussein. Le conflit frontalier, sur fond d’opposition ethnique, religieuse et pétrolière, fait un million de morts sans résoudre les tensions. À ces conflits armés directs s’ajoutent des tensions plus ou moins fortes qui ne cessent de placer la région au cœur des relations internationales. La question du pétrole est un des enjeux majeurs. La région détient les deux tiers des ressources de pétrole et de gaz naturel du monde ce qui donne aux pays producteurs un poids sur la scène internationale grâce à l’« arme pétrolière » utilisée une première fois lors de la guerre du Kippour pour faire pression sur les Occidentaux soutenant Israël. La maîtrise de cette ressource est une des causes du conflit Iran-Irak mais aussi de l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990. Cette annexion qui donne à l’Irak 20 % des ressources mondiales suscite une intervention de la communauté internationale en 1991 pour libérer le Koweït. La question de l’eau, rare dans cette région, est aussi source de tensions fortes. La construction de grands barrages sur le Tigre et l’Euphrate par la Turquie est contestée par ses voisins arabes en aval : la Syrie et l’Irak. La question palestinienne est elle aussi inséparable de celle de l’eau dans la mesure où les « territoires occupés » de Gaza et de Cisjordanie ont des réserves exploitées par Israël. Si ces questions de maîtrise des ressources ne déclenchent pas de conflits directs, elles demeurent vives. L’intervention américaine de 2003 contre l’Irak est ainsi souvent dénoncée comme une guerre du pétrole même si l’objectif des États-Unis reste cependant la lutte contre le terrorisme menée depuis 2001. Tensions stratégiques Question du pétrole Question de l’eau La région reste marquée de profonds troubles politiques : les révoltes du printemps arabe et l’influence croissante de l’islamisme sont les effets des mêmes oppositions. 72 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 16 p. 160 ANALYSE D'UN DOCUMENT SUJET Discours de George W. Bush sur l’intervention américaine en Irak en 2003 Que révèle ce document des objectifs américains au Moyen-Orient et des moyens envisagés pour les atteindre ? Exemple de réponse rédigée Président des États-Unis depuis 2000, George W. Bush rappelle dans ce discours officiel prononcé à l’ONU, à New York, en 2003, les objectifs de la politique américaine au Moyen-Orient, et les moyens politiques et militaires mis en œuvre dans ce but. Les objectifs proposés par George W. Bush s’inscrivent dans la continuité de la politique internationale américaine, notamment au Moyen-Orient. Les intentions américaines sont d’établir une paix durable dans la région. Les États-Unis entendent promouvoir « des institutions libres et des sociétés ouvertes » et mettre fin aux « dictatures » qui engendrent les guerres. L’intervention américaine en Irak en 2003 fait suite à celle de 1991 pour libérer le Koweït envahi par les troupes de Saddam Hussein l’année précédente. Le renversement de la dictature irakienne doit mettre fin aux projets de « déstabiliser le Proche-Orient ». Cependant, les buts américains dépassent le cadre irakien, George W. Bush accorde une attention particulière au problème israélo-palestinien. Les États-Unis sont engagés de longue date dans le règlement de ce conflit et ont soutenu le processus de paix enclenché par les accords de Camp-David (1979) et poursuivi par ceux d’Oslo (1993). Là encore, le président des États-Unis rappelle la nécessité d’une solution pacifique et démocratique au conflit qui ne peut déboucher que sur la « création d’un État palestinien ». La volonté de faire advenir un Moyen-Orient pacifié traduit bien l’importance stratégique de la région pour les États-Unis qui se donnent les moyens d’y parvenir. États-Unis luttent contre des États (Iran…) des groupes (Al-Qaïda…) Les États-Unis n’hésitent pas à utiliser des moyens militaires (« descentes ciblées ») pour arriver à leurs fins. Il s’agit avant tout dans cette intervention internationale de supprimer les « armes de destruction massive » que l’Irak est accusé de détenir ce qui permet d’adresser de ce fait aussi un message aux autorités iraniennes pour qu’elles renoncent à leur programme nucléaire. Plus largement, la lutte est aussi menée contre « les idéologies qui exportent la violence ». L’islamisme est directement visé dans ce discours. Depuis 2001, les États-Unis sont engagés dans une lutte contre le terrorisme et visent les principaux mouvements islamistes comme Al-Qaïda, l’organisation d’Oussama Ben Laden, mais aussi le Hezbollah pro-iranien au Liban ou encore le Hamas très présent dans les territoires palestiniens, surtout à Gaza. L’affaiblissement de ces mouvements est donc un préalable indispensable à la paix dans la région. L’Irak doit servir d’exemple (« une inspiration pour le Proche-Orient ») une fois que l’« autonomie du peuple irakien » apportera la démonstration que la démocratie est synonyme de progrès. Une pression politique est ainsi exercée sur tous les gouvernements de la région où la démocratie est rare. Si les États-Unis annoncent continuer à s’engager pour soutenir l’ensemble des processus de paix, George W. Bush justifie ici l’interventionnisme, notamment militaire, des États-Unis dans une région vitale pour eux. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 73 Corrigé du Sujet 17 p. 163 ANALYSE D'UN DOCUMENT SUJET La charte du mouvement islamiste Hamas (août 1988) Présentez le document dans le contexte du Proche-Orient des années 1980. Quels renseignements donne-t-il sur le mouvement Hamas et sur ses objectifs ? Exemple de réponse rédigée Cette charte est le programme politique officiel du mouvement Hamas. Elle présente les sources et les objectifs de son combat. Elle est établie en 1988, un an après le début du soulèvement palestinien, l’Intifada, dans les territoires occupés de Gaza et de la Cisjordanie, intégrés à l’État d’Israël en 1967. Le Hamas appelle à la lutte contre l’État d’Israël, jusqu’à sa destruction. Fondé en 1988, le Hamas, ou Mouvement de la résistance islamique, est un mouvement politique qui prône la lutte armée au nom de la religion musulmane. Il faut poursuivre le « combat » jusqu’à la « victoire de Dieu ». Proche des Frères musulmans égyptiens, le Hamas entend mener le « djihad », la guerre sainte au nom de l’islam, qui est la source de son engagement. En ce sens, il se distingue d’autres mouvements nationalistes de libération, comme l’OLP de Yasser Arafat, qui est un mouvement socialiste plus laïque, en appelant au combat non seulement pour un territoire mais au nom de la religion : « le patriotisme est un article de la profession religieuse. » Il en appelle donc à la solidarité arabe mais aussi à la solidarité musulmane et identifie le monde arabe au monde musulman. La lutte armée est donc un devoir pour « tout musulman et musulmane » et le Hamas dénonce ceux qui voudraient y renoncer. Il s’attaque donc directement à la politique menée par ceux qui se rapprochent d’Israël ou ne luttent pas contre l’influence des non-musulmans, comme l’Égypte d’Anouar el-Sadate qui a reconnu Israël en 1978 lors des accords de Camp-David : « aucun État arabe n’a le droit [d’y renoncer] ». Il dénonce aussi l’OLP qui vient de reconnaître le droit à l’existence d’Israël : « aucune organisation n’en a le droit ». En se différenciant ainsi, le Hamas peut espérer tirer profit de l’Intifada et rallier à lui la jeunesse palestinienne. Les objectifs du Hamas sont clairs. Il s’agit de trouver une « solution à la cause palestinienne » et celle-ci ne peut venir que de la guerre. Les « prétendues solutions de paix et les conférences internationales » sont rejetées, le Hamas n’entend participer à aucune négociation dans le processus de paix soutenu par les États-Unis. L’objectif du « combat avec les Juifs » est « l’écrasement des ennemis ». Le Hamas prône la destruction de l’État d’Israël, comme auparavant l’OLP pour libérer la Palestine et permettre à un État palestinien de voir le jour. Jérusalem étant « le troisième Lieu Saint » après La Mecque et Médine en raison de la présence de la mosquée al-Aqsa, la Palestine ne peut être, par extension, qu’une terre islamique. L’objectif n’est donc pas de revenir au partage de la Palestine de 1947 qui créait deux États mais de « libérer » la Palestine de la présence des Juifs, de lutter contre le sionisme. L’islam est invoqué comme la source de toute action politique et militaire, le Hamas se rapproche de ce fait d’un idéal théocratique. La naissance du Hamas illustre et nourrit la radicalisation du conflit israélo-palestinien, et la division interne des Palestiniens, et porte en elle l’impossibilité de parvenir à négocier une paix avec deux États séparés, objectif des membres de l’OLP. 74 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 18 p. 164 ANALYSE DE DEUX DOCUMENTS SUJET Israël et l’Égypte : le tournant Sadate Que montrent ces documents des propositions de Sadate et des obstacles rencontrés ? Exemple de réponse rédigée En 1977, le discours d’Anouar el-Sadate est le premier discours officiel d’un dirigeant arabe devant le parlement israélien, la Knesset. Il inaugure le rapprochement des deux pays, hier ennemis, concrétisé l’année suivante par les accords de paix de Camp-David aux États-Unis. Leader du panarabisme et de la lutte contre l’État d’Israël, l’Égypte de Nasser puis de son successeur Sadate depuis 1970, a mené quatre guerres contre Israël. La dernière défaite, en 1973 dans la guerre du Kippour, convainc Sadate de la nécessité d’une autre politique : « pourquoi ne nous tendons-nous pas les mains […] ? » C’est une révolution. Sadate propose la paix. Cette paix implique la reconnaissance de l’État d’Israël : « Vivre dans la région avec ses voisins arabes en sûreté et en sécurité. » Cette proposition est assortie de conditions. D’abord, l’abandon de toute politique impérialiste, des « rêves de conquête » et de la « croyance que la force est la meilleure façon de traiter avec les Arabes », ce qui ne peut se faire que si l’Égypte renonce à ses ambitions panarabes, ce que Sadate est en train d’annoncer. Ensuite, « le retrait total de la terre occupée après 1967 » donc au moment de la guerre des Six Jours et même de la partie de « Jérusalem arabe ». Sadate ici reprend l’argumentation même de la résolution 242 de l’ONU de 1967, au lendemain de la guerre des Six Jours, qui demandait le retrait des territoires occupés d’un côté et le respect de l’existence d’Israël de l’autre. La conséquence directe des propositions de Sadate est l’accord de paix signé en 1978 entre les deux États sous l’égide du président des États-Unis, Jimmy Carter, qui installe les États-Unis au cœur de la résolution du conflit israélo-arabe. Les accords de Camp-David marquent la reconnaissance de l’État d’Israël et la paix entre le pays leader du panarabisme et de la lutte contre Israël et l’État hébreu officielle en 1979. L’espoir d’une paix réelle se lit sur les visages (document 2). Cependant, Sadate se retrouve isolé dans le monde arabe, il ne peut s’engager au nom de l’ensemble du monde arabe. L’abandon de la lutte contre Israël est vécu comme une trahison de la cause arabe et l’Égypte est exclue de la Ligue arabe. Il paie de sa vie en 1981 son engagement pour la paix et est assassiné par des militaires proches des Frères musulmans. Sur le long terme, les effets de ce tournant égyptien sont mesurés. Le « retrait total de la terre occupée » n’a pas lieu et les « conséquences imprévisibles » de l’absence de paix avec les Palestiniens sont la radicalisation de la situation dans les territoires occupés. Israël argue du non-respect de la résolution 242 par les Palestiniens et les autres États arabes pour ne pas appliquer l’autre partie de la résolution. Il faut attendre la reconnaissance par l’OLP de l’État d’Israël en 1988 et la signature des accords d’Oslo en 1993 pour que la situation commence à évoluer sans être pour autant résolue. En 1992, seule la Jordanie s’inscrit dans les pas de Sadate : les propositions de 1977 restent donc une véritable rupture. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 75 CHAPITRE 6 Gouverner la France depuis 1946 p. 166-193 ➥ Comment gouverner une France en pleine transformation après la Seconde Guerre mondiale ? Commentaires du programme Le programme demande d’étudier les permanences et les mutations vécues par l’État-nation, en France, depuis 1946. Fruit d’une construction historique qui remonte au XIIIe-XIVe siècle, l’État, en France, s’est pleinement iden­ tifié à la nation lorsqu’il a mis en place l’école, le service militaire, l’expression du suffrage universel, l’adminis­ tration et les services publics. L’administration incarne la continuité de l’État. Celui-ci subit à partir de 1946 de profondes mutations : l’État providence, l’action écono­ mique, et l’aménagement du territoire sont autant de missions nouvelles qui élargissent la sphère d’action d’un État keynésien et modernisateur. Il s’appuie sur une fonction publique qui s’étoffe, se spécialise et s’identifie à l’excellence par la création de l’ENA. Depuis 1958, l’État gagne en visibilité et en permanence par la constitution de la Ve République qui renforce les pouvoirs de l’exé­ cutif. Cependant, à partir des années 1970, le pouvoir de l’État est mis en cause : son incapacité à régler la ques­ tion du chômage, l’essor de l’Europe et des collectivités territoriales, la mondialisation et le succès des idées néo­ libérales semblent délégitimer son action. Désormais, la modernité, aux yeux des responsables politiques et économiques français, passe par un effacement relatif de l’État. Des réformes engagées depuis les années 1980 redéfinissent les fonctions de l’État qui se désengage partiellement de l’économie nationale et partage ses anciennes prérogatives avec les auteurs acteurs, publics et privés. Mais son rôle et son influence restent majeurs dans un pays attaché à ses traditions étatistes. La place que tient l’élection présidentielle, tous les sept ans puis cinq ans à partir de l’élection de 2002, témoignent de cette pérennité centralisatrice dans les mentalités fran­ çaises. De même, la France reste plus attachée à son État providence que l’Allemagne, de tradition plus libé­ rale, et qui dans les années 2000, diminue sa protection sociale pour gagner en compétitivité. Par ailleurs, dans le contexte d’une concurrence accrue, au niveau européen et mondial, l’État reste une force, dont les entreprises ne peuvent se passer : l’État doit soutenir l’innovation, amé­ nager le territoire et défendre ses entreprises à l’étranger pour assurer la croissance et l’emploi. Les expressions « guerre économique » ou « patriotisme économique », employés en France et ailleurs, montre bien que l’État­ nation reste un acteur clé du monde. Il s’agit ainsi de cerner les inflexions subies par les mis­ sions et les définitions de l’État depuis 1946. Il faut ainsi se garder d’un traitement purement événementiel, poli­ tique ou institutionnel de la période, même si l’État a été façonné par des hommes, des institutions et des événe­ ments, comme les alternances. Lien vers un autre chapitre du manuel • Chapitre 3 : sur le rôle des États-Unis dans la reconstruction de l’Europe (Étude, p. 80). 76 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Ressources numériques liées au chapitre Vidéo et fiche d’activités Les conséquences matérielles de la guerre présentées à la télévision en 1945 Carte interactive et fond de carte 1963-2013, un demi-siècle d’aménagement du territoire géré par la DATAR Fiche d’exploitation de site Internet Une histoire virtuelle du franc Fiche d’exploitation de film Raphaëlle Bacqué, Philippe Kohly, L’Enfer de Matignon (2008) Frise modifiable Gouverner la France depuis 1946 Bibliographie du chapitre Ouvrages de référence pour une approche générale de la période J ean-Charles Asselain, Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours, T.2, Depuis 1918, Paris, Le Seuil, Points-Histoire, 2011. Serge Berstein, La France de l’expansion,T. 1 : La République algérienne (1958-1969), Paris, Le Seuil, Points-Histoire, 1989. Serge Berstein et Jean-Pierre Rioux, La France de l’expansion, T. 2 : L’apogée Pompidou (1969-1974), Paris, Le Seuil, Points-Histoire, 1995. Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République, T. 1, L’Ardeur et la nécessité (1944-1952), Paris, Le Seuil, Points-Histoire, 1980. Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République, T. 2, L’Expansion et l’impuissance (1952-1958), Paris, Le Seuil, Points-Histoire, 1983. Michelle Zancarini-Fournel, Christian Delacroix, La France du temps présent. 1945-2005, Paris, Belin, 2010. Ouvrages pour une réflexion générale sur la place de l’État et son évolution Mathias Bernard, Histoire politique de la V République de 1958 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2008. P hilippe Bezes, Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française (1962-2008), Paris, PUF, 2009. C harles de Gaulle, Mémoires de guerre – L’Unité : 19421944 (T. 2), Plon, Paris, 1956. C harles de Gaulle, Mémoires de guerre – Le Salut : 19441946 (T. 3), Plon, Paris, 1959. P ierre Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Paris, Le Seuil, Points-Histoire, 1990. P ierre Rosanvallon, Le Modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Le Seuil, Points-Histoire, 2006. D ominique Schnapper, La Communauté des citoyens, Gal­ limard, 2003. e Ressources pour une approche spatiale Christel Alvergne, Pierre Musso, L’Aménagement du territoire en images, DIACT, Paris, La Documentation française, 2009. Jean Boutier (dir.), Grand atlas de l’histoire de France, Paris, Autrement, 2011. Les départements français en 1791, Carte historique. Col­ lection Ryhiner (Ryh 2203 6 B), Bibliothèque de l’Université de Berne, Suisse. Collection numérisée, disponible en ligne. DATAR, Une image de la France en l’an 2000 - Le scénario de l’inacceptable, Paris, Travaux et recherches de prospec­ tive, n° 20, 1971. Disponible en ligne : http://www.datar. gouv.fr/sites/default/files/datar/scenario-inacceptable.pdf (consulté le 28/04/2014). Ministère du développement durable, carte, les Grands sites de France : http://www.developpement-durable.gouv. fr/Donnees-chiffrees-et-carte.html (consulté le 28/04/2014). DATAR/DGCIS, carte, les pôles de compétitivité : http:// competitivite.gouv.fr/documents/commun/Documenta­ tion_poles/cartes-poles/carte.pdf (consulté le 28/04/2014). Ressources pour une approche thématique Jean-Louis Bordes, Les Barrages en France du XVIIIe à la fin du XXe siècle - Histoire, évolution technique et transmission du savoir, Pour mémoire, n°9, 2010. Disponible en ligne : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/ pdf/pm9.pdf (consulté le 28/04/2014). Jean Dausset, La création des CHU, revue annuelle du Haut comité des célébrations nationales, 2008. Disponible en ligne : http://www.archivesdefrance.culture. gouv.fr/action-culturelle/celebrations-nationales/2008/ sciences-et-techniques/creation-des-chu/ (consulté le 28/04/2014). DGAFP, Rapport annuel de la Fonction publique, chiffresclés 2013, décembre 2013. Sur le site portail de la fonction publique : www.fonction-publique.gouv.fr Antoine de Bæcque, Avignon, le Royaume du théâtre, Paris, Découvertes Gallimard, 1996. Alexandre Dhordain (dir.), Le CHU - L’hôpital de tous les défis, Éditions Privat, 2007. Jean-Claude Driant, La longue marche des politiques du logement en France, 1850-1995, Pour mémoire, n° 11, 2012. Disponible en ligne : http://www.developpement-du­ rable.gouv.fr/IMG/pdf/Pour_memoire_Hors_serie_n11.pdf (consulté le 28/04/2014). Robert Espérou, Les aérodromes français des origines à 1975, Pour mémoire, n°9, 2010. Disponible en ligne : http:// www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/pm9.pdf (consulté le 28/04/2014). Paul Houée, Les politiques de développement rural, des années de croissance au temps d’incertitude, INRA Écono­ mica, Paris, 1996. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 77 Utiliser le manuel Document iconographique (p. 166) Cette photographie nous plonge au coeur des institu­ tions de la Ve République. Le pouvoir exécutif (ici Chris­ tiane Taubira, ministre de la Justice, et les ministres pré­ sents sur une partie des deux premiers rangs) présente des projets de loi (ici le mariage pour tous) qui sont débattus et votés par les députés et les sénateurs puis promulgués par le président de la République. La loi sur le mariage pour tous (mai 2013), pose la question des domaines d’intervention de l’État. Pour certains, cette loi dite « sociétale » illustre le déclin de l’État, condamné à se replier sur le domaine social à défaut de pouvoir jouer un rôle dans le domaine économique. Pour d’autres, elle montre la volonté de l’État de ne pas restreindre son champ d’action et elle s’inscrit dans l’héritage d’un État providence qui n’hésite pas à anticiper les évolutions de la société au risque de diviser les Français. Les nom­ breuses femmes dans l’hémicycle permettent d’évoquer la place des femmes dans la vie politique depuis l’ordon­ nance du 21 avril 1944 leur accordant le droit de vote ou la loi sur la parité hommes/femmes en politique de 2000. Parmi les ministres du gouvernement de Jean-Marc Ayrault (juin 2012-mars 2014), on peut distinguer de gauche à droite au premier rang : Benoît Hamon (Ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire), Fleur Pellerin (Ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l’Éco­ nomie numérique), Guillaume Garot (Ministre délégué à l’Agroalimentaire), Dominique Bertinotti (Ministre délé­ guée à la famille), Alain Vidalies (Ministre délégué aux Relations avec le Parlement), Manuel Valls (Ministre de l’Intérieur), Arnaud Montebourg (Ministre du Redresse­ ment productif). les données suivantes : continuité de l’État (symboles, mouvements collectifs…), ruptures (présidentialisation, crise de l’État…). Cartes L’État aménage le territoire (p. 170) La première carte est une carte administrative et des­ criptive, la seconde une carte de prospective au service d’une administration centrale (la DATAR), la troisième un document d’analyse et de synthèse réalisé dans un but pédagogique. Le professeur devra veiller à bien rappe­ ler ces fonctions différentes liées à des contextes parti­ culiers. Dans le premier cas, l’État proclame une remise à plat de la structure administrative et territoriale, mais ne peut s’émanciper totalement des cadres existants : les départements reprennent pour la plupart les contours des anciens évêchés qui eux-mêmes correspondent souvent aux anciennes cités gallo-romaines. Le second document, établi par la DATAR, met en carte le « scénario de l’inac­ ceptable » en opposant les zones de polarisation urbaine, espaces dynamiques, aux espaces vides où émergent quelques isolats urbains. La carte marque ces disparités pour mieux justifier l’intervention de la DATAR, qui doit corriger les inégalités et mieux diffuser la croissance sur l’ensemble du territoire. Nous sommes ici à l’apogée de la DATAR. La troisième carte montre que l’aménagement du territoire s’inscrit dans un temps long, qui ne s’arrête pas à la fin des Trente Glorieuses. L’accent est mis, depuis les années 1980, sur les reconversions industrielles et les pôles de compétitivité, témoins d’une économie de plus en plus tertiarisée. Les projets transfrontaliers montrent aussi le souci d’ouverture d’un État qui prend mieux en compte la mondialisation et la construction européenne. Contextes et Repères La construction de l’État en France depuis 1946 (p. 168) Cette double page établit des repères chronologiques, à partir de dates et de périodes-clés reliées à des docu­ ments iconographiques. Ces derniers illustrent des moments importants de l’histoire de l’État, mais ne sauraient résumer à eux-seuls deux siècles d’histoire. Ces documents se prêtent aisément à une pédagogie inductive et interactive, qui fait écho aux connaissances acquises les années précédentes en classe de lycée ou de collège. Le professeur peut ainsi confier l’étude de chaque document à un groupe d’élèves qui par un para­ graphe argumenté ou un court exposé, pourra répondre à la question : « Dans quelle mesure ce document montret-il le fonctionnement de l’État en France ? ». L’ensemble des informations pourra ensuite être synthétisé et don­ ner lieu à une réflexion collective, associant étroitement les élèves dans une démarche dialoguée. La trace écrite, éventuellement sous forme de tableau, pourra souligner 78 Ressources numériques Carte interactive et fond de carte La carte 3 qui présente les aménagements du territoire gérés par la DATAR depuis 1963 est proposée dans une version interactive qui permet de faire apparaître ou dis­ paraître les différents éléments de la légende. Un fond de carte est également accessible. Cours 1 L’État renforcé, de 1946 aux années 1970 (p. 172) ➥ Quel rôle l’État joue-t-il face aux besoins exprimés par l’opinion publique ? Ce qu’il faut savoir Depuis 1946, le maître-mot de l’action de l’État, pour les politiques et les hauts fonctionnaires est la « modernisa­ tion ». L’État doit lutter contre les archaïsmes et organiser © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur la croissance pour qu’elle soit profitable au plus grand nombre. Dans une perspective keynésienne assumée, l’État doit stimuler la croissance par la dépense publique et la redistribution des richesses par l’État providence. La présidence gaullienne introduit peu de ruptures à cet égard, seulement quelques inflexions. L’entrée dans le Marché commun et l’achèvement de la décolonisation ouvre l’économie française à la concurrence internatio­ nale : la France ne peut plus miser sur un marché protégé constitué par son Empire et doit relever de la compétiti­ vité. Dans cette perspective, l’État impulse une politique industrielle audacieuse, favorisant les concentrations d’entreprises et l’innovation technologique. Ressources numériques Vidéo et fiche d’activités Un reportage des Actualités Françaises daté de janvier 1945 dresse, en images et en chiffres, l’état des lieux d’un pays en ruine et met en valeur le dynamisme des débuts de la reconstruction. Réponses aux questions Doc. 4 > L’État contrôle les médias par le monopole public de la radio et de la télévision, assuré par l’ORTF, l’Office de radiodiffusion-télévision française. Les informations y sont orientées dans un sens favorable au régime. Le ministère de l’Information assure la tutelle de l’ORTF, mais il doit cependant garantir la liberté de la presse. Il a par­ fois recours à la censure, notamment contre des articles de journaux d’opposition (Libération, L’Humanité). Bibliographie Serge Berstein, La France de l’expansion, T. 1 : La République algérienne (1958-1969), Paris, Le Seuil, Points-His­ toire, 1989. Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République, T. 1, L’Ardeur et la nécessité (1944-1952), Paris, Le Seuil, Points-Histoire, 1980. Pierre Rosanvallon, Le Modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Le Seuil, Points-Histoire, 2006. Michelle Zancarini-Fournel, Christian Delacroix, La France du temps présent. 1945-2005, Paris, Belin, 2010. Cours 2 Doc. 1 > Les raisons de ce soutien : – le soutien des communistes, première force politique du pays. Soutien nouveau puisque en 1936, les com­ munistes s’étaient opposés aux nationalisations ; – la force des idées anticapitalistes dans l’opinion, au-delà des communistes : le capitalisme associé à la crise de 1929, à la guerre, et parfois, à la collaboration ; – le délabrement des mines et des réseaux électriques, qui ont manqué d’investissements avant la guerre et ont souffert aussi du conflit. Doc. 2 > Le contexte politique : –la guerre d’Indochine, entamée depuis 1946, où la France est embourbée. – le dérapage des finances publiques, la hausse des défi­ cits publics, l’inflation. Les « grands équilibres » éco­ nomiques sont menacés, notamment par les dépenses entraînées par la guerre d’Indochine. – la paralysie des institutions : l’instabilité ministérielle nuit à la continuité et à la cohérence de l’action de l’État. – la popularité de Pierre Mendès France : soutenu par des hauts fonctionnaires, des journalistes, Pierre Men­ dès France incarne la modernité politique. Doc. 3 > Le président de la République détient le pouvoir exé­ cutif, mais aussi oriente le pouvoir législatif grâce à la nomination du Premier ministre. Il peut avoir recours au référendum et dissoudre l’Assemblée nationale. Il occupe les fonctions régaliennes : il est le chef des armées, et dispose du droit de grâce. Il a également des fonctions exceptionnelles : par l’article 16, il peut s’attribuer des pouvoirs exceptionnels. Une seule fois, le président y a recours, en 1961, pour faire face au putsch des généraux en Algérie. Depuis les années 1980, l’État remis en cause ? (p. 174) ➥ Comment le rôle de l’État se transforme-t-il ? Ce qu’il faut savoir Les années 1970-1980 ouvrent une période de remise en cause de la souveraineté de l’État-nation. De multiples facteurs y contribuent parmi lesquels le repli écono­ mique des puissances traditionnelles comme la France et l’action des firmes multinationales œuvrant à une échelle supranationale. L’abandon d’une partie de ses compétences par l’État dans les domaines économiques (privatisations), politiques (Union européenne), adminis­ tratifs (décentralisation) et sociaux (déréglementation) contribue à alimenter l’image d’un déclin. Pour autant, ce déclin reste à nuancer : les Français restent très partagés face à la place qui doit être celle de l’État. Ressources numériques Fiche d’exploitation de film Raphaëlle Bacqué, Philippe Kohly, L’Enfer de Matignon (2008) : la fiche proposée a pour objectif d’arriver, en groupe, à une étude organisée de ce film et à une pré­ sentation à l’oral. Il s’agit d’un documentaire politique français, produit par B. Nahon, avec la participation de 12 Premiers ministres français. Réponses aux questions Doc. 1 > La CMU est une prestation sociale permettant l’accès aux soins des personnes en difficulté. Elle témoigne de la volonté de l’État de ne pas renoncer aux idéaux de l’État providence (solidarité) malgré la crise. Ces idéaux © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 79 sont défendus ici par la gauche au pouvoir avec la ministre de l’Emploi et de la Solidarité, Martine Aubry. Doc. 2 > En 2010, Renault est une société anonyme au sein de laquelle l’État n’est plus l’actionnaire majoritaire comme c’était encore le cas en 1994 (doc. 6, p. 181). Il s’attribue cependant le rôle d’arbitre en réunissant au ministère de l’Économie et des Finances (« Bercy ») des représentants de Renault et des sous-traitants. Le pré­ sident de la République lui-même intervient en rencon­ trant le directeur général de Renault. Le texte évoque la somme de « trois milliards d’euros » apportée par l’État aux constructeurs automobiles pour préserver l’emploi en France. La politique fiscale constitue une arme tra­ ditionnelle de l’État pour peser sur les entreprises dans le cadre d’une économie libérale. Doc. 3 > De 1981 à 1983, le président socialiste François Mit­ terrand avait mis en place une politique de gauche face aux difficultés économiques et sociales. Cette politique avait privilégié une action forte de l’État, héritage du keynésianisme de l’après-guerre, que Valéry Giscard d’Estaing évoque en termes péjoratifs (« étatisation »). En 1986, la droite revient au pouvoir à la faveur des élections législatives et applique, à l’inverse, les idéaux du néolibéralisme. Cela se tra­ duit par le recul de l’État au profit des acteurs privés (« entreprises »). Bibliographie J ean-Charles Asselain, Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours, T.2, Depuis 1918, Paris, PointSeuil, 2011. Pierre Rosanvallon, Le Modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Le Seuil, Points-Histoire, 2006. Michelle Zancarini-Fournel, Christian Delacroix, La France du temps présent, 1945-2005, Paris, Belin, 2010. Étude 1 Reconstruire la France après la Seconde Guerre mondiale (p. 176) ➥ Quels grands principes inspirent la reconstruction de la France ? Ce qu’il faut savoir Avant même la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Conseil national de la Résistance avait posé les bases d’une refondation de la France après-guerre. Celle-ci devait passer par un retour de l’État dans la sphère éco­ nomique et sociale. Le libéralisme devait ainsi être tem­ péré par un interventionnisme étatique au service de la reconstruction et de la justice. Le programme est mis en œuvre après guerre, dès 1944, par le général de Gaulle et le gouvernement provisoire de la République française. Son œuvre est reprise ensuite par les gouvernements de la IVe République à partir de 1946. L’État prend alors une 80 dimension nouvelle : il est État-entrepreneur, grâce aux nationalisations et aux planifications ; il est État provi­ dence, grâce à la Sécurité sociale qui protège les travail­ leurs et les familles face aux aléas de la vie. Cette œuvre favorise la reconstruction, la croissance économique et l’entrée dans les Trente Glorieuses. L’État se rapproche des États-Unis au tout début de la guerre froide qui béné­ ficie ainsi de l’aide prévue par le Plan Marshall à partir de 1947. Réponse aux questions 1. Nous pouvons constater entre les années aprèsguerre et le début des années 1950 une augmentation de la production agricole et industrielle ainsi que des progrès dans la construction de logements. Mais la reconstruction a ses limites: la construction automo­ bile dépasse le niveau de 1938, mais certaines produc­ tions (vin, textiles) peinent à trouver un plein essor. 2. La France se reconstruit après 1945 sur les principes suivants : –une démocratie sociale fondée sur de nouveaux droits : « liberté », « dignité » et « sécurité » ; – un État interventionniste, mais qui agit dans le cadre d’une « économie concertée », où il encourage le dialogue entre les forces vives du pays (entreprises, syndicats) ; – un impératif de modernisation du pays. 3. Les principaux acteurs de la reconstruction sont l’État, les citoyens français qui souscrivent un emprunt natio­ nal et les États-Unis, par le plan Marshall. BAC Vers l’analyse de documents. La reconstruction de la France, après la Seconde Guerre mondiale, repose sur une refondation de la République. Comme l’affirme de Gaulle dès 1944, la « démocratie sociale » en est le premier pilier, associé aux idéaux de « liberté », de « dignité » et de « sécurité » (doc. 1). Les résistants, souvent des hommes de gauche, veulent ici marquer la rupture par rapport au régime de Vichy, qui avaient bafoué les valeurs de la République. Ils veulent aussi se démarquer d’une IIIe République jugée trop libérale, où les droits des travailleurs étaient soumis au principe du marché. Ce changement se fonde sur un « État provi­ dence » (doc. 4), c’est-à-dire un État protecteur de l’éco­ nomie et de la société, au service de la croissance et de la justice sociale. L’État agit ainsi au service de la « nation » (doc. 1), définie comme l’ensemble des citoyens, sans distinctions. Ce sont ainsi l’État-nation, mais aussi deux valeurs républicaines qui sortent renforcées de ces réformes : l’égalité et la fraternité. Vers la composition. L’État joue un rôle majeur dans la reconstruction de la France en 1945 et 1946. Pour lui, il s’agit d’un impératif, les destructions matérielles ayant été bien plus considérables que sous la Première Guerre © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur mondiale. Les années de guerre s’ajoutent par ailleurs à six années de dépression économique qui ont forte­ ment entamé les forces de l’industrie française. Pour les gouvernements de la Libération, la reconstruction doit passer par un renouveau de l’État : un État répu­ blicain qui doit faire oublier les heures sombres de la collaboration et de la Révolution nationale. Il s’agit aussi d’un État keynésien, qui doit garantir la justice sociale et relancer l’économie. L’intervention de l’État se traduit par la planification confiée à un Commissariat au plan dirigé par Jean Monnet, par des nationalisations et par une Sécurité sociale au service des travailleurs et des familles. L’État s’appuie sur un corps de hauts fonction­ naires qui croient aux vertus de l’interventionnisme et de la modernisation économique. Bénéficiant aussi de l’aide américaine au titre du plan Marshall, l’État parvient à reconstruire rapidement le pays. Bibliographie J ean-Charles Asselain, Histoire économique de la France, Paris, Point-Seuil, 1984. Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République, T. 1, L’ardeur et la nécessité, 1944-1952, Paris, Point-Seuil, 1980. Michèle Zancarini-Fournel, Christian Delacroix, La France du temps présent, 1945-2005, Paris, Belin, 2010. Étude 2 L’État providence (p. 178) ➥ Quels outils l’État met-il en place pour assurer la vie quotidienne des Français ? Ce qu’il faut savoir Selon Pierre Rosanvallon, l’État providence se met en place en France dès la Révolution. En 1789, L’État de droit se veut protecteur, à la fois des libertés fondamentales et aussi des individus en situation matérielle difficile. Les violences de la guerre conjuguées aux impératifs de la reconstruction après 1945 réactivent cette vision : un consensus se fait autour de l’acceptation de l’État comme ciment d’une unité française à reconstruire. Ainsi, la création de la Sécurité sociale constitue l’acte fondateur d’un modèle social français qui marque en profondeur la société des Trente Glorieuses. Réponses aux questions 1. Les mots « misère » de l’affiche et « pauvres » du texte (ligne 2) renvoient à un idéal sur lequel repose l’action sociale de l’État, celui d’une solidarité forte de la société envers les plus démunis dans le contexte difficile de l’après-guerre. L’État modernise le système de santé et de protection sociale avec la création de la Sécurité sociale dès 1945 puis la création de Centres hospitaliers universitaires (CHU) modernes à partir de 1958. 2. L’État a besoin d’un personnel nombreux et compétent pour mener à bien sa politique sociale, ce sont les fonc­ tionnaires qui forment la fonction publique. Celle-ci est divisée en trois branches selon les domaines d’action. Elle totalise 5,5 millions de fonctionnaires en 2011. Dès 1945, la création de l’École nationale d’administration (ENA) permet de former les hauts fonctionnaires qui doivent assurer la modernisation du pays. 3. Au début des années 2000, le modèle social français est en difficulté. Le nombre élevé de chômeurs et de tra­ vailleurs précaires déséquilibre les comptes publics : l’État dépense beaucoup en aides sociales mais ses recettes liées aux prélèvements sur les actifs stagnent. Le vieillissement de la population pèse de plus en plus lourdement sur les revenus des actifs pour faire fonc­ tionner le système des retraites et de santé. BAC Vers l’analyse d’un document. La fonction publique est constituée par des fonctionnaires qui permettent à l’État de mener son action. Leur nombre élevé, 5,3 millions en 2011, témoigne en premier lieu de l’importance de l’action de l’État. L’État est de loin le premier employeur de France. La répartition en trois grandes administrations permet égale­ ment de mesurer la diversité des domaines d’intervention de l’État. La fonction publique d’État est de loin la plus nombreuse car elle englobe les enseignants de l’Éduca­ tion nationale, domaine clé de l’action de l’État depuis la IIIe République et renforcé dans les années d’après-guerre avec la démocratisation et donc l’accès massif aux études secondaires et supérieures. La fonction publique territo­ riale s’est considérablement étoffée avec le développe­ ment de la décentralisation à partir des années 1980. L’État centralisateur a abandonné une partie de ses prérogatives aux collectivités locales et, de fait, a contribué à l’explosion des agents territoriaux. Enfin, la santé constitue le pilier principal de l’action protectrice de l’État depuis la création de la Sécurité sociale en 1945 et des CHU en 1958. 1,1 mil­ lion de personnels de santé travaillent dans la fonction publique hospitalière. Vers la composition. Le système de Sécurité sociale ini­ tié par le juriste Pierre Laroque en 1945 est l’événement fondateur d’un modèle social qui marque durablement la société française. Ce modèle, dans le contexte difficile de l’après-guerre, repose sur l’affirmation de valeurs fortes qui sont une déclinaison des valeurs républicaines réaf­ firmées par ailleurs dans les Constitution de 1946 puis de 1958. La première de ces valeurs est la solidarité natio­ nale. La société doit assurer une vie décente à l’ensemble des citoyens ce qui implique une aide aux plus démunis. Cette volonté impose à l’État de redistribuer la richesse par des prélèvements proportionnels (CSG depuis 1990) mais aussi sous la forme d’aides sociales (allocations familiales par exemple). La seconde valeur affirmée est celle du bien-être des populations considéré comme un droit social. Il revient à l’État de mettre en œuvre ce droit à travers des mesures comme la protection contre les accidents du travail ou encore les aides aux familles © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 81 nombreuses. Dans la mesure où l’intérêt commun doit l’emporter sur les logiques individuelles, l’État protec­ teur se doit d’intervenir dans des domaines qui sont en partie exclus de la logique de marché : ainsi la santé ou le logement. Bibliographie A lexandre Dhordain (dir.), Le CHU - L’hôpital de tous les défis, Éditions Privat, 2007. DGAFP, Rapport annuel de la Fonction publique, chiffresclés 2013, décembre 2013. Sur le site portail de la fonction publique : www.fonction-publique.gouv.fr Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République, T. 1, L’Ardeur et la nécessité (1944-1952), Paris, Le Seuil, Points-Histoire, 1980. Étude 3 L’opinion publique face à l’État entrepreneur (p. 180) ➥ Quelles sont les réactions de l’opinion publique face à l’intervention de l’État dans l’économie ? Ce qu’il faut savoir L’intervention de l’État dans l’économie a toujours forte­ ment divisé l’opinion publique. En France, le contexte de l’après-guerre et des Trente Glorieuses fait que la popula­ tion est alors largement acquise à un interventionnisme fort d’un État perçu comme porteur de la modernisation du pays. C’est à la faveur de la crise des années 1970 que l’opi­ nion publique se divise. À l’heure du néolibéralisme domi­ nant, l’État devient un frein à la croissance pour les uns mais reste le garant d’une justice sociale pour les autres. Ressources numériques Fiche d’exploitation de site Internet Le site de la BNF propose une « histoire virtuelle du franc » ; la fiche d’activités proposée dans le manuel inte­ ractif permet de l’exploiter efficacement avec les élèves. Réponses aux questions 1. L’État intervient par la planification indicative dès 1945, par une politique monétaire et financière (exemple : financement de la reconstruction par une politique inflationniste, par une politique d’aménagement du territoire - viaduc de Millau, 2004 - et par la nationali­ sation d’entreprises (Renault, 1945). 2. L’opinion publique est de plus en plus active et reven­ dicative face aux décisions de l’État. La contestation s’exprime, de façon spectaculaire et médiatisée, par des manifestations comme en 1998 sur le thème des OGM ou en 2014 à Notre-Dame-des-Landes contre l’implantation d’un aéroport. 3. Le recul de l’État se manifeste par l’expression d’une opinion publique de plus en plus critique vis-à-vis des décisions prises par les pouvoirs publics comme pour l’implantation d’un nouvel aéroport près de Nantes. Il donne également lieu à un désengagement de l’État 82 qui privatise une partie du secteur public d’entreprises comme ici avec Renault : sa participation passe de 100 % en 1945 à 15 % en 2011. BAC Vers l’analyse d’un document. L’aménagement du terri­ toire est, depuis l’après-guerre, un des piliers de l’interven­ tionnisme économique de l’État. Par des aménagements tels qu’un aéroport près de Nantes (autres exemples : voir la carte page 171), il peut contribuer à créer des emplois, à soutenir les entreprises locales, mais aussi à dynamiser une ville, une région et l’ensemble du territoire français dans un contexte de concurrences exacerbées. Cependant l’État est de plus en plus confronté à la néces­ sité de ne pas imposer une politique centralisatrice vécue comme une agression par une opinion publique mar­ quée par des années de décentralisation et sensibilisée à des enjeux tels que l’environnement. Par des manifes­ tations d’envergure, l’opinion publique peut imposer des négociations et une modification des décisions de l’État : Le projet soutenu par le Premier ministre, ancien maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, est ainsi suspendu. Vers la composition. Depuis 1945, l’opinion publique a fluctué entre soutien et hostilité à l’intervention de l’État dans l’économie. Au lendemain de la guerre, l’opinion publique y est très largement favorable. Il faut faire face rapidement aux nécessités de la reconstruction et de conditions de vie précaires pour beaucoup (alimentation, logement). Les Français portent au pouvoir des hommes politiques acquis aux idées keynésiennes. Durant les Trente Glorieuses, l’État pilote l’économie par l’inter­ médiaire du Commissariat général au Plan, construit un large secteur public d’entreprises par le biais des nationalisations, oriente les choix des entreprises par son action monétaire et financière et aménage le terri­ toire avec l’action de la DATAR à partir des années 1960. Les Français soutiennent majoritairement cette action car elle contribue à la modernisation du pays et à une amélioration générale des conditions de vie. Les années 1970 constituent un tournant avec un contexte de crise qui se traduit par l’apparition du chômage, des emplois précaires. Une partie de l’opinion publique doute de l’ef­ ficacité et de la légitimité de l’action de l’État et se laisse convaincre par les thèses néolibérales qui prônent un désengagement de l’État. Les hésitations de l’opinion publique se traduisent par une alternance de gouverne­ ment qui, tantôt, tentent de maintenir une action forte de l’État (la gauche de 1981 à 1983) et, à d’autres moments, mettent en place le recul de l’État (privatisations de 19861988). La persistance des difficultés de l’économie fran­ çaise depuis les années 2000, dans le contexte d’une éco­ nomie mondialisée, se traduit par une division de plus en plus marquée de l’opinion publique quant à la place de l’État comme en témoignent les manifestations massives et antagonistes à propos du mariage pour tous en 2011. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Bibliographie J ean-Charles Asselain, Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours, T 2, Depuis 1918, Paris, Le Seuil, Points-Histoire, 2011. Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République, T. 1, L’Ardeur et la nécessité (1944-1952), Paris, Le Seuil, Points-Histoire, 1980. Pierre Rosanvallon, Le Modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Le Seuil, Points-Histoire, 2006. Étude 4 Gouverner les outre-mer français (p. 182) ➥ Quelle place pour les outre-mer depuis 1946 ? Ce qu’il faut savoir L’outre-mer est l’ensemble des territoires français situés hors du continent européen. La Constitution de 1946 leur donne encore le statut d’Empire colonial (l’Union française). La plupart deviennent des États indépendants dans les années 1950 et 1960. Les territoires restés fran­ çais constituent les départements et territoires d’outremer (DOM-TOM) transformés en départements-régions et collectivités d’outre-mer (DROM-COM) en 2003. Leurs habitants entretiennent avec la métropole des relations complexes liées aux difficultés économiques et sociales persistantes et à l’héritage de la période esclavagiste qui reste ainsi une problématique très présente. Réponses aux questions 1. La diversité de statuts est le fait de l’importance numé­ rique et de la plus ou moins forte affirmation identi­ taire des populations de ces territoires. Certaines affir­ ment un fort attachement à la France, comme Mayotte qui devient département français en 2011. D’autres affirment une volonté d’autonomie marquée comme La Nouvelle-Calédonie dont l’indépendance est envi­ sagée. Certains territoires n’ont pas de population permanente et dépendent donc étroitement de l’État français. 2. L’outre-mer apporte à la France une dimension mon­ diale avec une présence sur l’ensemble des continents. C’est un atout géostratégique : contrôle de routes maritimes, bases militaires. L’outre-mer représente, avec ses 2,7 millions d’habitants, un apport impor­ tant de population. Les 11 millions de km² des zones économiques exclusives (ZEE) placent la France juste derrière les États-Unis pour le contrôle de richesses potentielles (pêche, hydrocarbures). 3. Le système colonial a longtemps cantonné les territoires d’outre-mer dans un état de dépendance économique vis-à-vis de la métropole à laquelle ils fournissaient essentiellement des produits bruts, essentiellement agricoles. Aujourd’hui encore, le retard économique et les difficultés sociales qui en découlent caractérisent les outre-mer. En 1967, la cherté de la vie et la faiblesse des salaires provoquent de grandes manifestations en Guadeloupe. Le douloureux héritage de l’esclavagisme dont les populations d’outre-mer ont été victimes reste une source de tensions même si la reconnaissance par la France de la traite et de l’esclavage comme crime contre l’humanité (2001) constitue une avancée. BAC Vers l’analyse d’un document. Ces deux documents se complètent pour témoigner de la complexité des relations entretenues entre la France et son outre-mer. D’un côté, ils montrent les éléments qui les unissent : des valeurs parta­ gées (« idéaux de justice, de fraternité, de solidarité », doc. 1), un « attachement à la France » (doc. 2) pour Mayotte conduisant au choix du statut de département en 2011, des intérêts mutuels comme à Mayotte où la France bénéficie d’une présence stratégique (« grandes oreilles ») et la population locale d’un « formidable boom » économique et social. D’un autre côté, les documents permettent de mesurer la persistance de tensions, de difficultés qui compliquent les relations : retard de développement lié à l’héritage colonial (doc. 1), inégalités sociales persistantes (doc. 2), méconnaissance mutuelle et préjugés (« igno­ rance et parfois condescendance… », doc. 2), héritages du passé esclavagiste. Vers la composition. L’unicité du territoire, l’égalité et la solidarité sont des valeurs fondamentales de la République française. Compte-tenu des spécificités des outre-mer, leur application s’y exerce avec plus de difficultés qu’en métro­ pole. Ces territoires sont très éloignés de la métropole : 13 700 km entre la France métropolitaine et la Polynésie française. Ce sont essentiellement des archipels touchés par l’isolement et les problèmes d’insularité. La percep­ tion du territoire y est donc spécifique. Le principe d’égalité est mis à mal par les difficultés à gérer le développement économique des outre-mer. Leur économie reste fragile, dépendante, héritée des structures coloniales. Ce différen­ tiel avec la métropole reste un handicap. La solidarité entre les citoyens reste fragilisée par le lourd héritage du passé esclavagiste et une méconnaissance mutuelle persistante liée à l’éloignement géographique et culturel. De fait, la diversité des statuts administratifs témoigne de la néces­ sité pour la France de gouverner les outre-mer de façon spécifique par rapport à la métropole mais aussi d’un territoire à l’autre. Certains, comme Mayotte, affichent un attachement fort à la France alors que d’autres, comme la Nouvelle-Calédonie, s’orientent vers une redéfinition des relations et même un désir d’indépendance. Bibliographie Michelle Zancarini-Fournel, Christian Delacroix, La France du temps présent. 1945-2005, Paris, Belin, 2010. Site de la Société française d’histoire des outre-mer (SFHOM). Sommaires des numéros de la revue Outre-mer. http://sfhomoutremers.free.fr/ (consulté le 29/04/2014) Mayotte, un enjeu ultramarin, revue Outre-mer, n° 374-375 (2012). © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 83 Histoire des Arts Le Festival d’Avignon Réponses aux questions (p. 184) Le choix de l’œuvre Le Festival d’Avignon témoigne de l’émergence d’une forme d’art qui occupe aujourd’hui une place majeure dans la culture en France, celle des « spectacles vivants ». Le terme désigne l’ensemble des spectacles artistiques (danse, musique, théâtre), qui mettent en relation directe un ou plusieurs artistes et un public. Créé dès 1947, à l’ini­ tiative du metteur en scène et comédien Jean Vilar mais aussi de la ville qui veut tourner la page de la guerre, le Festival d’Avignon est devenu au fil des années la plus importante manifestation de l’art théâtral et du spectacle vivant en France. Le choix de l’artiste La photographie prise dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes en 1951 nous plonge au cœur de l’âge d’or du festival, dans les années 1950, avec l’une de ses figures emblématiques : le comédien Gérard Philipe qui, par ses principales interprétations à Avignon (Le Cid de Cor­ neille, Le Prince de Hombourg de Heinrich von Kleist, Lorenzaccio d’Alfred de Musset) contribue à populariser le théâtre classique. Le lien avec le chapitre Sous l’impulsion de l’écrivain André Malraux, en charge d’un ministère des Affaires culturelles à partir de 1959, la culture devient un des nouveaux domaines d’interven­ tion de l’État providence : sa démocratisation renforce les valeurs républicaines, sa notoriété contribue au rayonne­ ment de la France dans le monde, son développement participe à la croissance économique. Le Festival d’Avi­ gnon est précurseur du développement spectaculaire des spectacles vivants à travers toute la France, en lien avec la politique de décentralisation à partir des années 1980 : Printemps de Bourges (1977), Francofolies de la Rochelle (1985), festival des Vieilles Charrues de Carhaix (1992)… 84 1. La Cour d’Honneur du Palais des Papes est un lieu emblématique du la ville. Elle permet d’inscrire les spectacles dans l’héritage culturel du lieu. Elle se prête, par ses dimensions et sa configuration, à l’accueil de grands spectacles et d’un public nombreux. 2. Les représentations nocturnes accentuent la théâtra­ lité des lieux. Elles permettent de jouer sur les éclai­ rages artificiels pour sublimer les lieux. Elles isolent encore plus l’espace théâtral du monde extérieur, focalisant toute l’attention sur la scène et le jeu des acteurs. 3. Le Festival d’Avignon s’est appuyé dès les origines sur les pièces classiques du répertoire théâtral, connues de tous (« le lycéen qui avait appris des passages du Cid en classe »). Il est porté par de grands comédiens comme Gérard Philipe. Il a lieu l’été, attirant ainsi une population variée. Il a su évoluer au fil des années (internationalisation, création du « off »), s’ouvrir à d’autres formes de spectacle vivant comme la danse. 4. Mettre en scène des œuvres majeures du théâtre clas­ sique en dehors des scènes parisiennes constitue, en 1947, un véritable défi : celui de démocratiser, par son implantation provinciale, une culture encore très éli­ tiste. En cela, Jean Vilar est un véritable précurseur : il annonce la politique culturelle mise en place sous la Ve République par André Malraux (création de mai­ sons de la culture en province à partir de 1961) puis, à l’heure de la décentralisation des années 1980, la mul­ tiplication récente des festivals. 5. Le festival de Cannes peut faire l’objet d’une recherche documentaire de la part des élèves. Son site présente l’intégralité des affiches faisant sa promotion depuis 1946 (onglet « Archives », « les affiches »). Une sélec­ tion de celles-ci peut faire l’objet d’une présentation en lien avec les Arts plastiques afin d’en dégager la portée historique et artistique. http://www.festival-cannes.fr/fr.html (site consulté le 29/04/2014) © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 19 p. 190 COMPOSITION SUJET Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration, opinion publique Exemple de réponse rédigée Si pour Pierre Mendès-France « gouverner c’est choisir » (discours à l’Assemblée nationale, 1953), la situation de la France au sortir de la Seconde Guerre mondiale justifie que l’on inverse la formule : il faut alors choisir comment gouverner. Les choix pour déterminer le mode de gouvernement constituent le socle de la reconstruction de la France républicaine. Se pose alors la question des grandes évolutions du mode de gouvernement depuis 1946. De 1946 aux années 1970, le choix est fait de donner à l’État une place centrale dans le gouvernement du pays. Au lendemain de la guerre, les destructions nécessitent une intervention rapide des pouvoirs publics. Les dirigeants issus des mouvements de Résistance prônent un État fort, inspiré du keynésianisme. Ce choix qui fait de l’État le premier acteur de la reconstruction s’inscrit dans une tradition française très ancienne. De 1946 à 1958, la France est gouvernée par le régime parlementaire de la IVe République. Malgré l’instabilité ministérielle, le personnel politique et administratif issu de l’ENA assure la continuité de l’action de l’État. En 1958, Charles de Gaulle met en place la Ve République faisant du président de la République la « clé de voûte » des institutions. La modernisation de l’économie est un impératif qui se traduit par des nationalisations et la planification. Le cadre financier et monétaire est assuré par des réformes comme la création du nouveau franc en 1960. « L’État entrepreneur » oriente l’économie en concertation avec les entreprises et les syndicats. L’État lance de grands projets dans les secteurs innovants, comme l’aéronautique et dans l’aménagement du territoire. Par la Sécurité sociale, dès 1945, il devient un « État providence » en charge de la protection sociale. L’enseignement est démocratisé et la culture est mise au service du rayonnement de la France. La période est marquée par une forte demande d’État de la part de l’opinion publique. Enjeux politiques Enjeux économiques Enjeux sociaux État renforcé Les années 1970-1980 voient l’effacement progressif de l’État au profit d’une gouvernance partagée. La crise économique des années 1970 provoque la remise en cause du keynésianisme par les néolibéraux. Pour eux, l’État doit renoncer à l’interventionnisme et laisser libre cours au marché. Dès 1983, la gauche au pouvoir donne la priorité à la compétitivité des entreprises. En 1986, la droite amplifie ce tournant par des privatisations. Depuis, cette politique de désengagement économique de l’État se poursuit. Pour de nombreux décideurs, l’État ne peut plus agir seul face aux défis de la mondialisation des années 1980. Les firmes transnationales (FTN) suivent leurs propres stratégies. Des réformes administratives comme la RGPP en 2007 réduisent la capacité d’action de l’État. Les lois de décentralisation, en 1982-1983 et 2003, transfèrent aux collectivités territoriales plusieurs pouvoirs jusque-là réservés à l’État. Le traité de Maastricht en 1992 transfère à l’Union européenne une partie de sa souveraineté. L’État garde cependant des moyens d’action comme l’aménagement du territoire pour attirer les investisseurs. Dans un contexte de concurrence internationale accrue, il joue un rôle clé par sa diplomatie ou ses interventions militaires. L’État reste un recours face aux difficultés économiques et sociales. Pour lutter contre le chômage et la pauvreté, l’État providence renouvelle son action grâce à des dispositifs comme la CMU en 1999. L’opinion publique se divise face aux changements liés à la mondialisation et à la construction européenne : certains restent très attachés au modèle de l’État interventionniste né après-guerre, d’autres contestent l’action de l’État (prélèvements et économie). Les années 1946-1970 constituent l’apogée d’un modèle étatique français plaçant la France sous l’autorité d’un gouvernement quasi exclusif de l’État. La crise des années 1970 puis la mondialisation actuelle ont fait évoluer ce gouvernement de l’État vers une gouvernance partagée dont l’État n’est qu’une des composantes au sein de nombreux acteurs politiques, économiques et sociaux. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 85 Corrigé du Sujet 20 p. 188 ANALYSE D'UN DOCUMENT SUJET Candidature de Charles de Gaulle à l’élection présidentielle de décembre 1965 Après avoir rappelé le contexte du document, montrez en quoi il témoigne des forces et faiblesses des institutions de la Ve République dans les années 1960. Exemple de réponse rédigée En 1965, les Français sont appelés pour la première fois à élire le président de la République au suffrage universel direct. Charles de Gaulle, au pouvoir depuis 1958, se représente. Son principal adversaire est le candidat de la gauche, François Mitterrand. Nous allons chercher à montrer en quoi ce document témoigne de la vitalité de la Ve République, sans occulter les faiblesses d’un système politique construit par et pour Charles de Gaulle. Charles de Gaulle fait tout d’abord allusion à l’instabilité politique antérieure : la défaite de 1940 (« il y a 25 ans […] la France roulait à l’abîme ») puis la fin de la IVe République incapable de surmonter la crise algérienne (« guerre civile ») et l’instabilité ministérielle (« État livré aux partis »). Par opposition, il souligne la stabilité de la République mise en place en 1958 et dont lui-même est à l’origine : « il y a 7 ans […] bâtir avec elle des institutions ». Ensuite, le suffrage universel, « l’adhésion franche et massive des citoyens », en constitue le socle démocratique. Charles de Gaulle, soutenu par l’Union pour la nouvelle République (UNR), est essentiellement opposé à François Mitterrand, candidat de la gauche (socialistes, radicaux et communistes) et à Jean Lecanuet, représentant le centre-droit. Enfin, Charles de Gaulle insiste sur la place centrale du président de la République. C’est à lui qu’incombent les décisions essentielles : politique intérieure (« épargner la faillite monétaire et financière », allusion au nouveau franc de 1960) et surtout politique internationale (« acquérir dans l’univers une situation politique et morale »). De Gaulle associe ainsi l’incontestable redressement de la France depuis 1958 à sa propre action politique. Mais Charles de Gaulle annonce aussi le chaos s’il n’est pas réélu : « sinon […] elle s’écroulera aussitôt ». Une telle affirmation témoigne d’une conception très personnelle du pouvoir que ses adversaires politiques n’ont eu de cesse de dénoncer, ainsi François Mitterrand, dans Le Coup d’État permanent publié en 1964. On constate que c’est de l’Élysée que Charles de Gaulle annonce sa candidature. Par la suite, il utilisera très largement la télévision pour monopoliser la parole publique. La présidentialisation du régime, marquée par la modification de 1962 qui permet l’élection du président au suffrage universel direct, remet en question l’équilibre des pouvoirs qui est un des principes fondamentaux de la République. L’expression « État livré aux partis » opposée à « chef de l’État garant du destin de la nation », montre le peu de cas fait du rôle, pourtant essentiel dans une démocratie, des partis politiques au sein de l’Assemblée nationale. L’élection de 1965 marque un tournant politique. Elle constitue l’apogée du parcours de Charles de Gaulle avec sa réélection et la confirmation du rôle central de l’institution présidentielle. Cependant, de Gaulle n’est réélu qu’au second tour face à François Mitterrand qui incarne une volonté de renouveau et le refus de l’autoritarisme gaulliste. C’est déjà l’annonce des contestations de mai 1968. 86 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 21 p. 191 ANALYSE D'UN DOCUMENT SUJET Un expert à Matignon : Raymond Barre (1976) En mettant ce document dans son contexte, montrez ce qu’il révèle de la situation économique française, de l’évolution du rôle de l’État et de son usage des médias, et expliquez l’action et les résultats de la politique de Raymond Barre. Exemple de réponse rédigée En 1976, la France ainsi que l’ensemble des pays développés se trouvent à une période charnière, celle de la fin d’une longue période de prospérité, que Jean Fourastié a nommé les Trente Glorieuses en France, et du début d’une période difficile de récession. La dégradation rapide de la situation économique et sociale consécutive au choc pétrolier de 1973, avec déjà plus d’un million de chômeurs en France en 1975, justifie la présence à la télévision du Premier ministre en personne. Raymond Barre, nommé à Matignon depuis août par le président Valéry Giscard d’Estaing, expose aux Français les manifestations de la récession. Les graphiques qu’il présente mettent en avant la hausse des prix et des salaires, éléments caractéristiques de l’inflation. Le graphique du bas souligne le déficit commercial de la France. Raymond Barre montre que la situation française n’est pas un cas isolé dans la crise des années 1970 : ni le pire (Grande-Bretagne et Italie) ni, de loin, le meilleur (États-Unis et RFA). Raymond Barre, avant son entrée en politique, est un économiste et universitaire reconnu. Il s’inscrit dans la tradition qui remonte à 1945, avec la création de l’ENA, d’une accession au pouvoir de hauts fonctionnaires recrutés pour leurs compétences techniques, les « technocrates ». Sa nomination exceptionnelle, à la fois comme Premier ministre et comme ministre de l’Économie et des finances, témoigne de la conception qui prévaut alors du rôle de l’État : celle d’un interventionnisme actif, issu du keynésianisme de l’après-guerre. Le rôle de l’exécutif est de restaurer la croissance par des mesures économiques et financières, d’où la double fonction de Raymond Barre. L’action de l’État est également pédagogique : il s’agit d’impulser une dynamique volontariste qui emporte l’adhésion des Français. Raymond Barre endosse donc le rôle de « professeur » pour convaincre du bienfait de son action. La télévision s’impose dans les années 1970 comme le premier outil d’information pour les Français devant la radio et la presse écrite. Son utilisation, depuis Charles de Gaulle à partir de l’élection présidentielle de 1965, est une constante pour l’État sous la Ve République. Les graphiques présentés soulignent la nécessité d’une action, le « Plan Barre » que la légende du document qualifie de « plan de rigueur ». L’objectif est alors d’inverser les courbes : frein à la hausse des salaires, gel des prix à la consommation pour plusieurs mois, hausse des prélèvements, aides à la compétitivité des entreprises. La politique d’austérité marque le début d’un certain recul de l’État, au profit des acteurs économiques comme les grandes entreprises. Cette politique menée à partir de 1976 se solde par un échec économique et social, avec surtout la poursuite de la hausse du chômage (en grande partie à cause du second choc pétrolier de 1979). Après la défaite de Valéry Giscard d’Estaing face à François Mitterrand à l’élection présidentielle de mai 1981, Raymond Barre démissionne et sa politique est abandonnée. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 87 Corrigé du Sujet 22 p. 192 ANALYSE DE DEUX DOCUMENTS SUJET L’élection présidentielle de 1965 Après avoir présenté le contexte de l’élection de 1965, montrez quelles oppositions sont visibles dans les documents et expliquez ce qu’elles révèlent du fonctionnement politique de la Ve République dans les années 1960. Exemple de réponse rédigée Les deux documents datent de décembre 1965 et renvoient à la première élection du président de la République au suffrage universel direct, conséquence de la modification de la Constitution adoptée en 1962. Une affiche, réalisée au profit de l’Association nationale pour le soutien à la candidature du général de Gaulle, est détournée par la caricature de Pol Ferjac dans l’hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné. Autant qu’un questionnement sur l’évolution de l’image de Charles de Gaulle, ces deux documents interrogent la figure présidentielle comme clé de voûte de la vie politique de la Ve République. La présence de Charles de Gaulle sur les deux documents reflète la situation de la campagne électorale : Charles de Gaulle est omniprésent, sa réélection quasi certaine en est l’enjeu central. Ainsi, l’affiche n’a pas besoin de le montrer directement, chacun le connaît. Il est seulement évoqué par la main protectrice qui rappelle sa grandeur, dans tous les sens du terme, avec ses étoiles de général de brigade, héros de la guerre. Au centre, c’est une Marianne enfant, avec son bonnet phrygien et un collier au « V » très gaullien (victoire mais aussi Ve République), qui est représentée : elle symbolise les Français qui, comme des enfants, ont besoin d’une tutelle protectrice. Le slogan peut s’adresser tout aussi bien aux Français, signifiant que la République a encore besoin de Charles de Gaulle (son créateur, 7 ans plus tôt) ou aux adversaires de Charles de Gaulle, signifiant alors qu’ils sont des obstacles à l’épanouissement de la République. Pol Ferjac, au contraire, insiste sur le visage sénile de Charles de Gaulle et fait le rappel de son âge pour renforcer le poids du détournement du slogan de l’affiche demandant explicitement aux Français de ne pas voter pour lui. Le Canard enchaîné, hebdomadaire qui se veut pourtant impartial, affiche ici une opposition franche au président sortant. Depuis 1958, Charles de Gaulle a imposé sa conception de la République. Si les institutions respectent les fondements de la démocratie, la pratique du pouvoir qu’il met en place en tant que chef de l’État est celle d’une République présidentielle avec un exercice personnel du pouvoir que ses adversaires politiques n’ont eu de cesse de dénoncer comme François Mitterrand, dans Le Coup d’État permanent publié en 1964. Pourtant, aux élections de décembre 1965, de Gaulle, président sortant élu en 1958, est soutenu par le parti gaulliste, l’UNP-UDT. Parmi les cinq autres candidats, ses principaux adversaires sont François Mitterrand, représentant de la gauche (socialistes, radicaux et communistes), et Jean Lecanuet pour le centre-droit. L’élection de 1965 constitue l’apogée du parcours de Charles de Gaulle avec sa réélection et la confirmation du rôle central de l’institution présidentielle. Cependant, il n’est réélu qu’au second tour face à François Mitterrand qui incarne une volonté de renouveau et le refus de l’autoritarisme gaulliste. Cela annonce les contestations de 1968. 88 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur CHAPITRE 7 Une gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht p. 194-219 ➥ Comment gouverner depuis 1992 une communauté progressivement étendue à 28 États ? Commentaires du programme Le programme demande d’étudier en 4 à 5 heures non l’histoire de la construction européenne dans ses détails mais les modalités du fonctionnement institutionnel et les enjeux de la gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht (1992). L’enseignant doit donc montrer l’évolution des institutions européennes au moment où une nouvelle impulsion est donnée à la construction européenne. La Communauté économique européenne (CEE) devient une Union aux aspirations ambitieuses en termes économique mais aussi politique. En s’appuyant particulièrement sur les traités qui se succèdent depuis 1992, on pourra repérer les formes de la coopération politique entre les États européens, les accords mais aussi les tensions entre les différents acteurs (États, opinions publiques). Même si la période d’étude est plus courte que celle des élèves des Terminales L/ES, la réflexion peut porter de manière privilégiée sur l’opposition présente dans les débats dès les débuts de la construction européenne entre l’idée supranationale d’un État européen fédéral qui engloberait tous les États d’Europe et l’idée intergouvernementale d’États associés à égalité. Cette approche contemporaine du processus de construction européenne est à placer dans une double perspective. Considérée à partir des années 1990, elle interroge d’abord sur la capacité du continent, sorti de la matrice de la guerre froide, à trouver un mode de gouvernance inédit lui assurant indépendance et puissance à l’extérieur et aussi adhésion et reconnaissance à l’intérieur. L’Union européenne doit trouver sa place, et se montrer comme un modèle face au renforcement des coopérations régionales (Mercosur, ALENA, Union africaine…) qui transforment l’espace mondial en un monde progressivement continentalisé. Cette construction pose donc trois questions : celles de la place des nations dans une construction inédite, qui n’est ni le fruit de guerres ni le fruit brutal d’une volonté des peuples ; celle de la capacité d’intégrer les opinions publiques, tiraillées entre les avantages de cette construction et le modèle séculaire de l’État-nation ; celle de construire un État européen suffisamment fort pour être représenté efficacement et agir à l’échelle mondiale dans l’intérêt de chacun des États membres. Nous avons choisi de répondre aux difficultés posées par ce chapitre d’histoire en deux cours distinguant les avancées et les limites de la construction européenne depuis 1992. Le premier cours aborde particulièrement les nouvelles ambitions du traité fondateur de Maastricht et la double dynamique des élargissements et approfondissements (p. 200). Le second cours insiste davantage sur les tensions, blocages et défis internes (euroscepticisme) et externes (faiblesses de la puissance) que l’UE doit encore surmonter (p. 202). Quatre Études permettent de mettre en perspective ces avancées et limites. L’étude du traité de Maastricht vise à montrer en quoi ce traité est la matrice des ambitions, principes et ambiguïtés de l’UE jusqu’à nos jours (p. 204). L’Étude 2 permet de voir qui sont les différents acteurs du mode de gouvernance singulier de l’UE dans le contexte de la crise économique récente (p. 206). Dans la troisième Étude, la réflexion est ciblée sur l’opinion publique européenne, reflet des espoirs et incertitudes placées dans l’Union (p. 208). Enfin, une dernière Étude interroge la capacité de l’Europe à devenir une puissance mondiale dans le cadre institutionnalisé de l’UE (p. 210). L’ensemble des pages Cours et Études accorde une place privilégiée à la question du fonctionnement des institutions pour favoriser l’appréhension de la difficile notion de gouvernance à l’échelle d’un continent. Liens vers d’autres chapitres du manuel • Chapitre 3 : sur le rôle des États-Unis dans les débuts de la construction européenne (Étude, p. 80). • Chapitre 8 : sur le poids de l’UE dans le commerce mondial (Cartes, p. 224). © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 89 Ressources numériques liées au chapitre Vidéo et fiche d’activités L ’ouverture des frontières et la naissance du Marché unique (1993), un reportage de la télévision française. Cartes interactives et fonds de cartes L’Union européenne depuis 1992 Un espace politique à géométrie variable Fiche d’exploitation de site Internet La construction européenne, sur le site des institutions de l’UE Frise modifiable Une gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht Bibliographie du chapitre Livres • Dominique Barjot, Penser et construire l’Europe (19191992), Sedes, 2008. Bien qu’analysant la construction européenne en amont du traité de Maastricht, l’ouvrage offre une synthèse favorisant la mise en perspective et une mise au point sur les tractations et principes fondateurs du traité de 1992. • Yves Bertoncini, Thierry Chopin, Anne Dulphy, Sylvain Kahn, Christine Manigand, Dictionnaire critique de l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 2008. Ouvrage fondamental pour ses mises au point des aspects de l’Union (institutions, espaces, place dans le monde, etc.) avec le regard pluridisciplinaire de plus de 100 spécialistes (politiques, historiques, géographiques…). • Pascal Fontaine, L’Union européenne, Histoire, institution et politiques, Paris, Le Seuil, 2012. Un ouvrage qui axe la réflexion sur les institutions. Approche utile pour envisager la question des singularités de la gouvernance à l’échelle européenne. • Alessandro Giacone, Bino Olivi, L’Europe difficile. Histoire politique de la construction européenne, Paris, Gallimard, coll. «Folio Histoire», 2007. • Sylvain Kahn, Géopolitique de l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 2007. Une réflexion à différentes échelles qui révèle les contradictions entre les ambitions nationales des États membres et les aspirations de l’UE à peser dans le monde. • Pierre Manent, Cours familier de philosophie politique, Gallimard, 2004. Dans cet ouvrage de philosophie, l’auteur s’interroge sur la démocratie et la nation dans le monde actuel. Sa réflexion l’amène à réfléchir au rôle que peut tenir l’UE et à interroger « l’ambiguïté irrésolue de l’Europe ». Il évoque notamment l’impossibilité de définir les limites de l’Europe s’il n’y pas de véritable définition de son modèle politique. • Jean-François Susbielle, Le Déclin de l’empire européen, First Éditions, 2009. Cet ouvrage d’un expert en géopolitique vaut surtout pour la mise en avant du paradoxe européen actuel. Après avoir dominé le monde et alors que l’Europe reste une des régions les plus riches du monde, elle est incapable de se doter d’une puissance politique d’ampleur mondiale. • Franck Petiteville, La Politique internationale de l’Union européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 2006. Revues • Jean-François Drevet, Une Europe en crise?, La Documentation photographique, n° 8052, 2006. Aborde les principaux aspects des difficultés nées des nombreux élargissements des années 1990-2000. • Michel Foucher, Europe, Europes, La Documentation photographique, n° 8074, 2010. • « À la recherche des Européens », Questions internationales, La Documentation française, N° 51, 2011. L’auteur s’interroge sur la question du manque d’adhésion des opinions à la constitution de l’Europe. • « L’Europe en zone de turbulences », Questions internationales, La Documentation française, N° 45, 2010. Ces articles de synthèse permettent d’aborder les principaux problèmes de gouvernance de l’UE ces dernières années (euroscepticisme, élargissements, divisions sur le modèle, enjeux et perspectives des traités signés depuis 2002). Utiliser le manuel Document iconographique (p. 194) L’image choisie offre l’occasion de mobiliser l’essentiel des thématiques du programme. D’abord le lieu et le bâtiment (Parlement européen de Strasbourg) qui permettent d’évoquer les institutions mises en place et la notion de gouvernance européenne (avec les autres sites institutionnels visibles dans les cartes des pages suivantes). Ensuite, la scène qui oriente l’analyse autour des thématiques de l’élargissement (accueil d’un 28e membre de l’UE) et de 90 l’approfondissement (présence de soldats de l’Eurocorps). Les spectateurs et la presse peuvent renvoyer à l’opinion publique européenne. L’analyse de la photographie peut aussi être plus dynamique et poser les enjeux du chapitre : difficile articulation entre institutions supranationales (ici le Parlement) et logiques intergouvernementales (les drapeaux des nations membres), faiblesse de la puissance politique (troupes de l’Eurocorps peu nombreuses et ne rassemblant que quelques pays membres). © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Contexte et Repères L’Union européenne entre élargissement et intégration (p. 196) Ce qu’il faut savoir Les images, la chronologie et les textes ont trois objectifs majeurs : – Replacer la construction européenne dans une chronologie globale. Le programme n’invitant à démarrer la réflexion qu’à partir de 1992, la page permet de préciser le contexte de mise en place de la construction européenne : une Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale détruite (Berlin en ruine) qui souhaite la paix et la prospérité en se dotant d’institutions (CECA, CEE) à l’échelle du continent. Le traité fondateur de Rome et les premiers élargissements sont précisés dans la frise. – Montrer les moteurs et les principales avancées de l’UE depuis sa naissance en 1992. Deux images renvoient au rôle primordial du couple franco-allemand. Le blason de l’Eurocorps et la monnaie européenne témoignent du processus d’intégration européenne suscité par le traité fondateur de Maastricht. La frise mentionne les nouveaux élargissements et les principaux traités qui font suite à celui de Maastricht. – Enfin, certaines images, dates et textes renvoient aux difficultés et blocages de la gouvernance européenne. L’Europe est en partie impuissante face à la crise économique et à celle de la zone euro. L’image de la manifestation et la référence au rejet du traité constitutionnel en 2005 soulèvent la question de la désaffection des citoyens et du renforcement de l’euroscepticisme. Ressources numériques Fiche d’activités Une fiche d’activités permet de travailler avec les élèves sur le fonctionnement de l’UE (symboles, institutions, traités). La carte 2 ouvre deux autres perspectives d’analyse. Les politiques de partenariat abordent la question de la puissance et du rôle d’impulsion de l’UE avec ses voisins de l’est et du sud. On peut envisager ici une réflexion sur l’intégration de la Turquie. La notion d’enchevêtrement montre que l’UE n’est pas la seule institution de l’échelon européen. On pourra travailler sur les faiblesses de l’UE (dépendance et tutelle indirecte des États-Unis via l’OTAN) ou sur la diffusion de ses valeurs (membres du Conseil de l’Europe). Cours 1 Depuis 1992, une Union européenne (p. 200) aux compétences élargies uel modèle politique l’Union européenne ➥Q met-elle en place ? Ce qu’il faut savoir Ce premier cours met en avant les avancées initiées par la rupture que constitue le traité de Maastricht dans le processus de construction européenne lancé en 1957. C’est ainsi qu’il faut interpréter le choix de la date de 1992 dans le programme. Le cours montre le rôle moteur des traités dans le processus d’intégration politique européen. Une première partie explicite les enjeux de l’adoption du traité de 1992 (doc. 2) et aborde le rôle moteur des traités antérieurs à cette date. La deuxième partie illustre les notions clés d’élargissement et d’approfondissement en évoquant les traités postérieurs à Maastricht. La dernière partie fait le point sur les institutions de la gouvernance européenne (doc. 1, 3) en insistant sur le processus décisionnel et l’articulation entre institutions supranationales et intergouvernementales. Cette page permet donc d’aborder concrètement la notion d’intégration politique en l’orientant sur ses objectifs, ses dispositifs, ses organes et principes politiques. Réponses aux questions Cartes La construction politique de l’Europe (p. 198) L’approche à deux échelles des cartes permet d’aborder deux des aspects clés du chapitre : le processus d’intégration du continent européen ainsi que les enjeux de sa puissance en présentant les relations de l’UE avec ses voisins proches. Les deux cartes permettent parallèlement de montrer les limites de la gouvernance européenne. La carte 1 permet de saisir plus particulièrement la dimension institutionnelle de la gouvernance ainsi que ses singularités (dispersion des sièges). On pourra aussi travailler sur la double dynamique de l’élargissement (le passage de 12 à 28 membres ; les candidats) et de l’approfondissement (l’euro ; l’eurocorps). Les limites pourront être abordées en insistant sur les pays qui ont refusé l’adhésion et sur la géométrie variable des politiques communes. Doc. 2 > Les grands domaines de compétences visibles sont le domaine économique (monnaie unique), le domaine politique d’un point de vue extérieur (politique étrangère de sécurité commune) et intérieur (instauration d’une citoyenneté européenne). Doc. 3 > On peut considérer que les institutions sont démocratiques parce qu’elles sont issues directement ou indirectement des suffrages des citoyens européens. On peut cependant montrer aux élèves que les institutions disposant d’un pouvoir important (Commission, Conseil européen) ne sont pas directement élues par les peuples européens. > La Commission européenne est nommée par le Conseil européen (logique intergouvernementale) et contrôlée par le Parlement (logique supranationale). © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 91 Ressources numériques Vidéo et fiche d’activités Le 1er janvier 1993, le journal télévisé du soir, sur France 3, présente les enjeux liés à la création du Marché unique européen. Une fiche d’activités permet de travailler avec les élèves le fonctionnement du Marché unique. Bibliographie D ominique Barjot, Penser et construire l’Europe (19191992), Sedes, 2008. Une bonne mise en perspective du processus de construction européenne à la veille de la naissance de l’UE. Pascal Fontaine, L’Union européenne, Histoire, institution et politiques, Paris, Le Seuil, 2012. Un ouvrage qui axe la réflexion sur les institutions. Approche utile pour envisager la question des singularités de la gouvernance à l’échelle européenne. Cours 2 Les défis de la construction européenne (p. 202) ➥ Quelles sont les limites de l’intégration politique européenne ? Ce qu’il faut savoir L’accent est ici porté sur les difficultés, freins et limites de la gouvernance et de l’Union européennes. Le cours propose trois niveaux de réflexion. D’abord, au niveau des États avec la question des divergences de position sur le modèle politique à suivre (doc. 2) (opposition majeure entre souverainistes et fédéralistes) et la question du poids politique entre petits et grands États membres (doc. 1). Ensuite, au niveau des opinions publiques avec les manifestations de l’euroscepticisme et le déficit d’adhésion à cet échelon politique (doc. 3). Enfin, à l’échelle mondiale, se pose la question de la capacité de l’UE à (re)devenir une puissance politique d’ampleur alors qu’elle se heurte à des divisions internes et à la suprématie américaine. Réponses aux questions Doc. 1 > Le nombre de voix au Conseil et au Parlement européen se détermine en fonction du poids démographique des États membres. > L’opting out se traduit par l’inégale participation des États aux politiques communes. Elle est particulièrement visible dans le domaine monétaire (refus de l’adhésion à la zone euro de certains membres) ou politique (divisions entre membres sur le bien-fondé de l’intervention en Irak en 2003). Doc. 2 > L’auteur montre d’abord que l’UE souffre de l’absence d’un modèle politique clair, ce qui l’empêche de définir ses propres limites géographiques et de répondre aux aspirations d’intégration de certains États comme 92 la Turquie. L’autre grand défi concerne la capacité de l’UE à se définir comme puissance indépendante des États-Unis. Doc. 3 > L’abstention est en progrès régulier et en moyenne très élevée (près d’un électeur sur deux). Elle apparaît comme le reflet d’un manque d’adhésion des opinions à l’UE et d’une faible reconnaissance de la citoyenneté européenne. > On retrouve des clivages politiques identiques aux clivages nationaux mais ceux-ci se doublent de la question de leur position favorable ou opposée à l’UE. Les partis eurosceptiques obtiennent une audience croissante. Dans ces conditions, il apparaît difficile de dégager des majorités. Bibliographie Jean-François Drevet, Une Europe en crise?, La Documentation photographique, n° 8052, 2006. Aborde les principaux aspects des difficultés nées des nombreux élargissements des années 1990-2000. Sylvain Kahn, Géopolitique de l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 2007. Une réflexion à différentes échelles qui révèle les contradictions entre ambitions nationales des États membres et aspirations de l’UE à peser dans le monde. « À la recherche des Européens », Questions internationales, La Documentation française, N° 51, 2011. L’auteur s’interroge sur la question du manque d’adhésion des opinions à la constitution de l’Europe. Étude 1 Le traité de Maastricht, 1992 (p. 204) ➥ Comment le traité de Maastricht transforme-t-il la construction européenne ? Ce qu’il faut savoir En quoi le traité de Maastricht constitue-t-il une date rupture, un nouvel élan, une matrice de ce que les membres de la CEE de 1992 envisagent pour l’Europe du XXIe siècle alors que la fin de la guerre froide autorise de nouvelles perspectives et ambitions ? Les documents sélectionnés montrent comment le traité aboutit à de nouvelles compétences : dans le domaine économique avec le pilier 1 qui reprend les politiques économiques communes antérieures (doc. 1) et la perspective d’une monnaie unique (doc. 2, 4) ; dans le domaine politique avec les piliers 2 et 3 (doc. 1) et la création de la citoyenneté européenne. Le document 3 porte sur le principe de subsidiarité et permet de voir comment les compétences se répartissent entre les échelons nationaux et européens. Le document 5 précise les apports des traités postérieurs en termes juridiques. Réponses aux questions 1. Le document 1, et particulièrement le pilier 1, témoigne de l’importance économique de part la longueur de © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur la liste qui compose ce champ de compétences. Les documents 2 et 4 opèrent un zoom sur la question plus spécifique de la monnaie unique, puissant symbole de la dynamique d’intégration que doit susciter le traité en termes économiques. 2. L es objectifs du principe de subsidiarité sont de définir la meilleure échelle de décision et d’action entre les échelons local, régional, national et européen. L’enjeu est la question de la répartition des pouvoirs, autrement dit des compétences, entre l’UE et les États membres. 3. L a citoyenneté européenne repose sur des critères sensiblement identiques aux critères nationaux. En effet, elle offre des droits garantis par les traités, s’appuie sur des principes démocratiques et s’incarne dans des symboles. Bibliographie Dominique Barjot, Penser et construire l’Europe (19191992), Sedes, 2008. Une bonne mise en perspective du processus de construction européenne à la veille de la naissance de l’UE. Yves Bertoncini, Thierry Chopin, Anne Dulphy, Sylvain Kahn, Christine Manigand, Dictionnaire critique de l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 2008. Ouvrage fondamental pour ses mises au point des aspects de l’Union (institutions, espaces, place dans le monde, etc.) avec le regard pluridisciplinaire de plus de 100 spécialistes (politiques, historiques, géographiques…). Pascal Fontaine, L’Union européenne, Histoire, institution et politiques, Paris, Le Seuil, 2012. Un ouvrage qui axe la réflexion sur les institutions. Approche utile pour envisager la question des singularités de la gouvernance à l’échelle européenne. Étude 2 BAC Gouverner l’UE en temps de crise Vers l’analyse d’un document. La dimension supranationale de l’UE, renforcée avec le traité de Maastricht, donne à l’échelon européen des compétences jusque-là demandées aux États. Basé sur le principe de l’efficacité, le principe de subsidiarité (Art. 5 du traité) peut être défini selon trois niveaux de compétences : les domaines où l’UE est réputée seule compétente (PAC, politiques transnationales), les domaines où on choisit l’échelon le plus adapté (local, régional, national, voire européen) et les domaines restant de la seule compétence des États (droit de la nationalité). Ce principe écarte les éventuelles tensions ou conflits de compétences entre les échelons et rappelle que la construction européenne est un savant équilibre entre principe supranational (dimension fédérale) et logique intergouvernementale (respect des souverainetés des États membres). Vers la composition. Le traité de Maastricht conforte la dimension économique de la construction européenne mais il introduit aussi une réelle ambition en termes d’intégration politique. On peut distinguer trois grands domaines de compétences envisagés. D’abord la création d’une citoyenneté européenne qui oriente l’UE dans le sens d’un État fédéral avec ses citoyens, leurs droits garantis et ses symboles (drapeau, hymne, monnaie…). L’UE devient un espace politique qui autorise la libre circulation à ses ressortissants et le droit de vote aux échelons européen (dès 1979) mais aussi municipal. On peut distinguer aussi le renforcement ou la création de politiques communes internes en matière de justice, police, immigration, culture ou encore environnement (piliers 2 et 3). Enfin, le traité affiche des ambitions politiques en termes de puissance et de politique extérieure avec la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), l’Eurocorps et la promotion de valeurs politiques démocratiques dans le monde. (p. 206) ➥ Comment les décisions sont-elles prises dans l’Union européenne ? Ce qu’il faut savoir Cette étude tente de traduire le plus simplement possible la complexité des institutions européennes et notamment le processus décisionnel (doc. 1). Pour les rendre plus accessibles, les autres documents cherchent à incarner les institutions. On trouvera donc les différents acteurs de la gouvernance européenne : les partis politiques et les trois institutions majeures que sont la Commission, le Conseil et le Parlement (doc. 2), les chefs d’États du Conseil européen (doc. 3) et l’opinion publique via ici les lobbys (doc 4). La complexité des modes opératoires de décision est envisagée dans un double contexte. D’abord celui de l’adoption du traité de Lisbonne qui fait suite au rejet du traité constitutionnel en 2005. Ensuite celui de la crise économique et plus particulièrement de la zone euro. Le document 5 témoigne du renforcement des tensions entre institutions intergouvernementales et supranationales et des divergences de vue entre les États membres dans ces moments difficiles. Réponses aux questions 1. Les décisions (directives) sont prises après un parcours complexe entre les différentes institutions européennes. Initiées par le Conseil européen, elles sont ensuite mises en forme par la Commission avant d’être votées conjointement par le Conseil et le Parlement à la majorité qualifiée sauf mesures dites « extraordinaires ». Il faut ensuite les « traduire » dans le droit national des États membres. Les lobbys peuvent alors faire pression sur les parlements nationaux pour qu’ils refusent ces directives. 2. Les acteurs du document 4 sont les groupes de pression (ici syndicats agricoles) qui cherchent à orienter ou empêcher l’adoption de directives. On peut rapprocher ces lobbys de l’opinion publique européenne. Ce © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 93 sont des acteurs privés qui cherchent à défendre leurs intérêts, ils ne sont ni publics ni institutionnels comme les autres acteurs de l’étude. 3. Les décisions sont complexes car il faut articuler et concilier objectifs européens et intérêts nationaux, institutions à tendance intergouvernementale et institutions à dimension supranationale, motivation des États et aspirations de l’opinion publique ou des groupes de pression. La dimension supranationale de l’UE induit que les États membres doivent adopter dans leur législation nationale les directives adoptées à l’échelon européen. BAC Vers l’analyse de documents. Les documents 3 à 5 témoignent de contradictions à deux niveaux de réflexion et d’acteurs. Des contradictions entre les institutions européennes et l’opinion publique incarnée ici par un groupe de pression (syndicat agricole) opposé à la politique de quota imposée par l’UE. En effet, les décisions prises par la Commission (Bruxelles) au nom de l’intérêt de la communauté, se heurtent souvent aux intérêts catégoriels de certains acteurs qui s’organisent à l’échelle européenne (le syndicat en question regroupe des producteurs de 14 pays européens). Le deuxième degré de contradictions se situe au niveau des institutions européennes elles-mêmes et des oppositions qui peuvent avoir lieu entre États ou entre organes de décision. Le document 5 témoigne de divergences de vue entre États membres (France/Allemagne) sur la politique à mener pour sortir de la crise. Ces divergences entraînent des distorsions entre les décisions et les objectifs du Conseil européen (qui représente les intérêts des États) et le vote du Parlement européen (qui représente les intérêts des peuples). Vers la composition. Le tableau ci-dessous permet de distinguer des catégories d’acteurs : publics/privés, intergouvernementaux/supranationaux, différents États membres, différents courants politiques. On constate par ailleurs que les tensions ou contradictions de jeu d’échelles peuvent avoir lieu au sein d’une même institution (Conseil européen particulièrement). Bibliographie Jean-François Drevet, Une Europe en crise?, La Documentation photographique, n° 8052, 2006. Aborde les principaux aspects des difficultés nées des nombreux élargissements des années 1990-2000. Pascal Fontaine, L’Union européenne, Histoire, institution et politiques, Paris, Le Seuil, 2012. Un ouvrage qui axe la réflexion sur les institutions. Approche utile pour envisager la question des singularités de la gouvernance à l’échelle européenne. Alessandro Giacon, Bino Olivi, L’Europe difficile. Histoire politique de la construction européenne, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », 2007. Étude 3 Les Européens et la construction européenne ➥ Comment l’Europe politique est-elle perçue par les opinions publiques ? Ce qu’il faut savoir La notion de gouvernance, centrale dans ce chapitre, ne peut se réduire à l’analyse du fonctionnement des institutions et l’analyse des organes de décisions. L’opinion publique, ou plutôt, quand on parle d’Europe, les opinions publiques, sont des acteurs incontournables de la réflexion.Très tôt la construction européenne a souffert de désaffection de la part des populations. Ainsi s’explique la création dès 1974 d’un eurobaromètre qui sonde régulièrement le degré d’adhésion à l’Union. Cette étude est aussi l’occasion de mettre en avant la question de l’euroscepticisme et d’en montrer les différents acteurs comme les États (doc. 2 avec la Grande-Bretagne), les partis (doc. 1 avec les partis souverainistes) ou les citoyens (doc. 3 et 4 avec le taux d’abstention et les résultats aux référendums). La double page évoque aussi la part de la population qui adhère à l’idée de la construction européenne et mentionne les partis europhiles (doc. 1) ou les processus d’enracinement favorisés par certains dispositifs comme Erasmus (doc. 5, L’Auberge espagnole). Acteurs Échelles de préoccupation Doc. 1 Commission Conseil européen Parlement européen Parlement des États membres Européenne Européenne/nationale Européenne Nationale Doc. 2 Commission Conseil européen Groupes politiques du Parlement européen (UEN, GUE, PPE-DE) Européenne Européenne/nationale Européenne/nationale Doc. 3 Commission Conseil européen Parlement européen Européenne Européenne/nationale Européenne Doc. 4 Lobby Locale/régionale/nationale Doc. 5 Conseil européen (France / Allemagne) Parlement Nationale Européenne 94 (p. 208) © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Réponses aux questions 1. Les trois documents permettent de mesurer l’attachement à la construction européenne par l’intermédiaire des deux modes de consultation des citoyens européens. D’abord via les élections européennes qui ont lieu tous les 6 ans. En fonction de l’abstention (doc. 3) et des votes (partis eurosceptiques/europhiles), on peut quantifier le degré d’adhésion. Depuis la mise en place des élections au suffrage universel direct en 1979, cet attachement apparaît mesuré. Les référendums organisés par les États membres permettent également de mesurer l’adhésion européenne. Les documents 1 et 2 permettent de dégager une géographie de l’attachement à l’idée d’Europe et de constater que certains pays (RoyaumeUni) ou régions sont traditionnellement eurosceptiques. 2. Le document 2 montre le jeu d’échelle politique qui s’exerce. David Cameron, Premier ministre, a besoin de donner des gages à l’aile droite de son parti (plutôt eurosceptique) et à l’électorat de droite anti-européen (parti UKIP) pour garder une majorité de gouvernement. Il promet donc d’organiser un référendum sur l’opportunité de rester au sein de l’UE après 2017. 3. Ces deux documents montrent des sentiments contradictoires. Les résultats aux référendums traduisent une adhésion peu manifeste. De nombreux traités sont adoptés avec une très courte majorité, voire nécessitent l’organisation d’un deuxième référendum après un premier rejet. Cependant, le document 5 montre aussi la montée d’un sentiment européen que traduit le succès d’Erasmus. Les populations de jeunes étudiants seraient beaucoup plus europhiles. Le reproche majeur fait à l’Union est celui d’être trop technocratique (les traités) alors que les opinions sont à l’inverse plus favorables aux dispositifs sociaux et humains (Erasmus). comme la Grande-Bretagne ont toujours souhaité limiter l’intégration politique de l’Union au profit de la mise en place d’un espace de libre-échange économique. On trouve aussi des partis politiques « souverainistes » qui souhaitent préserver au maximum les prérogatives et l’indépendance nationale et rejettent l’idée d’un État fédéral. Ce courant eurosceptique peut être de gauche (rejet d’un État fédéral libéral qui nie la souveraineté des peuples) mais aussi de droite (rejet de ce même État fédéral au nom de la préservation de la nation et/ou de son identité). Enfin, le courant eurosceptique est alimenté par une partie de l’opinion publique qui juge l’UE trop technocratique, éloignée des préoccupations des populations. On reproche à l’Union son déficit démocratique et social. Ce sont notamment ces arguments qui ont pesé en France dans le rejet du traité constitutionnel en 2005. Bibliographie Yves Bertoncini, Thierry Chopin, Anne Dulphy, Sylvain Kahn, Christine Manigand, Dictionnaire critique de l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 2008. Ouvrage fondamental pour ses mises au point des aspects de l’Union (institutions, espaces, place dans le monde, etc.) avec le regard pluridisciplinaire de plus de 100 spécialistes (politiques, historiques, géographiques…). Jean-François Drevet, Une Europe en crise?, La Documentation photographique, n° 8052, 2006. Aborde les principaux aspects des difficultés nées des nombreux élargissements des années 1990-2000. « À la recherche des Européens », Questions internationales, La Documentation française, N° 51, 2011. L’auteur s’interroge sur la question du manque d’adhésion des opinions à la constitution de l’Europe. Étude 4 Quel poids international pour l’UE ? (p. 210) ➥ Pourquoi l’UE peine-t-elle à peser sur la scène internationale ? BAC Ce qu’il faut savoir Vers l’analyse de documents. La méfiance des Européens est visible chez les Britanniques (doc. 2) par l’audience que connaissent les partis nationalistes et anti-européens (ici l’UKIP) et par l’adoption par le parti de gouvernement d’un discours volontiers critique vis-à-vis de l’Union. Ce peu d’intérêt pour la construction européenne induit des résultats très justes lors de la consultation des citoyens pour la ratification des traités. On constate de courtes majorités (France 50,9% pour le traité de Maastricht en 1992), voire des rejets (55% de non pour le traité de Rome II sur la constitution européenne, en France en 2005). Certains États comme l’Irlande en viennent à organiser un second référendum dans la mesure où l’adoption des traités à l’échelle européenne nécessite l’unanimité des États membres. Vers la composition. La construction européenne se heurte à un fort courant eurosceptique. On peut distinguer plusieurs acteurs de ce courant. Certains États Le programme invite à interroger la notion de puissance et à étudier la capacité de l’UE à peser sur la scène internationale. Le choix des documents donne un regard partagé sur cette question. Il existe des efforts et avancées dans ce domaine comme en témoignent les documents 2 (perspective d’une Politique européenne de sécurité et de défense autonome), 3 (poids cumulé des dépenses militaires des États de l’UE) et 5 (participation de l’UE à des interventions militaires ou civiles dans le monde). Cependant, le dossier aborde les faiblesses de l’UE avec l’incapacité à régler le conflit yougoslave (doc. 1) ou encore le poids de la tutelle américaine notamment par l’intermédiaire de l’OTAN (documents 2, 4, 5). La question de la puissance extérieure est un bon moyen de rendre concrète une des problématiques majeures de la construction européenne ; à savoir les contradictions d’une Union constituée d’États qui souhaitent encore garder largement leurs prérogatives nationales et leur propre influence. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 95 Réponses aux questions 1. Les documents 1 à 4 montrent que l’UE est une addition de puissances et d’États qui empêche d’agir efficacement ou de parler d’une seule voix. Le document 1 montre l’inertie des institutions européennes et le document 2, l’équilibre savant entre aspirations européennes et maintien de la tradition atlantiste. Ces documents révèlent le poids supérieur de la dimension intergouvernementale sur la dimension supranationale des institutions européennes. L’UE n’est pas totalement un État fédéral avec une armée, une géopolitique et une stratégie communes (doc. 3, 4). 2. Les insuffisances visibles de la défense européenne sont l’absence de position commune face à certains conflits comme la guerre en ex-Yougoslavie (doc. 1), d’armée commune significative (doc. 2, 3, 4). Ces insuffisances entraînent un recours régulier à l’OTAN et donc indirectement aux États-Unis. 3. Les avancées visibles sont l’adoption d’une Politique européenne de sécurité commune (doc. 2) soutenue par un Haut représentant de l’Union aux Affaires étrangères (voir la biographie de Catherine Ashton). L’UE intervient dans de nombreuses régions du monde (doc. 5) dans le cadre de missions de l’ONU (Afghanistan), de l’OTAN (Kosovo) ou de missions qui lui sont propres (missions de la PSDC en Afrique). Vers la composition. Arguments, visibles dans la double page, qui témoignent des progrès de la Politique européenne de sécurité et de défense commune : – 1992, Traité de Maastricht : principe d’une Politique étrangère et de sécurité commune et d’un Eurocorps. – 1998, Conférence de Saint Malo : accord de principe entre la France et le Royaume-Uni sur le renforcement de la diplomatie et de l’armée européenne. – 2007, Traité de Lisbonne : nomination d’un Haut représentant de l’Union aux Affaires étrangères. – Nombreuses interventions de troupes européennes en Europe, Afrique et Asie. Arguments, visibles dans la double page, qui témoignent des limites de la politique européenne de défense et sécurité commune : – Incapacité à adopter un discours commun et divisions par rapport à certains conflits : guerre en ex-Yougoslavie (1991-1995), intervention en Irak (2003). – Difficulté à s’émanciper de la tutelle américaine et de l’OTAN. – Absence de politique commune en termes d’achat d’armes. – Manque de pouvoir et de lisibilité du Haut représentant de l’Union aux Affaires étrangères. Bilan : faible portée de la parole de l’UE à l’échelle du monde, manque de crédibilité faute d’une armée commune significative. BAC Vers l’analyse de documents. Certains des articles de la conférence de Saint-Malo traduisent la volonté de rester fidèle au pacte atlantique (article 3 qui rappelle le principe du respect des traités de Bruxelles et Washington). Dans le document 5, on constate en effet que de nombreuses missions de troupes européennes se font dans le cadre de missions de l’OTAN (Kosovo, Afghanistan, par exemple). De nombreux termes de la conférence de Saint-Malo renvoient cependant à la volonté de mettre en place une politique étrangère commune et une armée indépendante (« avoir une capacité autonome d’action, appuyée sur des forces militaires crédibles », « l’Europe a besoin de forces armées renforcées (…) s’appuyant sur une base industrielle et technologique de défense compétitive et 96 forte »). Cela se traduit dans le document 5 par la présence de troupes européennes dans le cadre de la mise en œuvre de la PSDC. Bibliographie Sylvain Kahn, Géopolitique de l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 2007. Une réflexion à différentes échelles qui révèle les contradictions entre ambitions nationales des États membres et aspirations de l’UE à peser dans le monde. Franck Petiteville, La Politique internationale de l’Union européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 2006. Jean-François Susbielle, Le Déclin de l’empire européen, First Éditions, 2009. Cet ouvrage d’un expert en géopolitique vaut surtout pour la mise en avant du paradoxe européen actuel. Après avoir dominé le monde et alors que l’Europe reste une des régions les plus riches du monde, elle est incapable de se doter d’une puissance politique d’ampleur mondiale. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 23 p. 216 COMPOSITION SUJET La gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht : fonctionnement et limites Exemple de réponse rédigée Engagée dès les années 1950, la construction européenne est un processus politico-économique qui prend une nouvelle ampleur en 1992 avec le traité de Maastricht. L’Union européenne obtient de nouvelles prérogatives dans un espace appelé à s’élargir. Nous montrerons comment fonctionne cette association dont la vocation est de renforcer les politiques communes entre des États souverains. La gouvernance européenne est un processus qui connaît deux dynamiques majeures : l’élargissement et l’approfondissement. Avec la fin de la guerre froide et la chute du bloc communiste à l’est du continent, le nombre des États membres ne va cesser d’augmenter pour passer de 12 en 1992 à 28 en 2014. Cela témoigne de l’attraction que suscite cette construction politique inédite dans le monde. Les approfondissements qui visent à doter l’Union de politiques communes sont sanctionnés par la signature de traités. Le traité de Maastricht est la matrice fondatrice avec ses trois piliers (communautés économiques dont la monnaie unique, politique étrangère et coopération judiciaire). Le traité d’Amsterdam (1997) entérine les grandes libertés de circulation, le traité de Nice (2001) adopte une charte des droits fondamentaux et le traité de Lisbonne (2007) réorganise le fonctionnement et renforce en partie le poids des institutions. La gouvernance européenne est un système complexe qui associe plusieurs acteurs. Les États se rassemblent dans le cadre d’institutions intergouvernementales (Conseil européen) pour faire prévaloir des garanties de souveraineté. Il existe aussi deux institutions supranationales. La commission, avec ses 27 commissaires, élabore les politiques communes. Le Parlement européen représente les citoyens de l’Union qui sont appelés à élire leurs députés tous les 6 ans. Ces trois acteurs adoptent les politiques communes dans le cadre de ce que l’on appelle le triangle décisionnel. Ce triangle s’efforce de respecter l’inégal poids démographique des États membres. Chaque membre dispose d’un nombre de voix proportionnel au Conseil européen et au Parlement. Depuis le traité de Lisbonne, la majeure partie des décisions doit correspondre à au moins 55 % des États et 65 % de la population. COMMISSION TRIANGLE DÉCISIONNEL CONSEIL EUROPÉEN CODÉCISION PARLEMENT EUROPÉEN PARLEMENTS DES ÉTATS MEMBRES La gouvernance européenne se heurte à certains obstacles et dysfonctionnements. Les politiques communes ne font pas toujours l’unanimité car les États membres cherchent à protéger leurs intérêts nationaux et à préserver leur souveraineté. C’est ainsi qu’il apparaît difficile de mettre en place une armée européenne commune, et de faire de l’UE une véritable puissance politique à l’échelle mondiale. Elle se trouve aussi parfois diplomatiquement divisée (guerre d’Irak en 2003). Dans une union de 28 membres il est plus difficile de se mettre d’accord que dans la communauté originelle à 6 membres. Ces difficultés, renforcées par le contexte de crise économique, favorisent la montée de l’euroscepticisme et des souverainistes. Des États, partis politiques (de gauche comme de droite) ou citoyens multiplient les reproches : coût, inefficacité, manque de démocratie, absence de politique sociale... Plusieurs modèles s’opposent entre partisans d’une simple union à vocation économique de libre-échange et à l’opposé, partisans de la mise en place d’une véritable union politique fédérale (« États Unis d’Europe »). La construction européenne donne lieu à un mode de gouvernance unique. Basé sur l’équilibre entre institutions intergouvernementales et supranationales, elle cherche à établir des politiques communes toujours plus intégrées sur la base d’un compromis entre États membres. Les approfondissements sont sensibles aux contextes et on parle pour le moment d’Europe à géométrie variable car l’UE n’a pas encore véritablement choisi son modèle politique. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 97 Corrigé du Sujet 24 p. 214 ANALYSE D'UN DOCUMENT SUJET L’Union européenne en 2007 Montrez en quoi ce document rend compte des institutions, des avancées et des difficultés de la construction européenne en 2007. Exemple de réponse rédigée Si elle fait référence à la naissance de la Communauté européenne en 1957, cette caricature insiste sur la situation de l’UE à sa date de parution en 2007. La CEE de 1957 s’est transformée en une Union de 27 États membres, en partie confrontée à des échecs et des blocages (rejet du traité constitutionnel en 2005). Ce document nous invite à réfléchir sur la gouvernance (institutions) et le processus de la construction européenne (avancées et difficultés). Le Conseil européen est une des institutions clés de la gouvernance européenne. À l’origine constitué des 6 membres fondateurs de la CEE, il est composé en 2007 de 27 chefs d’État ou de gouvernement. On les montre ici autour d’une table représentant sans aucun doute l’une des deux réunions annuelles qui les rassemble ou à l’occasion d’un sommet particulier. Avec la Commission et le Parlement européen, ce Conseil constitue l’une des trois institutions du triangle décisionnel. Il incarne plus particulièrement la souveraineté des États membres qui oriente puis vote (en codécision avec le Parlement) les politiques communes. Ce document témoigne d’une des avancées significatives de la construction européenne avec ses élargissements successifs. En effet, la multiplication des étoiles et des personnages autour de la table fait référence aux étapes qui ont vu croitre le nombre des États membres. Cette dynamique est particulièrement manifeste depuis la fin de la guerre froide. Ainsi, durant les années 2000 (2004-2007), la majeure partie des États de l’ex-bloc de l’Est ont rejoint l’UE. Ces États sont séduits par les principes politiques de la communauté (solidarité, démocratie, paix et prospérité) qui s’incarnent dans les différents traités : Maastricht en 1992 avec ses trois piliers (dont la monnaie unique), Nice en 2001 et sa charte des droits fondamentaux des citoyens européens. Certains des traités ont été motivés par les élargissements et les difficultés de fonctionnement qu’ils occasionnaient. C’est cet enjeu majeur que la caricature met en avant en le traduisant par une cacophonie entre les personnages. Chacun a une demande spécifique. En effet, les institutions élaborées pour 6 membres se révèlent inadaptées pour 27 membres. La caricature traduit à la fois les intérêts et motivations divergentes des États membres attachés à leur souveraineté et la difficulté à trouver un mode de prise de décision qui satisfasse tous les États en fonction de leur poids démographique et économique. La mise en place de politiques communes est donc souvent compromise par ces désaccords et empêche l’UE de parler d’une seule voix sur la scène internationale. Cette caricature donne une vision délibérément grotesque des difficultés de l’UE. Elle traduit bien cependant certaines contradictions de la gouvernance européenne dans les années 2000 après le rejet du traité constitutionnel en France et au Pays-Bas. Il s’agit principalement des difficultés à concilier élargissement et approfondissement, souveraineté des États et principe supranational. Le traité de Lisbonne, adopté peu de temps après la parution de cette caricature, devait régler ces problèmes. 98 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 25 p. 217 ANALYSE D'UN DOCUMENT SUJET Le rôle de l’Union européenne dans le monde Comment ce document témoigne-t-il des actions et des limites de l’UE dans sa volonté de renforcer son poids international ? Exemple de réponse rédigée La vocation économique de l’UE ne fait pas de doute. L’Union éprouve davantage de difficultés à devenir un acteur politique international reconnu. Cet article, écrit en novembre 2011, porte sur cette question de la puissance politique. Il est écrit par un membre de l’association « Jeunes européens ». Nous nous demanderons en quoi il témoigne des actions et des limites de l’UE dans sa volonté de renforcer son poids international. Cet article fait état de certains points de la politique visant à donner plus de poids à l’UE à l’échelle mondiale. Il est ainsi fait référence à l’opportunité d’attribuer un siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU à l’UE. Cela lui permettrait de parler d’une seule voix après des divisions récurrentes (guerre de Yougoslavie en 1992-1995 ou en Irak en 2003). Le document évoque aussi de nouvelles dispositions du traité de Lisbonne (2007) au sujet de la diplomatie européenne. Les « personnalités obscures » mentionnées font sans doute référence aux fonctions de président du Conseil européen (attribué à Herman Van Rompuy) et de haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (détenu par Catherine Ashton). Après le rejet du traité constitutionnel de 2004 qui devait notamment donner plus de lisibilité à la diplomatie européenne, il s’agit d’incarner ces fonctions plutôt que de les confier à des institutions collectives. L’auteur de l’article est particulièrement critique. Il insiste en fait sur les obstacles qui empêchent l’UE d’être plus puissante. Le problème majeur évoqué est l’attachement des États membres de l’UE à leur souveraineté et à leurs prérogatives. L’auteur montre que des responsables politiques privilégient « la grandeur et l’indépendance de la nation française » à gauche comme à droite de l’échiquier politique. Il fait en réalité référence à ceux que l’on appelle les souverainistes qui ne souhaitent pas une intégration européenne trop poussée en terme politique (armée commune par exemple). L’auteur évoque même l’opposition significative de François Bayrou, pourtant fédéraliste, qui y voit une possible perte de puissance de la France. On voit donc que la construction d’une puissance européenne se heurte à « l’espoir nostalgique de voir la France retrouver une place ». La France dispose d’un siège permanent qu’elle viendrait à perdre (tout comme la Grande-Bretagne) si c’était l’UE qui en devenait détentrice dans le cadre d’une réforme des institutions de l’ONU. L’auteur va jusqu’à considérer que les États membres de l’UE ont délibérément nommé des personnalités « obscures » et aux « faibles compétences » pour ne pas donner trop de pouvoir à l’Union au détriment des États. Cet article est particulièrement significatif des oppositions entre souverainistes et fédéralistes. Il témoigne des difficultés de l’intégration européenne, fruit d’un compromis permanent entre institutions intergouvernementales et supranationales. L’auteur, fédéraliste, n’est pas neutre et critique particulièrement les choix faits par les responsables politiques tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle de l’UE. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 99 Corrigé du Sujet 26 p. 218 ANALYSE DE DEUX DOCUMENTS SUJET Le modèle politique européen en question Après avoir présenté les institutions européennes évoquées dans les documents, montrez quelles oppositions entre acteurs de l’Union y sont visibles, et expliquez ce qu’elles révèlent des difficultés de la construction européenne. Exemple de réponse rédigée Les principales institutions de l’Union européenne sont présentées dans un article du journal Le Monde en date du 21 juin 2000. On y trouve des références à la Commission européenne qui a en charge la mise en œuvre des politiques communes (aéronautique européenne, droit du travail européen), au Conseil européen qui représente les intérêts des États dans les institutions européennes. La photographie montre les députés européens en démonstration médiatique contre l’orateur, le Premier ministre hongrois. Ces députés sont élus tous les 6 ans par les citoyens des États membres. Ces trois institutions constituent le triangle décisionnel européen : chacune participe à l’élaboration ou au vote des directives européennes. Que montrent ces documents des oppositions entre les acteurs de l’Union, et des difficultés de la construction européenne ? Le dialogue entre deux hommes politiques (document 1) met en avant deux des courants majeurs de la construction européenne au moment où s’engage le débat sur l’opportunité de donner une Constitution à l’Europe et après les politiques d’intégration impulsées par les traités de Maastricht (euro : monnaie unique) ou Amsterdam (espace Schengen). L’Allemand Joschka Fisher incarne le courant fédéraliste qui souhaite la mise en place d’un véritable gouvernement européen au-dessus des États membres et de leur souveraineté. Face à lui, le Français Jean-Pierre Chevènement est souverainiste. Ce courant refuse, au nom de l’indépendance des États, de déléguer trop de pouvoirs régaliens à l’UE (monnaie, défense par exemple). Les institutions proposées dans les deux documents montrent cette opposition : certaines sont supranationales (Commission et Parlement) et leurs décisions s’imposent aux États, tandis que le Conseil européen est une institution intergouvernementale où chaque État peut adhérer ou s’opposer à une politique commune en fonction de son poids démographique. Ces deux documents témoignent en fait du fragile équilibre qui constitue la construction européenne depuis ses origines. Il s’agit de mettre en œuvre des politiques communes sur la base d’un compromis entre institutions intergouvernementales et supranationales. L’UE dispose des attributs d’un État particulier grâce aux traités de Maastricht et Lisbonne (hymne, devise, citoyenneté, monnaie, présidents de la commission et du conseil). Mais régulièrement, l’échelon européen (dimension fédérale) se heurte à l’échelon national (dimension souveraine). On voit ainsi dans le document 2 des députés européens, qui ont obtenu de nouvelles prérogatives avec le traité de Lisbonne, s’opposer à la politique d’un dirigeant national (le Premier ministre hongrois) au nom des principes politiques de l’UE (liberté de la presse). Ces documents interrogent finalement la question de la meilleure échelle pour mener des politiques efficaces et sur le degré de pouvoir de contrainte de l’UE sur les États membres. C’est une difficulté qui n’a pas été totalement tranchée par les différents traités adoptés jusqu’ici. 100 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur CHAPITRE 8 Une gouvernance économique mondiale depuis le sommet du G6 de 1975 p. 220-247 ➥ Quels moyens sont mis en place depuis 1975 pour réguler l’économie mondiale ? Commentaires du programme Le programme demande d’étudier en 3 à 4 heures environ, la question du gouvernement à l’échelle mondiale. Trois approches possibles sont recommandées dans les fiches Ressource Eduscol pour mettre en œuvre la question : une approche centrée sur les organisations qui ont construit la gouvernance mondiale depuis 1975 ; une approche centrée sur les dysfonctionnements entraînés par la globalisation de l’économie mondiale depuis 1975 qui nécessitent de réorganiser la gouvernance économique mondiale ; une approche centrée sur les débats autour de la gouvernance mondiale. Les pages Contexte & Repères (p. 222) et les pages Cartes (p. 224) permettent, dans une logique chronologique, de proposer un cadre contextuel aux élèves. Les pages Cours posent les enjeux liés à la gouvernance économique mondiale après la fin du système de Bretton Woods (p. 226) et après la fin de la guerre froide (p. 228). Les Études proposent une mise en œuvre des approches préconisées par les fiches Ressource Eduscol. Les Études sur les États face aux crises des années 1970-1980 (p. 230) et sur les crises financières des années 2000 (p. 238) traitent des dysfonctionnements entraînés par la globalisation de l’économie mondiale et permettent une réflexion sur les mutations de la gouvernance économique mondiale. L’Étude sur l’OMC (p. 232) met en évidence le rôle, le fonctionnement et les limites de cette organisation internationale. L’Étude sur les nouveaux acteurs de la mondialisation (p. 234) souligne le rôle des acteurs non étatiques (firmes transnationales, ONG…) dans la gouvernance économique mondiale. Cette même Étude rend compte également du débat entre tenants de la mondialisation libérale et altermondialistes. Enfin, l’Étude sur l’affirmation des pays émergents (p. 236) pose la question de la représentativité des instances de la gouvernance économique mondiale. Les pages BAC offrent des sujets d’entraînement : compositions (p. 242 et 244), analyse d’un document sur la représentation du FMI et de la Banque mondiale par un caricaturiste (p. 245), analyse de deux documents sur les acteurs de la gouvernance économique mondiale (p. 246). Liens vers d’autres chapitres du manuel • Chapitre 3 : sur le poids des puissances majeures dans la mondialisation. Le cas des États-Unis dans l’essor scientifique et technique qui permet l’accélération des échanges (Étude, p. 82). • Chapitre 5 : sur les conséquences de la guerre du Kippour sur le commerce mondial (Étude, p. 152). © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 101 Ressources numériques liées au chapitre Vidéo et fiche d’activités E n 2008, la jeunesse grecque manifeste contre la corruption et la crise financière Cartes interactives et fonds de cartes En 1975, une coopération économique internationale qui se renforce En 2013, une gouvernance économique globale en construction Frise modifiable Une gouvernance économique mondiale depuis le sommet du G6 de 1975 Bibliographie du chapitre Livres Jean-Charles Asselain, « Le Roi dollar », Les Collections de l’Histoire, HS n° 7, Paris, trimestriel février 2000. Bertrand Badie, La Diplomatie de connivence, Paris, La Découverte, 2011. Une réflexion critique sur le fonctionnement de la gouvernance mondiale. Bertrand Badie, Guillaume Devin (dir.), Le Multilatéralisme, Paris, La Découverte, 2007. Une réflexion collective et interdisciplinaire sur la notion de multilatéralisme, au cœur de la gouvernance mondiale actuelle. Cécile Bastidon, Jacques Brasseul, Philippe Gilles, Histoire de la globalisation financière, Paris, Armand Colin, 2010. L’histoire du basculement d’un système régi par les gouvernements à un système mondialisé mû par les marchés internationaux de capitaux. La structuration chronologique est la même que celle des pages Cours du manuel. Régis Bénichi, Histoire de la mondialisation, Paris, Vuibert, 2008. Une réflexion historique sur la mondialisation. François Bost, Sylvie Daviet, Jacques Fache, « Globalisation, mondialisation, régionalisation : la géographie économique en première ligne », Historiens et Géographes, n° 395, Paris, 2006. Une réflexion sur les notions géographiques qui permettent de penser l’organisation économique mondiale. Pierre Gerbet, Victor-Yves Ghébali, Marie-Renée Mouton, Le Rêve d’un ordre mondial de la SDN à l’ONU, Paris, Imprimerie nationale, 1996. Une histoire des deux organisations internationales à vocation universelle. Jean-Christophe Graz, La Gouvernance de la mondialisation, Paris, La Découverte, 2008. Une approche thématique. Jacques Marseille, « D’où vient la crise économique », L’Histoire, n° 279, Paris, septembre 2003. Pierre Milza, « Le siècle de l’or noir », L’Histoire, n° 279, Paris, septembre 2003. Philippe Moreau Defarges, L’Ordre mondial, Paris, Armand Colin, 2008. Une réflexion sur la notion d’ordre mondial depuis la fin de la guerre froide. Philippe Moreau Defarges, La Gouvernance, Paris, PUF, 2011. Une réflexion globale sur la notion de gouvernance, ses applications et ses limites. Philippe Norel, L’Invention du marché, une histoire économique de la mondialisation, Paris, Le Seuil, 2004. Une réflexion sur la mondialisation dans la longue durée. Karoline Postel-Vinay, Le G20, laboratoire d’un monde émergent, Presses de Sciences Po, 2011. Une présentation claire du G20 (genèse et enjeux) et plus généralement des différents « G ». Michel Rainelli, L’Organisation mondiale du commerce, La Découverte, coll. Repères, 2007. Un ouvrage synthétique. Revues « Les mondialisations », Relations internationales n° 124, Paris, 2005/4. « L’atlas des mondialisations », Le Monde/La Vie, Paris, 2010-2011. Un outil précieux. « Mondialisation. Une gouvernance introuvable », Questions internationales n° 43, mai-juin 2010. Un regard interdisciplinaire. Plusieurs articles sur la gouvernance économique. « La grande histoire du capitalisme », Sciences Humaines, numéro spécial n° 11, Paris, mai-juin 2011. Utiliser le manuel Document iconographique (p. 220) Le G20 a été créé en 1999 après les crises financières des années 1990. Jusqu’en 2008, il réunit les ministres des Finances des pays membres. C’est dans le contexte de la crise financière mondiale que se réunissent pour la première fois les chefs d’État et de gouvernement le 15 novembre 2008 à Washington. La photographie per- 102 met d’illustrer les ambiguïtés de la gouvernance économique mondiale. Les drapeaux permettent d’identifier les pays membres : d’une part les grandes puissances industrielles mondiales, déjà membres du G8, d’autre part, les principaux pays émergents. Cette composition symbolise un changement d’ère dans la gouvernance économique mondiale, qui voit la nécessité d’élargir aux © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur pays du Sud le « club » des pays influents. On notera d’autre part que les dirigeants d’institutions internationales (ONU, FMI, Banque mondiale) sont présents, rappelant que la gouvernance mondiale ne saurait être uniquement interétatique. Par ailleurs, la multiplication des représentations du monde dans la salle de réunion montre bien que l’enjeu est la régulation de l’économie mondiale. Le G20 peut donc apparaître, dans une forme élargie, comme la manifestation de ce que Bertrand Badie appelle la « diplomatie de connivence » ou « les dérives oligarchiques du système international ». Contexte et Repères La recherche d’une gouvernance économique mondiale (p. 222) Les pages Contexte et Repères permettent aux élèves de visualiser les enjeux de la gouvernance économique mondiale : les étapes, les acteurs, les difficultés. Trois grandes étapes sont visibles : le temps du système de Bretton Woods (1944-1971) qui est un rappel antérieur au programme ; sa remise en cause et la recherche d’une nouvelle coopération internationale (1971-1991) ; les questions soulevées par la définition d’une gouvernance mondiale depuis la fin de la guerre froide en 1991. Différents acteurs apparaissent sur les vignettes iconographiques : les États, en particulier les grandes puissances industrielles, mais aussi les organisations internationales comme l’OMC, et des acteurs critiques comme les ONG ou les mouvements altermondialistes. Enfin, les difficultés que rencontre la mise en œuvre d’une gouvernance économique mondiale apparaissent : la capacité à faire face aux crises économiques (comme les chocs pétroliers des années 1970 ou la crise financière mondiale de 2008), l’intégration des pays émergents dans la régulation de l’économie mondiale, la prise en compte de l’émergence d’une opinion publique mondiale. Cartes Les mutations de la gouvernance économique mondiale (p. 224) La carte 1 illustre le renforcement de la coopération interétatique dans le cadre de la crise des années 1970. Elle passe par les institutions multilatérales (FMI, GATT) qui rassemblent une majorité des États du monde. Elle passe aussi par le renforcement des coopérations régionales en Europe de l’Ouest et en Asie du Sud-Est. Elle passe surtout par la réunion du G6 (puis du G7 en 1976), tentative des puissances industrielles démocratiques pour trouver des solutions à la crise. La carte 2 illustre le changement d’échelle et de nature de la gouvernance économique mondiale dans les années 2000. Elle concerne, depuis la fin de la guerre froide, désormais tous les États du monde, dont l’immense majorité a adhéré au FMI. Elle a vu aussi l’affirmation de nouveaux acteurs non étatiques qu’elle doit prendre en compte : FTN, mouvements altermondialistes se rassemblant lors des Forums sociaux mondiaux, agences de notation. Néanmoins, deux logiques viennent contrecarrer la mise en œuvre d’une gouvernance véritablement mondiale : le renforcement de la régionalisation d’une part, la multiplication des associations d’État (les « clubs ») d’autre part. Ressources numériques Cartes interactives et fonds de cartes Les deux cartes sont proposées à la fois dans une version interactive qui permet de faire apparaître ou disparaître les différents figurés de la légende et sous forme de fonds de carte à compléter avec les élèves. Cours 1 Une coopération économique internationale en mutation (1975-1991) (p. 226) ➥ Comment la coopération entre les États se réorganise-t-elle à partir de 1975 ? Ce qu’il faut savoir Les crises des années 1970 bouleversent le système économique occidental. L’ordre international instauré par la conférence de Bretton Woods depuis 1944 est atteint au cœur de son fonctionnement lorsque les États-Unis prennent la décision unilatérale de dévaluer le dollar et de suspendre sa convertibilité en or. Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 aggravent le déséquilibre économique mondial. Pour y faire face, de nouvelles formes de coopérations économiques sont expérimentées dans le cadre des sommets du G7. Les pays du tiers-monde regroupés en G77 tentent d’imposer leur voix et réclament un nouvel ordre économique international. Néanmoins, la coopération économique internationale reste fragile et les institutions internationales sont critiquées. Réponses aux questions Doc. 1 > Les tarifs douaniers ont régulièrement baissé des années 1960 aux années 1990, mais de façon moins rapide qu’entre 1947 et 1960. La hausse du nombre de participants rend plus difficiles des négociations qui fonctionnent sur le mode du consensus. Doc. 2 > Les pays du G77 veulent peser davantage dans la gouvernance économique mondiale, en particulier par le rétablissement du « dialogue Nord-Sud » afin d’aboutir à une modification de la structure des relations économiques internationales qu’ils considèrent comme « foncièrement inéquitable ». Ils constatent en effet une dégradation des termes de l’échange en raison du déclin du prix des matières premières. > Ils reprochent aux pays développés la baisse de l’aide publique au développement et l’accroissement du protectionnisme. Par ailleurs, ils considèrent les plans d’ajustement structurels du FMI trop coûteux sur le plan social et politique. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 103 Doc. 3 > Les réformes préconisées par M. Thatcher s’inscrivent dans le cadre du néolibéralisme : libéralisation des marchés, recul du rôle économique de l’État. > M. Thatcher les justifie par une plus grande efficacité économique dans un contexte de concurrence accrue à l’échelle mondiale et par la satisfaction des consommateurs. Doc. 4 > La venue de Reagan symbolise l’avènement du néolibéralisme aux États-Unis : cette doctrine économique prône l’effacement de l’État face au marché. > Les « ours » désignent les Soviétiques : Reagan cherche à asphyxier économiquement l’URSS. Bibliographie J ean-Charles Asselain, « Le Roi dollar », Les Collections de l’Histoire, HS n° 7, Paris, trimestriel février 2000. J acques Marseille, « D’où vient la crise économique », L’Histoire, n° 279, Paris, septembre 2003. P ierre Milza, « Le siècle de l’or noir », L’Histoire, n° 279, Paris, septembre 2003. Cours 2 Depuis 1991, quelle gouvernance économique mondiale ? Bertrand Badie, La Diplomatie de connivence, Paris, La Découverte, 2011. Une réflexion critique sur le fonctionnement de la gouvernance mondiale. Jean-Christophe Graz, La Gouvernance de la mondialisation, Paris, La Découverte, 2008. Une approche thématique. Philippe Moreau Defarges, L’Ordre mondial, Paris, Armand Colin, 2008. Une réflexion sur la notion d’ordre mondial depuis la fin de la guerre froide. Karoline Postel-Vinay, Le G20, laboratoire d’un monde émergent, Presses de Sciences Po, 2011. Une présentation claire du G20 (genèse et enjeux) et plus généralement des différents « G ». Étude 1 Les États face aux crises des années 1970-1980 (p. 230) ➥ Quels sont les effets de la fin du système de Bretton Woods sur la coopération entre les États ? Ce qu’il faut savoir (p. 228) ➥ Comment faire face aux nouveaux enjeux de l’économie mondiale ? Ce qu’il faut savoir En 1991, l’effondrement de l’URSS et la fin de la guerre froide marquent un tournant dans la mondialisation. Le modèle libéral l’a emporté et gagne désormais progressivement l’ensemble du système économique mondial. Les États-Unis se trouvent au cœur de la gouvernance économique mondiale par leurs poids dans les sphères multilatérales intergouvernementales telles les conférences, les sommets ou les organisations internationales mais aussi par la puissance de leurs firmes privées. De nouveaux pôles économiques apparaissent et affirment leur rôle au sein de l’ordre économique international, par exemple l’OMC ou le G20. Les crises du début du XXIe siècle interrogent les voies d’une nouvelle forme de la gouvernance économique mondiale où la société civile – FTM et mouvements altermondialistes – questionne la légitimité et la compétence des États à assurer la prospérité économique mondiale. Réponses aux questions Doc. 3 > Le problème posé est celui de la bonne instance pour répondre à la crise : ONU ou G20 ? Chacune de ces deux instances présente des difficultés : manque d’efficacité de l’ONU, risque d’affrontement des intérêts particuliers au sein du G20. L’auteur espère que la crise économique permette la compréhension des intérêts mutuels à la coopération. 104 Bibliographie Les années 1970 voient la récurrence des crises économiques et financières : crise du dollar, crises pétrolières, crises de la dette dans les pays du tiers-monde. Or, depuis la décision de Richard Nixon de suspendre la convertibilité en or du dollar, le système de Bretton Woods ne structure plus le fonctionnement de l’économie mondiale. C’est dans ce contexte que les principales puissances industrielles occidentales décident de renforcer leur coopération dans le cadre du G6 puis des G7. Selon Bertrand Badie, il s’agit là d’une « dérive oligarchique ». Elle est « un point intermédiaire entre deux impossibilités ». D’une part la compétition pure entre États : elle n’est pas possible dans un contexte d’interdépendance croissante qui nécessite un minimum de coopération. D’autre part, une coopération réelle, telle que le multilatéralisme mis en place dans le cadre de l’ONU en 1945 semblait l’annoncer. Dès lors, le « club occidental », fonctionnant sur la « connivence » tend à reléguer les autres pays, en particulier ceux du tiersmonde, dans des postures passives et dominées. Réponses aux questions 1. La fin du système de Bretton Woods : passage d’un système de changes fixes reposant sur l’étalon-or à un système de changes flottants. Les chocs pétroliers qui permettent aux pays exportateurs d’accumuler des ressources financières importantes, libellées en dollars. 2. Les pays présents lors du G6 en 1975 se définissent à la fois comme des puissances industrielles (ce qui les distingue des pays du tiers-monde) et comme des pays démocratiques (ce qui les distingue des pays commu- © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur nistes). Ils constituent un « club » restreint de pays qui entend prendre en charge le fonctionnement de l’économie mondiale. Ils illustrent ce que Bertrand Badie appelle les « dérives oligarchiques » du système international. 3. La médiatisation du G7 de Versailles renvoie à plusieurs objectifs : montrer que les États gardent la main sur les évolutions économiques (en dépit du néolibéralisme alors mis en œuvre aux États-Unis et au Royaume-Uni) ainsi que la solidarité des pays occidentaux dans le contexte de la guerre froide. BAC Vers l’analyse de documents. C’est pour faire face aux crises du dollar et du pétrole que se réunissent en 1976 à Rambouillet 6 pays se définissant comme des démocraties du bloc de l’Ouest (« responsables de la conduite d’une société ouverte, démocratique, profondément attachée à la liberté individuelle et au progrès social »). Il s’agit de mettre en œuvre une nouvelle forme de coopération, le système financier mondial n’étant plus organisé selon les règles de l’étalon de change-or défini à Bretton Woods en 1944. Selon la déclaration de Rambouillet, cette coopération doit s’étendre aux autres pays, y compris les pays du tiers-monde et les pays communistes (« un dialogue constructif entre tous les pays, dépassant les disparités de leur développement économique, l’inégalité des ressources dont ils disposent et les différences de leurs systèmes politiques et sociaux. ») En réalité, le G7 (avec l’entrée du Canada en 1976) devient rapidement le symbole d’une diplomatie de « club » qui, dans le cadre de la guerre froide, a surtout pour objectif de mettre en scène la solidarité des puissances occidentales et, dans un contexte de crise économique, de donner l’illusion d’une capacité d’action des États (doc. 5). Leur objectif devient surtout géopolitique et la croissance de la médiatisation de ces rencontres va de pair avec la réduction de leur impact réel sur le plan économique, même si le G7 a permis la mise en place d’accords de gestion plus ou moins concertée des monnaies (accords du Louvre en 1987). Vers la composition. La gouvernance économique mondiale dans les années 1970 apparaît éclatée entre plusieurs pôles. Les puissances occidentales pratiquent une diplomatie de club à tendance « oligarchique » (Bertrand Badie). Cette diplomatie apparaît bien incapable d’enrayer les effets de la crise économique née dans les années 1970, même si le G7 a permis la mise en place d’accords de gestion plus ou moins concertée des monnaies (accords du Louvre en 1987). Les pays du tiers-monde, après avoir tenté également de s’organiser, par exemple dans le cadre du G77 à l’ONU, souffrent pour beaucoup d’entre eux de crises de la dette qui les contraint à accepter les plans d’ajustement structurel du FMI, perçus comme des vecteurs du néolibéralisme dominant aux États-Unis. Enfin, les pays du bloc de l’Est fonctionnent dans le cadre du CAEM, une organisation d’entraide économique entre différents pays du bloc communiste, sous la férule de l’URSS. Après la fin du système de Bretton Woods en 1971, la gouvernance économique mondiale peine à se réorganiser. Bibliographie Jean-Charles Asselain, « Le Roi dollar », Les Collections de l’Histoire, HS n° 7, Paris, trimestriel février 2000. Bertrand Badie, La Diplomatie de connivence, Paris, La Découverte, 2011. Une réflexion critique sur le fonctionnement de la gouvernance mondiale. Cécile Bastidon, Jacques Brasseul, Philippe Gilles, Histoire de la globalisation financière, Paris, Armand Colin, 2010. L’histoire du basculement d’un système régi par les gouvernements à un système mondialisé mû par les marchés internationaux de capitaux. La structuration chronologique est la même que celle des pages Cours du manuel. Jacques Marseille, « D’où vient la crise économique », L’Histoire, n° 279, Paris, septembre 2003. Étude 2 L’Organisation mondiale du commerce (OMC) (p. 232) ➥ Quel rôle l’OMC joue-t-elle dans la gouvernance économique mondiale ? Ce qu’il faut savoir C’est pour répondre aux difficultés du GATT que les accords de Marrakech signés en 1994 prévoient la création de l’Organisation mondiale du commerce qui a lieu l’année suivante. Il s’agit d’une véritable organisation internationale dotée de statuts. Elle apporte plusieurs nouveautés par rapport au GATT, en particulier l’intégration de l’agriculture et des services dans les négociations commerciales et la création d’un véritable organisme de règlement des différends (l’ORD). Dans les années 1990, l’OMC reste dominée par l’influence des États-Unis. Néanmoins, avec l’essor des pays émergents dans les années 2000, il devient de plus en plus difficile de concilier des intérêts divergents dans le cadre d’un fonctionnement par consensus. L’OMC semble aujourd’hui durablement paralysée. Réponses aux questions 1. Comme le GATT, l’OMC repose sur le principe de la libéralisation du commerce mondial. Mais il instaure plusieurs nouveautés : une extension du champ couvert par les négociations avec la réintégration de l’agriculture dans le droit commun ; l’élargissement du multilatéralisme au commerce des services et à la protection des droits de propriété intellectuelle ; la création d’un véritable mécanisme de règlement des différends. 2. L’OMC intervient pour trancher les litiges dans les relations commerciales internationales à la suite d’une plainte d’un pays. Une procédure est mise en œuvre qui peut aboutir à la condamnation du pays incriminé. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 105 Les litiges des États-Unis concernent principalement leurs concurrents industrialisés : UE, Japon, Canada et certains pays émergents (Chine, Brésil, Inde). 3. Depuis son origine, l’OMC est soumise à des critiques émanant d’ONG qui voient en elle un instrument de la mondialisation libérale. Cette opposition s’est manifestée en particulier lors de la conférence ministérielle de l’OMC qui s’est tenue à Seattle en 1999. Par ailleurs, en raison du grand nombre de pays membres et des modalités de prise de décision (par consensus), l’OMC semble paralysée, tant elle éprouve de difficultés à concilier des intérêts divergents. Ces divergences portent sur la libéralisation du marché des produits agricoles et sur les barrières aux échanges (liées essentiellement à des pratiques anticoncurrentielles ou à un accès difficile aux marchés publics). Aujourd’hui, les pays occidentaux, en particulier les États-Unis, privilégient les accords régionaux ou bilatéraux. BAC Vers l’analyse de documents. L’Organisation mondiale du commerce est accusée par les mouvements altermondialistes de favoriser les pays industrialisés au détriment des pays en développement. C’est ce qu’exprime la caricature de Subito tirée d’un tract d’ATTAC. L’OMC y apparaît comme un arbitre neutre mais dans un combat inégal entre les pays industrialisés symbolisés par un boxeur poids lourd (portant un tatouage représentant le yen, l’euro et le dollar) et les pays du Sud symbolisés par un boxeur poids plume. Le libre échange est ainsi accusé de laisser les pays en développement sans défense face aux exportations des pays développés. Néanmoins, le document 2 permet de nuancer ce point de vue. En effet, l’exemple du litige entre les ÉtatsUnis et le Venezuela au sujet du commerce de l’essence montre que l’ORD ne donne pas systématiquement raison aux pays les plus puissants. Vers la composition. Plan. 1. Le rôle de l’OMC dans la mondialisation. –L’OMC est une véritable organisation internationale à la différence du GATT dont elle prend la suite. –L’OMC introduit deux nouveautés : l’extension du champ des négociations et la mise en place d’un mécanisme de règlement des différends. –L’OMC fonctionne selon la règle du consensus entre des pays membres dont le nombre augmente. 2. Les difficultés rencontrées par l’OMC. –L’OMC est critiquée par les mouvements altermondialistes. –Cette critique peut être nuancée par le fonctionnement de l’ORD. 106 –Les négociations à l’OMC apparaissent paralysées par les intérêts divergents des pays membres. Bibliographie Jean-Christophe Graz, La Gouvernance de la mondialisation, Paris, La Découverte, 2008. Michel Rainelli, L’Organisation mondiale du commerce, La Découverte, coll. Repères, 2007. Étude 3 De nouveaux acteurs de la mondialisation (p. 234) ➥ C omment les nouveaux acteurs transforment-ils la gouvernance économique mondiale ? Ce qu’il faut savoir Depuis les années 1990, la gouvernance économique mondiale a été bouleversée. Tout d’abord, elle reconnaît au secteur privé et à la société civile la légitimité de leur participation à la gestion des affaires mondiales. Ainsi, les ONG ou les firmes transnationales sont partie prenante de certaines instances de l’ONU : Forum sur la gouvernance de l’Internet, Pacte mondial, conférences internationales sur le changement climatique. D’autre part, ces différents acteurs sont de plus en plus associés dans le cadre de partenariats, sur un mode non hiérarchisé. Par ailleurs, la crise financière a accru le rôle des agences de notation qui évaluent la solvabilité des États en direction du marché financier. Réponses aux questions 1. Les acteurs non étatiques : les mouvements altermondialistes, les partis politiques, les syndicats, les associations qui se réunissent au Forum social mondial, les ONG, les firmes transnationales, les agences de notation, les think tanks et les lobbies. 2. La notation de Standard & Poor’s ne reflète pas la hiérarchie de l’économie mondiale si l’on se fonde par exemple sur le niveau de richesse ou de développement. Seul un petit nombre de pays bénéficient encore du triple A. Les États-Unis, première puissance économique mondiale, n’en font pas partie. De même, plusieurs pays européens (comme la France) ont été dégradés. Inversement, les pays émergents voient leur notation se rapprocher de celle des pays développés. Enfin, on trouve dans la catégorie intermédiaire (B) aussi bien des pays européens que des pays de l’ancien tiers-monde (Afrique, Asie du sud, Amérique latine). 3. Certains acteurs sont favorables à la mondialisation, comme les firmes transnationales. D’autres acteurs y sont hostiles, comme certaines ONG. Certains essaient de la réguler, comme l’ONU ou des États, à des échelles différentes. Enfin, les think tanks et les lobbies défendent des intérêts particuliers. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Étude 4 BAC L’affirmation des pays émergents Vers l’analyse de documents. L’ONU œuvre en faveur d’une gouvernance économique mondiale associant aux États et aux organisations internationales les acteurs non étatiques. Ban Ki-Moon dans son discours au forum de Davos plaide pour « une nouvelle coopération internationale entre tous – gouvernements, société civile et secteur privé ». Il demande en particulier aux entreprises de participer aux actions concernant les enjeux globaux : « récession économique » et « changement climatique ». Rappelons que dans les conférences internationales organisées par l’ONU sur le changement climatique ou la lutte contre le sida, ces différents acteurs jouent un rôle actif. Néanmoins, cette approche lui est reprochée par certaines ONG, comme Les Amis de la Terre, qui considèrent que la part accordée aux entreprises, qui représentent des intérêts privés, est trop importante, en particulier sur les questions d’intérêt public. Vers la composition. L’idée d’une gouvernance économique mondiale suppose l’égalité des différents acteurs et leur capacité à négocier dans un cadre collectif. Néanmoins, les divergences apparaissent très fortes, en particulier entre les nouveaux acteurs non étatiques dont le rôle a émergé à partir des années 1990. On peut le constater en particulier dans les questions qui relèvent d’enjeux globaux et qui supposent donc des réponses globales, comme la lutte contre le réchauffement climatique ou les épidémies comme le sida. Même si l’ONU tente, lors de grandes conférences internationales, de coordonner la réflexion et l’action de ces différents acteurs, force est de constater l’échec, au moins relatif, de ces tentatives. Par exemple, la conférence de Copenhague sur le climat en 2009 s’est conclue sur un constat d’échec. Les États, les organisations multilatérales (OMS, Banque mondiale, OMC, etc.), les ONG, les grandes entreprises pharmaceutiques, les associations, les chercheurs, tous ont des intérêts et des vues contradictoires qu’il s’avère bien difficile de concilier. Bibliographie B ertrand Badie, Guillaume Devin (dir.), Le Multilatéralisme, Paris, La Découverte, 2007. Une réflexion collective et interdisciplinaire sur la notion de multilatéralisme, au cœur de la gouvernance mondiale actuelle. Jean-Christophe Graz, La Gouvernance de la mondialisation, Paris, La Découverte, 2008. Une approche thématique. Philippe Moreau Defarges, La Gouvernance, Paris, PUF, 2011. Une réflexion globale sur la notion de gouvernance, ses applications et ses limites. • « Mondialisation. Une gouvernance introuvable », Questions internationales n° 43, mai-juin 2010. Un regard interdisciplinaire. Plusieurs articles sur la gouvernance économique. (p. 236) ➥ Comment les nouvelles puissances économiques des Suds pèsent-elles dans la gouvernance mondiale ? Ce qu’il faut savoir À partir des années 2000, certains pays du Sud connaissent un essor économique très rapide. Ces pays émergents cherchent de plus en plus à s’affirmer sur la scène internationale, notamment dans les instances de la gouvernance économique mondiale. Les principaux (Brésil, Russie, Inde, Chine) se rassemblent dans le groupe des BRIC. Rejoints par l’Afrique du Sud, ils forment les BRICS et représentent 27 % du PIB mondial en 2011. Néanmoins, ils n’ont ni les mêmes intérêts ni la même conception de la gouvernance économique mondiale. Réponses aux questions 1. D’une part, les principaux pays émergents se réunissent depuis 2009 dans le cadre du groupe des BRIC (puis des BRICS) en 2011, mettant à leur tour en œuvre la « diplomatie de club » pratiquée par les grandes puissances occidentales dans le cadre des G8. Celles-ci ont par ailleurs été contraintes, pour faire face aux crises économiques et financières, d’élargir ces réunions aux pays émergents. Ceux-ci participent aux G20 des ministres des Finances depuis 1999 et au G20 des chefs d’État et de gouvernement depuis 2008. 2. Les pays émergents entendent être pris en compte dans la réflexion et l’action sur les questions globales, comme la lutte contre le réchauffement climatique (doc. 3). Ils cherchent à accroître leur poids dans les discussions en affirmant parler également au nom des pays pauvres (doc. 4). Mais les intérêts des pays émergents et des pays pauvres sont de plus en plus divergents. 3. Les pays composant le groupe des BRIC sont en réalité séparés par de nombreuses divergences : sur l’agriculture, le Brésil est une « grande puissance exportatrice » ; l’Inde cherche à protéger « son agriculture vivrière peu productive » ; sur les questions monétaires : la Chine a intérêt à sous-évaluer sa monnaie, ce qui n’est pas le cas de la Russie. BAC Vers l’analyse de documents. Les pays composant les BRICS cherchent à affirmer leur unité afin de peser davantage dans la gouvernance économique mondiale. Ils réclament par exemple une réforme de la distribution des droits de vote au FMI : ils n’en possèdent à eux cinq que 12 % alors que l’UE et les États-Unis en contrôlent ensemble la moitié. Néanmoins, ces pays sont séparés par des intérêts économiques divergents. Le Brésil s’ap- © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 107 puie sur son agriculture, la Russie sur ses hydrocarbures, l’Inde sur les services, la Chine sur son industrie, l’Afrique du Sud sur ses richesses minières. Ils ne défendent pas les mêmes positions à l’OMC. On peut donc en conclure que ce sont leurs intérêts géopolitiques plus qu’économiques qui les réunissent. Vers la composition. À partir des années 2000, un certain nombre de pays émergents se caractérisent par une croissance économique forte. C’est le cas en particulier de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de la Russie. Ces pays cherchent à s’organiser pour peser davantage dans les instances de la gouvernance économique mondiale. Ainsi se rassemblent-ils en 2009 dans le groupe des BRIC, rejoint en 2011 par l’Afrique du Sud (BRICS). Par ailleurs, ils réclament une meilleure représentation dans les organisations économiques internationales. Par exemple, la Chine intègre l’OMC en 2001 et la Russie en 2002. Ils revendiquent également une réforme de la distribution des droits de vote au FMI. Afin de renforcer leur légitimité, ils cherchent également à se faire les porte-voix des pays pauvres. Néanmoins, les divergences d’intérêts avec ces pays et leurs propres divisions affaiblissent cette recherche d’un plus grand rôle dans la gouvernance économique mondiale. Bibliographie R égis Bénichi, Histoire de la mondialisation, Paris, Vuibert, 2008. Philippe Moreau Defarges, L’Ordre mondial, Paris, Armand Colin, 2008. Karoline Postel-Vinay, Le G20, laboratoire d’un monde émergent, Presses de Sciences Po, 2011. Étude 5 Les crises financières des années 2000 (p. 238) ➥ Comment la gouvernance mondiale s’est-elle adaptée pour résoudre les crises ? Ce qu’il faut savoir En 2007 a lieu aux États-Unis la crise des subprimes : le système bancaire américain s’effondre après avoir investi et distribué des crédits (en particulier à des ménages endettés) au-delà de leurs avoirs réels. La crise bancaire se diffuse en Europe, nécessitant une intervention des États pour renflouer les établissements bancaires. Cette intervention aggrave l’endettement des États, provoquant la crise des dettes souveraines (Grèce, Espagne, Irlande, Portugal). Les acteurs de la gouvernance économique mondiale se mobilisent pour tenter d’enrayer cette crise, mais leurs solutions sont critiquées par une partie des opinions publiques. 108 Ressources numériques Vidéo et fiche d’activités La vidéo proposée est un reportage faisant suite à la mort d’un adolescent, victime de coups de feu de la police à Athènes, le 6 décembre 2008. Sa mort provoque la colère de la jeunesse athénienne, une colère qui gagne de nombreuses villes grecques. Ces manifestations témoignent des inquiétudes d’une jeunesse confrontée à la précarité et du rejet de la corruption de l’administration et de la classe politique par la population grecque. Réponses aux questions 1. La crise des subprimes a entraîné une série de crises en raison du caractère systémique de l’économie mondiale : crise bancaire et boursière, crise de l’économie réelle (récession, chômage), crise des dettes souveraines. 2. Au sein de la zone euro, le FMI, la Banque centrale européenne et la Commission européenne s’associent pour venir en aide aux pays endettés en échange de plans de rigueur draconiens. 3. La crise a fait émerger de nouvelles formes de gouvernance économique : La constitution de la « troïka » composée du FMI, de la BCE et de la Commission européenne ; l’élargissement du G8 au G20 dont les chefs d’État et de gouvernement se rassemblent pour la première fois à Washington en 2008 ; une réorientation de la politique du FMI. BAC Vers l’analyse d’un document. Dans les années 1980 et 1990, le FMI vient en aide aux pays endettés en échange de la mise en œuvre de plans d’ajustement structurel inspirés du consensus de Washington. Celui-ci, d’inspiration néolibérale, prône la baisse des dépenses publiques, les privatisations et la libéralisation des marchés. Ces mesures, sans véritablement faire la preuve de leur efficacité économique, entraînent bien souvent des dégâts sociaux importants. L’image du FMI s’en trouve très dégradée dans les opinions publiques des pays concernés. C’est particulièrement le cas dans les pays asiatiques touchés par la crise financière de la fin des années 1990. C’est pourquoi lorsqu’une nouvelle crise de la dette se diffuse à partir de 2008, le FMI infléchit sa politique afin d’assouplir les conditions des prêts qu’il consent. Au sein de la troïka, le FMI est l’acteur le plus réservé sur la pertinence de politiques d’austérité trop draconienne. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Vers la composition. En 2007 a lieu aux États-Unis la crise des subprimes : le système bancaire américain s’effondre après avoir investi et distribué des crédits (en particulier à des ménages endettés) au-delà de leurs avoirs réels. La crise bancaire se diffuse en Europe, nécessitant une intervention des États pour renflouer les établissements bancaires. Cette intervention aggrave l’endettement des États, provoquant la crise des dettes souveraines (Grèce, Espagne, Irlande, Portugal). Les acteurs de la gouvernance économique mondiale se mobilisent pour tenter d’enrayer cette crise. Au sein de la zone euro, le FMI, la Banque centrale européenne et la Commission européenne s’associent pour venir en aide aux pays endettés en échange de plans de rigueur. La crise redonne la main aux États dans la recherche de solutions. Ainsi, le G20, créé dans les années 1990, réunit à partir de 2008 les chefs d’État et de gouvernement, et non plus seulement les ministres des Finances, pour trouver des solutions à l’instabilité financière mondiale. Il prend ainsi des décisions pour lutter contre les paradis fiscaux. Bibliographie Bertrand Badie, La Diplomatie de connivence, Paris, La Découverte, 2011. Cécile Bastidon, Jacques Brasseul, Philippe Gilles, Histoire de la globalisation financière, Paris, Armand Colin, 2010. Karoline Postel-Vinay, Le G20, laboratoire d’un monde émergent, Presses de Sciences Po, 2011. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 109 Corrigé du Sujet 27 p. 242 COMPOSITION SUJET Les États-Unis dans la gouvernance économique mondiale de 1975 à nos jours Exemple de réponse rédigée En 1971, la fin de la convertibilité du dollar en or, annoncée par le président Nixon, met fin aux fondements du système de Bretton Woods créé en 1945. Malgré les crises qui suivent, les États-Unis restent la puissance dominante de l’ordre économique occidental, que la fin de l’URSS semble même conforter. La mondialisation et la globalisation renforcent encore ce leadership. Nous montrerons comment l’influence des États-Unis sur la gouvernance économique mondiale se transforme depuis 1975. Dans les années 1970, le leadership des ÉtatsUnis dans la gouvernance économique mondiale semble remis en cause. Ils ont dû abandonner la convertibilité du dollar en or en 1971, mettant fin au système de Bretton Woods. Ils sont confrontés aux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Enfin, au sein même du bloc occidental, le Japon et les Nouveaux pays industrialisés asiatiques (Corée du sud, Taiwan, Hong Kong, Singapour) connaissent une forte croissance économique qui modifie l’ordre économique mondial. Néanmoins, les États-Unis parviennent à renforcer leur leadership dans les années 1980. Fin de la convertibilité du dollar en or Chocs pétroliers Essor du Japon et des NPI Remise en cause du leadership américain dans les années 1970 ? Rôle à la fois économique et géopolitique du G7 Plans d’ajustement structurel du FMI Affirmation du néolibéralisme Réaffirmation du leadership américain dans les années 1980 Depuis 1975, les grandes puissances industrielles du bloc occidental se rassemblent régulièrement dans le cadre des G7 pour faire face à la crise. Dans les années 1980, les États-Unis leur donnent une coloration de plus en plus géopolitique dans un contexte de regain de la guerre froide. Par ailleurs, ils dominent le FMI et la Banque mondiale qui imposent des plans d’ajustement structurel inspirés par le libéralisme anglo-saxon aux pays du Sud endettés. De façon plus générale, le néo-libéralisme prôné par le président Reagan devient l’idéologie dominante à l’Ouest au début des années 1980. L’offensive idéologique et économique lancée par le président Reagan contribue à l’effondrement du bloc de l’Est entre 1989 et 1991. La fin de la guerre froide marque alors le triomphe du modèle capitaliste américain. Les échanges économiques sont désormais globalisés, permettant de renforcer l’essor des firmes transnationales américaines à travers le monde. Les organisations économiques internationales, dominées par le poids des États-Unis, accélèrent l’extension du capitalisme. En 1995, l’Organisation mondiale du commerce remplace le GATT et cherche à promouvoir le libre-échange dans tous les secteurs (industrie, mais aussi agriculture et services). Le FMI fonde ses interventions dans les pays endettés sur le consensus de Washington, dont le principe est de libéraliser les économies afin de relancer la croissance. Enfin, à l’échelle régionale, les États-Unis renforcent le libre-échange par la création en 1994 de l’ALENA avec le Canada et le Mexique. Entre 1991 et 2001, les États-Unis apparaissent bien comme les leaders d’une gouvernance économique mondiale globalisée. Néanmoins, ce leadership est remis en cause dans les années 2000. En 2001 se tient le premier Forum social mondial à Porto Alegre (Brésil). S’y réunissent des mouvements de la société civile (mouvements altermondialistes, ONG, syndicats, etc.) qui critiquent la mondialisation libérale sur le modèle américain. Les années 2000 voient aussi l’essor des pays émergents (Chine) qui concurrencent la puissance américaine et revendiquent une meilleure représentation dans les instances de la gouvernance économique mondiale. La Chine entre d’ailleurs à l’OMC en 2001. Or, celle-ci apparaît durablement paralysée en raison des intérêts divergents qui s’y affrontent et sans que les États-Unis parviennent à imposer le leur. Enfin, face à la crise financière mondiale, le G8 est élargi en G20, obligeant les États-Unis à dialoguer davantage avec les pays émergents. Même si les années 2000 ont vu la fin de l’hégémonie américaine sur la gouvernance économique mondiale, ils disposent encore de plusieurs atouts, en particulier le maintien du dollar comme principale monnaie de réserve internationale. Néanmoins, l’avenir de la puissance américaine apparaît entouré d’incertitudes. 110 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 28 p. 244 COMPOSITION SUJET La gouvernance économique mondiale depuis 1975 Exemple de réponse rédigée En 1975, le monde est encore structuré par la guerre froide et le bloc occidental doit faire face à de nombreuses perturbations économiques, en particulier la crise nourrie par la fin du système de Bretton Woods et le premier choc pétrolier. Il apparaît alors nécessaire de réorganiser la gouvernance économique mondiale. Celle-ci peut se définir comme la recherche d’un mode de décision permettant d’associer les différents acteurs internationaux. Or, au fil des évolutions géopolitiques et économiques, ceux-ci deviennent de plus en plus nombreux, complexifiant la mise en œuvre de la gouvernance économique mondiale. Entre 1975 et la fin de la guerre froide, la gouvernance économique mondiale consiste essentiellement en une coopération entre États. Celle-ci doit faire face à de nombreuses perturbations de l’économie mondiale : la fin du système de Bretton Woods, les chocs pétroliers, le décollage des NPI asiatiques, l’accélération de la mondialisation (libéralisation des flux économiques, révolution des transports et des communications). C’est pourquoi les pays industrialisés les plus riches se réunissent régulièrement à partir de 1975 dans le cadre du G6 puis des G7 afin de dialoguer sur les sujets économiques internationaux. Cette diplomatie de club est également mise en œuvre par les pays du tiers-monde, regroupés dans le G77 au sein de l’ONU et qui réclament un nouvel ordre économique international. Néanmoins, cette coopération économique internationale se voit affaiblie dans les années 1980 par la remise en cause du rôle économique de l’État dans le cadre du néolibéralisme professé par Ronald Reagan et Margaret Thatcher. De même, les organisations économiques internationales font l’objet de nombreuses critiques. Ainsi le FMI est-il accusé d’aggraver la pauvreté dans les pays endettés dans lesquels il intervient en mettant en place des plans d’ajustement structurel en échange de son aide financière. Ces plans affaiblissent les États (réduction des dépenses publiques, privatisations, etc.). Le G7 est perçu comme un club de riches, tandis que le GATT échoue à empêcher certaines pratiques protectionnistes, comme les quotas d’importation, et ne prend pas en compte l’agriculture et les services. Groupes informels de discussion (G6, G7, G77) Gouvernance économique mondiale Coopération entre États Organisations internationales (GATT/OMC, FMI, ONU) La gouvernance économique mondiale se complexifie à partir des années 1990 sous l’effet de plusieurs mutations. Certes, la fin de la guerre froide homogénéise l’organisation économique du monde par l’extension du capitalisme, mais l’émergence de nouvelles puissances concurrentes des États-Unis, en particulier la Chine, remet en cause le leadership de ces derniers. Cette multipolarité est encore renforcée par l’émergence de nouveaux enjeux globaux (climat, ressources) et la crise financière mondiale à partir de 2007. Par ailleurs, de nouveaux acteurs non étatiques émergent, comme les firmes transnationales, les agences de notation ou, dans un registre différent, les organisations non gouvernementales. Celles-ci se réunissent avec les mouvements altermondialistes lors des Forums sociaux mondiaux et critiquent la mondialisation libérale. La gouvernance économique mondiale doit donc s’adapter à ces nouveaux défis. Les organisations économiques internationales cherchent à adapter leur mode de fonctionnement aux nouveaux enjeux (création de l’OMC, évolution du FMI). L’ONU encourage la coopération entre les différents acteurs, en particulier lors des grandes conférences internationales (sur le climat à Copenhague en 2009 par exemple). Néanmoins, les difficultés sont nombreuses : échec à mettre en œuvre des accords globaux, paralysie de l’OMC, critiques à l’égard du FMI. À la fin des années 2000, il semble que les États cherchent à reprendre la main, notamment à travers l’élargissement du G8 en G20. L’avenir de la gouvernance économique mondiale paraît frappé d’incertitudes face à la rapidité des changements dans les rapports de force entre grandes puissances économiques ; la montée en puissances des pays émergents est la marque visible d’un monde multipolaire. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 111 Corrigé du Sujet 29 p. 245 ANALYSE D'UN DOCUMENT SUJET Le FMI et la Banque mondiale vus par un caricaturiste Analysez le document et montrez comment les relations entre les pays du Sud, le FMI et la Banque mondiale ont évolué depuis 1975. Exemple de réponse rédigée Durant les années 1980 et 1990, le FMI et la Banque mondiale avaient multiplié les interventions dans les pays endettés du tiers-monde. Ils offraient une aide financière en échange de réformes économiques drastiques et souvent mal perçues des populations. Mais dans les années 2000, certains pays du Sud connaissent une forte croissance économique qui leur permet de s’affirmer sur la scène internationale : ce sont les pays émergents. Ils réclament alors une réforme des organisations économiques internationales afin d’y être mieux représentés. C’est cette évolution que le dessinateur de presse tanzanien Gado illustre dans une caricature publiée en 2006. La caricature se présente comme un diptyque. Deux représentants du FMI et de la Banque mondiale s’adressent à trois personnages symbolisant les pays du tiers-monde (Asie, Amérique latine, Afrique). Ils appellent ces derniers à se réformer (« You need to reform… »). Cette vignette fait allusion aux interventions menées par le FMI et la Banque mondiale dans les pays du tiers-monde dans les années 1980 et 1990. De nombreux pays sont touchés par une crise de la dette (Mexique en 1982 et 1994, plusieurs pays asiatiques en 1997, Argentine en 2001…). Le dessinateur est tanzanien, or la Tanzanie est un pays dans lequel le FMI est intervenu dans les années 1980. Le FMI propose alors une aide financière en contrepartie de la mise en place de plans d’ajustement structurel. Fondés sur le consensus de Washington, ces derniers consistent à mettre en œuvre une série de mesures libéralisant les économies : réduction des dépenses publiques et privatisations, libéralisation des échanges, ouverture aux investissements étrangers, etc. Souvent mal perçus par les populations en raison des dégâts sociaux qu’ils provoquent, ces plans sont contestés dans les années 1990-2000 par les mouvements altermondialistes. Dans les années 2000, certains pays du Sud connaissent une forte croissance économique qui leur permet de s’affirmer sur la scène internationale, les pays émergents. Ils réclament alors une meilleure représentation dans les organisations internationales. C’est cette situation qu’illustre la partie droite de la caricature. Les représentants des pays sud-américains, asiatiques et africains font injonction au FMI et à la Banque mondiale de se réformer. Depuis Bretton Woods (1944), chaque pays dispose d’un pourcentage de voix équivalent à sa contribution au budget du FMI et de la Banque mondiale. Ces quotesparts sont fixées dans les statuts et ne peuvent être modifiées par un pays seul. Or, les pays du Sud disposent de pourcentages de voix très faibles. Une meilleure distribution des voix a été proposée et entreprise en 2010 par le directeur du FMI, le Français Dominique Strauss-Kahn. Cette réforme est inachevée. La caricature présente une vision simplificatrice de la gouvernance économique mondiale. Contrairement à ce qu’elle laisse croire, les pays qui sont subi des interventions du FMI et de la Banque mondiale dans les années 1980-1990 ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux qui y revendiquent aujourd’hui une meilleure représentation. En présentant les pays du Sud comme un ensemble homogène, elle ne permet pas de comprendre les très fortes divergences qui les divisent aujourd’hui, tant dans leur trajectoire économique que dans leurs revendications en matière de gouvernance. 112 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du Sujet 30 p. 246 ANALYSE DE DEUX DOCUMENTS SUJET Les acteurs de la gouvernance économique mondiale En confrontant les documents, montrez le rôle et le poids des différents acteurs dans la gouvernance économique mondiale. Exemple de réponse rédigée La gouvernance mondiale désigne la recherche d’un mode de négociation et de décision à l’échelle internationale permettant d’associer des acteurs de natures différentes. D’autres acteurs que les États s’affirment depuis 1945 : organisations internationales, firmes transnationales, agences de notation, organisations non gouvernementales, etc. C’est à une coopération entre ces différents acteurs qu’appelle le Rapport du millénaire du Secrétaire général des Nations unies (document 1) en 2000. Cette volonté est par exemple mise en œuvre lors de la conférence internationale sur le climat de Copenhague en 2009. La carte (document 2) permet ainsi d’identifier la quantité et la provenance des experts envoyés par les États ainsi que des ONG présentes à cette occasion. Néanmoins, ces différents acteurs n’ont ni le même rôle ni le même poids dans la gouvernance économique mondiale. Depuis les années 1990, la gouvernance économique mondiale s’est complexifiée en raison de la multiplicité des acteurs qui interviennent à l’échelle internationale. « Nous devons apprendre à gouverner mieux, et à gouverner mieux ensemble » : ces acteurs ont des rôles différents. Les États continuent à jouer un rôle prépondérant, par la souveraineté qu’ils exercent sur leur territoire et par leur rôle au sein des organisations internationales. Les États sont également des acteurs majeurs lors des grandes conférences organisées par l’ONU sur les enjeux globaux. Le document 2 rappelle ainsi le rôle joué par les experts envoyés par les États lors de la conférence de Copenhague de 2009 sur le climat. Mais, rappelle le Rapport du millénaire, les États doivent coopérer avec les firmes transnationales. Ces dernières, qui ont pris leur essor avec la mondialisation, exercent des actions de lobbying auprès des pouvoirs publics, en particulier lors du Forum économique mondial qui se réunit à Davos (Suisse) chaque année. Parmi les acteurs non étatiques, les représentants de la société civile, ONG, syndicats ou associations de citoyens s’affirment également depuis les années 1990, notamment grâce aux nouveaux moyens de communication (« les nouvelles technologies leur permettent aussi de mieux se comprendre et d’agir ensemble »). Ainsi, comme le rappelle le document 2, les ONG sont présentes lors des grandes conférences internationales. Néanmoins, ces acteurs ne pèsent pas tous du même poids. Les États, au sein des organisations internationales comme au sein des clubs comme le G8 ou le G20, tentent de garder la main. Certaines ONG, bien que financièrement puissantes, se plaignent de l’influence prêtée aux FTN à l’ONU. Les pays du Nord continuent d’être prépondérants au sein de la gouvernance économique mondiale. Ils restent dominants dans les organisations économiques internationales, comme le FMI, où ils possèdent la majorité des droits de vote. Le Rapport du millénaire préconise un meilleur « équilibre des forces dans le monde ». Par ailleurs, la carte montre que la majorité des ONG et des experts étatiques présents lors de la conférence de Copenhague étaient issus des pays du Nord. On constate également que les pays émergents jouent un rôle de plus en plus important : la Chine a envoyé de nombreux experts et beaucoup d’ONG brésiliennes, indiennes ou chinoises sont présentes. Le défi majeur de la gouvernance économique mondiale dans les années à venir est donc bien de trouver un équilibre à la fois entre les différents types d’acteurs intervenant à l’échelle internationale et entre les différents pays, qu’ils soient développés, émergents ou en développement. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 113 SUJET D'ORAL Exemple pour le chapitre 1 SUJET La mémoire communiste de la Seconde Guerre mondiale Document d’accompagnement (document extrait du manuel p. 24) Affiche du PCF pour les élections législatives d’octobre 1945 © coll. A. Gesgon/CIRIP Aide pour répondre au sujet ●●Analyser le sujet ◗◗Quelle est la spécificité de la mémoire communiste de la Résistance ? ◗◗Pourquoi la mémoire communiste s’est-elle démarquée de la mémoire gaulliste ? Dans quel contexte historique ? ●●Définir le fil conducteur du sujet ◗◗Choisissez parmi les trois propositions suivantes le fil conducteur qui convient : ◗◗Une mémoire résistancialiste. ◗◗Une mémoire fondée sur le martyre des fusillés communistes. ◗◗Une mémoire résistancialiste qui veut s’émanciper de la mémoire gaulliste dans un contexte de guerre froide. ●●Étudier le document d’accompagnement ◗◗Quels éléments de l’affiche sont destinés à émouvoir ? Pourquoi ? ◗◗Comment le Parti communiste se présente-t-il ici ? ◗◗Pourquoi peut-on dire que les communistes ont payé un lourd tribut à la Résistance ? ●●Élaborer le plan ◗◗Pour chaque idée, mobilisez les connaissances du cours (contexte, notions) et notez les informations issues du document qui peuvent étayer votre argumentation. 114 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur SUJET D'ORAL Exemple pour le chapitre 2 SUJET Le 17 octobre 1961 au cœur de la guerre des mémoires en France et en Algérie Document d’accompagnement (document extrait du manuel p. 57) Timbre algérien évoquant la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris © DR Aide pour répondre au sujet ●●Analyser le sujet et définir le fil conducteur ◗◗Quels sont les buts de l’État algérien en éditant ce timbre ? ●●Étudier le document d’accompagnement ◗◗Quelles sont les victimes et qui sont leurs bourreaux sur cette image ? ◗◗Que signifie le drapeau algérien en arrière-plan de la tour Eiffel sur le timbre ? ◗◗Ce document a-t-il pour but le rapprochement franco-algérien ? ●●Élaborer le plan ◗◗Recherchez dans le cours et les dossiers tous les documents renvoyant à l’événement. Classez les dans le tableau ci-dessous. Côté français Côté algérien Document venant d’un porteur de mémoire Document venant d’un historien ●●Argumenter la réponse Vous pouvez vous appuyer sur le plan suivant : 1) Une date qui divise en France les porteurs de mémoire. 2) Une date qui entend rassembler côté algérien les ennemis d’hier. 3) Une date qui complique les relations entre la France et l’Algérie. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 115 SUJET D'ORAL Exemple pour le chapitre 3 SUJET Les États-Unis et l’Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale Document d’accompagnement (document extrait du manuel p. 80) L’Europe en ruines au lendemain de la guerre © Walter Sanders/Time & Pictures/Getty Images. Aide pour répondre au sujet ●●Analyser le sujet ◗◗Que montre la photographie de l’implication américaine en Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ? ●●Définir le fil conducteur du sujet Choisissez parmi les trois propositions suivantes le fil conducteur qui convient : ◗◗Des États-Unis au chevet d’une Europe dévastée par la guerre. ◗◗Des États-Unis luttant contre l’influence communiste en Europe. ◗◗Des États-Unis désireux de faire renaître une Allemagne démocratique au lendemain de la guerre. ●●Étudier le document d’accompagnement ◗◗Quels sont les deux plans identifiables sur la photographie ? ◗◗Que montre la photographie de l’attitude des Berlinois pendant le blocus de la ville ? ◗◗Que montre la photographie de l’état de Berlin en 1948-1949 et plus largement de l’état de l’Allemagne ? ●●Élaborer le plan ◗◗Vérifier si l’intitulé du sujet fournit explicitement ou non un plan ou guide la réflexion. ◗◗Pour chacune des deux ou trois idées dégagées, mobilisez les connaissances du cours (contexte, notions, personnages) et notez les informations issues du document qui accompagnent l’argumentation. 116 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur SUJET D'ORAL Exemple pour le chapitre 4 SUJET La Chine dans la guerre de Corée (1951) Document d’accompagnement (document extrait du manuel p. 111) « La victoire de l’armée populaire coréenne et de l’armée des volontaires chinois » © IISH/DR Aide pour répondre au sujet ●●Analyser le sujet ◗◗Quels sont les objectifs d’une telle affiche ? ●●Définir le fil conducteur du sujet ◗◗Choisissez parmi les trois propositions suivantes le fil conducteur qui convient : ◗◗Une Chine opposée au bloc de l’Ouest. ◗◗Un État communiste chinois qui s’oppose aux États-Unis dans le contexte de guerre froide. ◗◗Une Corée qui demande l’aide de la Chine. ●●Étudier le document d’accompagnement ◗◗Quel est l’ennemi désigné ? Pourquoi ? ◗◗Quels éléments formels montrent qu’il s’agit d’un document de propagande ? ◗◗Quels éléments liés au contexte montrent qu’il s’agit d’un document de propagande ? ●●Élaborer le plan ◗◗Vérifiez si l’intitulé du sujet fournit explicitement ou non un plan ou guide la réflexion. ◗◗Pour chacune des deux ou trois idées dégagées, mobilisez les connaissances du cours (contexte, notions, personnages) et notez les informations issues du document qui accompagnent l’argumentation. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 117 SUJET D'ORAL Exemple pour le chapitre 5 SUJET La question palestinienne de 1947 à nos jours Document d’accompagnement (document extrait du manuel p. 151) Le rêve d’un État (2011) © M. Longari/AFP Aide pour répondre au sujet ●●Analyser le sujet ◗◗Que signifie le terme de « question palestinienne » ? ●●Définir le fil conducteur du sujet ◗◗Choisissez parmi les deux propositions suivantes le fil conducteur qui convient : ◗◗Comment les Palestiniens ont-ils mené leur lutte pour obtenir un État indépendant ? ◗◗Comment la question palestinienne s’est-elle imposée progressivement comme l’une des questions majeures de la région ? ●●Étudier le document d’accompagnement ◗◗Quels sont les deux plans identifiables sur la photographie ? ◗◗Que montre la photographie de la lutte menée par les Palestiniens pour obtenir un État ? ◗◗La photographie permet-elle de montrer les différents moyens de lutte employés par les Palestiniens pour avoir un État ? ●●Élaborer le plan ◗◗Vérifiez si l’intitulé du sujet fournit explicitement ou non un plan ou guide la réflexion. ◗◗Pour chacune des deux ou trois idées dégagées, mobilisez les connaissances du cours (contexte, notions, personnages) et notez les informations issues du document qui accompagnent l’argumentation. 118 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur SUJET D'ORAL Exemple pour le chapitre 6 SUJET L’État et les médias en mai 1968 Document d’accompagnement (document extrait du manuel p. 173) Les étudiants critiquent la mainmise de l’État sur la radio-télévision Affiche des ateliers populaires de l’École des Beaux-Arts de Paris, mai 1968. © coll. Dixmier/Kharbine-Tapabor Aide pour répondre au sujet ●●Analyser le sujet ◗◗Quels sont les objectifs d’une telle affiche ? ●●Définir le fil conducteur du sujet Choisissez parmi les trois propositions suivantes le fil conducteur qui convient : ◗◗Une affiche pour soutenir l’action de Charles de Gaulle. ◗◗Une affiche pour critiquer l’action de Charles de Gaulle. ◗◗Une des célèbres « petites phrases » de Charles de Gaulle. ●●Étudier le document d’accompagnement ◗◗L’image. Quels sont les éléments qui permettent d’identifier Charles de Gaulle ? Quelle était sa fonction en 1968 ? ◗◗Le slogan. Expliquez-le. ◗◗L’association image + slogan : Quel élément fait le lien entre le personnage représenté et le slogan ? ◗◗Identifiez les auteurs du document et expliquez le message politique. ●●Élaborer le plan ◗◗Vérifiez si l’intitulé du sujet fournit explicitement ou non un plan ou guide la réflexion. Pour chacune des deux ou trois idées dégagées, mobilisez les connaissances du cours (contexte, personnages, notions) et notez les informations issues du document qui accompagnent l’argumentation. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 119 SUJET D'ORAL Exemple pour le chapitre 7 SUJET Les acteurs de la gouvernance européenne Document d’accompagnement (document extrait du manuel p. 206) Le processus de décision dans l’UE s 2 Exécute Propose un texte (directives, réglements) Am ra n d Am es or end i en t at e io n COMMISSION en d Don ne l es g e TRIANGLE DÉCISIONNEL 1 3 3 CONSEIL EUROPÉEN CODÉCISION PARLEMENTS DES ÉTATS MEMBRES PARLEMENT EUROPÉEN 4 Transposent les directives dans le droit national 1 à 4 : étapes du processus qui dure 12 à 18 mois. Pour les mesures dites « extraordinaires » (PESC, politique fiscale et nouvelles adhésions), le Parlement européen n’a que le pouvoir d’émettre un avis sans capacité de vote. Aide pour répondre au sujet ●●Analyser le sujet ◗◗À qui renvoie la notion d’acteurs ? Attention, le document ne dit rien d’explicite sur les citoyens. À vous d’apporter cette idée pour ne pas réduire votre réponse au seul commentaire du document fourni. ●●Définir le fil conducteur du sujet Choisissez parmi les trois propositions suivantes le fil conducteur qui convient : ◗◗Des acteurs multiples aux aspirations parfois contradictoires. ◗◗Une Commission européenne toute puissante. ◗◗Une faible adhésion des citoyens européens. ●●Étudier le document d’accompagnement ◗◗Pourquoi parler de triangle décisionnel ? ◗◗Distinguez les institutions intergouvernementales des institutions supranationales. ◗◗Pourquoi peut-on parler d’une place limitée pour les citoyens dans ce système ? ●●Élaborer le plan ◗◗Vérifiez si l’intitulé du sujet fournit explicitement ou non un plan ou guide la réflexion. ◗◗Dégagez une réflexion autour de deux à trois axes soit par types d’acteurs (institutions, États, citoyens) ou par une démarche analytique (qui, pour faire quoi, avec quelles tensions ?). 120 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur SUJET D'ORAL Exemple pour le chapitre 8 SUJET Le rôle des organisations économiques internationales dans la gouvernance mondiale depuis la fin de la guerre froide Document d’accompagnement (document extrait du manuel p. 232) Une critique de l’OMC par l’organisation altermondialiste ATTAC ¥ = yen € = euro $ = dollar. Caricature tirée d’un tract d’ATTAC (organisation altermondialiste créée en France en 1998). © Subito/ATTAC/DR Aide pour répondre au sujet ●●Analyser le sujet ◗◗À l’aide des connaissances, nommez les grandes organisations internationales et leur rôle. ◗◗Confrontez vos connaissances au point de vue exprimé sur le document. ●●Définir le fil conducteur du sujet ◗◗La confrontation des connaissances et du point de vue exprimé dans le document permet d’interroger le rôle joué par les organisations économiques internationales dans les rapports entre pays développés et pays en développement. ●●Étudier le document d’accompagnement ◗◗Identifiez les acteurs de l’économie mondiale symbolisés par les différents personnages du document. ◗◗Relevez les caractéristiques (aspects, attitudes) de chacun de ces personnages. ◗◗Expliquez le point de vue exprimé par l’auteur du document. ●●Élaborer le plan ◗◗Vérifier si l’intitulé du sujet fournit explicitement ou non un plan ou guide la réflexion. ◗◗Pour chacune des deux ou trois idées dégagées, mobilisez les connaissances du cours (contexte, notions, personnages) et notez les informations issues du document qui accompagnent l’argumentation. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 121 Bac blanc chapitre 1 SUJET ● Analyse de deux documents Vous expliquerez comment ces documents expriment le tournant pris par la politique mémorielle de l’État à partir des années 1990. Document 1 (voir le doc 4 p. 27 du manuel) Jacques Chirac reconnaît les crimes de l’État français (1995) Le président Jacques Chirac prononce un discours à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv qui, les 16 et 17 juillet 1942, a abouti à l’arrestation et à la déportation de 12 884 Juifs parisiens. Il est, dans la vie d’une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l’idée que l’on se fait de son pays […], ces heures noires [qui] souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français. […] Le 16 juillet 1942, 450 policiers et gendarmes français, sous l’autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des nazis. Ce jour-là, dans la capitale et en région parisienne, près de 10 000 hommes, femmes et enfants juifs furent arrêtés à leur domicile, au petit matin […]. La France, patrie des Lumières et des Droits de l’homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. […] Soixante-quatorze trains partiront vers Auschwitz. Soixante-seize mille déportés juifs de France n’en reviendront pas. Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible. Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l’État. Ne rien occulter des heures sombres de notre Histoire, c’est tout simplement défendre une idée de l’Homme, de sa liberté et de sa dignité. C’est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l’œuvre. […] Certes, il y a les erreurs commises, il y a les fautes, il y a une faute collective. Mais il y a aussi la France, une certaine idée de la France, droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie. Cette France n’a jamais été à Vichy. Elle n’est plus, et depuis longtemps, à Paris. Elle est dans les sables libyens et partout où se battent des Français libres. Elle est à Londres, incarnée par le général de Gaulle. Elle est présente, une et indivisible, dans le cœur de ces Français, ces Justes parmi les nations qui, au plus noir de la tourmente, en sauvant au péril de leur vie […] les trois-quarts de la communauté juive résidant en France, ont donné vie à ce qu’elle a de meilleur. Jacques Chirac, discours à l’occasion de la commémoration du 53e anniversaire de la rafle du Vel’ d’Hiv, 16 juillet 1995. Document 2 (voir l’affiche p. 15 du manuel) ffiche de la journée de commémoration A en mémoire des victimes de l’Holocauste © Mémorial de la Shoah/CDJC/DR 122 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du BAC blanc chapitre 1 • Dans les années 1990, la politique mémorielle de l’État quant à la Seconde Guerre mondiale se transforme profondément : après les procès de certains collaborateurs, la question de la responsabilité de l’État dans les crimes perpétrés entre 1940 et 1944 se pose. Le 16 juillet 1995 le président Jacques Chirac reconnaît la responsabilité de l’État français dans les crimes de Vichy, et en particulier dans la déportation des Juifs de France (doc. 1). Ce discours permet à l’État d’infléchir sa politique mémorielle, et de davantage commémorer, au nom du devoir de mémoire, le génocide (doc. 2). Comment ces documents révèlent-ils ce tournant mémoriel ? Chaque citation doit être explicite et intégrée à la rédaction. Éviter les citations entre parenthèses par exemple. Contrairement à ses prédécesseurs, Jacques Chirac ne refuse pas au gouvernement de Vichy le statut de gouvernement de la France : « la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable ». Cela l’amène à « reconnaître […] les fautes commises par l’État ». Vous pouvez citer l’ordonnance du GPRF déclarant Vichy se disant « gouvernement de l’État français », ou encore de Gaulle précisant que Vichy était « nul et non avenu ». • Cette prise de position est liée au désir de « lutter contre les forces obscures sans cesse à l’œuvre », c’est-à-dire contre les négationnistes, qui, depuis la fin des années 1970, prétendent ouvertement que le génocide n’aurait jamais eu lieu. La reconnaissance officielle des crimes commis par l’État a donc, aussi, pour but d’attester que ces crimes ont bien eu lieu. Cette lutte contre le négationnisme est encore au cœur des cérémonies officielles, telles que celles qui ont lieu à l’occasion de la Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l’Holocauste (doc. 2). Il faut toujours veiller à ne pas laisser d’allusion non expliquée (ces « forces obscures »). • Jacques Chirac reconnait la responsabilité de l’État dans les crimes commis entre 1940 et 1944, et en particulier dans la déportation des Juifs de France : « oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français ». La mention des « 450 policiers et gendarmes » atteste l’implication de l’État. • • Le discours de Jacques Chirac, s’il reconnait, pour la première fois, « les fautes du passé », cette « faute collective » qu’a été la participation active à la déportation des Juifs de France, ne s’oppose pas pour autant à la mémoire de l’héroïsme de ceux qui ont résisté. En effet il met en avant « cette France [qui] n’a jamais été à Vichy », ceux qui se sont battus hors d’Europe, « dans les sables libyens », ceux qui ont résisté depuis « Londres », et ceux qui, à l’intérieur, ont résisté à l’ennemi. • Ce discours est donc aussi pour lui l’occasion de citer les Justes parmi les nations, ceux qui ont sauvé des Juifs. • Malgré ces rappels à la mémoire de la Résistance, c’est désormais la mémoire du génocide qui domine la politique mémorielle de l’État. Le discours de Jacques Chirac est prononcé à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv. En 2005, le mémorial de la Shoah, cité sur l’affiche (doc. 2), est inauguré. De nombreux mémoriaux sont créés dans les années 1990-2000, certains sont ici cités : la maison d’Izieu, le camp de Gurs, Beaune-la-Rolande, Pithiviers, etc. Le 27 janvier (date de la libération du camp d’Auschwitz, en 1945) a été institué par l’ONU, sur proposition des ministres européens de l’Éducation, journée internationale de commémoration de la mémoire des victimes de l’Holocauste. Cette manifestation donne lieu à des commémorations officielles. Le rôle des ministres de l’Éducation mérite une analyse : l’État place le devoir de mémoire au cœur de sa politique éducative. • Le discours prononcé par le président Jacques Chirac a initié un profond tournant dans la politique mémorielle de l’État, qui, si elle commémore toujours l’héroïsme de la Résistance, met désormais en avant la douloureuse mémoire des victimes de l’Holocauste. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Attention à bien montrer que ce discours ne remet pas en cause la mémoire de la Résistance, mais le résistancialisme. Il faut définir qui sont les Justes, et il est possible d’expliquer que depuis 2007, ils sont honorés au Panthéon. Sur l’affiche, il faut bien lire tous les éléments textuels : ici les mentions des organisations concernées par cette commémoration. 123 Bac blanc chapitre 3 SUJET ● Analyse de documents Présentez les documents et montrez leur intérêt pour étudier les continuités de la vision américaine du monde entre 1945 et aujourd’hui. Document 1 (voir le doc 3 p. 73 du manuel) La doctrine Truman (1947) Au moment présent de l’histoire du monde, presque toutes les nations se trouvent placées devant le choix entre deux modes de vie. Et trop souvent ce choix n’est pas un libre choix. L’un de ces modes de vie est basé sur la volonté de la majorité. Ses principaux caractères sont des institutions libres, des gouvernements représentatifs, des élections libres, des garanties données à la liberté individuelle, à la liberté de parole et du culte et à l’ absence de toute oppression politique. Le second mode de vie est basé sur la volonté d’une minorité imposée à la majorité. Il s’ appuie sur la terreur et l’oppression, sur une radio et une presse contrôlées, sur des élections dirigées et sur la suppression de la liberté personnelle. Je crois que les États-Unis doivent pratiquer une politique d’ aide aux peuples libres qui résistent actuellement aux manœuvres de certaines minorités armées ou à la pression extérieure. Je crois que notre aide doit se manifester en tout premier lieu sous la forme d’une assistance économique et financière [...]. En aidant les nations libres et indépendantes à maintenir leur liberté, les États-Unis mettront en œuvre les principes de la Charte des Nations unies. [...] Les germes des régimes totalitaires sont nourris par la misère et le besoin. Ils se répandent et grandissent dans la mauvaise terre de la pauvreté et de la guerre civile. Ils parviennent à maturité lorsqu’un peuple voit mourir l’espoir qu’il avait mis en une vie meilleure. Nous devons faire en sorte que cet espoir demeure vivant. Harry Truman, déclaration au Congrès, 12 mars 1947. Document 2 (voir le doc 2 p. 86 du manuel) George W. Bush réagit aux attentats du 11 septembre 2001 Les attaques délibérées et meurtrières qui ont été perpétrées contre notre pays étaient plus que des actes de terrorisme, c’étaient des actes de guerre. Elles requièrent que notre pays s’unisse avec une détermination et une résolution sans faille. Ce sont la liberté et la démocratie qui ont été attaquées. Le peuple américain doit savoir que nous faisons face à un ennemi différent de tous ceux qui nous ont combattus. Il se cache dans l’ombre et n’ a aucun respect pour la vie humaine. Il s’en prend aux innocents et à ceux qui ne se doutent de rien avant de prendre la fuite. Mais il ne parviendra pas à se cacher pour toujours […]. Il pense que ses caches sont sûres, mais elles ne le resteront pas. Cet ennemi n’ a pas seulement attaqué notre peuple, mais tous les peuples épris de liberté à travers le monde. Les États-Unis utiliseront toutes les ressources à leur disposition pour le vaincre. Nous rallierons le monde derrière nous. Nous serons patients et déterminés. Cette bataille sera longue et nécessitera une résolution sans faille. Mais, n’ ayez aucun doute, nous l’emporterons. L’ Amérique continue à aller de l’ avant et nous devons continuer de rester vigilants envers les menaces contre notre pays. Nous ne permettrons pas à l’ennemi de gagner cette guerre en nous forçant à changer notre manière de vivre ou en limitant nos libertés. Je veux remercier les membres du Congrès pour leur unité et leur soutien. L’ Amérique est unie. Les pays épris de liberté sont à nos côtés. Ce sera un combat monumental du Bien contre le Mal. Mais le Bien l’emportera. Merci. George W. Bush, discours à la suite de la réunion de son Conseil de sécurité, 12 septembre 2001. 124 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du BAC blanc chapitre 3 Les deux documents sont des textes séparés par cinquante-quatre ans d’écart. Le premier est la déclaration du président américain Truman, un démocrate, devant le Congrès le 12 mars 1947. Il y expose sa doctrine du containment dans un contexte de début de guerre froide marqué par les premiers affrontements entre l’Amérique et l’URSS. Le deuxième est un discours de George W. Bush, président républicain, prononcé à la suite de la réunion de son Conseil de sécurité, le 12 septembre 2001, aux lendemains des attentats perpétrés par l’organisation terroriste Al Qaïda contre le World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington. • Présenter les documents et annoncer le plan induit par la consigne. Nous verrons, en confrontant les deux documents, ce qu’ils montrent de la vision américaine du monde entre 1945 et aujourd’hui en tentant de souligner les continuités. • Les deux documents nous offrent tout d’abord une même vision du monde : un monde partagé en deux camps antagonistes, l’un caractérisé par la liberté, le deuxième par la terreur. Dans le document 1, le président Truman oppose deux modes de vie. Le premier est caractérisé par « des institutions libres, des gouvernements représentatifs, des élections libres, … ». Il fait ici référence au mode de vie américain. Le deuxième est défini par « la terreur et l’oppression » et « la suppression de la liberté personnelle ». Il désigne ici le mode de vie communiste. Cette vision manichéenne est reprise plus de cinquante ans plus tard par le président George W. Bush qui oppose « le Bien », à savoir « les peuples épris de liberté », au « Mal », qui évoque ici l’ennemi terroriste, responsable des attentats du 11 septembre. • Les deux textes se rejoignent également sur la mission que les deux présidents confient à leur pays. Truman, en 1947, la définit ainsi : « Je crois que les États-Unis doivent pratiquer une politique d’aide aux peuples libres qui résistent /…/ aux manœuvres de certaines minorités armées ou à la pression extérieure ». Il fixe ici le fondement de la politique américaine à venir : prendre la tête du monde libre pour lutter contre l’expansion communiste à travers le monde. Cette mission de leader du monde libre est réaffirmée par le président G. W. Bush, dans un tout autre contexte, celui de l’après-guerre froide et de l’émergence de nouvelles formes de conflits. Ainsi, il affirme : « Cet ennemi n’a pas seulement attaqué notre peuple, mais tous les peuples épris de liberté à travers le monde », ajoutant « nous rallierons le monde derrière nous ». La confrontation de ces deux textes permet donc d’insister sur les continuités de la vision américaine du monde. Si l’ennemi a changé, les arguments demeurent les mêmes de 1945 à aujourd’hui. Il est d’ailleurs intéressant de noter que cette vision du monde se retrouve par delà les divergences politiques, les deux présidents n’appartenant pas à la même famille de pensée. • © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Argumenter en vous appuyant sur les textes. Conclure en ouvrant sur les divergences politiques des deux protagonistes qui n’apparaissent pas dans ces textes. 125 Bac blanc chapitre 7 SUJET ● Analyse de deux documents Vous expliquerez dans quelles mesures ces documents rendent comptent du fonctionnement et des limites de la gouvernance européenne. Document 1 (voir le doc 2 p. 206 du manuel) Différentes réactions à l’adoption d’une directive européenne La directive dite « retour » adoptée en 2008, concerne le renvoi dans leur pays d’immigrés entrés illégalement dans les territoires des États membres de l’UE. Conseil européen Dragutin Mate, ministre de l’Intérieur de Slovénie, a ouvert le débat au nom de la Présidence en exercice du Conseil, soulignant que la directive «retour» était le premier acte législatif du Conseil et du Parlement relatif à l’immigration. Il a rappelé que seuls 10 États membres prévoient une durée de rétention inférieure ou égale à 6 mois. « Tous les autres pays vont devoir s’ adapter », a-t-il ajouté. Selon lui, il s’ agit là d’un progrès considérable, « on harmonise les normes ». En effet, auparavant, chaque pays avait sa propre législation. Commission européenne Le Commissaire européen Jacques Barrot, […] a affirmé que la Commission, chargée de surveiller la mise en œuvre de la directive, fera en sorte que les principes fondamentaux de la Convention européenne des Droits de l’homme et de la Déclaration des Nations unies sur les Droits de l’homme soient pleinement respectés. [...] Groupes politiques du Parlement Pour le groupe UEN1, Andrzej Tomasz Zapalowski (Pologne) a apporté son soutien à la directive : « Nous devons lutter contre ce qui porte atteinte à l’identité de notre continent en termes de culture et de valeurs familiales ». « Cette directive est une honte, une insulte à la civilisation européenne », s’est exclamé Giusto Catania (GUE2, Italie). […] Il a fustigé la dictature du Conseil. « Des dizaines de milliers de personnes meurent en mer et, avec cette directive, nous devenons complices de ce crime intolérable, nous allons faire de la mer Méditerranée un cimetière », a-t-il conclu. Pour Patrick Gaubert (PPE-DE3, France), ce texte offre des garanties de retour dans un plus grand respect des droits. Ce texte a été qualifié de « directive de la honte, à tort, car il apporte de nouvelles garanties. Il s’ agit d’une avancée par rapport à ce qui existe aujourd’hui, où chaque État membre fait ce qu’il veut et certains, de manière inacceptable », a-t-il conclu. Source : site du Parlement européen. 1. UEN : Union pour l’Europe des nations, groupe politique nationaliste et conservateur. 2. GUE : Gauche unitaire européenne, groupe politique communiste et antilibéral. 3. PPE-DE : Parti populaire européen, groupe politique de droite. Document 2 (voir le doc 3 p. 203 du manuel) Les résultats aux élections européennes depuis 1994 126 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Corrigé du BAC blanc chapitre 7 Ces deux documents nous éclairent sur les acteurs et la vie politique au sein de l’Union européenne. Le document 1 est un texte qui évoque l’adoption d’une directive (loi européenne) concernant l’immigration dans l’Union. Il rend compte du processus complexe de prise de décisions en donnant les positions et le rôle des principales institutions européennes. Le graphique (doc. 2) donne les résultats aux élections européennes. Les sources de ces deux documents sont sûres car issues d’institutions publiques (UE et Documentation française). Dans quelles mesures ces deux documents témoignent-ils du fonctionnement et des limites de la gouvernance européenne ? Comment se prennent les décisions et avec quelles difficultés ? • 1. Les principaux acteurs de la gouvernance européenne et leurs rôles respectifs dans la prise des décisions. Doc 1 : Le Conseil européen ; constitué des chefs d’États et de gouvernement, ce conseil a pour vocation de donner les grandes orientations de la politique européenne. Il est présidé à tour de rôle pendant 6 mois par un des États membres (ici la Slovénie) et depuis le traité de Lisbonne par un président permanent (Herman Van Rompuy). Ce texte rend compte d’un des objectifs de l’Union : « harmoniser les normes », mettre en place des législations communes. Cette institution est intergouvernementale, chaque État membre cherche à protéger ses intérêts tout en recherchant le renforcement des politiques communes. Introduction rédigée Il faut s’interroger sur le degré d’objectivité des documents en analysant les auteurs ou la source des documents. Plan détaillé Doc. 1 : La Commission européenne chargée de formuler puis d’exécuter les directives et règlements à la demande du Conseil ou du Parlement européens. Cette institution supranationale a pour vocation de créer une harmonisation accrue des politiques européennes. Elle est constituée d’un commissaire par pays membre chargé d’un dossier spécifique. Jacques Barrot est en charge de l’application de la directive « retour ». Il doit s’assurer qu’elle respecte les valeurs et les principes politiques fondamentaux reconnus par l’UE. Doc. 1 et 2 : Les partis politiques du Parlement européen. Cette institution supranationale est chargée de voter les directives conjointement avec le Conseil européen. Chaque pays membre dispose d’un nombre de voix (Conseil) et d’élus (Parlement) proportionnels à son poids démographique. On constate, qu’à l’image de la vie politique démocratique des États, il existe des divergences politiques sur l’adoption des directives et qu’elles entraînent des débats. Ici, le GUE est opposé à la directive dite « retour » alors que l’UEN ou le PPE y sont favorables. L’adoption d’une directive « ordinaire » se fait à la majorité qualifiée. Doc. 2 : Les citoyens sont des acteurs de la vie politique et de la gouvernance européenne. Ils nomment directement les députés européens et indirectement les membres du Conseil européen à l’occasion des élections nationales. 2. Les limites de la gouvernance européenne Doc. 1 : Les directives sont le fruit systématique d’un compromis entre les différents acteurs du système complexe du triangle décisionnel. Ce processus prend du temps et pour devenir véritablement effectif, doit être adopté par les Parlements nationaux des États membres et traduit dans la législation de chacun d’entre eux. On constate par exemple que pour la directive « retour », 14 États devront adapter leur législation. Cette adaptation engendre des oppositions internes dans les partis politiques, les syndicats ou les groupes de pression (lobby). Il faut appuyer vos analyses des documents par un apport de connaissances. Doc. 2 : On constate une forte désaffection de l’opinion vis-à-vis de l’UE qui se traduit par une abstention très élevée (50% en moyenne) et en croissance régulière. L’opinion publique reproche à l’UE la complexité de ses institutions, le déficit de démocratie (les institutions gardant l’essentiel du pouvoir comme la Commission ou le Conseil ne sont pas élues au suffrage universel direct) et le manque de mesures sociales. Doc. 2 : Cette désaffection se traduit par l’existence et le succès grandissant des partis dit « eurosceptiques » qui souhaitent limiter au maximum l’intégration politique européenne. Ces documents témoignent du compromis institutionnel de la gouvernance européenne. Toute décision est le fruit d’un fragile consensus et doit ménager l’équilibre entre un respect des intérêts des États (courant souverainiste et eurosceptique, institutions intergouvernementales) et des aspirations à une Europe toujours plus intégrée et s’orientant vers un État fédéral (courant europhile et institutions supranationales). © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Conclusion 127 L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France Dates clés Événements 1940 : Appel du 18 juin par de Gaulle depuis Londres. 1943 : Création du Conseil national de la Résistance (CNR) présidé par Jean Moulin. 1944 : Unification des mouvements de la Résistance intérieure dans les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). 1944 : Libération du territoire français. 27 janvier 1945 : Libération du camp d’Auschwitz. 1964 : Transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. 1978 : Diffusion du négationnisme. 1987 : Condamnation de K. Barbie pour crimes contre l’humanité. 1995 : J. Chirac reconnaît la responsabilité de l’État dans les crimes de Vichy. 1998 : Procès Papon. 2005 : Mémorial de la Shoah à Paris. 2014 : Transfert de quatre résistants au Panthéon. Ouvrages 1956 : R. Aron, Histoire de Vichy. 1973 : R. Paxton, La France de Vichy. 1985 : R. Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe. 1987 : H. Rousso, Le Syndrome de Vichy (1944-198…). 1990 : P. Laborie, L’Opinion publique sous Vichy. 1994 : P. Péan, Une Jeunesse française. Périodes Films 1960 : Inauguration du mémorial de la France combattante. 1939-1945 : Seconde Guerre mondiale. 1946 : R. Clément, La Bataille du rail. 1944-1945 : Épurations. 1956 : A. Resnais, Nuit et brouillard. 1961 : Procès d’Adolf Eichmann en Israël. 1951-1953 : Lois d’amnistie pour les collaborateurs. 1969 : M. Ophüls, Le Chagrin et la Pitié. Justes parmi les nations : Titre décerné par le mémorial Yad Vashem, au nom de l’État d’Israël, en l’honneur de ceux qui ont risqué leur vie pour sauver des Juifs de la Shoah. 1987 pour qualifier l’idée d’une France unanimement résistante. 1945 : Procès de Pétain et Laval. 1985 : C. Lanzmann, Shoah. Mots clés Collaborateurs : Les Français qui participent activement au régime de Vichy et/ou qui soutiennent l’Allemagne nazie. Collaborationniste : Néologisme créé par l’historien J.-P. Azéma pour désigner les politiques, militaires et intellectuels qui prônent l’instauration d’un régime fasciste ou nazi en France, et qui sont favorables à la victoire de l’Allemagne. Crimes contre l’humanité : Depuis 1964 en France, ces crimes planifiés et réalisés contre des populations civiles sont imprescriptibles. Épuration : Répression sauvage ou légale contre ceux qui ont collaboré avec l’Allemagne nazie. 128 Malgré-Nous : Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans l’armée allemande. Mémoire : Présence sélective, souvent plurielle et conflictuelle, des souvenirs du passé dans une société. Négationnisme : Position niant l’existence du génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Depuis la loi Gayssot (1990), exprimer une telle opinion est un délit. Résistancialisme : Néologisme formé par l’historien Henry Rousso en Témoin : Terme utilisé à partir des années 1980 pour qualifier les survivants de la Shoah dans la lutte contre le négationnisme et pour l’enseignement de la déportation et du génocide. Thèse du glaive et du bouclier : Thèse développée par le journaliste Robert Aron en 1954 selon laquelle Pétain cherchait à protéger les Français pour préparer la libération armée par de Gaulle. Vichysto-résistant : Néologisme inventé par l’historien D. Peschanski pour qualifier ceux qui participent à la Résistance tout en étant attachés aux idées de Vichy. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Schéma à retenir SECONDE GUERRE MONDIALE Des hommes Des témoignages Des États Des archives construisent alimentent années 19401970 Une mémoire résistancialiste peuvent contredire Des publications historiques (Paxton, Laborie, Rousso...) peuvent s’opposer années 19702010 influencent Une mémoire plurielle et officielle La construction de la mémoire La démarche de l’historien Schéma à compléter La construction de la mémoire La démarche de l’historien © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 129 L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie Dates clés Événements 1945 : Émeutes de Sétif et Guelma. 1954 : Défaite de Dien Bien Phû (Indochine). Toussaint sanglante (Algérie). 1956 : L’Assemblée nationale française vote les « pouvoirs spéciaux » en Algérie. Combats entre le FLN et le MNA. 1957 : Bataille d’Alger. 1961 : Putsch des généraux. Création de l’OAS. 17 octobre 1961 : Répression policière d’une manifestation pro-FLN à Paris. 1962 : Accords d’Évian (fin de la guerre). Victoire du FLN sur le MNA. Massacre de harkis par le FLN. 8 février 1962 : Répression policière d’une manifestation anti-OAS à Paris. 3 juillet 1962 : Indépendance de l’Algérie. 1992 : Ouverture partielle des archives de l’État en France. 1999 : Reconnaissance de la guerre d’Algérie par la France. 2002 : Mémorial de la guerre d’Algérie à Paris. 2005 : Vote par le Parlement français d’une loi sur le rôle positif de la colonisation. Journées commémoratives en France : 25 septembre : Journée nationale pour le sacrifice des harkis (depuis 2003). 5 décembre : Journée des morts pour la France en Algérie (depuis 2003). 19 mars : Journée nationale à la mémoire des victimes civiles et militaires d’Afrique du Nord (depuis 2012). Périodes 1830-1954 : Époque coloniale : l’Algérie française. 1954-1962 : La guerre d’Algérie. Ouvrages 1972 : Pierre Vidal-Naquet, La Torture dans la République. 1991 : Benjamin Stora, La Gangrène et l’oubli. 2001 : Raphaëlle Branche, La Torture et l’armée. Films 1966 : Gillo Pontecorvo, La Bataille d’Alger. 1992 : Bertrand Tavernier, La Guerre sans nom. 1982 : Mémorial du martyr à Alger en mémoire des morts de la guerre « d’indépendance ». Mots clés Décolonisation : Processus par lequel un territoire colonisé devient un État souverain. FLN : Front de Libération Nationale algérien. Mouvement politique et militaire fondé en 1954 pour obtenir l’indépendance. Devenu parti politique en 1962, il est parti unique de 1965 à 1991 et impose en Algérie une mémoire officielle de la guerre. 130 Harki : Soldat algérien engagé dans l’armée française. Mémoire : Présence sélective, souvent plurielle et conflictuelle, des souvenirs du passé dans une société. Nostalgérie : Nostalgie de l’Algérie française, néologisme forgé par le philosophe Jacques Derrida (contraction de « nostalgie » et « Algérie »). Pied-noir : Européen d’Afrique du Nord émigré depuis plusieurs générations et rapatrié après l’indépendance de l’Algérie. Porteur de mémoire : Témoin ou acteur d’un événement traumatisant, qui cherche la reconnaissance de sa souffrance et la défense de ses intérêts. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Schéma à retenir GUERRE D’ALGÉRIE Des porteurs de mémoire Des témoignages Des États Des archives construisent alimentent Une mémoire collective L’histoire Des souvenirs subjectifs Une démarche objective = = fabriquent produit Des mémoires plurielles, conflictuelles et officielles d’État influencent La construction de la mémoire Des publications historiques (R. Branche, B. Stora...) La démarche de l’historien Schéma à compléter La construction de la mémoire La démarche de l’historien © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 131 Les États-Unis et le monde depuis 1945 Dates clés Événements 1955 : Conférence de Bandung, naissance du tiers-monde politique. 1941 : Charte de l’Atlantique. 1944 : Conférence de Bretton Woods (juillet). 1945 : Conférence de Yalta (février), de San Francisco (juin) et de Potsdam (juillet-août). Création de l’ONU. Capitulations de l’Allemagne et du Japon. 1958 : Fondation de la NASA. Octobre 1962 : Crise de Cuba. 1969 : Neil Armstrong, premier homme sur la Lune. 1971 : Fin de la convertibilité du dollar en or. 6 et 9 août 1945 : Explosion d’une bombe atomique sur Hiroshima puis sur Nagasaki. 1972 : Invention de l’Internet. 1946 : À Fulton, Churchill dénonce un « rideau de fer » soviétique tombé sur l’Europe de l’Est. 1991 : Guerre du Golfe. Dissolution de l’URSS. 1947 : Doctrine Truman. Plan Marshall. 1949 : Pacte atlantique. 1950 : Création de l’OTAN. 1973 : Conférence d’Alger, condamnation de l’impérialisme américain. 11 septembre 2001 : Des attentats terroristes atteignent New York puis Washington et la Pennsylvanie. 2001 : Intervention internationale contre les Talibans en Afghanistan. 2003 : Renversement du régime de Saddam Hussein en Irak. 2007 : Crise financière. Périodes 1947-1991 : Guerre froide. 1950-1953 : Guerre de Corée. 1995 : Accords de Dayton. 1964-1975 : Guerre du Vietnam. 1998 et 2000 : Premiers attentats antiaméricains d’Al-Qaïda (Kenya,Tanzanie et Yémen). 2003-2011 : Guerre en Irak. Hyperpuissance : Terme inventé par le ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine. Il rend compte de l’exceptionnelle avance prise par les États-Unis sur les autres pays au lendemain de la guerre froide. Space power : Capacité à mener des opérations spatiales, à assurer une alerte antimissile, à maîtriser militairement l’espace extra-atmosphérique. Mots clés Containment : Endiguement en français. Politique officielle des États-Unis à partir de 1947 pour faire barrage à l’essor du communisme. Cyberespace : Réseau électronique virtuel dans lequel circulent l’ensemble des communications électroniques, comme le web. Enlargement : ou doctrine Clinton. Elle consiste à promouvoir dans le monde l’économie de marché, la démocratie et le respect des droits de l’homme. Guerre froide : Expression popularisée par le journaliste américain Walter Lippmann en 1947. Elle synthétise l’impossibilité d’affrontement entre ÉtatsUnis et URSS, deux nations nucléaires. 132 Multilatéralisme : Attitude politique et militaire d’un groupe d’États puissants qui coopèrent afin de faire respecter le droit international. Plan Marshall : Programme d’aide à la reconstruction des pays européens, proposé par le secrétaire d’État George Marshall en 1947. Il leur octroie des crédits et la fourniture de matériels et d’experts. Soft power : Capacité d’un pays à séduire et à attirer. Tiers-monde : Expression créée en 1952 par l’économiste Alfred Sauvy pour qualifier les pays ou territoires qui ne sont pas membres d’un des deux blocs de la guerre froide. UEO : Union de l’Europe occidentale. Signée en 1954, elle facilite le réarmement de la RFA et son entrée dans l’Alliance atlantique. Unilatéralisme : Politique étrangère d’un État qui refuse toute concertation avec ses alliés ou avec la communauté internationale. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Schéma à retenir 1945-1947 : reconstruire un monde libre GRANDE ALLIANCE (URSS, États-Unis et Royaume-Uni) Assurer la sécurité collective Maintenir la paix 1947-1991 : endiguer le communisme Être leader du bloc de l’Ouest GUERRE FROIDE (monde bipolaire) Développer la puissance militaire Depuis 1991 : agir sans rivaux globaux ? UN « NOUVEL ORDRE MONDIAL » Assurer la sécurité politique et économique Lutter contre de nouvelles menaces Schéma à compléter 1945-1947 : reconstruire un monde libre 1947-1991 : endiguer le communisme Depuis 1991 : agir sans rivaux globaux ? © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 133 La Chine et le monde depuis 1949 Dates clés Événements Périodes 1949 : Mao Zedong prend le pouvoir. Proclamation de la République populaire de Chine (RPC). 1978 : Quatre modernisations. 1950-1953 : Guerre de Corée. 1979 : Guerre frontalière entre la Chine et le Vietnam. 1966-1976 : Révolution culturelle (10 à 60 millions de morts). 1958 : Grand Bond en avant (plus de 50 millions de victimes). 1989 : Répression des manifestations de Tian’anmen. 1960 : Rupture avec l’URSS. 2001 : Entrée de la Chine à l’OMC. 1971 : Entrée de la RPC à l’ONU. 2008 : JO de Pékin. 1972 : Visite du président américain Nixon. 2010 : Deuxième puissance économique mondiale. Liu Xiaobo empêché de recevoir le prix Nobel de la paix. 1976 : Mort de Mao Zedong. Mots clés Coexistence pacifique : Doctrine de la politique extérieure soviétique. Elle consiste à entretenir des relations pacifiées avec le bloc de l’Ouest. Grand Bond en avant : Politique de développement lancée en 1958. Elle repose sur la mobilisation des masses dans des « communes populaires » pour le travail. Quatre modernisations : Programme de réformes économiques marquant l’entrée de la Chine dans la voie du libéralisme. 134 Révolution culturelle : Politique officielle de la Chine lancée par Mao en 1966 contre les élites en place. Elle dure jusqu’à sa mort en 1976 et fait 10 à 60 millions de victimes directes. Socialisme de marché : Expression de Deng Xiaoping, réunissant le libéralisme économique et l’absence de libéralisme politique. Troisième voie : Recherche d’une voie alternative à celle de l’URSS et des États-Unis pendant la guerre froide pour fonder un bloc de « non-alignés ». ZES : Zone économique spéciale. Il s’agit d’une zone franche aux dispositions fiscales favorables à l’installation d’industries à vocation exportatrice. La première ouvre en 1980. Soft power : Capacité d’un pays à séduire et à attirer. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Schéma à retenir L’ouverture au monde La Chine maoïste Diaspora Europe occidentale OMC URSS tension frontalière séduit une partie de la jeunesse CHINE • Puissance nucléaire • Révolution culturelle intègre tension frontalière Japon investit CHINE tension frontalière Ouverture économique investit propose une troisième voie Inde investit Tiers-monde Asie du Sud et de l’Est Amérique latine et Afrique Schéma à compléter La Chine maoïste L’ouverture au monde © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 135 Proche et Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis 1945 Dates clés Événements Périodes Novembre 1917 : Déclaration Balfour. Le Royaume-Uni soutient l’idée d’un foyer national juif en Palestine. 1978 : Accords de Camp-David. Novembre 1947 : Plan de partage de la Palestine par l’ONU. 1991 : Guerre du Golfe. 1947-1949 : Première guerre israéloarabe. 1993 : Accords d’Oslo. 29 oct.-6 nov. 1956 : Crise de Suez. 14 mai 1948 : David Ben Gourion annonce la création de l’État israélien. 1995 : Assassinat d’Ytzhak Rabin. 5-10 juin 1967 : Guerre des Six Jours. 2000 : Début de la seconde Intifada. 6-24 octobre 1973 : Guerre du Kippour. 2001 : Attentats d’Al-Qaïda sur New York et Washington. 1980-1988 : Guerre Iran-Irak. 1956 : Nationalisation du canal de Suez. Intervention franco-anglo-israélienne. 1979 : Révolution en Iran. Deuxième choc pétrolier. 1960 : Création de l’OPEP par l’Iran, l’Irak, l’Arabie Saoudite, le Koweït et le Venezuela. 2003 : Troisième choc pétrolier. 1964 : Création de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine). 2011 : Début du printemps arabe. 1973 : Premier choc pétrolier. 2006 : Le Hamas contrôle la bande de Gaza après le retrait israélien. 1941-1944 : Génocide des Juifs d’Europe (Shoah). 6 juin 1982-17 mai 1983 : Intervention militaire au Liban. 2003-2011 : Guerre en Irak. 2012 : L’Autorité palestinienne devient État observateur à l’ONU. Mots clés Alya : Vague organisée ou spontanée d’immigration de Juifs en Palestine, puis après 1948 en Israël. Intifada : « Guerre des pierres ». Soulèvement palestinien dans les territoires occupés par Israël. Ayatollah : Membre le plus élevé du clergé chiite. Islamisme : Idéologie politique qui prend sa source dans une interprétation radicale de l’islam et vise à établir les textes sacrés comme seule source du droit. Fatwa : Condamnation prononcée par une autorité religieuse musulmane. Hamas : Mouvement terroriste et parti politique islamiste sunnite né en 1987, soutenu par l’Arabie Saoudite. Il prône la destruction d’Israël. Hezbollah : « Parti de Dieu ». Mouvement terroriste et parti politique islamiste chiite soutenu par l’Iran, né en 1982. 136 Multilatéralisme : Attitude politique et militaire d’un groupe d’États puissants qui coopèrent afin de faire respecter le droit international. Naqba : « La catastrophe ». Nom donné par les Palestiniens au départ volontaire ou forcé de 700 000 Arabes dans l’année qui suit la proclamation de l’État d’Israël. OPEP : Organisation des pays exportateurs de pétrole créée en 1960. Elle a pour but d’affaiblir l’influence des compagnies pétrolières occidentales et de fixer les quotas de production – et donc les prix – du pétrole et du gaz. Panarabisme : Mouvement politique qui vise à l’unité de tous les Arabes. Sionisme : Idéologie née à la fin du xixe siècle, des écrits deTheodor Herzl, qui cherche à regrouper les Juifs dans un État protecteur. Unilatéralisme : Politique étrangère d’un État qui refuse toute concertation avec ses alliés ou avec la communauté internationale. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Schéma à retenir 1948-1991 Principal espace de production d’hydrocarbures L’ORIENT ENJEU DE LA GUERRE FROIDE Bipolarisation du Moyen-Orient Fondation de l’État d’Israël (1948) Guerres israélo-arabes Développement de l’islamisme Depuis 1991 Interventions militaires internationales et/ou américaines UN ESPACE ESSENTIEL POUR L’ÉQUILIBRE MONDIAL Progression de l’islamisme Troubles révolutionnaires (printemps arabe) Schéma à compléter 1948-1991 Depuis 1991 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 137 Gouverner la France depuis 1946 Dates clés Événements 1967 : Émeutes en Guadeloupe. 1968 : Crise de mai. 1945 : ENA ; Sécurité sociale. Janvier 1946 : Création d’un Commissariat général au Plan dirigé par Jean Monnet. 1982 : Lois Defferre (décentralisation). 1990 : Contribution sociale généralisée (CSG). 2003 : Réforme constitutionnelle renforçant l’autonomie des COM. 2005 : Majorité de « non » au référendum sur la Constitution européenne. 2007 : Révision générale des politiques publiques (RGPP). 1946 : Statut de la fonction publique. Création de l’Union française. 1992 : Traité de Maastricht (Union européenne ; projet de monnaie unique). Printemps 1948 : Arrivée des premiers crédits du plan Marshall. 1997 : Interdiction de la culture des OGM en France. 1949 : Fin du rationnement alimentaire. 1999 : Couverture maladie universelle (CMU). 1958 : Début de la Ve République. 1962 : Élection du président au suffrage universel direct. 2001 : Loi Taubira. Reconnaissance des traites et des esclavages comme crime contre l’humanité. 1944-1946 : Nationalisations. 1963 : Création de la DATAR. 2002 : Mise en circulation de l’euro. 1986-1988 : Privatisations. des pouvoirs publics dans la vie économique d’un pays. parties du monde. Il s’accompagne d’une intégration économique de plus en plus forte à l’échelle de la planète. 2011 : Mayotte devient le 101e département français, le 5e d’outre-mer. 2013 : Interdiction de l’exploitation du gaz de schiste. Périodes 1946-1958 : IVe République. Mots clés État : Organisation qui assure la direction politique et administrative d’une nation. L’État tire sa légitimité de la souveraineté nationale qui appartient aux citoyens et qui s’exprime par le vote. État providence : Régulation par l’État des inégalités par prélèvement et redistribution des richesses auprès de la population. Jacobinisme : Idéologie politique qui défend l’idée d’un État fort et centralisé capable d’appliquer à l’ensemble du territoire la même politique au nom de l’égalité. Nom qui vient du « club des jacobins », groupe de députés révolutionnaire de 1789. Gouvernance : Terme utilisé pour qualifier la recherche d’un mode de gestion efficace d’un territoire par plusieurs acteurs, à différentes échelles (mondiale, continentale, nationale, locale). Keynésianisme : Théorie économique inspirée des théories de John Maynard Keynes (1883-1946) selon laquelle l’action de l’État dans l’économie et la politique monétaire est nécessaire pour soutenir la croissance économique. Interventionnisme : Doctrine politique préconisant une intervention Mondialisation : Processus d’accélération des échanges entre toutes les 138 Néolibéralisme : Doctrine économique, élaborée dans les années 1970 et 1980, prônant une limitation du rôle économique de l’État. Plan Marshall : Programme d’aide à la reconstruction des pays européens, proposé par le secrétaire d’État George Marshall en 1947. Il leur octroie des crédits et la fourniture d’experts et de matériel. Rigueur : Politique de l’État qui consiste à limiter les dépenses publiques pour réduire le déficit budgétaire. Elle révèle l’affaiblissement des moyens d’action de l’État. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Schéma à retenir Depuis 1945 Depuis les années 1980 DE GRANDS ENJEUX DE NOUVEAUX ENJEUX Politiques Économiques Sociaux L’ÉTAT RENFORCÉ Sécurité sociale, ... ENA, DATAR, ... L’État entrepreneur Économiques Sociaux L’ÉTAT EN MUTATION L’État providence L’État centralisateur Politiques Souveraineté partagée Déréglementation RGPP/MAP Mesures néolibérales Décentralisation Union européenne Désengagement Privatisations Mesures néolibérales Concorde, TGV, ... Schéma à compléter Depuis 1945 Depuis les années 1980 © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 139 Une gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht Dates clés Événements États membres 1951 : CECA. 2002 : Mise en circulation de l’euro. 1957 : 6 États fondateurs : Allemagne (RFA), Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas. 2003 : Division de l’UE sur l’intervention en Irak. 1973 : 9 États (+ Danemark, Irlande, Royaume-Uni). 2005 : Rejet du traité constitutionnel européen (France - Pays-Bas). 1981 : 10 États (+ Grèce). 2007 : Traité de Lisbonne (réforme de la gouvernance). 1995 : 15 États (+ Autriche, Finlande, Suède). 1995 : Massacre de Srebrenica (guerre en ex-Yougoslavie). 2009 : Nomination d’un haut représentant de l’Union (traité de Lisbonne). 1997 : Traité d’Amsterdam (espace Schengen). 2012 : L’UE, prix Nobel de la paix. 2004 : 25 États (+ Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Slovénie). 1957 : Traités de Rome (création de la CEE). 1990 : Réunification de l’Allemagne. 1992 : Traité de Maastricht (création de l’UE). 1993 : Entrée en vigueur de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC). 2001 : Traité de Nice (charte des droits fondamentaux). 1986 : 12 États (+ Espagne, Portugal). 2007 : 27 États (+ Bulgarie, Roumanie). 2013 : 28 États (+ Croatie). Mots clés Approfondissement : Augmentation du nombre et de l’intensité des politiques communes menées par plusieurs États. Les frontières intérieures y sont ouvertes, police, justice et douanes y collaborent. La frontière extérieure est commune. Directive : Texte réglementaire, émis par la Commission, pour harmoniser les politiques des États membres, suivant les lois européennes et les volontés du Conseil européen. Euroscepticisme : Mouvement d’opinion critique vis-à-vis du principe ou du fonctionnement des institutions européennes. Élargissement : Entrée d’un nouvel État membre dans l’Union européenne. Ce nouvel État peut alors se voir accorder le droit d’adhérer à une ou plusieurs formes d’intégration (économique, douanière, militaire, etc.). Espace Schengen : Espace de libre circulation des hommes, de sécurité et de justice commune au sein de la quasi-totalité des États de l’UE et des États associés (Islande, Norvège, Suisse). 140 Fédéralisme : Partisan de la formation d’États-Unis d’Europe où le pouvoir des États membres est délégué à un gouvernement européen. Gouvernance :Terme utilisé pour qualifier la recherche d’un mode de gestion efficace d’un territoire par plusieurs acteurs, à différentes échelles (mondiale, continentale, nationale, locale). Intégration : Mode de collaboration entre plusieurs États membres de l’UE. Elle peut être économique (euro), douanière (espace Schengen), militaire (Eurocorps), etc. Lobby : Structure créée pour défendre ou représenter les intérêts d’un groupe, en fournissant aux décideurs politiques des informations sur leur secteur d’activité. Ce groupe peut être composé d’entreprises, d’associations, de citoyens, etc. Majorité qualifiée : Procédure de vote selon laquelle les États ne sont pas à égalité, mais voient leurs votes pondérés par le nombre de leurs habitants. Souverainisme : Partisan du maintien de l’indépendance et des pouvoirs souverains des États membres de l’UE. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Schéma à retenir Une gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht (1992) Un processus ancien depuis 1945 Une collaboration plus intense Des élargissements progressifs Des traités successifs Des approfondissements (PESC, UEM...) La gouvernance européenne depuis 1992 : un mode de décision intergouvernemental et supranational Des défis Un espace à géométrie variable Euroscepticisme Divisions internes Crise économique Défense Zone euro Espace Schengen Schéma à compléter Une gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht (1992) © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 141 Une gouvernance économique mondiale depuis le sommet du G6 de 1975 Dates clés 1944 : Conférence de Bretton Woods. 1995 : Création de l’OMC. 2011 : Les BRIC deviennent BRICS. 1947 : Création du GATT. 1998 : G8. 2012 : Adhésion de la Russie à l’OMC. 1971 : Fin de la convertibilité du dollar en or. 1er Forum économique mondial à Davos (Suisse). 2001 : 1er Forum social mondial à Porto Alegre (Brésil). Adhésion de la Chine à l’OMC. 2013 : 159 États membres. Le Brésilien Azevedo est nommé directeur général de l’OMC. 1973 : Premier choc pétrolier. 1975 : Premier sommet du G6. 2007 : Début de la crise financière mondiale. 1976 : Accords de Kingston (Jamaïque). G7. 2008 : Premier sommet du G20 des chefs d’État aux États-Unis. 1979 : 2e choc pétrolier. 2009 : Crise de la dette en Grèce et crise de la zone euro. 1er sommet des BRIC. 1991 : Fin de la guerre froide. Dissolution de l’URSS. Mots clés Altermondialisme : Mouvement politique et économique, organisé à l’échelle mondiale, qui cherche à modifier les règles du commerce mondial. Gouvernance : Terme utilisé pour qualifier la recherche d’un mode de gestion efficace d’un territoire par plusieurs acteurs, à différentes échelles (mondiale, continentale, nationale, locale). Internationalisation : Processus d’accélération des échanges économiques entre plusieurs États. 142 Mondialisation : Processus d’accélération des échanges entre toutes les parties du monde. Il s’accompagne d’une intégration économique de plus en plus forte à l’échelle de la planète. Paradis fiscaux : États ou villes où les habitants et les entreprises bénéficient d’avantages multiples en matière d’impôts et de finance. Néolibéralisme : Doctrine qui prône le libre jeu des forces économiques tout en limitant l’intervention de l’État en matière économique et sociale. Suds : Nom donné à l’ensemble des pays qui ne sont pas encore considérés comme pleinement industrialisés. Pendant la guerre froide, on parlait de « tiers-monde. » OPEP : Organisation des pays exportateurs de pétrole créée en 1960. Elle a pour but d’affaiblir l’influence des compagnies pétrolières occidentales et de fixer les quotas de production – et donc les prix – du pétrole et du gaz. Système de Bretton Woods : Système monétaire international mis en place en 1944 et fondé sur des parités fixes de monnaie déterminées par rapport au dollar, seule monnaie convertible en or. © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur Schéma à retenir De la coopération internationale (années 1970 et années 1980)... ... dans les organisations internationales : • GATT puis OMC • FMI • ONU Les États coopèrent... ... dans les groupes informels de discussion : ... dans les associations régionales : • CEE • ASEAN • G6, G7 • G77 ... à la gouvernance économique mondiale (depuis 1991) ... les organisations internationales : • OMC • FMI • ONU La gouvernance économique mondiale est un processus de décision associant... ... différents États : • dans les groupes informels de discussion (G8, G20, BRICS) • dans les associations régionales (ASEAN, MERCOSUR, UE, ALENA) ... des acteurs non étatiques divergents : • ONG • FTN • Mouvements • Agences altermondialistes de notation Schéma à compléter De la coopération internationale (années 1970 et années 1980)... ... à la gouvernance économique mondiale (depuis 1991) © Magnard, 2014 – Histoire Terminale S – Livre du professeur 143