La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie L’analyse des comportements féconds dans un contexte de maladie rare : l’exemple de la mucoviscidose Gil BELLIS, Marie-Hélène CAZES, Alain PARANT Institut national d’études démographiques (Ined) En Europe, sur 100 000 habitants, approximativement 12 sont malades de la mucoviscidose, 8 sont atteints d’hémophilie et 6 ont la maladie de Huntington. Mucoviscidose, hémophilie, maladie de Huntington sont des affections dites « rares », non parce qu’elles sont peu nombreuses – on estime, actuellement, leur nombre total à près de 7 000 –, mais parce qu'elles ne concernent chacune qu’un nombre restreint de personnes, leur prévalence étant inférieure à 50 pour 100 000. Ces trois affections ont une origine génétique, origine la plus fréquente des maladies rares qui peuvent également avoir une cause infectieuse, auto-immune ou cancéreuse. La mucoviscidose est représentative des maladies à hérédité autosomique récessive : les personnes atteintes sont indifféremment de sexe masculin ou féminin ; la mutation16 responsable de la maladie leur a été transmise à la fois par leur père et par leur mère, ces derniers ne présentant aucun des traits de la pathologie. Pour ce type d’hérédité, la probabilité pour que le couple parental – couple de porteurs sains17 – ait un enfant malade est de 0,25 à chaque conception, les symptômes de la mucoviscidose se manifestant, le plus souvent, durant la première année de vie, voire dès la naissance. L’hémophilie est une maladie récessive liée au chromosome X : seuls les garçons sont atteints, la mutation18 étant transmise par les mères. La probabilité, pour un couple dont la femme est porteuse mais non malade, d’avoir un garçon atteint est de 0,5 à chaque conception masculine, les premières manifestations hémorragiques intervenant généralement durant l’apprentissage de la marche. La maladie de Huntington est typique des maladies à hérédité autosomique dominante : hommes et femmes sont indistinctement touchés ; ils ont reçu une mutation19 transmise par leur père ou par leur mère, le parent concerné étant lui-même malade. La probabilité pour un couple dont un des membres est malade de donner naissance à un enfant atteint est de 0,5 à chaque conception, les troubles de la maladie se manifestant à l’âge adulte, habituellement entre 35 et 60 ans. On retrouve chez nombre de maladies rares des caractéristiques identiques : elles sont souvent graves, chroniques, évolutives et peuvent mettre en jeu le pronostic vital des 16 Le gène en cause est situé sur le chromosome 7, en position 7q31 ; ce gène comporte en fait plus de 1 600 mutations, toutes responsables de la mucoviscidose mais pouvant donner lieu à des formes plus ou moins sévères de la maladie. 17 On estime que les porteurs sains de la mucoviscidose représentent, tous âges confondus, près de 3 % de la population française, sous l’hypothèse d’une population en équilibre de Hardy-Weinberg pour le gène responsable de cette maladie. 18 Sur le chromosome X, la mutation du gène en position Xq28 est responsable de l’hémophile A, la mutation en position Xq27 est responsable de l’hémophilie B. 19 Pour cette maladie, la mutation est celle d’un gène situé sur le chromosome 4, en position 4p16. 22 La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie personnes atteintes ; elles s’accompagnent, dans de nombreux cas, de déficits qui peuvent être sensoriels, moteurs ou mentaux ; en termes de qualité de vie, elles entraînent couramment une restriction des activités de la vie quotidienne, une limitation de la participation sociale et exposent les malades à une certaine vulnérabilité. Force est pourtant de constater que ces maladies rares et les populations qu’elles affectent ne font l’objet, dans leur très grande majorité, que d’une observation statistique très limitée, sinon inexistante, pour des raisons tenant à l’extrême faiblesse du nombre de malades, à une insuffisante contribution des praticiens ou encore à un déficit de coordination entre les différentes parties prenantes. De ce point de vue, la mucoviscidose constitue, en France, une notoire exception. En 1965 fut, en effet, créée une association de malades, parents de malades, médecins, chercheurs et sympathisants (successivement dénommée Association française de lutte contre la mucoviscidose jusqu’en 2000, puis Vaincre la mucoviscidose) qui s’est dotée, depuis 1992, d’une structure – l’Observatoire national de la mucoviscidose (ONM), auquel s’est substitué, en 2006, le Registre français de la mucoviscidose (RFM) – procédant à un recueil annuel de données évolutives médicales, sociales et familiales pour chaque patient consultant dans les centres de soins agréés20. Cette structure a été progressivement enrichie par des enquêtes thématiques complémentaires, dont une enquête « grossesses ». L’existence d’une telle base de données justifie un essai d’analyse des comportements féconds dans le cadre de la mucoviscidose, cette analyse pouvant être envisagée du double point de vue de la population malade et de la population des parents des malades. 1. La fécondité des femmes malades de la mucoviscidose Dans le cadre de l’ONM jusqu’en 2005, comme dans celui du RFM depuis 2006, les questionnaires des enquêtes auprès des malades comportent un item relatif aux grossesses et paternités survenues au cours de l’année. Pour les femmes ayant déclaré un test de grossesse positif, un recueil complémentaire d’informations est réalisé au travers d’un questionnaire thématique. Outre les données d’identification du clinicien et de la patiente, ces informations concernent les circonstances de la grossesse et son issue, ainsi que les modalités de l’éventuel accouchement et quelques caractéristiques de l’enfant né (annexe 1). Les renseignements provenant de ce questionnaire thématique sont appariés à ceux du questionnaire général (ONM ou RFM), puis intégrés à la base de données déjà constituée. 20 Dans le cadre du RFM, le recueil de données s’effectue auprès des malades des 49 centres de soins agréés par le ministère de la Santé par l’intermédiaire de trois questionnaires : un questionnaire d’inclusion (pour les patients dont le diagnostic de mucoviscidose est confirmé cliniquement selon les critères de diagnostic en vigueur et également pour les patients dont le diagnostic de mucoviscidose est douteux et qui seront sortis du registre si le diagnostic est infirmé) ; un questionnaire de mise à jour annuelle (pour les patients en phase de suivi) ; un questionnaire de modification ou d’arrêt de suivi (pour les patients décédés, perdus de vue, émigrés à l’étranger, transférés dans un autre centre de soins et pour les patients dont le diagnostic de mucoviscidose a été éliminé). 23 La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie Les conditions paraissent, en théorie, réunies pour analyser la fécondité de la population malade – féminine, plus particulièrement – et son évolution au fil du temps21. Dans la pratique, cette analyse se révèle malaisée et incertaine. Sur fond de hausse des effectifs de personnes malades, le nombre de paternités et de grossesses déclaré tend lui aussi à augmenter depuis dix ans (tableau 1). Pour se limiter aux déclarations de grossesses enregistrées par l’ONM sur la période 1999-2005 (la seule pour laquelle, à ce jour, une exploitation des fiches grossesses a été réalisée22), il apparaît que cette exploitation a été très irrégulière et partielle : 50 grossesses documentées seulement sur un total de 141 grossesses déclarées sur la période 1999-2005 (soit à peine plus du tiers). Ces lacunes de l’exploitation sont d’autant plus dommageables pour l’analyse de la fécondité qu’une partie des grossesses documentées n’a pas pour issue une naissance vivante : sur les 50 grossesses documentées, une a été volontairement interrompue et 5 se sont terminées par un avortement spontané (fausse couche)23. La mise en rapport des naissances effectives d’une année à la population des patientes en âge de procréer cette année-là induit une série de taux de fécondité générale et de taux par âge très erratique. TABLEAU 1 : PATERNITÉS ET GROSSESSES DÉCLARÉES, NAISSANCES ET POPULATION FÉMININE EN ÂGE DE PROCRÉER (DONNÉES D’OBSERVATION, 1999-2009) Paternités déclarées dans l’année (1) Grossesses déclarées dans l’année (2) – dont grossesses documentées – dont issues naissances vivantes Naissances vivantes de l’année Patientes âgées de 15 à 49 ans Effectifs à l’enquête Effectifs théoriques à la naissance (3) 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 3 10 14 6 17 17 17 17 15 20 21 23 10 10 25 21 27 25 24 33 36 34 12 4 3 9 9 7 6 - - - - 8 3 2 6 3 3 4 - - - - 5 3 3 6 10 7 13 - - - - 639 682 766 868 903 1 034 1 106 1 173 1 214 1 307 1 372 3 203 3 192 3 187 3 181 3 177 3 173 3 167 3 162 3 153 3 142 3 129 (1) Test de paternité positif. (2) Test de grossesse positif. (3) Effectifs calculés en appliquant aux naissances de filles enregistrées en France un taux d’incidence à la naissance de 1/4 34824. Source : ONM, RFM. 21 Les données antérieures à 1999, date à laquelle la gestion de l’ONM et l’analyse de la base de données furent confiées à une équipe de chercheurs de l’Ined, ne seront pas prises en considération ici. Depuis 2008, la gestion du RFM incombe à Vaincre la mucoviscidose mais l’analyse des résultats est toujours confiée à l’Ined. 22 L’exploitation des questionnaires de l’enquête thématique grossesses est assurée par Isabelle Durieu, professeur au centre hospitalier Lyon Sud. 23 8 % des 50 naissances effectives ont résulté d’une procréation médicalement assistée. 24 Anne Munck, Jean-Louis Dhondt, Élise Houssin et Michel Roussey, « Dépistage néonatal de la mucoviscidose, mise en place, implication des laboratoires et résultats nationaux », Revue francophone des laboratoires, 2007, 397, p. 67-72. 24 La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie 2. Mucoviscidose et taille des fratries Dans le contexte de la mucoviscidose, comme dans celui des autres maladies génétiques, c’est le statut biologique de chaque membre du couple parental qui détermine la probabilité d’avoir, à chacune des conceptions, un enfant sain ou un enfant malade. La mucoviscidose étant une maladie récessive, c’est à l’occasion de la présentation des symptômes chez l’enfant atteint – quel que soit le rang de naissance de cet enfant – que se déduit le statut de porteurs sains des deux parents25. Sous réserve d’une connaissance préalable de ce statut, un diagnostic prénatal peut être réalisé afin de déterminer si un enfant à naître sera atteint de la maladie et en présentera les symptômes au cours de sa vie. Dans l’hypothèse d’un diagnostic prénatal défavorable, la mère, sinon le couple, peut décider de mettre un terme à la grossesse par avortement thérapeutique. Une question qui se pose ici est de savoir dans quelle mesure la naissance d’un enfant malade exerce, ou non, un effet sur la probabilité d’agrandissement de la famille. Les modifications apportées aux questionnaires d’enquêtes annuelles lors de la transformation de l’ONM en RFM font que tenter de lever cette interrogation n’est possible que sur la période courant jusqu’en 2005. Le volet « Données sociales » des questionnaires de l’ONM visait en effet à recueillir, pour chaque malade inclus, la taille de sa fratrie, le rang dans sa fratrie, ainsi que le nombre de frères et sœurs (vivants ou décédés) atteints de mucoviscidose, autant d’informations qui ne sont plus désormais collectées (annexe 2). Le tableau 2 donne la répartition des patients présents dans la base ONM en 2005 selon la taille des fratries, quand celle-ci est inférieure à 626. TABLEAU 2 : RÉPARTITION DU NOMBRE DE MALADES PAR FRATRIE SELON LA TAILLE DE LA FRATRIE (DONNÉES D’OBSERVATION, ONM 2005) Enfants atteints dans la fratrie 1 2 3 4 5 Total 1 966 (100) 2 907 (79,1) 240 (20,9) 966 (100) 1 147 (100) Taille de la fratire 3 4 454 (73,3) 120 (53,6) 141 (22,8) 79 (35,3) 24 (3,9) 23 (10,3) 2 (0,9) 619 (100) 224 (100) 5 40 (46,0) 32 (36,8) 13 (14,9) 2 (2,3) 0 (0,0) 87 (100) Note : les pourcentages (entre parenthèses) ne somment pas toujours exactement à 100 du fait des arrondis. Champ : population des patients pour lesquels l’information sur la taille de la fratrie est disponible (3 043/4 744 = 64,1 % de la population de l’ONM en 2005). Cette répartition observée peut être comparée à celle attendue en théorie, compte tenu du mode d’hérédité de la maladie : sur N tirages au sort et si chaque tirage a une probabilité 25 Il pourrait en être autrement si les autorités compétentes décidaient d’instaurer un dépistage systématique des porteurs dans une population. 26 En 2005, 87 patients appartenaient à des fratries de taille 6 ou plus. Cette faiblesse numérique et la nécessité de constituer une classe unique « 6 enfants ou plus » se prêtant mal à une comparaison avec les données résultant de la loi binomiale, ont conduit à l’exclusion des fratries les plus nombreuses. 25 La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie constante p = 1/4 de fournir le résultat A et une probabilité q = 1 − p de fournir le résultat alternatif B , alors la probabilité PN , x d’obtenir x fois le résultat A suit une loi binomiale de formule : x PN , x = N! 1 3 x!( N − x)! 4 4 N −x . Ainsi, la fréquence des malades dans des fratries de taille N dont au moins un membre a la mucoviscidose (le patient connu par l’ONM) est égale à : F= PN , x 1 − PN , 0 , ce qui conduit à la distribution théorique suivante (tableau 3). TABLEAU 3 : RÉPARTITION ATTENDUE (EN %) DU NOMBRE DE MALADES PAR FRATRIE SELON LA TAILLE DE LA FRATRIE (RÉPARTITION THÉORIQUE DÉDUITE DE LA LOI BINOMIALE) Enfants atteints dans la fratrie 1 2 3 4 5 Total 1 100 100 Taille de la fratrie 2 3 85,7 73,0 14,3 24,3 2,7 100 100 4 61,7 30,9 6,9 0,6 100 5 51,9 34,6 11,5 1,9 0,1 100 Note : les pourcentages ne somment pas toujours exactement à 100 du fait des arrondis. Note de lecture : la probabilité d'avoir un seul enfant malade de la mucoviscidose, dans une fratrie de 3 enfants, est de 73 % ; la probabilité d'avoir 2 enfants malades, dans une fratrie de 3 enfants, est de 24,3 % ; la probabilité d'avoir les 3 enfants malades, dans une fratrie de 3 enfants, est de 2,7 %. Les distributions observée et théorique du nombre de malades dans les fratries de taille N peuvent être comparées, terme à terme, à l’aide du test du χ 2 ; on obtient les résultats et les niveaux de signification suivants pour le nombre de degrés de liberté approprié : – pour les fratries de 2 enfants : χ 2 = 41,096 ; p < 0,001 ; – pour les fratries de 3 enfants : χ 2 = 3,789 ; non significatif ; – pour les fratries de 4 enfants : χ 2 = 7,791 ; non significatif ; – pour les fratries de 5 enfants : χ 2 = 1,771 ; non significatif. Dans les fratries de taille 2, le substantiel écart entre distribution observée et distribution théorique ne relève pas du seul hasard, contrairement à ce qui prévaut pour les fratries de taille supérieure. Ce résultat, simplement descriptif, ne peut être interprété abstraction faite de la constitution de la fratrie et du rang de naissance du malade, sa venue au monde ayant pu pousser ses parents à adopter un comportement malthusien. 26 La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie Le tableau 4 donne la répartition des patients de l’ONM, uniques membres malades des fratries, selon leur rang de naissance et la taille de leur fratrie. TABLEAU 4 : RÉPARTITION DE LA POPULATION DES PATIENTS, UNIQUES MALADES DES FRATRIES, SELON LA TAILLE DE LA FRATRIE ET LE RANG DE NAISSANCE DU MALADE (DONNÉES D’OBSERVATION, ONM 2005) Taille de la fratrie 1 2 3 4 5 Total 1 965 447 139 23 3 1 577 Rang du patient (seul malade de la mucoviscidose) 2 3 4 442 120 12 4 578 170 34 7 211 46 7 53 5 18 18 Champ : population 2005 des patients de l’ONM appartenant à des fratries ne comptant qu’un seul malade, pour lesquels l’information sur le rang de naissance du patient est disponible (2 437/2 487 = 98,0 %). Les répartitions, fournies ici pour des effectifs de patients seulement, sont insuffisantes pour le calcul des probabilités d’agrandissement recherchées27 ; elles permettent cependant de déduire les distributions de population totale des fratries, incluant donc l’ensemble des enfants, en fonction du rang de naissance des patients. On se limitera ici aux distributions de population des fratries de patients de rangs 1 et 2 de naissance. Population des fratries de patients de rang 1 de naissance : – population des fratries de taille 1 : 1 × 965 = 965 enfants ; – population des fratries de taille 2 : 2 × 447 = 894 enfants ; –…; – population des fratries de taille 5 : 5 × 3 = 15 enfants ; – d'où la population totale des fratries de patients de rang 1 de naissance : 2 383 personnes. Population des fratries de patients de rang 2 de naissance : – population des fratries de taille 2 : 2 × 442 = 884 enfants ; – population des fratries de taille 3 : 3 × 120 = 360 enfants ; – …; – population des fratries de taille 5 : 5 × 4 = 20 enfants ; – soit une population des fratries de taille « 2 ou plus » de 1 312 personnes. 27 L’expression « probabilités d’agrandissement » ainsi que les notations adoptées sont empruntées à Louis Henry. 27 La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie Reste, dans ce second cas, à estimer la population des fratries de taille 1, non accessible puisqu'elle correspond à la population des non-malades de rang 1. L’estimation de celle-ci peut être faite en adoptant une règle de proportionnalité avec la population des fratries de patients de rang 1 de naissance : avec p = 1/4 valant 965 pour une population de 2 383 – 965 = 1 418 individus appartenant à des fratries de taille 2 ou plus, alors q = 3/4 vaudra (3 × 965) × 1312 = 2679 enfants (non malades de rang 1). 1418 La population totale des fratries de patients de rang 2 de naissance vaudra alors 3 991. Cette reconstitution de la distribution de la population des fratries dans lesquelles le patient est l’unique personne atteinte de mucoviscidose et occupe le rang 1 ou le rang 2, aboutit à la distribution suivante (tableau 5). TABLEAU 5 : RÉPARTITION DE LA POPULATION DES FRATRIES NE COMPTANT QU’UN SEUL MALADE, SELON LA TAILLE DE LA FRATRIE ET LE RANG DE NAISSANCE DU PATIENT (ONM 2005, DONNÉES RECONSTITUÉES) Taille de la fratrie 1 2 3 4 5 Total Rang de naissance du patient (unique personne malade) 1 2 Population Population des fratries Taille de Population Population des fratries des de taille au moins égale la fratire des de taille au moins égale fratries à: fratries à: 965 1 2 383 1 3 991 894 2 1 418 2 884 2 1 312 417 3 524 3 360 3 428 92 4 107 4 48 4 68 15 5 15 5 20 5 20 2 383 - On tire du tableau 5 les probabilités d’agrandissement recherchées ; par exemple, dans le cas où le patient occupe le rang 1, la proportion, dans la population des fratries comptant au moins un enfant, des fratries qui comptent au moins un deuxième enfant est égale à 1418 a1 = = 0,595 . 2383 En poursuivant de la sorte les calculs, on obtient le tableau 6. TABLEAU 6 : PROBABILITÉS D’AGRANDISSEMENT DES FRATRIES NE COMPTANT QU’UN SEUL MALADE, SELON LE RANG DE NAISSANCE (1 OU 2) DU PATIENT (ONM, 2005) Rang du patient (unique personne malade) 1 2 Probabilités d’agrandissement des fratries Probabilités d’agrandissement des fratries ai ai a1 (de taille 1 à taille 2) 0,595 a1 (de taille 1 à taille 2) 0,329 a2 (de taille 2 à taille 3) 0,370 a2 (de taille 2 à taille 3) 0,326 a3 (de taille 3 à taille 4) 0,204 a3 (de taille 3 à taille 4) 0,159 a4 (de taille 4 à taille 5) 0,140 a4 (de taille 4 à taille 5) 0,294 28 La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie Lorsque le patient, unique malade de la fratrie, est également le premier enfant né, sa naissance est, dans quelque 60 % des cas, suivie d’une deuxième, elle-même suivie dans 37 % des cas d’une troisième, soit des valeurs des probabilités d’agrandissement a1 et a2 plus faibles que celles observées, en France, en population générale (respectivement 80 % et 45 %, en valeurs du moment ou résultant d’une analyse par cohorte de parité28). Il semble donc que, chez les couples de porteurs sains de la mucoviscidose, l’arrivée d’un premier enfant atteint atténue sans l’interrompre le processus de constitution de la descendance, d’autant que ces couples, pour avoir mis au monde un premier enfant atteint, peuvent ensuite avoir bénéficié du diagnostic prénatal et, le cas échéant, recouru à l’avortement, celui-ci contribuant au déficit – très relatif – de naissances de rang 2 ou plus. Lorsque le patient occupe le deuxième rang dans la fratrie, la probabilité que sa naissance soit suivie d’une troisième est à peine inférieure à celle que l’on observait précédemment, signifiant, là encore, que la venue d’un enfant malade, fut-il déjà le deuxième, ne stoppe pas le processus d’élargissement de la descendance ; une descendance éventuellement minorée, comme précédemment, par la possibilité du recours à l’avortement mais également par des dissolutions de couples des parents biologiques des patients, plus nombreuses que dans la configuration précédente et plus fréquemment suivies de remises en union et de naissances de demi-frères et demi-sœurs, non décomptées dans l’enquête. Pour cette catégorie de patients venant en deuxième position dans les fratries, le tableau 6 fait également ressortir une probabilité d’agrandissement a1 anormalement faible. Cette extrême faiblesse peut tenir à une surestimation du nombre d’enfants de rang 1 non malades. Dans la réalité, en effet, le diagnostic de mucoviscidose porté sur l’enfant de rang 2 permet malheureusement très souvent de vérifier que son aîné est lui-même atteint, une situation non prise en compte, par définition, dans les calculs, tous les enfants de rang 1 étant supposés indemnes de la mucoviscidose afin que les patients de rang 2 demeurent les seuls membres malades des fratries. 3. Pour combler certaines lacunes de la connaissance À l’évidence, les données actuellement collectées n’autorisent qu’une mesure très approchée et incomplète des comportements féconds des malades de la mucoviscidose ou de leurs parents. À cela, au moins deux raisons : – la nature des informations recueillies. Conçus à une époque où très rares étaient les malades qui passaient le stade de l’enfance, les questionnaires des enquêtes annuelles de l’ONM ont privilégié la dimension épidémiologique. Depuis 2006 et l’instauration du RFM, le recueil d’informations à caractère non médical a été réduit à une portion encore plus congrue, la recherche d’une plus grande couverture de la population malade par ce dernier29 et d’une meilleure efficience des interventions thérapeutiques justifiant cela ; 28 Didier Breton et France Prioux, « Deux ou trois enfants. Influence de la politique familiale et de quelques facteurs socio-démographiques », Population, 2005, vol. 4, p. 489-522. 29 À partir des données de l’enquête 2000, l’équipe de chercheurs de l’Ined en charge de la gestion et de l’exploitation de l’ONM avait estimé à 65-70 % tout au plus son taux de couverture de la population malade et 29 La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie – le mode de collecte. Les informations sur les patients sont réunies par les cliniciens assurant le suivi des malades dans les centres de soins. Si les données biomédicales – qui procèdent de tests, examens et explorations fonctionnelles dont la pratique relève de protocoles précis – ne souffrent guère d’approximations et omissions, tel est moins le cas des données sociales dont la collecte, jugée moins impérieuse, provient de diverses sources (informations recueillies auprès du patient ou de sa famille lors d’une consultation dans le centre, relevé des informations figurant sur le livret de famille, informations consignées dans le dossier médical) et ne fait pas l’objet de toutes les investigations et vérifications requises. En contrepartie de la restriction de la collecte de données socio-familiales, opérée dans le cadre du RFM, le principe d’une enquête complémentaire sur les aspects familiaux et sociaux de la mucoviscidose, répétée à intervalles réguliers, a été alors acté. Il devrait très prochainement être traduit dans les faits. Le Comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS) a, en effet, donné son feu vert, en mai 2010, à la réalisation d’une enquête pilote – Mucoviscidose, famille et société –, conçue à l’initiative de l’Ined avec le concours de Vaincre la mucoviscidose. Cette enquête, qui ambitionne d’apprécier les conditions et modes de vie de la population atteinte de mucoviscidose en France, d’évaluer les besoins et les parcours des malades au sein du système de soins et de suivre l’évolution des indicateurs de qualité de vie des patients, satisfait aux recommandations du Plan national « Maladies rares 2005-2008 ». Le questionnaire servant de support à cette enquête comporte trois versions : enfants (moins de 15 ans), adolescents (15 à 17 ans), adultes (18 ans ou plus). Adressé aux patients (ou à leurs parents pour les patients les plus jeunes) ayant eu un diagnostic avéré de mucoviscidose et suivis dans les centres de soins agréés, il vise à reconstituer les biographies familiales, les parcours résidentiels, scolaires et professionnels et à fournir des éléments d’appréciation du degré de reconnaissance sociale de la maladie (nature, montant et origine, par exemple, des allocations, aides et prestations perçues), de la vie sociale des malades, de leur perception de la maladie (déclarations de limitations fonctionnelles et de restrictions d’activités) et des relations qu’ils entretiennent avec les centres de soins. Les données biographiques feront l’objet d’un recueil rétrospectif d’événements définis et datés. Appariées aux données biomédicales du RFM, elles viseront à reconstituer des trajectoires individuelles complètes et à mesurer les risques de survenue de séquences de faits susceptibles de jalonner la vie des malades. Riche de nombreuses questions sur la situation matrimoniale des malades, leur descendance et les modalités de constitution de celle-ci, le devenir de l’union de leurs parents (annexe 3), cette enquête – répétée, en principe, tous les cinq ans – constituera, pour la connaissance des comportements de fécondité des malades de la mucoviscidose, un indiscutable atout. plaidé, en conséquence, pour sa transformation rapide en registre (cf. Rapport sur la situation de la mucoviscidose en France en 2000, Vaincre la mucoviscidose/Ined, 2002, 116 p.). 30 La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie ANNEXE 1 : REGISTRE FRANÇAIS DE LA MUCOVISCIDOSE, QUESTIONNAIRES D’INCLUSION ET DE MISE À JOUR 2010. ITEMS RELATIFS AUX GROSSESSES 31 La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie 32 La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie ANNEXE 2 : OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA MUCOVISCIDOSE (2005) ET REGISTRE FRANÇAIS DE LA MUCOVISCIDOSE (2010). ITEMS RELATIFS AUX DONNEES SOCIALES 33 La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie ANNEXE 3 : ENQUÊTE MUCOVISCIDOSE, FAMILLE, SOCIÉTÉ. EXTRAIT DU QUESTIONNAIRE ADULTES. ITEMS RELATIFS À LA SITUATION DE COUPLE, À LA DESCENDANCE ET À L’ASCENDANCE DES MALADES 34 La fécondité – Représentation, causalité, prospective Actes du XVe colloque national de démographie 35