les charges électriques positives dans la haute atmosphère

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La Terre est une dynamo...
Qu'il y ait des éclairs un soir d'orage
prouve que notre planète
est un générateur électrique.
Mais pourquoi se comporte-t-elle
comme une dynamo
et quel est le circuit qui assure
la circulation du courant ?...
Nous avons coutume de dire : "il y a de l'électricité dans
l'air" à l'approche d'un orage ou au cours d'une réunion
contradictoire qui paraît tourner au pugilat ; le reste du
temps, tout semble neutre.
Mais, pour le physicien, les choses sont tout à fait
différentes : il y a toujours de l'électricité dans l'air, ou plus
exactement un champ électrique, dû au fait que
l'atmosphère est à tout moment saupoudrée de particules
chargées.
Comme vient de le découvrir le satellite américain FORTE, il
y en a même beaucoup plus qu'on ne le pensait : de septembre 1997 à décembre 1998, le satellite a détecté plus de
deux millions d'éclairs dans les nuages orageux, surtout audessus des océans.
S'il existe bien en effet des stations d'observation au sol, les orages au-dessus des mers ne faisaient l'objet
d'aucun suivi particulier, on avait donc largement sous-estimé leur nombre et leur puissance.
D'autre part, le satellite est seul à pouvoir détecter des décharges de grande intensité à l'intérieur des nuages
de haute altitude.
Celles-ci, dites TIPP (Trans-Ionospheric Pulse Pairs), se manifestent par de brefs signaux radio de très forte
intensité.
L'étude de l'activité électrique atmosphérique est d'un intérêt primordial pour dresser le bilan énergétique
global des courants qui circulent autour de la Terre et du champ électrique qui les entretient. Ce champ est
facilement mesurable : au niveau du sol, il varie de 100 à 300 Volts par mètre (V/m). Nul ne s'en rend
compte, et nul ne perçoit une différence de potentiel de 1.500 Volts après avoir gravi 10 m. Pourtant, il suffit
de toucher par mégarde un conducteur relié à la prise de courant pour connaître les effets des 220 Volts
d'EDF. D'un autre côté, quand le champ atmosphérique atteint une valeur telle qu'il se produit une décharge,
le coup de foudre n'a rien d'impalpable non plus.
En fait, il faut bien distinguer entre champ et courant, on dit qu'un champ électrique règne dans une certaine
portion d'espace quand une force attractive ou répulsive s'exerce sur certains objets et les déplace: des
miettes de polystyrène expansé, par exemple, sont immédiatement attirées par un emballage en plastique
mince qu'on vient de frotter sur sa manche. Le même plastique attire les cheveux ou refuse de se décoller de
la main quand on veut le jeter: cet emballage est le centre d'un champ électrique dans lequel des poussières
ou des brins de fil sont déplacés par des forces qui peuvent être attractives ou répulsives.
L'expérience montre que ce champ est dû à des particules électriquement chargées répandues par milliards à
la surface du plastique. Une seule particule chargée suffisant à engendrer un champ électrique qui n'agit que
sur d'autres particules chargées (il y a attraction entre charges de signes contraires, + et -, et répulsion entre
charges de même signe).
Ces forces déplacent donc toute particule chargée, et c'est ce mouvement de
particules qui constitue le courant. Encore faut-il qu'elles soient libres de se
déplacer, comme les électrons négatifs des métaux : voilà pourquoi les 220 Volts
du réseau se sentent fort bien quand on met le doigt sur un conducteur en cuivre.
Une électrisation qui se voit de loin...
La nature profonde des aurores
boréales se voit encore mieux depuis la
navette spatiale : on discerne bien ici
les filaments étalés en hauteur de la
vaste zone ionisée.
Mais les particules chargées de l'atmosphère sont loin d'avoir cette mobilité, et, de
ce fait, les 150 V/m du champ terrestre passent inaperçus.
L'air au niveau du sol est un très bon isolant dans lequel les charges ne se
déplacent que péniblement, toutefois, il est difficile de mesurer le champ
électrique en tout point de l'atmosphère et son étude est loin d'être complète.
Le premier à s'y être intéressé est le physicien anglais William Thomson (Lord Kelvin), qui supposa, vers
1860, que la haute atmosphère et le sol constituaient les deux armatures (+) et (-) d'un gigantesque
condensateur sphérique ; il estima à 260.000 Volts le potentiel existant entre la Terre et la haute atmosphère.
Aujourd'hui, on sait que ce condensateur se décharge en permanence avec une intensité
moyenne de 1.000 ampères, répartie sur toute la surface terrestre, ce courant est entretenu par trois
phénomènes : les orages, l'interaction du vent solaire et de la magnétosphère, l'effet dynamique des marées
atmosphériques dans la thermosphère. Les processus orageux assurant la majeure partie de cette circulation
d'énergie électrique.
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Au-dessus des nuages d'orage, une partie du courant diffuse vers le haut et rejoint l'ionosphère : c'est le
courant de Wilson, du nom du physicien écossais qui découvrit ce processus.
Ce courant s'étale ensuite tout autour du globe au niveau de la magnétosphère, puis de l'ionosphère, en
suivant les lignes de force du champ magnétique terrestre.
Précisons que ce courant doit être considéré comme un mouvement plus ou moins rapide de charges
électriques, et non comme le flux continu qui circule, par exemple, dans un conducteur métallique, à priori, un
tel circuit devrait se vider assez rapidement par neutralisation réciproque des charges + et -, à moins que
ces charges ne soient renouvelées en permanence.
Les atomes sont faits de particules neutres (neutrons) et de particules électrisées, protons (+) et électrons (), qui sont en nombre égal. L'atome est donc normalement neutre, tout comme les assemblages d'atomes qui
forment toute matière.
Quand les atomes deviennent des ions...
Toutefois, sous l'influence de rayonnements ionisants - rayonnements corpusculaires, ou rayonnements
électromagnétiques de haute fréquence (ultraviolet, X et gamma) -, ils peuvent perdre ou gagner des
électrons, devenant des ions positifs ou négatifs. Il en va de même des molécules, qui, en solution ou lors de
réactions chimiques, peuvent aussi devenir des ions.
Or, la très haute atmosphère (de 30 km à plus de 500 km) est soumise en permanence au rayonnement
cosmique, constitué de particules de très haute énergie venues des étoiles. S'y ajoutent aussi, pour une
moindre part, le vent solaire et le rayonnement des éléments radioactifs en suspension dans l'atmosphère.
Il se produit donc une création continue d'ions positifs et négatifs, en majeure partie oxygène ou azote.
À peine formés, ceux-ci entrent en réaction chimique avec les molécules voisines pour donner des ions
hydratés simples, qu'on appelle petits ions.
Un bon conducteur : la haute atmosphère...
Dans la basse atmosphère, ceux-ci sont souvent piégés par les gouttelettes des nuages ou du brouillard, et
aussi par toutes les poussières dues à la pollution. Ils forment alors ce qu'on nomme de gros ions, beaucoup
plus lourds et très nombreux au voisinage du sol: des milliers par centimètre cube, alors qu'il n'y a que
quelques centaines de petits ions.
En revanche, leur mobilité est très faible, de l'ordre de mille fois inférieure à celle des petits ions.
Or, la mobilité des ions caractérise la conductibilité du milieu, c'est-à-dire sa capacité à laisser passer un
courant, toujours très faible car l'air est un bon isolant.
De là, il redescend très lentement vers le sol sous la forme d'un courant de beau temps.
Enfin, les jours d'orage, la foudre renvoie la charge aux nuages et ferme le circuit électrique ainsi constitué.
Il en découle que la conductibilité de la haute atmosphère (100 km) est 1011 fois plus élevée que celle de l'air
au niveau du sol.
Inversement, le champ électrique diminue avec la conductibilité, et son intensité baisse donc avec l'altitude.
Ce champ est dû aux ions + et - que les turbulences atmosphériques et le champ magnétique terrestre
(déviation en sens opposé des + et des -) finissent par séparer en groupes positifs et négatifs.
Ceux-ci à leur tour électrisent par influence les régions voisines, d'où une augmentation du champ
électrostatique qui tend à faire circuler en sens contraire les + et les -.
Les processus météorologiques, en particulier la condensation ou la cristallisation de l'humidité ambiante dans
les nuages, amplifient encore cette séparation des charges.
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À très haute altitude, la conductibilité est suffisante pour qu'il s'opère un lent déplacement des charges sous
l'influence du champ électrique, dans la basse atmosphère, où la mobilité des ions est très faible, ce sont les
mouvements de l'air qui, en plus du champ, contribuent à la circulation du courant.
Enfin, quand l'accumulation de charges au sein des nuages devient considérable, on observe une étincelle
géante entre les zones + et - : cette fois, le courant circule à la vitesse de l'éclair et les intensités mises en
jeu dépassent souvent les centaines de milliers d'ampères.
Dans le même temps, la pluie transfère également les charges du sol vers les nuages, d'où elles repartent
vers le haut avec les courants de Wilson.
En fin de compte, un courant global circule en continu tout autour de la terre, les rayons cosmiques se
chargeant de reconstituer les ions + et - qui s'écoulent, ce sont donc les étoiles qui rechargent sans cesse
l'immense condensateur terrestre, et les mouvements de l’air contribuent à la circulation de ce courant...
Article publié dans
Sciences et Vie,
N° 77, Février
1999
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