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Allocution de Monsieur Edouard FRITCH
Président de la Polynésie française
Ouverture du colloque « L’Océanie convoitée »
Jeudi 24 novembre à 9h00
Monsieur le Haut-Commissaire,
Monsieur le Président de l’Université de la Polynésie française,
Monsieur l’Ambassadeur, Secrétaire permanent pour le Pacifique,
Monsieur le directeur du laboratoire « Gouvernance et Développement
Insulaire »,
Mesdames et messieurs les universitaires,
Chers amis,
Ia ora na !
Permettez-moi tout d’abord de vous adresser la bienvenue en
Polynésie française à l’occasion de cette 2ème édition du colloque
« L’Océanie convoitée », dont la première s’était tenue, avec succès,
à Paris en septembre 2015.
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C’est un honneur et un plaisir pour moi que de vous adresser ces
quelques propos introductifs, ici à Tahiti, dans les locaux de
l’université de la Polynésie française, au cœur du monde océanien.
Comme vous le savez, le président de la Polynésie française, de par la
loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, est
investi d’un certain nombre de prérogatives propres dans le domaine
des relations internationales, comme celles de négocier des accords
entrant dans le champ des compétences du Pays, d’ouvrir des bureaux
de représentation et d’en nommer les représentants, ou encore
d’adhérer et de participer aux travaux des organismes régionaux du
Pacifique.
En tant que président du Pays, je suis donc également en charge des
affaires internationales et le thème de votre colloque « L’Océanie
convoitée », ne peut me laisser indifférent.
Je tiens ici à remercier les organisateurs, l’UPF et plus
particulièrement son laboratoire « Gouvernance et Développement
insulaire », qui régulièrement ces dernières années, s’attachent à
promouvoir et à approfondir la connaissance de l’Océanie et de ses
enjeux internationaux, dans le cadre de programmes de recherches
universitaires pluridisciplinaires.
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L’Océanie et ses enjeux contemporains demeurent en effet des sujets
encore trop souvent méconnus et la place faite aux questions
internationales reste singulièrement marginale dans le champ des
études océaniennes. C’est pourquoi nous devons nous réjouir
d’initiatives comme ce colloque, pour non seulement mieux nous
connaître nous-mêmes mais encore nous faire connaître au reste du
monde, dans toute la complexité des profondes évolutions et des
tensions qui peuvent nous traverser.
Contrairement à certaines idées reçues, le Pacifique insulaire n’est pas
qu’un immense espace océanique, vide de toute population
significative et dénué de tout intérêt économique ou stratégique, dont
seules les marges américaines ou australasiennes seraient « utiles ».
En d’autres termes, seuls les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande et
l’Australie seraient les plus attractifs.
La fin de la guerre froide et l’arrêt des dernières expérimentations
nucléaires en 1996, confirmé par la signature du traité de Rarotonga
sur la dénucléarisation du Pacifique, n’ont pas fait perdre à la région
tout son intérêt pour les grands acteurs de la scène régionale et
mondiale.
Depuis 20 ans, la région suscite en effet l’intérêt croissant de
nouveaux acteurs, dont plus particulièrement celui de la Chine
populaire, mais aussi d’acteurs, plus inattendus, issus du Grand
Pacifique.
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C’est pourquoi le thème de « l’Océanie convoitée » m’apparaît
comme des plus pertinents. Mais il me semble néanmoins réducteur
dans la mesure seul le point de vue des puissances extérieures à la
région tendrait à être privilégié, car convoiter une chose, c’est selon la
définition du dictionnaire « désirer ardemment une chose qui est
disputée ou qui appartient à autrui ». Dans cette optique, nous ne
serions donc que l’objet de convoitises extérieures, sans être les
acteurs des orientations de notre propre destin.
Or, la région ne cesse de se structurer ou de se restructurer, tant pour
faire face aux « convoitises » des acteurs extérieurs, que pour
s’adapter aux défis planétaires qui l’affectent, comme le
réchauffement climatique ou la nécessité de protéger les océans. Et
cela, quitte à s’affirmer en s’éloignant des puissances régionales
traditionnelles.
J’en veux pour preuve l’engagement fort des pays océaniens qui se
sont mobilisés à Paris pour faire entendre leur voix à la COP 21,
engagement salué par le Président de la République lors de sa visite en
Polynésie française le 22 février dernier, quand il a déclaré à
Taputapuatea que « C’est aussi ici que la COP 21, la conférence sur
le climat, s’est finalement jouée […] Tous les leaders polynésiens se
sont retrouvés […] pour appeler le monde à prendre des
engagements pour la planète. Parce que c’est ici aussi que vous avez
à souffrir du réchauffement, c’est ici que vous avez à redouter la
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montée des eaux. C’est d’ici que finalement tout est parti, mais aussi
que tout peut être détruit si nous ne faisons rien ».
La création et la structuration du Groupe des Dirigeants Polynésiens
sur la scène régionale est l’une des réponses que nous avons mis en
œuvre pour mieux affronter les défis et les menaces qui pèsent sur
l’existence même de nos Etats et territoires insulaires.
De même, l’acceptation de notre candidature de membre à part entière
au Forum des Iles du Pacifique est le signe que les leaders océaniens
privilégient dorénavant la solidarité et l’union de tous face aux enjeux
de la région, au détriment des héritages historiques ou statutaires.
Nos Etats et territoires insulaires doivent assurer et défendre leurs
intérêts propres dans le bassin Pacifique et parler d’une seule et même
voix pour être entendus et respectés sur la scène internationale.
L’élection de Fidji à la présidence de l’Assemblée générale des
Nations Unies et à la présidence de la COP 23 est un autre signe de
l’émergence d’un régionalisme océanien qui n’hésite plus à s’affirmer
sur la scène mondiale.
C’est pourquoi, plus que d’une « Océanie convoitée » par d’autres
pour ses richesses réelles ou supposées, sans que celle-ci ait son mot à
dire, je parlerais plutôt d’une « Océanie courtisée » où les faveurs
espérées seraient tributaires du seul prisme d’une lecture océanienne
des enjeux internationaux.
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