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Avant‐propos
Les pays d’Afrique sub-saharienne sont actuellement confrontés à des défis démographique, éco-
logique et économique sans précédents, qu’aucune autre région du monde n’a eu à affronter simul-
tanément dans l’histoire. Les évolutions structurelles que connaissent les territoires ruraux (ac-
croissement de la pression démographique, impact des changements climatiques, évolution des
aspirations individuelles et des structures familiales, intensification des systèmes agraires) pèsent
fortement sur la terre et les ressources naturelles. Celles-ci constituent en effet la base de la subsis-
tance de la grande majorité des populations rurales d’Afrique subsaharienne, et font l’objet d’une
compétition croissante.
Sous l’effet de ces évolutions, les règles qui, à l’échelle des terroirs, régissaient traditionnellement
et collectivement l’accès aux terres et aux ressources naturelles ne fonctionnent plus toujours. Les
normes étatiques ne fournissent souvent pas non plus de réponses opérationnelles. Souvent, ces
deux types de normes se superposent, parfois se contredisent, et aucune d’entre elles n’est réelle-
ment appliquée. On assiste alors de fait à des situations d’accès libre (où les défrichements ne sont
plus régulés, où chacun vient prélever dans les écosystèmes et surexploite les ressources), ou à des
privatisations au profit de groupes d’acteurs puissants. Les rapports de pouvoir sur les ressources
évoluent et les risques de conflits s’aggravent.
L’Afrique rurale ne pourra faire face aux défis qui sont les siens que si de nouvelles régulations
sont mises en place, qui prennent en compte les évolutions sociales, démographiques, écologiques,
climatiques et permettent de conjuguer la préservation des écosystèmes et les besoins des popula-
tions. Il est nécessaire pour cela d’inventer de nouvelles formes d’articulation entre activités agri-
coles, pastorales, forestières, halieutiques sur les territoires.
Depuis le début des années 90, la décentralisation de la gestion des ressources naturelles est à
l’ordre du jour. De nombreuses recherches et expériences de terrain ont montré que les acteurs
locaux pouvaient, sous certaines conditions, assurer une gestion durable de leurs ressources bien
plus efficace qu’un dispositif extérieur. Les législations ont ainsi évolué, de façon à mieux prendre
en compte les savoirs locaux et la responsabilisation des populations, dans une logique plus parti-
cipative ou plus décentralisée. La décentralisation administrative a, potentiellement, renforcé cette
dynamique, en transférant des compétences autrefois sous la responsabilité des Etats aux collecti-
vités locales. Mais il demeure une certaine confusion relative aux responsabilités des différents
acteurs publics, issus de la décentralisation administrative ou locaux quant à la gestion des res-
sources naturelles.
De nombreuses expériences de « conventions locales » ont été menées. Elles ont souvent un bilan
mitigé. Elles mettent à juste titre en avant l’enjeu d’une négociation sur les règles entre des acteurs
hétérogènes, mais elles semblent sous-estimer la diversité des contextes et des enjeux, qui appel-
lent des stratégies très variées ; de plus, elles s’interrogent trop peu sur les conditions d’effectivité
de ces accords : il ne suffit pas de signer une convention, encore faut-il qu’elle soit réellement
mise en application.
Partant de ce constat, des praticiens de la gestion des ressources naturelles et des chercheurs se
sont réunis au sein du projet NEGOS-GRN, pour expérimenter des démarches de diagnostic et
d’appui à la négociation et produire des cadres de références en matière d’orientations politiques et
de méthodologies d’appui. Les partenaires de ce projet partagent la conviction que la négociation