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Le Vatican durant la Seconde Guerre mondiale
Ange ou Démon ?
«Faites sourire sur la terre, sur l'humanité le reflet de la beauté et de la
lumière divine et vous aurez contribué grandement à l'œuvre de la paix».
Pie XII, Lettre aux artistes
5
6
« Rien n’est perdu avec la paix.
Tout peut être perdu avec la guerre »,
Pie XII, 23 août 1939
7
Le Vatican durant la seconde guerre
mondiale :
Ange ou Démon ?
8
Le Vatican durant la seconde guerre mondiale :
Ange ou Démon ?

Table des matières
…………………………………………………………………….p.9-11

Introduction ……………………………………………………p.12

Contexte historique :
……………………………………………………………………p.13-17

o
L’Eglise catholique face au fascisme et au nazisme
o
Hitler et l’Eglise catholique
o
Position du Vatican
Biographies ……………………………………………………p.18-26
PARTIE I : Pie XII, le pape d’Hitler ?
Quand on est élu pape, jusqu’où peut-on ou doit-on aller ?

Chapitre 1: Organigramme du Vatican……………………………p.27

Chapitre 2 : Pie XI : Un pape de guerre……………………………p.28

Chapitre 3 : Pie XII : Un pape de paix………………………………p.30

Chapitre 4 : Pie XII et ses limites
4.1. Concordats et encycliques…………………………………..p.32
4.2. Bolchevisme et Judéo-bolchevisme……………………….p.35
4.3. Judaïsme et antisémitisme………………………………….p.37
4.4. Les juifs de Rome,
protégés par Pie XII et les catholiques ?...........p.41
4.5. Position de Pie XII avant et pendant la guerre
4.5.1. Les intérêts de l’Eglise avant ceux des
victimes ?..............................................p.42
a. Enjeux politiques
b. Enjeux humains
c. Neutralité
4.5.2 Discours de Noel, 1942……………………p.45
4.5.3 Mgr Orsenigo, nonce de Berlin…………..p.46
9
4.5.4 Excommunication d’Hitler…………………………p.48
4.5.5 Le silence, la solution pour qui et pourquoi ?...p.48
4.6. Attitude d’Israël envers Pie XII……………………………p.51
4.7. Demande de pardon de Jean-Paul II, 2000 ……………p.55
4.8. Actualités ………………………………………………………p.56

Chapitre 5 : La légende noire du pape d’Hitler……………………………p.57

Conclusion ………………………………………………………………………..p.59
Benoit XVI veut canoniser Pie XII, a-t-il raison ou tort ?
PARTIE II : De la protection de l’Eglise à la fuite
des nazis ou les dessous du Vatican
L’attrait du gain, du pouvoir, de la vengeance ou de la jalousie peut-il faire basculer
certains religieux dans le cercle des
« Conspirateurs en soutane » ?

Chapitre 1 : Les hommes de l’ombre
1.1. Réseaux d’exfiltration nazis……………………………………p.61
1.2. Odessa ……………………………………………………………..p.62
1.3. Filières romaines
1.3.1 Premières exfiltrations,
Monseigneur Hudal, l’évêque d’Hitler……………….p.64
1.3.2 Filière San Girolamo,
Draganović et les prêtres croates…………….p.66
1.3.3 Les raisons de leurs défections au Vatican…………p.68
1.3.4 Devenir d’Hudal et de Draganović……………………p.71

Chapitre 2 : Rôle joué par l’évêque Montini (futur Paul VI)……………….p.72

Chapitre 3 : Implication du Vatican
3.1. Intégrité ou aide ...……………………………………………………….p.73
3.2. Sanctions ...………………………………………………………………..p.75

Conclusion ………………………………………………………………………….p.76
10
PARTIE III : Avis d’historien
d’ecclésiastique
du Vatican
personnel
Vatican………………………………………………………………………p.79
Elodie Péridaens, avis personnel………………………………………p.81
Conclusion finale
p.84
De nos jours, le Vatican a-t-il le droit d’encore avoir des œillères au regard du
passé et de l’actuel présent (prêtres pédophiles) ?

Lexique …………………………………………………………………….p.85-86

Annexes ……………………………………………………………………p.87-90

Bibliographie ………………………………………………………………p.91-95
11
Introduction
Ces derniers mois, l’Eglise a souvent été citée dans l’actualité médiatique. Au travers
des siècles, elle a fait l’objet de nombreuses polémiques. Nous allons nous
intéresser plus particulièrement à la période 39-45 et au rôle joué par l’Eglise dans
la tourmente de la Seconde Guerre mondiale.
La lecture de « Angels & Demons » de Dan Brown dont l’action se déroule
principalement au Vatican et dans la Ville Eternelle, m’a amenée à m’intéresser de
plus près à l’histoire de ce mini-état. Une période et un homme ont particulièrement
retenu mon attention : 39-45 et Pie XII. En approfondissant mes recherches, une
nouvelle question s’est posée : L’Eglise aurait-elle participé à la fuite des nazis ?
Voulant me forger mon propre avis, le Travail de Fin d’Etudes était le tremplin
idéal…
Les deux thèmes qui feront l’objet de mon travail sont toujours très sensibles et
délicats à l’heure actuelle. Le silence du pape Pie XII et le rôle joué par l’Eglise dans
les exfiltrations nazies à la fin de la guerre sont toujours sujets à débat.
Je vous demande donc d’être indulgent car bien entendu, il me sera impossible d’en
cerner toutes les facettes. De même, je m’efforcerai de rester la plus neutre possible
même si ce n’est pas toujours évident : chacun ayant sur la question un avis
personnel…
Le but de ce travail ne sera ni d’accuser ni de défendre qui ou quoi que ce soit mais
plutôt, à la lumière de nouveaux éléments (archives du Saint-Siège), d’envisager une
nouvelle approche de l’Histoire.
12
CONTEXTE HISTORIQUE :
o
L’Eglise Catholique face au fascisme et au nazisme
o
Hitler et l’Eglise Catholique
o
Position du Vatican
L’Eglise Catholique face au fascisme et au nazisme
Dictateur fasciste italien, Mussolini prit le pouvoir le 29 novembre 1922, suite à
La Marche sur Rome. Chef du Parti national fasciste, il instaura une dictature où
l’autorité du roi Victor-Emmanuel III devint en grande partie symbolique.
Le 11 février 1929, les Accords du Latran signés entre l’Etat Italien (Mussolini) et le
Saint-Siège (cardinal Gasparri) reconnurent le Vatican comme Etat Souverain mais ce
dernier dut renoncer à toute prétention sur les anciens Etats pontificaux. En contre
partie le catholicisme devint religion d’Etat. Bien qu’anticlérical, le Duce se rendit
vite compte de la place privilégiée que l’Eglise occupait en Italie et de l’importance à
faire cohabiter religion et politique en bons termes. Il n’attaquera donc jamais
l’Eglise de front.
Le Troisième Reich (Allemagne nazie) était dirigé par le Führer, Adolf Hitler, chef du
Parti national – socialiste des travailleurs allemands. La dictature débuta à la
nomination de Hitler comme chancelier le 30 janvier 1933.
Hitler et Mussolini furent à la fois alliés et amis. Le premier avait une grande
admiration pour le second. Mussolini quant à lui avait un grand respect pour Hitler
mais était jaloux du succès des allemands, ce qui en fit parfois des rivaux. Après
beaucoup d’hésitations à s’engager, le Duce n’entra en guerre aux côtés d’Hitler
que le 10 juin 1940. Ce fut un échec et peu à peu, l’Italie devint « vassale » de
13
l’Allemagne nazie. En 1943, Mussolini fut renversé par le roi Victor-Emmanuel III et
il fut exécuté le 28 avril 1945 après avoir essayé de fuir l’Italie.
Le Fascisme italien et le Nazisme allemand étaient assez semblables : politique
dictatoriale, gouvernement fondé sur la peur, la terreur, les exécutions et la fin
tragique de leur dirigeant.
Et le Saint-Siège ? Des historiens ont laissé entendre que Pie XII voyait ces deux
dictatures « comme remparts contre le communisme ».
Hitler et l’Eglise catholique
En Allemagne, dans les années 1930, coexistaient 2 grandes communautés
religieuses :

L’Eglise Evangélique ou Luthérienne d’Allemagne
Compte 40 millions de protestants dont 16 000 pasteurs. Elle restera loyale à Hitler
et au pouvoir nazi.

L’Eglise Catholique
Rassemble 20 millions de catholiques (essentiellement en Bavière et Rhénanie) dont
20 mille prêtres et 100 mille ecclésiastiques.
Dans un premier temps, le catholicisme allemand s’était opposé aux nazis : les
évêques condamnaient le racisme et interdisaient à leurs fidèles d’adhérer au parti
nazi jusqu’au concordat de 1933 avec l’Allemagne hitlérienne (voir Chpte 3 : Pie XII
et ses limites, 3.1. Concordat et Encycliques).
14
Le cardinal Pacelli, futur Pie XII, y négocia un accord avec Hitler qui promettait de
respecter les églises allemandes et de modérer les extrémistes de son parti.
Le 19 mars 1937 l’encyclique « Mit brennender Sorge » (rédigée en langue
allemande : fait rarissime pour une encyclique généralement en latin) condamnait
les violations du Concordat de 1933 (persécutions contres les prêtres catholiques),
le régime nazi et dénonçait le National-Socialisme. Au cours des deux années
suivantes, de violentes répressions eurent lieu : arrestations et déportations de
prêtres et de religieux, saccage et perquisitions dans certains évêchés (Munich, …),
vexation, restriction,…
A l’avènement de Pie XII le 2 mars 1939, le régime national-socialiste était en lutte
contre l’Eglise catholique et toutes les autres religions chrétiennes. Le
gouvernement allemand respectait de moins en moins les garanties du Concordat
de 1933.
Et pourtant les évêques allemands se montraient loyaux envers Hitler, ils
approuvaient toutes ses actions en matière de politique étrangère. Ainsi lorsque les
allemands pénétrèrent en Tchécoslovaquie, le 1er octobre 1938, le cardinal allemand
Bertram adressa ses félicitations au Führer. Bien plus, après le suicide de ce dernier,
il ordonna aux prêtres de son diocèse de dire des messes de requiem pour le repos
de son âme.
Le 30 septembre 1939, à la demande du ministre des Affaires Ecclésiastiques, les
cloches sonnèrent pour saluer la victoire sur la Pologne. Pourtant Radio Vatican et
l’Osservatore Romano dénonçaient dans le monde entier les atrocités commises par
les allemands dans ce même pays. Les cloches sonnèrent également lors de la
capitulation de la France en juin 1940.
15
Cependant, quelques foyers de résistance subsistaient :
L’« Eglise Confessante », créée en 1934, marquait la résistance protestante à
Hitler. Elle se prononça sur la question juive et pris position en 1936 mais en 1940,
la Gestapo intervint, la dissout et envoya les dirigeants en camp de concentration.
Le Cardinal von Preysing, à l’époque évêque de Berlin, fut l’un des rares
évêques allemands à défendre des idées antinazies et ce, même après la prise de
pouvoir par Hitler.
Il était persuadé que la diplomatie ne changerait en rien l’attitude du Chancelier. En
1941 puis en 1943, il informa le pape Pie XII des évènements se déroulant en
Allemagne, de la situation des juifs, de leur déportation. Il demandait son
intervention en leur faveur. La réponse fut : « Il appartient aux évêques locaux de
dire quand il faut être silencieux et quand il faut parler, compte tenu des risques de
représailles ».
Position du Vatican
A peine élu pape, Pie XII s’efforça, de ramener la paix. Il tenta de renouer le dialogue
avec Hitler. Il prôna la négociation auprès des principales puissances pour résoudre
leurs conflits.
Mais, le 23 août 1939, le pacte germano-soviétique accéléra le processus de
guerre.
Le lendemain le pape fit une déclaration officielle : « Rien n’est perdu par la paix,
tout peut être perdu par la guerre ». Sans effets.
Le 26 août 1939 il lança un nouvel appel à la paix et suggéra aux Polonais de faire
des concessions à Hitler afin d’éviter la guerre. Sans effets.
16
Le 1er septembre 1939, après l’invasion de la Pologne, la guerre est déclarée et Pie
XII conseilla alors à Mussolini de laisser l’Italie hors du conflit.
A leur tour, l’Angleterre et la France entrèrent en guerre. Après la défaite de la
France, le pape demanda aux gouvernements anglais et allemands de négocier pour
éviter la bataille d’Angleterre. Peine perdue. La Seconde Guerre Mondiale se profilait,
toutes les interventions papales ayant échoué.
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Biographies
PIE XI
NOM : Ratti
PRENOMS : Ambrogio Damiano Achille
LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Desion, Italie, 31 mai 1857
LIEU ET DATE DE DECES : Vatican, Rome, 10 février 1939 (81 ans)
NATIONALITE : Italien
FONCTION : Pape Pie XI (1922-1939)
18
PIE XII
NOM : Pacelli
PRENOMS : Eugenio Maria Guiseppe Giovani
LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Rome, Italie, 2 mars 1876
LIEU ET DATE DE DECES : Castel Gandolfo, Italie, 9 octobre 1958 (82 ans)
NATIONALITE : Italien
FONCTION : Pape Pie XII (1939-1958)
Successeur de Pie XI
Nonce apostolique en Allemagne de 1917 à 1929
Secrétaire d’Etat de Pie XI de 1929 à 1939
19
PAUL VI
NOM : Montini
PRENOMS : Giovanni Battista Enrico Antonio Maria
LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Concesio, Italie, 26 septembre 1897
LIEU ET DATE DE DECES : Castel Gandolfo, Italie, 6 août 1978 (80 ans)
NATIONALITE : Italien
FONCTION : Substitut aux Affaires ordinaires sous Pie XI et Pie XII
Consacré Archevêque de Milan le 12 décembre 1954
Nommé cardinal sous Jean XXIII le 15 décembre 1958
Pape Paul VI (1963-1978)
20
Orsenigo
NOM : Orsenigo
PRENOM : Cesare
LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Villa San Carlo, Valgreghentino, Lombardi, Italie
13 décembre 1873
LIEU ET DATE DE DECES : Eichstätt, Allemagne, 1er avril 1946 (72 ans)
NATIONALITE : Italienne
FONCTION : Nonce apostolique en Allemagne de 1930 à 1946
Successeur de Monseigneur Pacelli à la nonciature d’Allemagne
21
Hudal
NOM : Hudal
PRENOM : Alois
LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Graz, Autriche, 31 mai 1885
LIEU ET DATE DE DECES : Rome, Italie, 13 mai 1963 (78 ans)
NATIONALITE : Autrichien
FONCTION : 1923, Rome, nommé recteur du Collège Teutonique de Santa Maria
dell’ Anima (église nationale d’Allemagne à Rome qui hébergeait des
religieux allemands et autrichiens).
1930, nommé consultant du Saint-Office par le cardinal Merry del Val,
préfet de la Congrégation du Saint-Office (congrégation pour la
Doctrine de la Foi).
1933, juin, ordonné «évêque titulaire» ou «évêque in partibus» d’AEla
(évêché in partibus infidelium de Syrie) par le cardinal Pacelli. C’est
un titre honorifique car il n’y a pas de fidèles.
22
Draganović
NOM : Draganović
PRENOM : Krunoslav
LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Empire Austro-Hongrois (son lieu de naissance
reste assez mystérieux), 30 octobre 1903
LIEU ET DATE DE DECES : Sarajevo, Bosnie-Herzégovine ; 3 juin 1983 (79 ans)
NATIONALITE : austro-hongroise (toujours avec réserves)
FONCTION : Prêtre catholique
Impliqué dans les réseaux d’exfiltrations nazis
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Gehlen
NOM : Gehlen
PRENOM : Reinhard
LIEU ET DATE DE NAISSANCE : Erfurt, Thuringe, Allemagne, 3 avril 1902
LIEU ET DATE DE DECES : Starnberg, Allemagne, 8 juin 1979 (77 ans)
NATIONALITE : Allemande
FONCTION : Officier de renseignement nazi (espion)
Général de la Wehrmacht
24
Skorzeny
NOM : Skorzeny
PRENOM : Otto
NATIONALITE : Autrichien
DATE ET LIEU DE NAISSANCE : Vienne, Autriche, 12 juin 1908
DANTE ET LIEU DE DECES : Madrid, Espagne, 6 juillet 1975 (67 ans)
FONCTION : Officier de commando allemand sur ordre d’Hitler
Surtout connu pour être l’un des fondateurs de l’organisation Odessa
25
PARTIE I : Pie XII, le pape d’Hitler ?
Quand on est élu pape, jusqu’où peut-on ou doit-on aller ?
26
Chapitre 1 : Organigramme du Vatican
L’organigramme du Vatican sous Pie XII, ayant considérablement changé
depuis lors, devient très difficile à trouver à l’heure actuelle.
Je remercie M. XX et Mme XX, pour m’avoir orienté dans mes recherches,
malheureusement infructueuses.
27
Chapitre2 : Pie XI : Un pape de guerre
Souvent catalogué « pape de guerre », Pie XI a pris position contre Hitler et le nazisme à
différentes reprises notamment avec la publication le 14 mars 1937 de l’encyclique « Mit
brennender Sorge » (Avec une Brûlante Inquiétude), ( voir Chptre 4 : Pie XII et ses
limites : 4.1. Concordats et encycliques).
Il condamna également le « Communisme athée » dans son encyclique « Divini
Redemptoris » (le Divin Rédempteur), parue le 19 mars 1937 soit 5 jours après « Mit
brennender Sorge ».
Lors de la visite d’Etat de Hitler à Rome du 3 au 9 mai 1938, le pontife se retira dans
sa résidence d’été de Castel Gandolfo, fit fermer les musées du Vatican mais se dit prêt à
rentrer et à rencontrer le Führer si ce dernier acceptait de changer sa politique
religieuse.
Très prudent sur la question de l’antisémitisme et du racisme et plutôt qu’une
déclaration pontificale adressée au monde entier qui ressemblerait à une condamnation
publique de l’Allemagne, Pie XI envoya simplement une lettre aux recteurs des
universités et séminaires catholiques, leur demandant une « mobilisation intellectuelle »
contre le racisme.
A l’été 1938, Pie XI demanda aux Jésuites de préparer une encyclique dénonçant le
racisme, l’antisémitisme et les persécutions contre les juifs.
Appelée « Humani Generis Unitas » (L’unité du genre humain) et toujours en
préparation à la mort du Pape, le 10 février 1939, cette encyclique ne fut jamais
promulguée mais archivée par le Saint-Siège.
De nombreuses critiques fusèrent alors et Monseigneur Pacelli fut suspecté d’avoir
fait disparaître ce document que parfois l’on surnomma l’ « Encyclique cachée » ou
« Encyclique perdue ». Les détracteurs du futur Pie XII l’accusaient ainsi d’être
28
antisémite, favorable à Hitler et vouloir éviter un affrontement entre le Vatican, le Duce
et le Führer.
En fait, c’est la version annotée par Pie XI qui fut détruite, le camerlingue, en ce casci Monseigneur Pacelli, ayant pour mission de détruire toutes les notes d’un pape
décédé.
Mais, si Pie XI avait vécu plus longtemps, aurait-il osé publier cette encyclique au
risque de déclencher un conflit avec l’Allemagne d’ Hitler et l’Italie de Mussolini ?
Réticent à bouger, il pensait agir avec sagesse sans coup d’éclat et se raccrochait
aux concordats signés avec l’Allemagne et l’Italie.
29
Chapitre 3 : Pie XII : un pape de paix
Nonce apostolique à Munich en 1917, puis à Berlin en 1925, nommé cardinal puis
secrétaire d’Etat de et par Pie XI en 1929 après les Accords du Latran, le Cardinal
Pacelli, de ses 12 ans de mission en Allemagne, avait une connaissance approfondie
du pays, de ses problèmes, de ses habitants. Il y avait gardé des relations.
Secrétaire d’Etat de Pie XI, il conserva la direction des affaires d’Allemagne et,
devenu Pie XII, s’inquiéta du sort de l’Eglise d’Allemagne face à Hitler.
Docteur en théologie, en droit civil, en droit canon, érudit (il parlait 6 langues), de
par ses nombreuses missions à l’étranger, il apprit la diplomatie.
D’après le témoignage de Mgr Tardini 1, Pie XI avait préparé Mgr Pacelli à lui
succéder. Mais si Pie XI fut qualifié d « intrépide »2, d’impulsif et de colérique, Pie
XII, à l’inverse, ne montrait pas ses émotions et fut qualifié quant à lui de « timide et
indécis »².
Sur leurs blasons respectifs : « un aigle valeureux »² et « une colombe de la paix »².
Tous deux eurent le choix entre silence et condamnation. Ils choisirent la plupart du
temps le silence afin de ne pas déclarer la « guerre » aux nazis et fascistes.
L’un comme l’autre, ils défendirent le Concordat du 20-07-1933 qui même s’il
n’était pas respecté assurait une certaine protection aux catholiques allemands.
De même, ils ne désiraient pas mettre plus en danger l’Eglise d’Allemagne par de
trop fermes prises de position.
Certains ont vu en Pie XII, un pape prudent, modéré, pesant le pour et le contre,
prenant la voie du moindre risque, préférant rester en retrait des évènements et
dépourvu d’imagination.
Lui-même qualifiait son attitude pendant la guerre de non-neutre mais
d’impartiale.
1
. Mgr Tardini : secrétaire de la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires et première section de
la Secrétairerie d’Etat.
2
. « Hitler et le Vatican », P. Godman, Chap. 14 : L’excommunication de Hitler, pg 243.
30
« Juger les choses selon la vérité et la justice » écrivait Pacelli dans une lettre datée
du 31-01-1943 et adressée au Cardinal Faulhaber.
« Si un acte est contraire à la vérité et à la justice, il est à condamner mais avec la
plus grande prudence pour ne pas accentuer les persécutions »
Pensait-il à la répression en Hollande de 1942 ?
31
Chapitre 4 : Pie XII et ses limites
4.1. Concordats et encycliques
a) Les Accords du Latran
L’Italie étant fondamentalement chrétienne, ce qu’il manquait à Mussolini, c’était
l’appui du pape.
Le 11 février 1929, trois protocoles furent signés à Rome par le cardinal Gasparri
(secrétaire d’Etat de Pie XI) et le Duce au palais du Latran
3
:
-Un traité politique
La souveraineté du Pape est limitée au seul Etat de la Cité du Vatican. Le Pape
renonce à toute prétention sur les anciens états pontificaux (au centre de l’Italie).
En échange, il reçoit
-
Une convention financière
Une compensation financière énorme, à peu près 1.750.000.000 lires, est octroyée
au pape pour la perte des Etats pontificaux.
il signe
-
Un concordat dans lequel
Le catholicisme devient la religion d’Etat en Italie.
L’obligation des cours de religion pour les italiens.
L’interdiction de divorcer.
L’importance du rôle du Vatican dans la Famille.
3
. Palais du Latran : Ancien palais de l’Empire romain, il fut la résidence principale des papes du IVème au
XIVème siècle. Il est contigu à l’archibasilique Saint-Jean de Latran, siège du Diocèse (ou Evêché) de Rome.
32
La communauté internationale a interprété cela comme un accord passé avec le
pape.
Après la Seconde Guerre mondiale, la nouvelle République italienne reconnaît
l’Eglise catholique et l’Etat du Vatican mais n’admet plus les lois catholiques. Pour la
première fois depuis l’Empire romain, l’Italie n’est plus sous l’autorité spirituelle du
Vatican.
b) Le concordat du 20 juillet 1933
L’accord fut signé entre le Saint-Siège représenté par le Cardinal Pacelli, secrétaire
d’Etat de Pie XI et le Reich allemand, représenté par le vice-chancelier Franz von
Papen (catholique conservateur).
Il assurait la protection des catholiques allemands dans une Allemagne en majorité
protestante. Après la Seconde Guerre mondiale, le concordat fut suspendu. Le 26
mars 1957, la Cour constitutionnelle allemande reconnut et confirma sa validité
toujours d’actualité de nos jours.
c) L’encyclique du 14 mars 1937
Pie XI avec « Mit brennender Sorge » (Avec une Brûlante Inquiétude), condamna le
National Socialisme d’Hitler, dénonça le non-respect du concordat de 1933 et la
persécution à l’encontre des catholiques allemands. Il y critiqua entre autres l’Etat
totalitaire, le racisme, le paganisme et la propagande anti-chrétienne.
33
Cette encyclique fut préparée en secret par les cardinaux Pacelli et Faulhaber
(archevêque de Munich).
Elle fut préférée à un concordat pour ne pas mettre en danger celui de 1933.
Ecrite exceptionnellement en allemand et non en latin car, adressée aux évêques
allemands, l’encyclique fut distribuée secrètement aux prêtres dans toutes les
paroisses d’Allemagne et lue publiquement le 21 mars 1937, Dimanche des
Rameaux.
En représailles, les persécutions anti-catholiques s’intensifièrent en Allemagne :
perquisitions des évêchés, procès contre les congrégations religieuses, fermeture
d’écoles catholiques, dissolution d’organisations catholiques…
En 1937, 1100 prêtres et religieux furent emprisonnés dont 304 prêtres déportés à
Dachau en 1938.
d) La première encyclique de Pie XII, du 20 octobre 1939
Pie XII avec « Summi Pontificatus » (De l’unité du genre humain), condamna le
racisme. Il y prônait l’unité de la race humaine, des différentes cultures, ni
supérieures, ni inférieures, la solidarité et la charité afin que tous les peuples soient
égaux et le rejet d’un état totalitaire qui pour Pie XII représentait un danger pour la
paix dans le monde.
Comme toutes les encycliques, ce document se voulait non politique mais le pape y
faisait référence à la Pologne envahie.
Citons 3 réactions en fonction du pays engagé :

L’ambassadeur d’Allemagne au Vatican parla « d’attaque directe contre le
troisième Reich ».
34

En Amérique, le New-York Times écrivit en date du 28 octobre 1939 :
« Le pape condamne les dictateurs et le racisme. Il exhorte à la
reconstitution de la Pologne ».

En France et en Angleterre, en guerre contre l’Allemagne, l’on traduisit
l’encyclique en allemand et des milliers de copies furent larguées audessus du pays ennemi.
4.2. Bolchévisme
a) Le bolchévisme ou communisme ou marxisme
Le bolchévisme est un courant politique révolutionnaire marxiste constitué en
Russie en 1903 et symbolisé par Lénine.
Après la révolution russe de février 1917 où le régime du tsar fut renversé, les
bolchéviks prirent le pouvoir en octobre 17, installèrent un régime « léniniste » et
refusèrent de le partager avec tous les autres partis politiques.
En 1922, il se nommera Parti communiste de L’Union soviétique.
Lénine a fait sien les concepts de Karl Marx en les adaptant et en les interprétant
pour son régime. Il faut renverser la bourgeoisie (et le Capitalisme) qui exploite le
peuple : paysans et ouvriers (prolétariat) par la révolution en renversant le dernier
tsar de Russie, Nicolas II. Ce dernier abdiqua le 2 mars 1917.
Dans la nuit du 17 au 18 juillet 1918, Lénine donna l’ordre de massacrer toute la
famille Romanov (le tsar, son épouse et leurs 5 enfants).
35
A la mort de Lénine en 1924, Staline lui succéda. Depuis avril 1922, il était
secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique et le resta jusqu’à sa
mort en 1953.
Chef de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), il imposa une
politique de terreur et de purges.
On lui doit les goulags ou camps de travail où des centaines de milliers de
personnes ont connu la déportation. Les opposants au régime étaient forcés à l’exil
ou assassinés.
Le « petit père des peuples » était un dictateur qui s’octroya un pouvoir personnel
absolu et imposa à l’URSS un régime totalitaire.
Au regard de ce qui précède, il est plus facile de comprendre l’attitude de Pie XII
vis-à-vis du communisme. Il ne pouvait admettre une telle doctrine et avait peur
qu’elle ne prenne le contrôle en Europe.
C’est peut-être l’explication à certains écrits comme quoi Pie XII considérait le
fascisme et le nazisme comme remparts contre le communisme.
b) Le Judéo-bolchévisme ou Judéo-communisme ou Judéo-marxisme ou
bolchévisme juif
Le Judéo-bolchévisme est un terme politique antisémite et anticommuniste. Faisant
référence, entre autres, aux origines juives de Léon Trotski, il soutenait que les
juifs, pour la plupart athées, étaient à l’origine du communisme. Or il faut savoir
que ces derniers étaient une minorité opprimée et méprisée en Russie.
Dans les années 1920, cette idéologie s’est largement répandue dans tous les pays
du monde.
36
Déjà défendue en 1918 par l’ambassadeur américain en Russie (David Francis) et en
1920 par l’anglais Winston Churchill accusant les juifs d’être responsables de la
Révolution russe, elle servait parfaitement les intérêts du parti nazi qui l’a adaptée
et utilisée à sa cause : le régime communiste servait les intérêts juifs et tous les juifs
étaient communistes…
4.3. Judaïsme et antisémitisme
a) Le judaïsme
Le judaïsme rassemble tous les juifs appartenant à la religion juive, qu’ils soient
pratiquants ou non. Il est basé sur la croyance que Dieu a élu le peuple juif. Le
symbole en est le chandelier à sept branches appelé menorah.
b) L’antijudaïsme
L’antijudaïsme est l’hostilité à l’égard du judaïsme en tant que religion.
c) L’antijudaïsme chrétien
L’antijudaïsme chrétien reproche au peuple juif d’avoir condamné et crucifié JésusChrist et l’a appelé peuple « déicide »4 pour cette raison.
4
. Peuple déicide : Concept selon lequel le peuple juif serait collectivement responsable de la mort du Christ.
37
L’Eglise catholique a reconnu s’être toujours méfiée du peuple juif dans le passé et
avoir ainsi diffusé une culture anti-judaïque allant jusqu’aux persécutions
antijuives.
Déjà en 1959, Jean XXIII supprima dans la prière universelle du Vendredi saint, la
mention « pro perfidis judocis » (« Prions aussi pour les juifs incroyants », au sens
où ils n’étaient pas chrétiens).
Dans le missel promulgué en 1970, Paul VI la formula de cette manière: « Prions
pour les juifs à qui Dieu a parlé en premier : qu’ils progressent dans l’amour de son
Nom et la fidélité de son Alliance ».
Lors du Concile Vatican II, ouvert en 1962 par Jean XXIII et terminé en 1965 par Paul
VI, suite au décès du précédent en 1963, on rejeta pour la première fois la
« culpabilité collective » du peuple juif.
Position identique, tout récemment, de Benoît XVI qui a mis fin à l’antijudaïsme
chrétien. Le 9 mars 2011, mercredi des Cendres, le pape publiait le second tome de
son livre « Jésus de Nazareth », dans lequel il innocente le peuple juif dans la
condamnation de Jésus et donc le lave du crime de déicide.
Le Concile Vatican II a également abandonné la théologie (ou théorie) de la
Substitution ou Supersessionisme : « le christianisme aurait été substitué au
judaïsme dans le dessein de Dieu ».
L’origine de cette doctrine remonte au milieu du IIè siècle, quand pour la première
fois, le philosophe chrétien Justin de Naplouse écrivit que « l’Eglise est le véritable
Israël ».
38
d) L’antisémitisme
L’antisémitisme marque l’hostilité à l’égard des juifs en tant que peuple et non plus
uniquement en tant que religion. Il symbolise la haine à l’encontre d’une nation
considérée comme race inférieure.
Prenons 3 pays en exemple :
-La Russie
voir 4.2. Bolchévisme, b) le judéo-bolchévisme.
- La France
Edouard Drumont publia en 1886 « la France juive », pamphlet antisémite qui
connut un grand succès. On assista alors à une forte montée antisémitisme, doublée
d’une montée du cléricalisme.
En 1894, sur fond d’espionnage et d’antisémitisme, éclatata l’affaire Dreyfus.
D’origine alsacienne, cet officier (capitaine) français juif fut condamné et déporté en
Guyanne en 1894, pour avoir livré des secrets militaires français à l’Allemagne. Il fut
innocenté et réhabilité en 1906.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le régime de Vichy a mené une politique
antisémite : collaboration de Pétain avec Hitler et les nazis menant une haine, un
mépris et une exclusion des juifs résidant en France.
-L’Allemagne
Au milieu des années 1920, Alfred Rosenberg (adhérent du parti nazi) diffusa le
« Protocole des Sages de Sion », par le biais du « Völkischer Beobachter »
(observateur populaire), appartenant au Parti national-socialiste. A l’origine, écrit à
la demande de la Okhrana (police secrète tsariste), il était destiné au tsar Nicolas II
39
et à sa politique de discrimination antisémite. Faux programme juif, il voulait
prouver l’existence d’un vaste complot destiné à prendre le pouvoir mondial.
Repris par Hitler, ce texte fut publié à grande échelle dans le but de dénoncer ce
complot juif et devint l’une des bases de la propagande antisémite du Troisième
Reich.
Devant un tel climat de haine et d’hostilité, beaucoup de juifs émigrèrent aux EtatsUnis dans les années 1930.
Nous pouvons mieux comprendre maintenant la rupture entre juifs et chrétiens.
Cela explique peut-être le silence de nombreux catholiques face aux persécutions
et déportations juives ou l’attitude de l’Eglise d’Allemagne, qui intervint en faveur
des juifs convertis au christianisme ou mariés à des catholiques mais resta
quasiment silencieuse concernant les juifs non catholiques.
4.4. Les juifs de Rome protégés par Pie XII et les catholiques ?
Début septembre 1943, les nazis envahirent le nord et le centre de l’Italie.
Le 10 septembre, l’armée allemande occupa Rome et s’arrêta aux portes du Vatican
(symboliquement à la frontière).
La communauté israélite (environ 12 000 juifs) commença à s’inquiéter et le grand
rabbin de Rome, Zolli demanda aide à Pie XII.
40
Début octobre, les juifs et toutes personnes recherchées par les allemands
trouvèrent refuge dans des couvents, des communautés religieuses et même au
Vatican. Sur ordre de Pie XII, les hommes furent autorisés à pénétrer dans les
couvents de religieuses et réciproquement. Couverts par l’immunité diplomatique
comme propriétés pontificales, certains abris furent cependant forcés et les réfugiés
arrêtés.
Dans la nuit du 15 au 16 octobre, une rafle SS (razzia) fut déclenchée contre les juifs
italiens. Un millier d’entre-eux furent arrêtés et déportés à Auschwitz. Le Cardinal
Maglione, secrétaire d’Etat, convoqua au Vatican l’ambassadeur d’Allemagne et
« protesta ». La négociation s’engagea et un compromis fut trouvé : le silence du
pape (désapprobation officielle) contre l’arrêt de la razzia qui permit de sauver des
milliers de juifs.
Les juifs étrangers furent à leur tour inquiétés et aidés par un capucin français
vivant à Rome, le père Marie-Benoît. Dans le plus grand secret, il leur fournit des
papiers d’identité, des cartes d’alimentation,…
A la demande du rabbin David Panzieri (faisant fonction de grand rabbin) et des
familles inquiètes du sort des prisonniers, le Vatican apporta son aide en créant un
bureau d’information, sous la responsabilité de Mgr Montini (substitut aux Affaires
ordinaires et futur Paul VI), afin de recueillir et transmettre des nouvelles des
victimes disparues.
Parallèlement, Pie XII essayait de protéger Rome et le Vatican de la destruction.
Le bombardement de la Ville éternelle par l’aviation alliée, le 19 juillet 1943, avait
tué plus de 1500 civils et fait autant de blessés.
Après le débarquement allié en Sicile, le 10 juillet 1943, puis en Italie, début 1944
(batailles d’Anzio et de Monte Cassino), la guerre se rapprochait.
41
Afin d’éviter que Rome ne devienne un champ de bataille, toutes les voies
diplomatiques furent utilisées avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Espagne,
l’Irlande,…
Le 27 mai 1944, Mgr Tardini (substitut aux Affaires extraordinaires), rencontra
l’ambassadeur d’Allemagne. Il lui demanda de respecter le Ville sainte : ni
représailles, ni destructions à la retraite allemande.
Dans son discours du 2 juin, Pie XII s’adressa à l’opinion mondiale dans le même
contexte : le respect de tous pour Rome.
Au soir du 2 juin, face aux Alliés, les allemands se replièrent. Ils firent le choix
d’évacuer la ville et non de la défendre.
Le 4 juin, les troupes américaines rentraient dans la cité et occupaient, le 5 juin au
matin, une « Rome à peu près intacte ».
4.5. Position de Pie XII avant et pendant la guerre
4.5.1. Les intérêts de l’Eglise avant ceux des victimes ?
a) Enjeux politiques
Pie XII détestait la guerre et a défendu la paix en intercédant auprès des nations
concernées :
« Une paix négociée seule permettra d’arrêter le conflit ». Après l’échec de la
diplomatie papale et la déclaration de guerre, d’autres enjeux se prolifèrent…
42
o
Il fallait protéger l’Eglise d’Allemagne menacée par le régime nazi.
o
Pie XII devait sauver Rome, la Ville sainte de la destruction.
o
Il voulait garantir la neutralité du Vatican en évitant tout conflit avec le
Führer.
Pour la politique nazie, Hitler, en évitant toute guerre ouverte avec le Saint-Siège,
forçait le pape à en faire autant.
o Or, les condamnations faites par le Vatican auraient pu être
interprétées comme guerre spirituelle par l’Etat allemand.
o La lutte contre le communisme, « le pire ennemi de l’Eglise » comme
l’a souligné
Mgr Tardini, devait être doublée d’une lutte contre le nazisme, synonymes tous
deux d’injustice, d’oppression et de persécution.
Pour certains, l’enjeu politique majeur était la complicité existant entre Pie XII et
Hitler. Cette thèse doit être écartée car aucune preuve n’a jamais confirmé de tels
faits, lesquels d’ailleurs ont été démentis lors du procès de Nuremberg5.
b) Enjeux humains
o
L’enjeu humain le plus important fut, sans nul doute, le sort des juifs. Juifs de
Pologne, de Hollande, de France, d’Allemagne, d’Italie, de Rome, arrêtés,
persécutés, déportés par milliers.
Pourtant, les premières mesures contre les juifs n’ont guère ému les milieux
chrétiens, ni en Allemagne, en Autriche, en Italie ou en France (statuts et législation
antisémites de Vichy en octobre 1940 et mai 1941), ni en Hongrie et en Europe
5
. Procès de Nuremberg : Procès incriminant 24 principaux responsables du régime nazi, se déroulant à
Nuremberg (Allemagne) à la fin de la guerre, du 20 novembre 1945 au 1 er octobre 1946.
43
centrale sauf en Slovaquie où le nonce Burzio et l’épiscopat réagirent énergiquement
mais en vain, en novembre 1941.
o
Pie XII, très attaché au catholicisme allemand se préoccupait aussi de la
situation de l’Eglise en Allemagne. A peine élu pape et entouré des 4
cardinaux allemands Bertram, Faulhaber, Schulte et Innitzer, il en conclut que
pour la protéger, on devait améliorer les relations entre l’Eglise et le
gouvernement allemand. Ce fut peine perdue, la propagande anticatholique
continua, la persécution religieuse aussi, amenant à des représailles sur les
catholiques et religieux allemands.
o
Il fallait aussi garantir la sécurité du Saint-Siège et épargner le peuple italien.
Pie XII adressa donc un message à Mussolini appelant à la négociation et à
Roosevelt appelant à la clémence.
c) Neutralité
Pie XII était un pape de paix. Son but premier fut de garantir cette paix à travers le
monde et surtout avec les nazis. Rester neutre était pour lui une des meilleures
solutions possibles.
Mais au terme de neutralité pris dans le sens d’indifférence, il préférait celui
d’impartialité qui « juge les choses selon la vérité et la justice ».
Telle était la diplomatie pontificale, une volonté de rester neutre afin de préserver
ses relations avec tous les pays en guerre. « Ni se taire complètement, ne faire
d’éclat dangereux mais protester prudemment ».
44
En cela, Pie XII suivait tout simplement la politique apprise sous Pie XI en tant que
secrétaire d’Etat. A certaines reprises, Pie XI eut quelques réticences à parler et l’exnonce apostolique de Berlin n’a fait que suivre son exemple.
De sa nonciature en Allemagne et de ses nombreux voyages à l’étranger, Pie XII
avait acquis une grande expérience diplomatique.
Face à la montée du nazisme et de l’antisémitisme, face aux persécutions et aux
représailles, plutôt que de protester publiquement, il préféra s’en tenir à la voie
diplomatique pensant ainsi sauver beaucoup de vie.
4.5.2. Discours de Noël, 1942
Le discours de Noël de Pie XII, le 24 décembre 1942, diffusé par Radio Vatican en
italien, langue difficilement comprise en Allemagne, a suscité une polémique parmi
les détracteurs du pape.
Dans le film « Amen » de Costa-Gravas (2001), il fut présenté comme un discours
neutre où Pie XII n’exprimait en aucune façon son avis sur la question nazie. Une
phrase pourtant retint l’attention : « Ce vœu [de retour à la paix], l’humanité le doit
aux centaines de milliers de personnes, qui, sans aucune faute de leur part, pour le
seul fait de leur nationalité ou de leur race, ont été vouées à la mort ou à une
extinction progressive ».
Mais si le terme juif n’apparut pas dans le message pour d’évidentes raisons
diplomatiques, il était clair que le pape faisait allusion aux victimes de la Shoah et
prenait position contre le nazisme. Le 25 décembre 1942, le New York Times
(journal important aux Etats-Unis), prit le parti du pontife et publia un éditorial :
« La voix de Pie XII est bien seule dans le silence et l’obscurité qui enveloppe
45
l’Europe ce Noël. Il est à peu près le seul dirigeant restant sur le Continent européen
qui ose tout simplement élever la voix ».
Sur le plan diplomatique, à la fin de janvier 1943, l’ambassadeur d’Allemagne von
Bergen protesta contre cette rupture de la « traditionnelle attitude de neutralité » :
« Le Vatican semble prendre une position politique contre l’Allemagne. Veuillez
l’informer qu’en ce cas, l’Allemagne ne manquerait pas de moyens de représailles
physiques ».
4.5.3. Mgr Orsenigo, nonce de Berlin
Successeur de Mgr Pacelli à la nonciature de Berlin, Cesare Orsenigo, de tous les avis
recueillis de personnes travaillant avec lui, n’était pas d’un tempérament combatif.
Contrairement à Mgr Pacelli, le nonce n’était pas un homme formé à la diplomatie. Il
manquait d’imagination et d’audace. Orsenigo n’était pris au sérieux ni par Hitler, ni
par Pacelli, ce dernier l’excluant même de toutes les négociations au sujet de
l’Allemagne.
Cependant, il fut l’une des principales sources d’informations en territoire allemand
pour le Saint-Siège durant la Seconde Guerre mondiale et la montée au pouvoir des
nazis.
Après la victoire d’Hitler en 1933, il écrivit à Pacelli qu’il serait « naïf et peu
cohérent »6 de soutenir ce nouveau gouvernement, déjà condamné par les évêques
catholiques mais tout aussi imprudent de s’y opposer.
Selon lui, les catholiques allemands ne sauraient pas s’opposer au Führer car la
moitié d’entre-eux avaient voté pour les nazis.
6
. « Hitler et le Vatican », P. Godman, Chap.4 : Des voix s’élèvent en Allemagne, pg 58.
46
Orsenigo était un homme de compromis, prudent mais indécis. Le 8 mai 1933, il
rapporta que lors d’une rencontre avec Hitler, celui-ci lui avait confié qu’il
n’imaginait pas
« la vie d’un individu ou d’un Etat sans le christianisme »7. Et qu’une association
entre l’Etat allemand et l’Eglise était plus que nécessaire pour venir à bout, entre
autre, du bolchévisme.
Ensuite le Führer s’était exprimé ouvertement sur sa peur des juifs, « race […] un
danger pour l’Etat et l’Eglise »8. Hitler avait réussi à charmer le naïf Orsenigo.
Au printemps 1933, lorsque le Vatican apprit les persécutions dont les juifs étaient
victimes, Pacelli donna au nom de Pie XI, des directives à Orsenigo : « Le Saint-Père
charge Votre Excellence d’examiner l’opportunité et les modalités d’une éventuelle
intervention »9.
Mais le nonce déclara qu’il était fort dangereux pour le Vatican d’intervenir contre le
gouvernement nazi car cela serait perçu comme « protestations contre les lois de ce
gouvernement »10.
Le silence était donc de rigueur pour cet homme qui hésitait beaucoup à agir…
En tant que nonce de Berlin, Orsenigo ne fut jamais l’homme adéquat. Il maîtrisait
très mal la langue, n’était pas bien perçu par les évêques catholiques allemands. Il
était contre la rupture avec le Troisième Reich, contre les disputes et les coups
d’éclat. Il eut pourtant conscience du régime de terreur imposé par Hitler mais
comme ses démarches restaient sans succès, il s’est peu à peu découragé et resta
uniquement l’homme de contact de Pie XII.
7
. ibid. pg 60.
. ibid. pg 60.
9
. ibid. pg 61.
10
. ibid. pg 62.
8
47
4.5.4. Excommunication de Hitler
Sous Pie XI, le Vatican hésitait entre condamner et concilier avec l’Allemagne de
Hitler et l’Italie de Mussolini.
Avec l’Italie, c’était plutôt un « mariage d’intérêt », une collaboration hypocrite,
Mussolini ne voulant pas d’un conflit avec le Saint-Siège et Pacelli ayant peur d’un
rapprochement du gouvernement italien avec Hitler.
Dans ce marché de dupes, le 10 avril 1938, bien avant son alliance avec Hitler, le
Duce proposa au pape l’excommunication du Führer.
Ni Pie XI ni par la suite Pie XII ne voulurent prendre de risques et préférèrent la
modération et la négociation avec l’Allemagne, plutôt que l’excommunication, qui
passerait pour une sanction extrême. Ils jouèrent la sécurité au regard du nazisme
et du fascisme comparés à la menace bolchévique.
4.5.5. Le silence, la solution pour qui et pourquoi ?
Le qualifiant de pro-nazi ou de germanophile, beaucoup reprochèrent à Pie XII son
silence ou quasi-silence face aux atrocités commises en Pologne, au génocide juif et
aux massacres des serbes orthodoxes (Croatie). Ce silence peut s’expliquer de
plusieurs façons.
48
a. La diplomatie
Pie XII, de par sa formation de diplomate, était persuadé que la défense de l’Eglise
et des persécutés passait par les voies diplomatiques traditionnelles. Dans ses
discours et messages, il insistait sur les « excès de la guerre » et sur les
« bienfaits de la négociation et d’une paix fondée sur un juste équilibre ».
b. La protection de Rome et du Vatican contre l’occupation allemande
c. La volonté de ne pas mettre en danger l’Eglise d’Allemagne et ses catholiques
d. La méfiance vis-à-vis du bolchévisme
e. Et principalement la peur des représailles
o
Lors de l’invasion de la Pologne en septembre 1939, l’Eglise fut visée tout
autant que les juifs. Plusieurs milliers de religieux furent exécutés ou envoyés
en camp de concentration. Le nonce de Varsovie et le gouvernement s’étaient
réfugiés en Roumanie. Radio-Vatican sut donner, quelques temps, des
informations sur les conditions de l’Eglise en Pologne. Mais sa diffusion
s’arrêta lorsque le gouvernement d’Hitler menaça le pape de représailles,
jugeant ces émissions anti-allemandes.
o
En 1941, lorsque le Führer rédigea son plan « Euthanasie » (assassinat des
aliénés et des incurables), le pontife soutint les évêques qui protestaient mais
sans intervenir publiquement.
o
Après la lettre des évêques des Pays-Bas condamnant la déportation des juifs
dans les camps d’extermination, lue dans les églises hollandaises en juillet
1942, la répression fut d’une violence sans précédent. Plus de 80% de la
49
population juive de Hollande fut exterminée. Aux 100 000 déportations et
disparitions dont Anne Frank, célèbre pour son journal, on compta 30 000
survivants à la fin de la guerre. Les SS s’en prirent également aux juifs
convertis au christianisme et envahirent les monastères, couvents et écoles
catholiques.
o
Le 2 juin 1943, Pie XII tint un discours devant les cardinaux : « Toute parole,
toute allusion publique devaient de Notre part, être sérieusement pesées et
mesurées, dans l’intérêt même de ceux qui souffrent, pour ne pas rendre leur
situation encore plus grave et insupportable ».
A différentes reprises, juifs et chrétiens demandèrent au pape de ne pas faire de
protestation publique et de modérer ses propos afin de ne pas intensifier les
persécutions nazies.
Mais à côté de ce silence, l’Eglise a pu agir par des interventions aussi discrètes
qu’efficaces auprès des nonciatures et des évêques, en créant des filières
clandestines d’aide aux juifs et en les cachant.
Certains ont émis l’hypothèse que Pie XII, par son silence et ses actions secrètes,
aurait permis de sauver de 700 000 à 860 000 êtres humains.
Mais il ne fut pas le seul à garder le silence et ne peut être tenu pour unique
responsable de l’Holocauste. Face à Hitler, antisémite et anticlérical, suivi
aveuglément par les allemands et les fanatiques nazis, face aux compromis
politiques et religieux, face aux lois raciales se tenaient le pape et sa prudence mais
aussi toute l’Europe, où les gouvernements et les églises ne réagissaient pas et
gardaient le silence face à la montée du nazisme et qui, plus tard, trop préoccupés
par la guerre, ont mis de côté le sort des juifs.
50
En exemple, les accords de Munich du 30 septembre 1938, signés entre
l’Allemagne, la France, l’Angleterre et l’Italie : pensant sauver la paix, français et
anglais livrèrent la Tchécoslovaquie à Hitler, pourtant la France avait avec ce pays un
traité d’alliance. En fait, ils n’ont fait que retarder la guerre comme l’avait prédit
Winston Churchill, avant la signature : « Vous aviez le choix entre le déshonneur et
la guerre. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre »11.
Pie XII devait-il parler plus ? Etait-ce la solution ? Mais à quel prix ? Car s’il avait
condamné publiquement les régimes nazi et fasciste, n’y aurait-il pas eu encore
plus de représailles, encore plus de morts et cette fois tant catholiques que juifs ?
Il est aisé de polémiquer, de supputer sur des questions auxquelles nous n’aurons
jamais de réponses. Restons dans le contexte historique.
Une chose est sûre : rien ni personne n’aurait pu arrêter Hitler et sa folie de
domination. Même pas un pape…
4.6. Attitude d’Israël envers Pie XII
Israël et la communauté juive ont des avis très partagés sur Pie XII.
Au lendemain de la guerre, en mars 1946, Isaac Herzog, grand rabbin de Jérusalem,
exprima toute sa gratitude envers le pape pour son action en faveur des juifs. De
même, Golda Meir, ministre des Affaires étrangères, déclara le jour de la mort du
pontife, le 9 octobre 1958 :
11
. Dans un hebdomadaire français « Match », daté du 29 septembre 1938, pg 4.
51
« Pendant la décennie de terreur nazie, quand notre peuple a souffert un martyr
terrible, la voix du pape s’est élevée pour condamner les persécuteurs… Nous
pleurons un grand serviteur de la paix ».
Le 21 février 2001, le grand rabbin de New York, David Dalin, demanda de
reconnaître Pie XII comme un « Juste parmi les Nations »12.
Cet historien a publié, en 2005, une étude sur le rôle joué par le pontife pendant la
guerre.
Basée sur des faits historiques établis (archives,…), elle en arrive à la conclusion que
Pie XII devait être reconnu « Juste parmi les Nations ». Le livre fut traduit en français
sous le titre « Pie XII et les juifs. Le mythe du pape d’Hitler ».
Déjà en 1940, Albert Einstein déclarait au quotidien anglais « Times », que seule
l’Eglise se mettait en travers du chemin d’Hitler.
Si ces quelques exemples louent les actions de Pie XII durant la guerre, d’autres par
contre condamnent son rôle joué à cette époque.
Le mémorial israélien de Yad Vashem, à Jérusalem, se donne pour mission de
perpétuer la mémoire de la Shoah. Il comprend le nouveau musée de l’histoire de
l’Holocauste inauguré en 2005 qui présente « la vérité historique » sur Pie XII telle
qu’elle est connue aujourd’hui : une grande photo du pape est exposée dans la
galerie de « ceux dont on devrait avoir honte pour ce qu’ils ont fait contre les
juifs »13. Le mémorial se dit toutefois prêt à revoir sa position si de nouveaux
éléments sur Pie XII sortiraient des archives du Vatican.
Le rabbin israélien Cohen, invité au Synode (assemblée) des évêques du monde
entier à Rome en octobre 2008, critiqua le silence de Pie XII sur l’extermination des
juifs durant l’Holocauste.
12
. Juste parmi les nations : Plus haute distinction honorifique décernée au nom de l’Etat d’Israël par le mémorial
« Yad Vashem ». Ce sont « Les Justes parmi les Nations qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs ».
13
. Nom de la galerie du mémorial « Yad Vashem ».
52
De même, toujours en octobre 2008, Israël s’est élevé par la voix du ministre des
Affaires sociales, Ytzhak Herzog (petit-fils du grand rabbin de Jérusalem en 1946)
contre le souhait de Benoît XVI de béatifier Pie XII, à qui il reproche de n’avoir jamais
condamné la Shoah.
Traduction du poème (Nathan Alterman, 1942)
Pendant que les fours étaient nourris jour et nuit,
Le plus Saint-Père qui demeurait à Rome
N’a pas quitté sa basilique, avec l’image du sauveur,
Pour être le témoin d’un jour de pogrome14.
Participer juste, à une seule journée
A l’endroit où se trouve depuis des années, comme un
[agneau
L’anonyme enfant d’un juif.
Portrait de Pie XII au Mémorial « Yad Vashem »
Galerie de « ceux dont on devrait avoir honte pour ce qu’ils ont fait contre les juifs ».
Traduction15 du texte se trouvant en-dessous du poème
« Le Pape Pie XII :
Les réactions de Pie XII au meurtre des Juifs pendant la Shoah sont sujettes à
controverse. En 1933, quand il était Secrétaire du Vatican, il fut actif pour obtenir un
Concordat avec le pouvoir allemand afin de protéger le droit de l'Église en
Allemagne, même si cela signifiait la reconnaissance du régime nazi raciste. Quand
il fut élu pape en 1939, il « enterra » une lettre contre le racisme et l'antisémitisme
qu'avait préparée son prédécesseur. Même lorsque les rapports sur le massacre des
14
. Shoah : Massacre.
15
. www.herodote.net/articles/articles.php?ID=559
53
Juifs s'accumulèrent au Vatican, le pape ne protesta jamais par oral ou par écrit. En
décembre 1942, il s'abstint de signer la déclaration des Alliés condamnant
l'extermination des Juifs. Lorsque les Juifs furent déportés de Rome à Auschwitz, le
Pape n'intervint pas. Le Pape maintint sa position de neutralité pendant toute la
guerre, à l'exception d'un appel aux dirigeants de Hongrie et de Slovaquie vers la
fin. Son silence et l'absence de directives obligèrent les hommes d'Église, à travers
l'Europe, à déterminer par eux-mêmes quelles devaient être leurs réactions. »
54
4 .7. Demande de pardon de Jean-Paul II, 2000
Le 12 mars 2000, à la cité du Vatican, Jean-Paul II fit acte de repentance : demande
de pardon de l’Eglise catholique entre autres pour son attitude envers le peuple juif
et les persécutions subies depuis 2000 ans.
Le 26 mars 2000, pour la première fois, un pape se rendit au pied du mur des
Lamentations (lieu sacré) à Jérusalem. Jean-Paul II déposa dans une fente du mur
une prière écrite sur une feuille de papier : une demande de pardon de Dieu pour
les siècles de persécutions menés par les chrétiens contre les juifs au cours de
l’Histoire.
Il prononça également un discours lors d’une cérémonie au mémorial Yad Vashem.
Ancien détenu de Buchenwald, Lau, à l’époque grand rabbin d’Israël puis Avner
Shalev, directeur du Yad Vashem, ainsi que d’autres, se montrèrent déçus que le
pape n’y nomma pas clairement la Shoah.
Certains lui reprochèrent également de présenter des excuses mais de ne pas
reconnaître les fautes commises par l’Eglise.
55
4.8. Actualités
Le 19 décembre 2009, Benoît XVI a signé le décret ouvrant la voie à la béatification16
de Pie XII aux côtés de Jean-Paul II et de 18 autres nommés. De nombreuses
réactions fusèrent montrant que le sujet portait toujours à controverse.
Le pape est l’évêque de Rome, successeur de l’apôtre Pierre. En tant que chef
suprême de l’Eglise catholique, son rôle est de veiller à son unité et est limité aux
fonctions de l’Eglise. Sa mission est de guider les catholiques, d’aider les hommes
et de prendre position si le droit humain est bafoué et non respecté. A ce titre, on
peut lui reprocher son immobilisme, son indécision, son silence mais on peut se
poser la question sur ses motivations.
Tiraillé entre silence et protestation publique, au regard des diverses raisons
énumérées dans cette première partie, la meilleure des solutions a pu sembler être,
pour lui, le quasi-silence, hormis son discours de Noël de 1942 et celui de1943, où
il explique sa position devant les cardinaux.
Accusé d’antisémitisme et de racisme, de non-réaction face à la Shoah, certains
aiment à faire croire qu’il fut le pape d’Hitler. Mais rien ne justifie cette appellation.
Cependant les légendes ont la vie dure.
Le 1er mai 2011 à Rome, Jean-Paul II sera béatifié mais pas encore canonisé17. Exit
Pie XII.
En 2013, des archives du Vatican sur la période 1940-1945, encore tenues secrètes,
seront ouvertes aux historiens et chercheurs. Peut-être apporteront-elles un nouvel
éclairage sur les silences ou actions du Vicaire du Christ.
16
17
. Béatification : Elevé au nombre des bienheureux sous condition d’un miracle.
. Canonisation : Elevé au nombre des saints sous condition de deux miracles.
56
Chapitre 5 : La légende noire du Pape d’Hitler
Nombreux furent et sont toujours les livres écrits sur Pie XII, les uns défenseurs, les
autres accusateurs. Mais peu ont créé une réelle polémique excepté…
Différentes personnes se sont succédées, divers éléments se sont enchaînés pour
créer le mythe du Pape d’Hitler.
Recteur de l’Eglise nationale allemande à Rome, Alois Hudal était un personnage
très ambitieux et arriviste. Nationaliste convaincu, travaillant pour le Vatican sous
Pie XI et ensuite Pie XII, il se voulait le médiateur entre l’Allemagne nazie et l’Eglise
de Rome catholique. Selon Peter Godman, l’ « Evêque brun »18 se présentait comme
rival de Mgr Pacelli, alors secrétaire d’Etat de Pie XI et ensuite a jalousé la place
occupée par le pape Pie XII. De plus, il ne fut jamais élevé au rang de cardinal et en
conçut énormément d’amertume. Désavoué par le Saint-Siège puis écarté par Pie XII
après la guerre, Hudal écrivit ses Mémoires dans lesquelles il prétendait avoir agi
pour le compte du Vatican.
Ces mémoires furent un tremplin pour Rolf Hochhuth qui écrivit la pièce satirique
« Le Vicaire », 5 ans après la mort du pape en 1963, critique virulente du silence de
Pie XII. En quelques mots, l’auteur nous raconte l’histoire de Gerstein, officier SS,
qui horrifié par les atrocités commises à l’encontre des juifs, décide de leur venir en
aide. Il sollicitera l’aide d’un jésuite, Fontana, lequel informera Pie XII et lui
demandera d’intervenir publiquement. Ce dernier ne bougera pas. Au final, Fontana
s’embarquera dans un convoi pour Auschwitz et y mourra. Gerstein, emprisonné, se
pendra en 1945. Il est à noter que si l’officier SS a réellement existé et a voulu
intervenir en faveur des juifs, Fontana quant à lui est un personnage fictif.
18
. Evêque brun : Nom donné à Hudal en raison de sa sympathie pour le régime nazi.
57
Le film réalisé par Costa-Gravas en 2002, « Amen » est directement tiré du
« Vicaire ». Le cinéaste a repris la même histoire à quelques détails près.
Ces deux œuvres ont eu un impact médiatique retentissant, constituant toujours
aujourd’hui une référence pour les détracteurs de Pie XII.
Citons également John Cornwell. Ce journaliste britannique a écrit en 1999 un livre
s’intitulent « Hitler’s Pope » (le Pape d’Hitler), lequel serait basé sur des documents
inédits provenant des archives du Vatican. L’auteur y critique le silence du pontife.
Mais nombre d’historiens ont contesté l’œuvre la jugeant infondée et contenant
mensonges, erreurs et omissions.
En 2002, l’écrivain américain Daniel Goldhagen, publia « A Moral Reckoning » (un
jugement moral).
Ce fils d’un survivant de l’Holocauste pose un regard critique sur le rôle joué par
l’Eglise catholique dans la Shoah et son devoir non rempli de repentance doublé
d’un violent réquisitoire contre l’attitude de Pie XII.
Quelques écrivains, une pièce de théâtre, un film ; des rivalités au sein du Vatican,
un pape silencieux ; des mentalités antireligieuses ; une rumeur qui naît, qui enfle,
qui provoque toujours autant de passions en 2011 en divisant l’opinion mondiale.
Tout porte atteinte à la réputation d’un homme. Et pourtant, rien ne prouve que Pie
XII était le Pape d’Hitler.
58
Conclusion
Comme nous l’avons montré précédemment, de nombreuses raisons ont poussé Pie
XII à ne pas s’exprimer fermement face au nazisme. Par crainte du bolchévisme, de
représailles contre l’Eglise d’Allemagne et les juifs ou pour d’autres raisons, le pape
n’a parlé, concrètement, que deux fois : son discours de Noël de 1942 et celui de
1943 devant les cardinaux.
Nous en arrivons donc à la conclusion que, certes, le pontife aurait dû s’impliquer
davantage dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale mais cela aurait-il
vraiment changé le cours de l’histoire ?
Face à des dictateurs comme Hitler et son idéologie nazie, il est impossible de
négocier.
De plus, Pie XII ne doit pas être le seul coupable. Les autres états, anglais, français
et américain n’ont pas plus ouvert les yeux que lui, tous étant parfaitement au
courant de la situation en Europe.
Et si Pie XII avait parlé publiquement, que se serait-il réellement passé ? Plus de
représailles ou au contraire, un recul du conflit ?
L’histoire est écrite, nous ne pouvons plus revenir en arrière. Pour certains, il est
aisé de juger quelqu’un en ne sachant pas soi-même comment l’on aurait agi.
Il est plus important d’analyser méthodiquement les faits actuels, en attendant de
plus amples informations suite à l’ouverture des archives du Vatican en 2013…
Benoit XVI veut canoniser Pie XII, a-t-il raison ou tort ?
59
PARTIE II :
De la protection de l’Eglise à la fuite
des nazis ou les dessous du Vatican
L’attrait du gain, du pouvoir, de la vengeance ou de la jalousie peut-il faire basculer
certains religieux dans le cercle des « Conspirateurs en soutane » ?
60
Chapitre 1 : Les hommes de l’ombre
1.1. Réseaux d’exfiltration nazis
Les « Ratlines » (route des rats) étaient des filières d’exfiltration mises en place par
des nazis, des ecclésiastiques et des gouvernements permettant la fuite de criminels
de guerre nazis et de tous sympathisants et collaborateurs du régime d’Hitler. Ces
organisations secrètes menaient en Amérique latine : Argentine, Paraguay, Brésil,
Chili, Bolivie, et au Moyen-Orient : Egypte, Irak, Syrie, mais également aux EtatsUnis.
Le réseau ODESSA est sans nul doute le plus connu suite au roman de Frederick
Forsyth, publié en 1972 : « The Odessa File » (Le Dossier Odessa) et adapté au
cinéma en 1974 sous le même titre. Citons également deux autres organisations
très méconnues : « Die Spinne » (L’Araignée) et « Sechsgestim » (Constellation des
Six) qui, d’après Simon Wiesenthal19 auraient été basées en Autriche, lieu de refuge
des nazis. Les filières romaines de Hudal et de Draganović ont également facilité la
fuite de criminels nazis.
A côté de ces organisations secrètes, divers gouvernements ont également aidé à
l’exfiltration de membres du IIIè Reich, le but étant de s’approprier le savoir des
spécialistes scientifiques et stratèges militaires allemands. Ainsi, les Etats-Unis, la
Russie et dans une moindre mesure la France et l’Angleterre ont récupéré d’anciens
SS et membres de la gestapo.
Passées sous silence, on a encore, à l’heure actuelle, très peu d’informations sur ces
exfiltrations.
19
. Simon Wiesenthal : Juif rescapé des camps d’extermination nazis. Il a consacré le reste de son existence à la
chasse aux criminels de guerre nazis.
61
En 1973, l’ « Operation Paperclip » fut rendue publique. A la fin de la Seconde
Guerre mondiale, le Pentagone et l’OSS organisèrent une opération de récupération
des scientifiques allemands dont Wernher von Braun, ingénieur spécialiste des
missiles V2 qui occupa par la suite un poste clé aux Etats-Unis.
Officier allemand de la Wehrmacht (armée allemande) sous Hitler, Reinhard Gehlen
était un espion nazi. Arrêté puis libéré en juillet 1946 en tant que prisonnier de
guerre, il collabora avec l’OSS et créa l’Organisation Gehlen (« Gehlen Org »).
Cette dernière employait des centaines d’anciens nazis comme agents secrets afin
d’espionner et de surveiller l’Europe de l’Est et l’URSS.
En 1956, Gehlen fonda le BND (services secrets d’Allemagne de l’Ouest) et en devint
le premier directeur jusqu’en 1968.
Il fut soupçonné d’avoir joué un rôle important dans l’évasion de nazis vers
l’Amérique latine mais cela ne fut jamais prouvé.
1.2. Odessa
Officier SS20, décoré de la Croix de fer par Hitler, Otto Skorzeny s’enfuit après la
guerre en Espagne franquiste du nom du régime politique fondé par le dictateur
Franco.
Son organisation « Bruderschaft » (la Fraternité) devint ODESSA (Organisation des
anciens membres de la SS), dont il fut le dirigeant.
Ce réseau secret était chargé de gérer les fonds provenant d’anciens SS, d’organiser
leur évasion et leur survie hors Europe.
20
. La SS ou la Schutzstafell (escadron de protection) fut l’une des principales organisations du régime nazi
déclarée criminelle au procès de Nuremberg.
62
Le docteur Mengele et « le boucher de Lyon », Klaus Barbie, auraient fait partie des
criminels de guerre exfiltrés. Reinhard Gehlen aurait également coopéré avec
Odessa.
Skorzeny ne fut jamais inquiété et est décédé à Madrid en 1975.
Cette organisation était une filière d’évasion parmi d’autres mais qui a été rendue
célèbre par le thriller du même nom et dont le scénario s’inspira de faits réels.
Aujourd’hui, de plus en plus d’historiens s’accordent sur la définition du terme
ODESSA : nom de code reprenant les chemins d’évasion mis en place à partir de
1946.
Les réseaux secrets créés par les ex-nazis ont plus que probablement utilisé les
filières romaines à certains moments, dans le seul but de soustraire tous les
sympathisants du régime hitlérien à la justice européenne. Leur sauvetage
s’orientait autour de deux grands axes principaux :

Le premier est celui de l’Amérique du Sud et ses dictatures conciliantes
prenant deux chemins différents :
Autriche → Rome de Hudal
→ port de Gênes → Amérique latine
ou San Girolamo de Draganović
Suisse → France → Espagne de Franco → Gibraltar → Maroc → Amérique latine

Le second est celui du Moyen-Orient, principalement l’Egypte du roi Farouk
et l’antisémitisme arabe, passant également par le port de Gênes, véritable
plaque tournante. Cet axe présentait une alternative aux filières américaines.
63
En 2002, le journaliste américano-argentin Uki Goni publia « The real Odessa »
(l’Authentique Odessa). Selon lui, après avoir consulté les archives argentines, la
fuite des nazis et fascistes avait été organisée par un réseau mis en place sous la
présidence et l’approbation du président argentin Juan Peron. Il mettait ainsi en
évidence la filière argentine. Le chef du réseau, Rodolfo Freude, proche conseiller du
Président Peron, opérait depuis le palais présidentiel à Buenos Aires. Les activités à
Berne (itinéraires et faux papiers) étaient coordonnées par Horst Carlos Fuldner,
ancien officier SS qui possédait un passeport diplomatique argentin. D’après Goni,
outre la Suisse, le Vatican cautionnait le réseau. Ce fut l’évêque argentin Antonio
Caggiano, venu à Rome en 1946 pour y être consacré cardinal par Pie XII, qui
proposa l’Argentine comme refuge pour les criminels de guerre et collaborateurs
français.
Les tristement célèbres Eichmann, artisan de la « Solution finale » (plan
d’extermination des juifs), Mengele, Barbie et Pavelic ont bénéficié du réseau qui
n’étant pas une œuvre de charité exigeait un droit d’entrée.
1.3. Filières romaines
1.3.1. Premières exfiltrations, Monseigneur Hudal, l’évêque d’Hitler
Pour beaucoup d’historiens, l’évêque catholique autrichien Hudal était le « diable en
personne » et mérite son appellation d’évêque d’Hitler.
Recteur du Collège Teutonique de Santa Maria dell’Anima à Rome (séminaires pour
prêtres allemands et autrichiens), Alois Hudal était un sympathisant des nazis,
antisémite et anticommuniste.
64
En décembre 1944, Hudal fut désigné comme représentant du Vatican pour visiter
les camps italiens où étaient détenus les prisonniers de guerre et les civils
germanophones et s’en occuper.
Selon Aarons et Loftus21, l’évêque se servit de cette position pour devenir le premier
ecclésiastique catholique à organiser des ratlines. Il aida nombre de criminels de
guerre nazis à s’échapper. Parmi eux, Stangl (commandant des camps de Sobibor
puis de Treblinka) en Syrie puis au Brésil ; Brühnner (chef du camp d’internement de
Drancy près de Paris et en charge des déportations vers les camps de concentration)
en Syrie ; Barbie, Mengele et Eichmann en Argentine.
L’ancien officier SS Otto von Wächter vécut à Rome sous la protection d’Hudal après
la guerre, échappa au procès de Nuremberg et décéda dans les bras de l’évêque
d’Hitler en 194922.
Toujours selon Aarons et Loftus23, Hudal se servit de l’organisation du Vatican pour
les réfugiés (Commissione Pontificio d’Assistenza)24 pour aider les fugitifs nazis en
leur donnant de l’argent et en leur délivrant de faux documents d’identité
permettant par la suite d’obtenir des passeports humanitaires via la Croix Rouge
internationale (CRI) menant aux visas, principalement argentins, pour leur fuite.
Hudal se serait servi de son statut d’évêque pour avoir ces documents de la CRI et
les falsifier par après.
Confirmé par le Comité International de la Croix Rouge (CICR) dont le siège se
trouve à Genève, Adolf Eichmann a reçu un « document de voyage » sous le nom de
21
. « Unholy Trinity : The Vatican, The Nazis, and the Swiss Bankers », M. Aarons and J. Loftus, Chap. 2:
Bishop Hudal and The First Wave.
22
. « Römische Tagebücher », A. Hudal, pg 162-163.
23
. « Ratlines : The Vatican’s Nazi Connexion », M. Aarons and J. Loftus.
24
. Commission pontificale d’assistance.
Créée par Pie XII en 1944, cet organisme du Vatican avait pour but de venir en aide aux populations démunies
après la guerre et aux réfugiés en leur délivrant des papiers d’identité, de l’argent et de la nourriture.
Monseigneur Montini (futur Paul VI) en faisait partie. Cette œuvre de charité a ensuite pris le nom « Pontificia
Opera di Assistenza » (Œuvre pontificale de l’aide) et de celui de « Caritas Italiana » sous Paul VI.
65
Riccardo Klement le 1er juin 1950 qui lui a permis de disparaître en Argentine. Ce
visa fut retrouvé dans les archives du tribunal de Buenos Aires et un duplicata dans
celles du CICR.
Dans les années 1990, celui-ci a reconnu avoir délivré de faux papiers à certains
dignitaires nazis et ainsi leur avoir permis de s’échapper mais dit qu’il a agi en toute
bonne foi car il a été trompé.
En 1945, la CRI délivrait des papiers aux réfugiés qui n’en possédaient plus. Sur
base de documents d’identité que l’on pouvait considérer comme authentiques, elle
a délivré de nombreux visas mais dit ne pas devoir être tenue pour responsable car
elle ne savait pas tous les contrôler.
Elle a cependant reconnu l’action « douteuse » de certains de ses délégués durant la
guerre, de même que le trafic de documents volés en son comité.
1.3.2. Filière San Girolamo, Draganović et les prêtres croates
En avril 1941, Hitler envahit la Yougoslavie qui fut démantelée : entre autres la
Serbie, occupée et placée sous tutelle allemande ; la Slovaquie, partagée entre
l’Allemagne, l’Italie et la Hongrie ; la Croatie, qui devint un état indépendant sous la
direction du dictateur Ante Pavelic : état Oustachi allié à l’Allemagne nazie. Ce
dernier entama alors un processus de purification contre les prêtres et les serbes
orthodoxes, les juifs et les tziganes. Sa devise était : en exterminer un tiers, en
expulser un tiers, en convertir un tiers au catholicisme.
L’Eglise catholique croate soutint au début le régime de Pavelic et les oustachis 25
mais prit peu à peu ses distances. Le dictateur fut reçu par Pie XII en 1941. Ensuite,
il créa plusieurs camps de concentration en Croatie dont celui de Jasenovac, où des
membres du clergé furent les gardiens, les commandants et les bourreaux. Le
croate Miroslav Filipovic, moine franciscain et prêtre catholique, aumônier militaire
25
. Oustachi : fasciste croate antisémite.
66
parmi les oustachis, participa aux massacres des serbes dans les villages. Début
1942, il commanda Jasenovac et fut surnommé « Fra Sotona » (frère de Satan) par
les prisonniers suite à sa cruauté. En 1946, à Belgrade, il fut jugé, condamné pour
crimes de guerre et pendu dans sa robe de moine.
Les tortionnaires croates firent plusieurs centaines de milliers de victimes et à
Jasenovac tuèrent plus de 85 000 serbes, juifs et tziganes.
Le séminaire San Girolamo degli Illirici était un foyer pour les prêtres catholiques
croates pendant la guerre.
Mais à la fin du conflit, recherchés comme criminels de guerre, tous les fugitifs
oustachis et prêtres catholiques croates y cherchèrent refuge.
Le père Krunoslav Draganović était arrivé à Rome fin 1943 en tant que représentant
de la Croix Rouge croate. Il organisa la filière San Girolamo, en devint le chef et en
laissa l’administration à un réseau de prêtres croates membres de l’ordre des
Franciscains26.
Comme Hudal, il profita de la Commission pontificale d’assistance, dont l’agent de
liaison était le père franciscain Stefan Guisan qui appartenait à la Sainte Alliance
(services secrets du Vatican)27. Ce dernier s’occupait des faux papiers d’identité, des
cachettes, du financement et des listes de contacts. Réfugié en Autriche, puis caché
à San Girolamo, Pavelic profita du réseau pour fuir en Argentine où il devint
conseiller du Président Peron.
Les Services de renseignement étrangers avaient connaissance de la principale filière
d’exfiltration romaine mais ne bougèrent pas jusqu’à ce que les américains se
26
27
. Franciscain : religieux de l’ordre de Saint François d’Assise.
. « La Sainte Alliance – La véritable histoire des services secrets du Vatican », Eric Frattin, 2006.
« Ratlines - The Vatican’s Nazi Connexion. », M. Aarons and J. Loftus,
67
servent du réseau de Draganović pour évacuer les cas dignes d’intérêt28, l’exemple
de Klaus Barbie étant le plus frappant.
1.3.3. Les raisons de leurs défections au Vatican
Hudal
L’évêque brun publia en 1937 « Les Fondements du national-socialisme » où il
essayait de trouver un compromis entre l’Eglise catholique (catholicisme) et le
gouvernement nazi (national-socialisme) contre le communisme. Il s’opposa ainsi à
la politique étrangère de Pie XI et Mgr Pacelli, ce qui provoqua sa mise à l’écart du
Vatican. Il perdit alors toute chance d’y faire carrière et d’être consacré cardinal.
Hudal pratiquait un double jeu : en jouant le rôle de conciliateur entre Pie XI puis Pie
XII et Hitler, il ne songeait en fait qu’à renforcer son influence auprès du Saint-Siège
et des allemands et ainsi servir ses ambitions. Il fut d’ailleurs qualifié par le cardinal
Faulhaber, archevêque de Munich, de théologien officiel du Parti.
Personne ne fut dupe et Hudal a souvent reproché au Vatican de ne pas l’avoir
soutenu et de s’être retrouvé isolé. Ce qui pourrait expliquer sa défection.
Une autre approche tient compte de ses convictions personnelles, au travers de ses
Mémoires.
-« Je remercie Dieu qu’Il m’ait permis de visiter et de réconforter beaucoup de
victimes dans leurs prisons et camps de concentration et de les avoir aidées à
s’enfuir avec de faux papiers d’identité »29.
28
. « History of the Italian Rat Line », Declassified US Army File.
. « Römische Tagebücher », A. Hudal (Traduction anglaise citée dans « Unholy Trinity : The Vatican, The
Nazis, and the Swiss Bankers », M. Aarons and J. Loftus, pg. 37).
29
68
Annotation : Les victimes dont parle Hudal sont les criminels de guerre nazis.
Ne pas confondre prison et camp de concentration…
-Pour Hudal, les alliés justifiaient la guerre au nom de la démocratie, la liberté
religieuse, la race, le christianisme. Ce n’était pas une « croisade » mis un
« business » : « raison pour laquelle je sentis qu’il était de mon devoir d’orienter,
après 1945, mon travail de charité vers les anciens Nazis et Fascistes et plus
particulièrement vers les « prétendus criminels de guerre » »30.
-Il avait une idée bien particulière des Ratlines : « organisme de bienfaisance à des
personnes dans le besoin, pour des personnes non coupables qui doivent être les
boucs émissaires pour les échecs d’un système pervers »31.
-En écrivant à propos des procès des criminels de guerre et notamment celui de
Nuremberg : « Procès à grand spectacle », « Lynchage »32.
-Hudal intercédait au profit des nazis qui fuyaient leurs « persécuteurs »33.
-D’après Matteo Sanfilippo, chercheur italien, dans une lettre adressée le 31 août
1948, de Hudal à Peron, demandant des milliers de visas, l’évêque brun expliquait
qu’ « il ne s’agissait pas de réfugiés nazis mais de combattants anticommunistes qui
avaient pendant la guerre sauvé l’Europe de la domination soviétique ».
Chacun appréciera.
30
. op. cit. A. Hudal, pg 21.
. Ibid. pg 22.
32
. Ibid. pg 220-254.
33
. « Hitler et le Vatican », P. Godman, chap. 14 : L’excommunication de Hitler, pg 253.
31
69
Draganović
Personnage mystérieux et controversé, catholique attaché à la cause croate,
l’exfiltration étant pour lui le moyen de protéger et sauver ses amis oustachis.
Sa seule explication fut : « Nous devons conserver une espèce de réservoir moral
dans lequel nous pourrons puiser à l’avenir »34.
En conclusion, chacun d’eux avait une optique bien différente quant à l’utilisation
des filières d’exfiltration de criminels de guerre.
Hudal en voulait amèrement au Vatican de son éviction et en bon anticommuniste et
antisémite, il défendit ardemment la cause perdue des nazis.
En bon prêtre catholique, Draganović voulait quant à lui sauver les oustachis et
prêtres catholiques croates coupables d’exactions racistes.
Dernière constatation en ce qui concerne les ratlines : il n’est pas toujours évident
de démêler le vrai du faux.
Prenons l’exemple de Klaus Barbie. Après consultation de trois sources différentes
(Odessa, Biographie de Klaus Barbie et Réseaux d’exfiltration nazis), on constate
que chacune d’elles s’approprie son exfiltration. La plus plausible étant la filière San
Girolamo. Les services secrets américains, voulant extrader Barbie en Bolivie via
l’Argentine sous l’identité de Klaus Altmann, ont utilisé le réseau de Draganović.
34
. « Background Report on Krunoslav Draganović », CIA, February 12, 1947.
70
1.3.4. Devenir d’Hudal et de Draganović
Hudal
En juin 1952, l’évêque fut contraint de démissionner de sa fonction de recteur du
Collège Teutonique de Santa Maria dell’ Anima suite à ses activités d’après guerre. Il
s’exila à Grottaferrata, petite commune italienne dans la province de Rome, où il
vécut ses dernières années paisiblement dans une magnifique propriété.
Il y écrivit ses mémoires en 1962, qui ne seront publiés qu’en 1976. Il décéda à
Rome le 13 mai 1963. Jusqu’à sa mort, il essaya d’obtenir l’amnistie pour les nazis 35
et ne regretta jamais ses actes.
Draganović
Draganović ne fut pas inquiété par le Saint-Siège.
Pour certains, le fait d’être prêtre ne signifiait pas qu’il recevait ses ordres du
Vatican mais bien qu’il agissait de sa propre initiative sur son propre réseau
d’exfiltration.
Par contre Aarons et Loftus36, se basant sur des sources provenant des services de
renseignement affirment que « Draganović était le chef officieux du bureau croate
au service de renseignement du Secrétaire d’Etat du Vatican », en d’autres termes
était un espion.
Toujours est-il qu’en octobre 1958, quelques jours après la mort de Pie XII, la
secrétairerie d’Etat du Vatican ordonna à Draganović de quitter le collège catholique
35
. Matteo Sanfilippo, « Los Papeles de Hudal como fuente para la historia de la migraciòn de alemanes y nazis
después de la guerra mundial segunda», 1999.
36
. « Unholy Trinity : The Vatican, The Nazis, and the Swiss Bankers », M. Aarons and J. Loftus.
71
de San Girolamo. Il vécut dans un monastère près de Sarajevo jusqu’à sa mort, en
1983, où il mit à jour le registre de l’Eglise catholique romaine en Yougoslavie.
Chapitre 2 : Rôle joué par l’évêque Montini (futur Paul VI)
En 1937, Mgr Pizzardo était consacré cardinal par le pape Pie XI. Mgr Tardini devint
substitut aux Affaires extraordinaires (Ministre des Affaires étrangères) remplacé
par Mgr Montini à la charge de substitut aux Affaires ordinaires (Ministre des
Affaires intérieures).
En 1939, à la mort de Pie XI, le secrétaire d’Etat Mgr Pacelli fut élu pape sous le nom
de Pie XII. Il nomma le cardinal Maglione carmerlinge et garda les deux substituts.
Montini devint alors proche collaborateur du pontife. Au début de la Seconde Guerre
mondiale, il s’occupa du Bureau d’informations qui servit de liaison entre les
prisonniers de guerre et leurs familles. En novembre 1941, il présida la
« Commission pour les secours » chargée d’aider les prisonniers alliés ou non.
Quand le secrétaire d’Etat, Mgr Maglione décéda le 22 août 1944, Pie XII ne le
remplaça pas et Montini devint son bras droit. Fin 1946, il créa un service
d’assistance aux émigrés italiens, allemands et polonais, victimes de la guerre.
Des historiens se sont penchés sur le cas Montini. Etait-il impliqué dans la ratline du
Vatican ?
Certains semblent l’affirmer. A tort ou à raison ?
Selon Aarons et Loftus, en 1946, le Vatican avec Montini en chef des ratlines aurait
organisé la fuite des criminels nazis en accord avec les services secrets anglais puis
américains37 en 1947. De par sa position au sein de la Commission pontificale
37
. « Des Nazis au Vatican », M. Aarons and J. Loftus, 1992.
72
d’assistance dirigée par Mgr Chiarlo (qui, nommé nonce au Brésil, fut remplacé par
Mgr Munch, évêque germano-américain), il dirigeait les opérations d’exfiltration
secondé par Hudal et Draganović.
Ancien agent de renseignement américain, William Gowen accusa également Montini
de participation au blanchissement d’argent destiné aux réseaux et provenant du
trésor des oustachis.
D’autres encore résumèrent tout en une organisation appelée « Couloir du Vatican »
sous l’opération « Couvent ». Le substitut Montini et les cardinaux Tisserant et
Caggiano dirigeaient les filières ; les évêques et archevêques Hudal, Siri, Barrère
s’occupaient des documents et pièces d’identité ; les prêtres dont Draganović
signaient les demandes de passeports de la CRI. Des agents de la Sainte Alliance 38
étaient également impliqués.
Mais Pie XII était-il informé ? Personne n’osa et n’ose encore l’affirmer.
Chapitre 3 : Implication du Vatican
3.1. Intégrité ou aide
La banque du Vatican39 fut incriminée pour deux raisons. Elle aurait servi
d’intermédiaire dans le transfert d’argent en provenance d’Allemagne vers des
comptes suisses protégés par le secret bancaire, où il servit à financer les ratlines.
En outre, elle fut accusée d’avoir blanchi les biens résultant du pillage des avoirs
juifs et orthodoxes par les oustachis afin de payer leur fuite.
38
39
. Sainte Alliance : services secrets du Vatican.
. Banque du Vatican : fondée par Pie XII en 1942, encore appelée Institut pour les œuvres de religion (IOR).
73
La banque gardera ses secrets car plus aucune preuve n’existe : tous les documents
sont détruits après 10 ans d’archivage.
Hudal, Draganović la Sainte Alliance, les services secrets, la banque du Vatican,
coupables ? Certainement. Et Pie XII ? Et Montini ?
Malgré d’importantes recherches et certaines présomptions, Aarons et Loftus n’ont
pas réussi à démontrer avec certitude la responsabilité de Pie XII ou de Montini dans
les exfiltrations. Historienne française née en 1947, professeur d’histoire
contemporaine à l’université Paris VII – Denis Diderot, Annie Lacroix-Riz a publié en
1996 : « Le Vatican, l’Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre
Froide 1914-1955 ».
Connue pour ses idées communistes, elle y fustigea Pie XII : « son silence, son
antisémitisme, son attitude pronazie, sa tolérance à la politique hitlérienne, son
refus d’aide aux victimes ». Cependant, elle resta très prudente en ne l’incriminant
pas ouvertement et en utilisant le conditionnel sur son implication dans les ratlines
et son soutien à des « prélats collaborateurs » sans citer leur nom.
Le jésuite américain et historien du Vatican Robert A. Graham a publié en 1999 une
étude40 mettant en lumière les lacunes des accusations à l’encontre de Pie XII. S’il
reconnût l’implication de Hudal et de Draganović dans l’exfiltration de nazis et de
fascistes croates, il soutint qu’ils auraient pu agir seuls, sans l’accord du pontife.
D’après lui ; « accuser le pape de complicité dans la fuite des nazis est simpliste car
il ne contrôlait pas tout ».
40
. « Papauté et espionnage nazi 1939-1945 », D. J. Alvarez et R. A. Graham, 1999.
74
3.2. Sanctions ?
Quand la vérité se fit jour au sujet des filières d’exfiltrations romaines, aucune
sanction particulière ne fut prise à l’encontre de Hudal et de Draganović par le pape
Pie XII et le Vatican.
Mgr Valeri, nonce apostolique en France, à Paris, s’était compromis avec le régime
de Vichy. Le Général de Gaulle s’opposa à la reconduction de Valeri et entama le
dialogue avec Pie XII sur l’ « épuration du clergé en France ».
« Le pape nomma à contre-cœur un nouveau nonce apostolique en France, Mgr
Roncalli (futur Jean XXIII), le précédent (Mgr Valeri) ayant continué sa mission
diplomatique à Vichy ; cependant, Pie XII refusa de changer les évêques soupçonnés
de collaboration, ayant juste accepté la démission de 6 d’entre-eux »41.
41
. « Paul VI, le Pape écartelé », Y. Chiron, pg 112-114, 1993.
75
Conclusion
70 ans après, les historiens sont toujours en désaccord. Aucune preuve n’est venue
étayer leurs arguments pour ou contre. Le débat reste ouvert, la question reste
posée : Pie XII a-t-il eu connaissance de l’existence des filières et a-t-il aidé à la
fuite de criminels de guerre ?
76
PARTIE III : Avis d’historien
d’ecclésiastique
du Vatican
personnel
77
Les avis d’historien et d’ecclésiastique ont été supprimés pour une question de droit
d’auteurs.
78
Vatican
Il nous est impossible, bien sûr, de donner un avis conforme et précis du Vatican à
travers une série de questions.
Par ailleurs, le Saint-Siège, dans sa réponse à ma lettre, m’a invitée à consulter
l’ouvrage de Pierre Blet s.j., s’intitulant « Pie XII et la Seconde Guerre mondiale ».
Nous pouvons donc partir de cet ouvrage pour avoir un avis global sur la question.
Selon le livre, l’objectif principal du pape était de garantir une paix durable dans le
monde et il s’y est tenu jusqu’au bout.
Le pontife a agi de nombreuses fois, en écrivant des lettres et en prenant contact
avec les gouvernements américain, anglais, français; en faisant « des allusions
discrètes mais non équivoques »42 ; en écrivant ses discours de 1942 et 1943 ; … .
Pie XII, au courant des persécutions à l’encontre des juifs par des témoins fiables, a
préféré garder le silence pour éviter toutes représailles. Nous pouvons le voir dans
la lettre du 20 février 1941 aux évêques allemands : « Là où le pape voudrait crier
haut et fort, c’est malheureusement l’expectative et le silence qui lui sont souvent
imposés ; là où il voudrait agir et aider, c’est la patience et l’attente (qui
s’imposent) ».
Quelques-uns des buts de Pie XII étaient, selon l’auteur, de tenir l’Italie à l’écart de
la guerre, de sauver des nombreuses vies humaines et notamment de ne pas
alimenter la propagande nazie.
Nous devons surtout retenir que Pie XII n’a jamais quitté, une seule fois, son objectif
de paix. Il fut très attentif aux maux de la population, aux familles des déportés,
aux victimes en leur donnant espoir et il a par ailleurs permis de sauver de
42
. P. Blet s.j., « Pie XII et la Seconde Guerre mondiale », Conclusion, pg 320.
79
nombreuses vies. « Pie XII procéda silencieusement, discrètement au risque de
paraître inactif ou indifférent »43. Le Saint-Siège ne se faisait pas beaucoup
d’illusions quant à la portée de ses messages.
Et en conclusion finale, l’ouvrage nous dit que le pontife a alors fait, en ces temps
de crise, tout ce qui était à sa portée. « Qu’aurions-nous dû faire que nous n’avons
pas fait ? » déclarait-il dans un discours à des infirmières, en mai 1952, bien après
la fin de la guerre.
43
. P. Blet s.j., « Pie XII et la Seconde Guerre mondiale », Conclusion, pg 325.
80
Elodie Péridaens, avis personnel
Que penser de l’attitude du Pape Pie XII durant la Seconde Guerre mondiale ?
L’attitude qu’a eue Pie XII pendant la guerre n’était pas toujours la meilleure
solution. Plusieurs raisons en sont à l’origine mais nous ne saurons jamais
lesquelles ont vraiment influencé le souverain pontife. Il n’est pas toujours simple
d’agir sur le moment présent et Pie XII, en diplomate a préféré agir dans le silence. Il
y eut des bonnes choses, notamment la protection des juifs de Rome pendant la
rafle dans la Ville Eternelle. Mais aussi de moins bonnes, particulièrement dans le
discours de Noël de 1942. Nous pouvions attendre plus de la part du pape qu’une
simple déclaration. Mais cela est déjà mieux que rien.
La situation était très compliquée et le pape Pie XII n’était peut-être pas l’homme de
la situation.
Aurait-il dû agir plus ? Si oui, comment ?
Le pape aurait dû agir plus, il aurait également dû parler plus qu’il ne l’a fait. En
tant que souverain pontife, il pouvait se servir de ses relations pour peut-être
encore cacher plus de juifs, se faire entendre plus fort, voire menacer ? Même si cela
n’aurait pas été d’une grande aide.
La seule chose que l’on puisse vraiment reprocher à Pie XII est qu’il ne se soit pas
plus exprimé. Par contre, il a agi, nous ne pouvons pas dire le contraire.
81
Que pensez-vous de l’appellation « Pape d’Hitler », à l’encontre de Pie XII ?
Cette appellation est complètement infondée et découle tout simplement d’une
série de textes, de rumeurs,…
Pie XII n’a été favorable à Hitler en aucun cas (sauf pour le bolchévisme), n’en était
pas complice et donc ne mérite tout simplement pas cette appellation injuste.
Il est aisé de dénigrer un homme en se basant uniquement sur des préjugés.
La béatification de Pie XII n’a pas été acceptée en même temps que celle de JeanPaul II, qui sera béatifié le 1er mai 2011. Quel est votre avis à ce sujet ? Pourquoi
n’est-elle pas passée ?
Je ne pense pas que Pie XII doive être béatifié et ce pour diverses raisons.
Tout d’abord en tant qu’un exemple qui doit montrer que se taire face à un
problème, mineur ou majeur, n’est pas nécessairement la solution et que parfois, il
est plus important de parler, tout simplement. Cela doit permettre à chacun de
réfléchir sur cette attitude. Si l’on béatifie le pape de la Seconde Guerre mondiale,
plus personne n’aura cela à l’esprit.
De plus, étant toujours un sujet controversé, si la béatification a lieu, elle risque de
poser de nombreux problèmes.
Ensuite, nous attendons impatiemment l’ouverture des archives du Vatican
reprenant toute la période 39-45. Tant qu’elles ne seront pas mises en pleine
lumière, il est, selon moi, impossible de rendre un jugement sur le fait de béatifier
Pie XII ou pas.
82
Et finalement, en accord avec Monsieur Ducastelle, Pie XII recevrait peut-être une
récompense qu’il ne mérite pas forcément.
83
Conclusion finale
Vatican, Ange ou Démon ?
Cela restera difficile à déterminer. Ne disposant pas toujours des éléments requis, il
est compliqué de se forger une opinion claire et précise.
Au fil des siècles, au cœur de l’Eglise, bien et mal se sont toujours côtoyés.
Certains ecclésiastiques sont à honorer : l’Abbé Pierre. D’autres sont à blâmer et à
condamner : Mgr Vangheluwe, évêque de Bruges.
L’Eglise catholique est et restera bercée de mystères et de complexité.
Vatican, Ange et Démon …
De nos jours, le Vatican a-t-il le droit d’encore avoir des œillères au regard du
passé et de l’actuel présent ?
A vous de juger…
84
Lexique
« In partibus infidelium » : « Dans les contrées des infidèles » : Titre honorifique
désignant un ancien siège épiscopal de l’Eglise, désormais disparu, souvent situé en
Afrique du Nord, au Proche ou au Moyen-Orient, en Grèce, mais aussi en Europe
occidentale et même en Amérique.
Apostolique : Qui émane du Saint-Siège.
Camerlingue : Cardinal qui administre les affaires de l’Eglise pendant la vacance du
Saint-Siège.
(Secrétaire d’Etat).
Cléricalisme : Positionnement idéologique qui prône la prédominance des idées
religieuses et du clergé dans la vie publique et politique.
Concordat : Traité entre le pape et un Etat souverain sur les affaires religieuses.
Conspirateurs en soutane : Expression souvent utilisée dans des textes, désignant
les ecclésiastiques ayant agi en sous-main afin de protéger certaines personnes
bonnes ou mauvaises.
Droit canon ou droit ecclésiastique : Ensemble des règles religieuses.
Duce – Führer : Guide.
Encyclique : Lettre solennelle adressée par le pape aux évêques.
Etat totalitaire : Où tous les pouvoirs sont aux mains d’un parti unique et où
l’opposition est interdite (autorité sans limite).
Evêque brun : Mgr Hudal, autrichien protégé du Cardinal autrichien Innitzer, lequel
fut souvent accusé d’être pro-nazi, et Mgr Gröber, archevêque allemand de
Frisbourg furent tous deux appelés « evêque brun » en raison de leur sympathie
pour le régime nazi et en référence aux « chemises brunes » de la couleur de
l’uniforme des SA (section d’assaut), organisation paramilitaire du parti nazi.
Marxisme : Courant philosophique, politique, économique et sociologique se
réclamant des idées de Karl Marx (philosophe 1818-1883) et de Friedrich Engels,
85
reposant sur l’analyse de l’histoire et la participation au mouvement réel de la lutte
des classes, pour l’abolition du capitalisme.
Nonce : Ambassadeur du pape (ils sont tous évêques).
Nonciature : Ambassade du Vatican dans un pays.
OSS : Office of Strategie Services. Agence de renseignement du gouvernement des
Etats-Unis créée en 1942 après l’entrée en guerre des Etats-Unis, démantelée le 1er
octobre 1945 et devenue plus tard la CIA.
Osservatore Romano : Journal du Vatican dont le premier numéro parut le 1er juillet
1861.
Il est toujours d’actualité.
Pacte germano-soviétique : 23 août 1939.
Signé au Kremlin entre Staline et Hitler, il permit à l’Allemagne d’attaquer la Pologne
le 1er septembre 1939, sans crainte d’une intervention soviétique (pacte de « nonagression »).
Ce pacte s’acheva le 22 juin 1941 lors de l’invasion de l’URSS par la Wehrmacht.
Paganisme : Pour les chrétiens, religion des païens, culte polythéiste.
Pamphlet : Ecrit satirique et violent.
Radio Vatican : Radio du Vatican créée par Pie XI en 1931. Elle est toujours
d’actualité.
Régime de Vichy : Régime politique du Maréchal Pétain qui assura le gouvernement
de la France du 10 juillet 1940 au 20 août 1944, durant l’occupation allemande.
Shoah : Grande catastrophe.
Trotski : 1879-1940 : Révolutionnaire russe, il fut l’adversaire de Staline. Ce dernier
le fit expulser d’URSS en 1929 avant de le faire assassiner à Mexico en 1940.
Vicaire général : Bras droit de l’évêque.
86
Annexes
Lettre au Vatican
PERIDAENS Elodie
6 Rue Joseph Wauters
7810
Maffle
Belgique
Sa Sainteté Benoît XVI
00120 Citta del Vaticano
Rome
Italie
Monsieur, Sa sainteté le Pape Benoît XVI,
Je m’appelle Elodie Peridaens et je suis en dernière année d’humanité secondaire
au Collège Saint-Julien à Ath. Je suis chargée de faire un travail de fin d’étude sur le
Pape Pie XII et son rôle durant la seconde guerre mondiale. Je me permets de vous
écrire à ce sujet pour compléter ma documentation et/ou avoir un avis sur la question
venant de la part du Vatican. Tous les documents seront les bienvenus.
En vous remerciant d’avance de votre compréhension et des documents que vous
m’apporterez peut-être, je vous prie, Monsieur, Sa Sainteté le Pape Benoît XVI,
d’agréer mes sentiments distingués.
PERIDAENS Elodie
87
Réponse du Vatican
88
Lettre au centre Simon Wiesenthal
PERIDAENS Elodie
6 Rue Joseph Wauters
7810
Maffle
Belgique
Centre Simon Wiesenthal-Europe
64
Avenue Marceau
75008
Paris
France
Madame, Monsieur,
Je m’appelle Elodie Péridaens et je suis en dernière année d’humanité secondaire
au Collège Saint-Julien à Ath. Je suis actuellement occupée à faire mon travail de fin
d’étude qui porte sur la question de Pie XII et les exfiltrations nazies par l’Eglise. Je
me permets de vous écrire concernant la deuxième partie, les exfiltrations nazies,
dans l’espoir que vous m’apportiez des documents ou encore des avis concernant
cette question. Les sujets cibles sont : « L’implication de l’Eglise dans les réseaux »,
« Odessa », et les réseaux tout simplement.
En vous remerciant d’avance de ‘aide que vous pourriez m’apportez, je vous prie,
Madame, Monsieur, d’agréer mes sentiments distingués.
PERIDAENS Elodie
89
Réponse du centre Simon Wiesenthal
Avec regret, je n’ai reçu aucune réponse de la part du centre.
90
Bibliographie
PARTIE I : Pie XII, le pape d’Hitler ?
Source
Source écrite
XX XX, Cours d’Histoire, Collège Saint-Julien, 6ème année, 2010-2011.
Chapitre 6 : Mussolini, 6.2 Etat totalitaire
Travaux
Non écrit
« Le vrai pouvoir du Vatican », de J-M Meurice, La Une, 27 octobre 2010.
Ecrits
-« Pie XII et la persécution nazie » in « L’histoire », n° 32, 1981, p. 25-36
-« Quand l’Histoire témoigne pour Pie XII » in « Famille chrétienne », n°
1260, 9 au 15 mars 2002, p. 8-11.
-« Une accusation odieuse » in « Famille chrétienne », n° 1260, 9 au 15 mars
2002, p. 12-13
-Peter Godman, « Hitler et le Vatican », Perrin, New York, 2010, 364 p.
-Pierre Blet s.j., « Pie XII et la Seconde Guerre mondiale », tempus (Perrin),
Paris, 2005, 336p.
« In Partibus Infidelium » : http://fr.wikipedia.org/wiki/In_partibus_infidelium
page consultée le 21 mars 2011
« Pie XII et les juifs », David Dalin :
http://www.pie12.com/index.php?post/2007/06/21/66-pie-xii-et-les-juifs-du-rabbin-daviddalin
page consultée le 21 mars 2011
Accords de Munich : http://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_de_Munich
page consultée le 21 mars 2011
Accords du Latran : http://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_du_Latran
91
page consultée le 15 mars 2011
Amen (film) : http://www.fonjallaz.net/Film-Amen/Pages_Amen/APage12.html
page consultée le 7 mars 2011
Antijudaïsme : http://fr.wikipedia.org/wiki/Antijuda%C3%AFsme
page consultée le 15 mars 2011
Antijudaïsme à antisémitisme : http://www.herodote.net/histoire/synthese.php?ID=24
page consultée le 21 mars 2011
Antijudaïsme chrétien (fin) :
http://www.harissa.com/news/article/la-fin-de-l%E2%80%99antijuda%C3%AFsmechr%C3%A9tien
page consultée le 21 mars 2011
Biographie de Adolf Bertram : http://fr.wikipedia.org/wiki/Adolf_Bertram
page consultée le 23 décembre 2010
http://www.catholic-hierarchy.org/bishop/bbertram.html
page consultée le 23 décembre 2010
Biographie de Benito Mussolini : http://www.dark-stories.com/benito_mussolini.htm
page consultée le 23 décembre 2010
Biographie de Cesare Orsenigo : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cesare_Orsenigo
page consultée le 21 mars 2011
Biographie de Joseph Staline : http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Staline
page consultée le 15 mars 2011
Biographie de Pie XI : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pie_XI
page consultée le 19 mars 2011
Biographie de Pie XII : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pie_XII
page consultée le 19 mars 2011
http://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Pie_XII/Pie_XII_version_de_travail
page consultée le 28 mars 2011
Biographie de Von Preysing : http://fr.wikipedia.org/wiki/Konrad_von_Preysing
page consultée le 23 décembre 2010
http://www.catholic-hierarchy.org/bishop/bpreysing.html
page consultée le 23 décembre 2010
Bolchévik : http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/bolchevik/
page consultée le 15 mars 2011
Bolchévisme : http://www.toupie.org/Dictionnaire/Bolchevisme.htm
page consultée le 15 mars 2011
Cléricalisme : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cl%C3%A9ricalisme
page consultée le 15 mars 2011
92
Eglise catholique pendant la Seconde Guerre mondiale :
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glises_luth%C3%A9riennes_d'Allemagne_face_au_nazi
sme
page consultée le 23 décembre 2010
Eglises luthériennes d’Allemagne face au nazisme :
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glises_luth%C3%A9riennes_d'Allemagne_face_au_nazi
sme
page consultée le 23 décembre 2010
Encyclique « Summi Pontificatus » : http://fr.wikipedia.org/wiki/Summi_Pontificatus
page consultée le 12 mars 2011
Excommunication d’Hitler :
http://ch.altermedia.info/gnral/mussolini-avait-suggr-au-pape-dexcommunier-hitler_75.html
page consultée le 26 mars 2011
Jérusalem : http://www.herodote.net/articles/article.php?ID=559
page consultée le 21 mars 2011
Judaïsme : http://revue.shakti.pagesperso-orange.fr/judaisme.htm
page consultée le 21 mars 2011
Judéo-bolchévisme : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jud%C3%A9o-bolchevisme
page consultée le 15 mars 2011
Marxisme : http://fr.wikipedia.org/wiki/Marxisme
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Marxisme.htm
page consultée le 15 mars 2011
Mussolini et l’Eglise catholique :
http://www.oboulo.com/mussolini-eglise-catholique-22431.html
page consultée le 23 décembre 2010
Pacte germano-soviétique : http://www.ushmm.org/wlc/fr/article.php?ModuleId=19
page consultée le 23 décembre 2010
Palais du Latran : http://fr.wikipedia.org/wiki/Palais_du_Latran
page consultée le 15 mars 2011
Pie XII : http://www.donchristophe.be/pie-xii
page consultée le 8 mars 2011
http://www.libertepolitique.com/culture-et-societe/5753-pie-xii-de-venerablememoire
page consultée le 10 mars 2011
http://www.ichtus.fr/article.php3?id_article=319
page consultée le 10 mars 2011
Protocole des Sages de Sion :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Protocoles_des_Sages_de_Sion
page consultée le 15 mars 2011
93
Radio-message de Noël 1942 :
http://www.croire.com/article/index.jsp?docId=3441&rubId=188
page consultée le 12 mars 2011
Révolution russe : http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_russe
page consultée le 15 mars 2011
Surnoms des dictateurs :
http://www.culture-generale.fr/histoire/227-les-surnoms-des-dictateurs
page consultée le 21 mars 2011
Théologie de la substitution :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9ologie_de_la_substitution
page consultée le 15 mars 2011
Troisième Reich : http://fr.wikipedia.org/wiki/Troisi%C3%A8me_Reich
page consultée le 23 décembre 2010
Yad Vashem :
http://lebloglaquestion.wordpress.com/2009/12/22/pie-xii-insulte-a-yad-vashem/
page consultée le 21 mars 2011
http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9morial_de_Yad_Vashem
page consultée le 25 mars 2011
PARTIE II : De la protection de l’Eglise à la fuite des nazis
ou les dessous du Vatican
Travaux
Ecrits
Ante Pavelic : http://www.pavelicpapers.com/documents/army/ar0002.html
page consultée le 8 avril 2011
Biographie de Alois Hudal : http://fr.wikipedia.org/wiki/Alois_Hudal
page consultée le 21 mars 2011
http://en.wikipedia.org/wiki/Alois_Hudal
page consultée le 8 avril 2011
Biographie de Klaus Barbie : http://fr.wikipedia.org/wiki/Klaus_Barbie
page consultée le 8 avril 2011
Biographie de Krunoslav Draganović:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Krunoslav_Draganovi%C4%87
page consultée le 21 mars 2011
Biographie de Otto Skorzeny : http://fr.wikipedia.org/wiki/Otto_Skorzeny
page consultée le 8 avril 2011
Biographie de Paul VI : http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_VI
94
page consultée le 21 mars 2011
Biographie de Reinhard Gehlen : http://fr.wikipedia.org/wiki/Reinhard_Gehlen
page consultée le 21 mars 2011
Odessa: http://fr.wikipedia.org/wiki/ODESSA
page consultée le 8 avril 2011
http://touteveriteestbonnealire.blogspot.com/2010/02/odessa-et-le-couloir-du-vatican.html
page consultée le 8 avril 2011
Office of Strategic Services : http://fr.wikipedia.org/wiki/Office_of_Strategic_Services
page consultée le 8 avril 2011
Opération « Paperclip » :
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seaux_d%E2%80%99exfiltration_nazis
page consultée le 8 avril 2011
Réseaux d’exfiltration nazis :
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seaux_d%E2%80%99exfiltration_nazis
page consultée le 8 avril 2011
Partie III : Avis d’historien
d’ecclésiastique
du Vatican
personnel
Source
Sources orales
/
Travaux
Ecrits
Pierre Blet s.j., « Pie XII et la Seconde Guerre mondiale », tempus (Perrin),
Paris, 2005, 336p.
95
« Rendre la guerre plus humaine, adoucir les maux de la guerre,
secourir et consoler les victimes de la guerre ».
Pie XII, avril 1941
96
Péridaens Elodie
6MLg
Collège Saint-Julien
TFE 2010-2011
Ce TFE a reçu le premier prix des Travaux de Fin d’Etudes pour les Sciences Humaines
Pour une question de droit d’auteurs, les noms cités dans le TFE d’origine ne sont plus
présents dans cette version internet, de plus la page de remerciements a été supprimée ainsi
que les deux interviews orales retranscrites par écrit.
Pour tout contact, merci de me contacter à cette adresse : [email protected]
"La communication des œuvres reprises sur ce site est effectuée à des
fins d'illustration d'enseignements ou de recherche scientifique.
Cette communication est justifiée par le but non lucratif poursuivi, et
dans
le cadre des activités normales, de l’Université Libre de Bruxelles. Elle
est
effectuée uniquement au moyen du réseau de transmission fermé de
l'établissement
et ne porte pas préjudice à l'exploitation normale de l’œuvre, et à moins
que
cela ne s'avère impossible, la source, y compris le nom de l'auteur, est
indiquée. (voir l’article 22 quater, Loi du 30 juin 1994 sur droit
d’auteur)"
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