Le Théâtre national populaire de Jean Vilar
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La rencontre avec Charles Dullin marque, en effet, toute la vie de Jean
Vilar. Au théâtre de l’Atelier, qu’il a rejoint en tant que comédien et
second régisseur, il rencontre Jean-Louis Barrault, élève de Charles
Dullin, qui monte la pièce Autour d’une mère. Il fréquente de temps en
temps le groupe qui se forme autour de Jean-Louis Barrault, constitué
d’Antonin Artaud, Sylvain Itkine, Jean Dasté, Jacques Prévert, Charles
Vitrac et Robert Desnos. En dialoguant avec ces artistes, préoccupés
par l’engagement politique, Jean Vilar aiguise sa conscience politique
et son attirance pour les partis de gauche. Il est tenté, en effet, de mili-
ter dans le mouvement trotskiste5. Jeanne Laurent, présente à Paris dans
ces mêmes années, n’omet pas de souligner le rôle de la montée du
nazisme et des journées de février 1934 sur la formation politique de
Jean Vilar :
«Sa personnalité s’est développée politiquement par la réflexion sur l’ar-
rivée du nazisme au pouvoir en Allemagne et sur l’inquiétante situation
de la France, où les affrontements de février 1934 ont agi à la façon de
révélateurs6.»
Le service militaire à Hyères (novembre 1937-novembre 1938) inter-
rompt la vie parisienne et l’enseignement de Charles Dullin. De retour,
Jean Vilar cherche à créer un groupe de comédiens pour s’exprimer en
tant qu’auteur et metteur en scène. Avec quelques camarades, Jean Vilar
a constitué un groupe théâtral, l’Équipe, qui ne présente que deux mani-
festations artistiques, les 14 janvier et 10 février 1939, avant que Jean
Vilar ne soit appelé sous les drapeaux en mars 1939. Réformé, il revient
à Paris et trouve un emploi de contrôleur adjoint à l’Office interprofes-
sionnel du blé, qu’il perd avec la défaite de 1940. Période sombre. Jean
Vilar ne peut mener à bien ses projets.
Pour Jean Vilar, Jeune France assume le double rôle de révélateur et de
lieu d’apprentissage. La rencontre avec André Clavé, fondateur des
Comédiens de la Roulotte, compagnie créée en 1936 à Paris d’une aven-
ture débutée à Bordeaux en 1931, s’avère cruciale. En 1940, selon
Jeanne Laurent, André Clavé cherche à « rassembler des gens de théâtre
pour un travail rémunéré7». Pierre Schaeffer, chef de service à la Radio-
diffusion nationale, lui propose de « rassembler le plus possible de
jeunes artistes et d’écrivains que la débâcle a plongés dans le désarroi ».
André Clavé prend alors contact avec des élèves de l’école Charles Dul-
5. Sur cet épisode, voir M. Puaux (sous la dir. de), Jean Vilar par lui-même,op. cit., p. 17.
6. Bibl. nat., ASP, Maison Jean-Vilar. Carton « Jeanne Laurent ». Projet inachevé « Vilar avant le
TNP », 1986. « Pion au collège Sainte-Barbe et élève au théâtre de l’Atelier », p. 8.
7. Bibl. nat., ASP, Maison Jean-Vilar. Carton « Jeanne Laurent ». Projet inachevé « Vilar avant le
TNP », 1986. « Une accalmie : Jeune France et la Roulotte », p. 3.