Justification de l`inscription

publicité
JUSTIFICATION DE L’INSCRIPTION A. La justification de l’inscription du Bien au regard des critères 1. Le critère x « Contenir les habitats naturels les plus représentatifs et les plus importants pour la conservation in situ de la diversité biologique, y compris ceux où survivent des espèces menacées ayant une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation ». Unesco, WHC.13/01 Les Terres australes françaises sont de véritables sanctuaires de la biodiversité au niveau mondial. Leur répartition sur les zones subtropicales et subantarctiques permet l’expression d’une richesse biologique diversifiée et remarquable, dont l’importance est unanimement reconnue par la communauté scientifique. P HOTO 1. D ES HABITATS EXCEPTIONNELS ABRITANT DES ESPECES UNIQUES Situées à plus de 2 000 kilomètres de tout continent, les Terres australes françaises constituent des sites d’importance majeure pour des espèces marines se reproduisant à terre. Les plateaux continentaux des îles australes offrent les rares zones peu profondes de l’océan où la vie marine peut se développer intensément, ce qui explique la richesse des communautés animales des îles Kerguelen et Crozet, véritables oasis au cœur d’un océan relativement pauvre en biodiversité. Considérés comme un site d’exception pour la conservation de l’avifaune mondiale, les archipels de Crozet, Kerguelen et les îles Saint-­‐Paul et Amsterdam accueillent les plus grosses diversité et densités d’oiseaux sur la planète. A Crozet et Kerguelen, on recense plus de 50 millions d’oiseaux, soit la plus grande communauté d’oiseaux marins au monde. Au total, la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises abrite 47 espèces d’oiseaux et constitue un lieu privilégié de reproduction pour plus de la moitié de la population mondiale de 15 de ces espèces. En ce sens, Crozet héberge la plus grande colonie de manchots royaux au monde et plus de 80% de la population mondiale de pétrel de Salvin. La falaise d’Entrecasteaux, site remarquable de l’île d’Amsterdam, concentre plus des trois quarts de la population mondiale d’albatros à bec jaune. Outre l’importance de ces populations, la faune aviaire des Terres australes françaises brille par sa spécificité, ce qui confère au Bien une valeur d’importance mondiale pour la conservation de ces espèces. On y dénombre notamment huit espèces endémiques et subendémiques, tels que le canard d’Eaton, le cormoran de Kerguelen ou une sous-­‐espèce de labbe antarctique. Les Terres australes françaises sont également des lieux essentiels pour la reproduction des mammifères marins. Leurs plages accueillent la seconde population mondiale d’éléphants de mer du Sud ainsi que d’importantes colonies d’otaries de Kerguelen et d’Amsterdam. Six cétacés se reproduisent dans la zone et 13 fréquentent régulièrement les eaux côtières de la Réserve naturelle. On peut y observer un très grand nombre d’orques et de baleines, ainsi que l’endémique sous-­‐espèce du dauphin de Commerson (Cephalorhynchus commersonnii). Les Terres australes sont alors une étape primordiale sur la route de migration de nombreuses baleines, qui viennent se nourrir dans l’Antarctique et repartent vers les milieux plus tropicaux pour se reproduire. Parmi les espèces présentes dans la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises, 25 sont considérées menacées par la Liste rouge de l’IUCN, dont 14 oiseaux. L’endémique albatros d’Amsterdam, dont la population actuelle est estimée à 180 individus, est classé en danger critique d’extinction et fait l’objet d’un Plan National d’Action. Le plateau des Tourbières à Amsterdam qui abrite cette population a ainsi été classé site AZE (Alliance for Zero Exctinction). A St Paul, la seule population mondiale de prions de Mcgillivray, sauvée de l’extinction grâce à la dératisation de l’île en 1997, est aujourd’hui classée Vulnérable. En outre, la plupart des espèces présentes sur les Terres australes sont protégées par les conventions internationales telles que la Convention de Bonn, la CITES, la convention RAMSAR, l’ACAP ou les Directives européennes Oiseaux et Habitats. Par ailleurs, l’archipel de Crozet, les îles Marion Prince-­‐Edward et Del Cano ont été identifiées comme EBSA (Ecologically and Biologically Significant Areas) par la Convention sur la Diversité Biologique. Les Terres australes françaises constituent donc un refuge essentiel pour la protection de ces espèces à fort enjeu de conservation à l’échelle mondiale. Le maintien de ces populations, et plus largement l’expression de cette biodiversité riche et diversifiée, sont également assurés par le bon état de conservation des habitats terrestres et marins qui présentent une grande diversité. Au niveau marin, les habitats encore mal connus n’en sont pas moins originaux et souvent uniques : canyons sous-­‐marins des fjords de Kerguelen, moulières à seuil, fonds à spicules d’éponges siliceuses, fonds à antipathaires de Saint-­‐Paul et d’Amsterdam, massifs de coraux profonds d’eau froide de Crozet et Kerguelen et « herbiers » à Macrocystis pyrifera. Ces « herbiers » forment un écosystème d’importance majeure qui abrite jusqu’à un tiers des espèces marines benthiques et constituent les nourriceries pour 2/3 des espèces de poissons. En outre, le benthos des milieux profonds concentre un nombre important de taxons indicateurs d’écosystèmes marins vulnérables, reconnu au niveau mondial, et notamment par la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR), comme des espèces clés de voute à protéger. Au niveau terrestre, les habitats de la Réserve naturelle présentent la plus grande diversité des îles subantarctiques. On y retrouve des assemblages floristiques rares caractérisés par un fort endémisme, comme le Lyallia kerguelensis (endémique de Kerguelen) ou le chou de Kerguelen (endémique régional). Ces habitats sont composés de différents types de prairies en milieu côtier, de « fell-­‐field » à dominance minérale en altitude et d’importantes zones humides en fond de vallée. Ces zones humides présentent un fort endémisme et des adaptations physiologiques uniques des espèces qui y vivent. Les tourbières du plateau d’Amsterdam sont à ce titre considérées comme des écosystèmes d’exception, qui abritent des espèces d’invertébrés et de plantes rares et menacées. Les Terres australes françaises ont ainsi été classées site RAMSAR en reconnaissance de l’extrême richesse ces sites. 2. Le critère ix « Etre des exemples éminemment représentatifs de processus écologiques et biologiques en cours dans l'évolution et le développement des écosystèmes et communautés de plantes et d'animaux terrestres, aquatiques, côtiers et marins ». Unesco, WHC.13/01 Sur ces territoires isolés de tous continents, les interactions trophiques sont riches et complexes et les mieux marins et terrestres indissociables. Situées à proximité du front polaire et de la convergence subtropicale, les eaux associées aux îles sont particulièrement riches en espèces pélagiques (crustacés, calmars, poissons, etc.). Elles constituent l’essentiel des ressources trophiques des oiseaux de mer et des pinnipèdes qui se rassemblent par milliers sur le site. Le plateau de Kerguelen est le plus large de la zone et présente une forte productivité primaire au sein d’un océan relativement pauvre. A moindre échelle mais avec tout autant d’importance, le plateau de Crozet est également très productif. Ces zones de forte productivité influencent tout le réseau trophique, dont la majorité des espèces se regroupent autour des zones de rétention planctonique. Sur les plateaux sous-­‐marins, on retrouve les frayères et les zones de nourriceries des principales ressources marines exploitées dans la zone (légine australe, poisson des glaces, etc.). La proximité des différents fronts et zones de rétention structurent la répartition d’une biodiversité marine riche, représentative des milieux subtropicaux pour Saint-­‐Paul et Amsterdam et le nord de Crozet, ou des milieux subantarctiques au sud de Crozet et à Kerguelen. Cette biodiversité est elle-­‐même différenciée entre les niveaux bathymétriques, permettant une large représentativité des espèces pélagiques et benthiques dans le périmètre de la Réserve naturelle. Enfin, le Bien proposé présente de fortes connectivités avec les îles sud-­‐africaines de Marion Prince Edward pour Crozet, ainsi qu’avec celles de Heard Mc Donald pour Kerguelen, permettant alors la migration d’espèces marines venues de tout l’océan Indien. Avec un périmètre de plus de 670 000 km2 la positionnant comme la 4ème AMP au monde, la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises inclut et préserve l’ensemble des fonctionnalités écologiques essentielles à la conservation d’une richesse biologique diversifiée et unique. P HOTO 2. L ES ZONES MARINES DES T ERRES AUSTRALES FRANÇAISES , DES ZONES CLES POUR L ’ ALIMENTATION DES OISEAUX MARINS DANS L ’ OCEAN I NDIEN Préservées de l’impact direct de l’homme, les Terres australes françaises fournissent des modèles d’étude de l’évolution des espèces en milieux insulaires rares et remarquables, qui présentent une valeur exceptionnelle pour la science. L’isolement de ces îles des autres continents pendant des milliers d’années a permis le développement d’un endémisme strict ou régional fort, qui concerne près d’un quart du vivant. On pense notamment aux huit espèces d’oiseaux endémiques ou subendémiques présents sur ces territoires, mais également au Phylica arborea, seul arbre des îles subantarctiques endémique d’Amsterdam et de l’archipel Tristan Da Cunha (Royaume Uni). On estime par ailleurs que certaines espèces sont des reliques de l’ère tertiaire, comme le chou de Kerguelen. Enfin, les conditions climatiques et environnementales subantarctiques si particulières des Terres australes ont déclenché, chez certaines espèces, des adaptations singulières : incapables de diriger leurs mouvements en raison du vent, de nombreux insectes, comme des papillons ou des mouches, ont ainsi perdu tout ou partie de leurs ailes. P HOTO 3. L’ ENDEMIQUE CHOU DE K ERGU ELEN P HOTO 4 E XEMPLE D ’ ADAPTATION ORIGINALE CHEZ CETTE (P RINGLEA ANTISCORBUTICA ) MOU CHE SANS AILES (A NATALAN TA APTERA ) Si les processus écologiques et biologiques qui ont cours dans les Australes françaises expliquent la présence et le maintien d’une biodiversité remarquable au niveau mondial, ils rendent également des services écosystémiques d’une valeur inestimable pour l’ensemble de la planète, non seulement pour la richesse des assemblages d’espèces que la Réserve naturelle abrite, mais aussi pour la fonction de « puits de carbone » que jouent les zones de forte productivité primaire, permettant ainsi une régulation du CO2 à l’échelle planétaire. En effet, lors de son cycle de développement, le phytoplancton séquestre du carbone et crée de l’oxygène. De la même manière, en milieu côtier, les laminaires de Macrocystis pyrifera et Durvillaea antarctica fixent le carbone dans le sol. Ces écosystèmes sont intégrés aux « zones de protection renforcée » marines de la Réserve naturelle, ce qui garantit le maintien à long terme de ces zones essentielles. Les eaux australes contribuent donc significativement à la réduction des gaz à effet de serre à l’échelle planétaire ; elles sont alors un acteur essentiel de la lutte contre le changement climatique et l’acidification des océans. Du à leur extrême isolement et le faible impact direct des activités humaines, ces territoires apparaissent comme uniques et exceptionnels au niveau mondial pour l’étude des effets des changements globaux sur les écosystèmes. Du fait d’un fort retrait glaciaire depuis plus de 30 ans, d’une diminution de plus de 50% de la pluviométrie, d’une augmentation de 1,3° de la température moyenne annuelle et de fortes modifications liées au déplacement vers le Sud du front polaire et à la réduction de la zone subantarctique, ces zones présentent d’ores et déjà des modifications importantes dans la répartition des ressources trophiques et de leurs prédateurs. Elles constituent alors des observatoires extraordinaires des modifications climatiques et de leurs conséquences sur la biodiversité, non seulement pour les océans Indien et Austral, mais plus globalement pour tout l’hémisphère Sud. Ces îles offrent en outre la possibilité de travailler sur un gradient allant du subtropical (Saint-­‐Paul et Amsterdam) au subantarctique, au niveau du Front Polaire (Kerguelen) et ce jusqu’au Nord de ce front pour Crozet. En ce sens, les Terres australes françaises représentent des laboratoires à ciel ouvert pour les scientifiques du monde entier, justifiant ainsi la position de leader qu’elles occupent dans le domaine de la recherche subantarctique au niveau planétaire.
B. Analyse portant sur l’intégrité et l’authenticité du bien proposé Situées entre les 40ème rugissants et les 50ème hurlants, les Terres australes françaises sont les plus grandes des rares terres émergées du Sud de l’océan Indien. La concentration et la diversité d’espèces et d’habitats qu’elles présentent, ainsi que la richesse et la particularité des interactions trophiques que l’on peut observer dans cette vaste partie de l’océan Austral, constituent les fondements même de la valeur universelle exceptionnelle de ce Bien. Avec une superficie de plus de 670 000 km2, la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises assure la préservation de l’ensemble des fonctionnalités écologiques essentielles au maintien des espèces qu’elle abrite. P HOTO 5. L A DIVERSITE SPECIFIQUE DES T ERRES AUSTRALES FRANÇAISES , UN PATRIMOINE NATUREL A PRESERVER Du fait de leur isolement, les Terres australes françaises n’ont été découvertes qu’au XVIIIème siècle. L’exploitation des ressources naturelles, qui est restée toutefois très limitée, a été totalement stoppée au cours des années 1970. En 2006, ces territoires ont été classés en réserve naturelle nationale, le plus haut niveau de protection à l’échelle française. Consciente de l’importance des interactions entre les milieux terrestre et marin, la Réserve a vu en 2016 son périmètre s’étendre en mer sur une surface de plus de 670 000 km2. Allant pour certaines parties jusqu’en limite de zones économiques exclusives, la Réserve naturelle intègre l’ensemble des corridors écologiques des Terres australes françaises, depuis les îles jusqu’aux eaux internationales, offrant ainsi aux espèces marines de tout l’océan Indien la possibilité de migrer au sein d’un espace protégé. Une grande partie du territoire terrestre et marin de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises fait l’objet d’un classement en « protection intégrale ou renforcée », où l’ensemble des activités humaines sont interdites, à l’exception de certaines activités scientifiques expressément autorisées (catégorie Ia de l’UICN). Sur le reste du périmètre de la Réserve, une réglementation stricte et des prescriptions techniques encadrent l’ensemble des activités. Les programmes de recherche qui y sont développés constituent la majorité des activités recensées sur ces îles ; elles permettent d’améliorer la connaissance et la bonne gestion de ces habitats fragiles. En milieu marin, la pêche, qui fait l’objet d’un suivi scientifique par le Muséum National d’Histoire Naturelle, est gérée de manière durable par l’administration des Terres australes et antarctiques française. Elle fait l’objet d’une certification MSC (Marine Stewardship Council) pour la légine de Kerguelen et une démarche de labélisation a été entreprise pour la pêcherie langouste et poissons de Saint-­‐Paul et Amsterdam. L’isolement naturel des îles et les strictes mesures de gestion mises en place ont permis le maintien d’un environnement quasi-­‐intact, qui présente une diversité exceptionnelle d’espèces et d’habitats. Une grande partie des territoires terrestres et marins sont ainsi exempts de tout impact direct de l’activité humaine. Néanmoins, certains facteurs menacent l’intégrité de ces écosystèmes fragiles, parmi lesquels les espèces exotiques envahissantes, qui constituent l’une des priorités du plan de gestion de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises, et les changements globaux. Afin de lutter au mieux contre les espèces introduites, des actions d’éradication de plantes et de mammifères (en particulier du chat) sont en cours et les agents mettent en place des mesures strictes de biosécurité pour éviter la dissémination d’éléments pathogènes et de plantes invasives. La Réserve naturelle affiche à ce jour un certain nombre d’exemples réussis d’éradication, notamment sur l’île Australia (rats et souris), l’île Longue (moutons) et l’île Haute (mouflons) dans l’archipel de Kerguelen. Des mesures de restauration sont également à l’œuvre, notamment pour le Phylica arborea à Amsterdam, le seul arbre des îles subantarctiques qui est endémique d’Amsterdam et de Tristan da Cunha. Grâce à ces différentes mesures, de nombreuses îles restent encore préservées de toute espèce exotique. Par ailleurs, si les effets du changement climatique sont déjà notables sur la répartition des ressources trophiques et de leurs prédateurs, les agents de la Réserve naturelle et les scientifiques redoublent d’efforts pour améliorer les connaissances sur ces phénomènes et leurs effets sur les écosystèmes. Ils identifient et mettent alors en œuvre des mesures adaptées d’atténuation et de mitigation, permettant de renforcer la résilience des espèces emblématiques de ces îles et de leurs habitats. Ce système de gestion éprouvé et adaptatif, sur un territoire d’envergure et d’une telle richesse spécifique, renforce l’originalité de ces territoires et assure le maintien de leur intégrité pour l’avenir. C. Analyse comparative La valeur universelle exceptionnelle des Terres australes françaises est mise en lumière par le nombre réduit de sites directement comparables. Si le Patrimoine mondial comprend déjà des sites insulaires à la biodiversité remarquable, bien peu affichent une telle richesse spécifique, une telle concentration d’espèces et une contribution aussi importante au fonctionnement des océans. I.
Représentativité des Biens classés au patrimoine mondial de l'UNESCO La zone océan Indien figure parmi les zones biogéographiques sous-­‐représentées au sein du Patrimoine Mondial marin1. Les trois sites inscrits (Parc de la zone humide d'Isimangaliso, île de Socotra et atoll d'Aldabra) sont des sites emblématiques des zones tropicales et non des Biens représentatifs des richesses naturelles du Sud de cet océan. Les zones subpolaires, quant à elles, ont longtemps été peu représentées au Patrimoine Mondial. Seuls quatre sites subantarctiques sont inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO : ils seront décrits dans la section suivante. En 2004, le conseiller scientifique du Comité du patrimoine mondial pour les Biens naturels listait, parmi les habitats relativement mal représentés, les zones humides des régions subantarctiques et les zones subpolaires2. La réserve naturelle nationale des Terres australes françaises se situe au point de rencontre de l'océan Austral et de l'océan Indien, qui sont deux zones aujourd'hui peu représentées au Patrimoine Mondial de l'UNESCO. Sa biodiversité est représentative des espèces de la zone subantarctique, tandis que les populations d'oiseaux marins qu'elle abrite migrent dans l’ensemble de l'océan Indien. Elle présente des zones humides préservées uniques dans la zone subantarctique et subtropicale, reconnues par la convention RAMSAR. II.
Comparaison avec d’autres sites a. Périmètre de la comparaison Au regard des caractéristiques géographiques et climatiques, les sites offrant les points de comparaison les plus naturels sont: •
Le Bien de l'île Macquarie (Australie), qui comprend l’île Macquarie elle-­‐même, les îlots Judge et Clerk, les îlots Bishop et Clerk, et les eaux situées dans un rayon de 12 milles nautiques pour une surface totale de 557 280 hectares. L’île et ses îlots sont inscrits au Patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1997. •
Les îles Heard et MacDonald (Australie), mitoyennes des Terres australes françaises et partageant le plateau continental de Kerguelen, ont également été inscrites sur la Liste du patrimoine mondial en 1997. Elles occupent une superficie totale de 658 903 hectares, 1
UICN (2013), Le patrimoine naturel marin et la Liste du patrimoine mondial. UICN, Future Priorities… (2004), p. 12. 2
dont seulement 37 000 hectares environ de surface terrestre. Ces îles comptent parmi les seuls volcans subantarctiques en état d’activité. A ce titre, notons que l’éruption du mont Mc Donald en 2005 a doublé les dimensions de l’île. •
L'île de Gough (Royaume-­‐Uni), à laquelle a été rattachée en 2004 l'île Inaccessible, a été, historiquement, le premier Bien subantarctique classé au patrimoine mondial en 1995. Elle fait partie du territoire d’outre-­‐mer du Royaume Uni comprenant l’île de Sainte-­‐
Hélène, l’île de l’Ascension et le groupe d’îles de Tristan da Cunha, situées dans l’Atlantique sud. L'île de Gough relève d'une bio-­‐région "fraîche-­‐tempérée" et ses habitats sont principalement comparables à ceux de l'île Amsterdam (tourbières, feldmark). •
Les îles subantarctiques de Nouvelle-­‐Zélande (NZSAI), composées de cinq archipels (les îles Snares, Bounty, Antipodes, Auckland et Campbell) situés dans l'océan Austral, au sud-­‐
est de la Nouvelle-­‐Zélande, sont tous classés en Réserve naturelle. Ce Bien a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 1998. •
Enfin, les îles de Marion et Prince Edward (Afrique du Sud), non inscrites au patrimoine mondial de l'UNESCO, doivent être prises en compte dans la comparaison du fait de leur proximité géographique. En effet, ces îles ne sont séparées de l’archipel de Crozet que par le relief dit « Del Cano ». Si les sites retenus pour l’analyse comparative sont tous situés en zone subantarctique et offrent des éléments de comparaison intéressants avec la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises3, il est important de distinguer certaines particularités biogéographiques au sein des sites, qui permettent de les comparer plus finement entre eux. D'une part, on peut différencier la biodiversité de la zone dite "Insulantarctique" (Heard, Kerguelen, Crozet, Maquarie etc.) de celle des territoires subantarctiques néo-­‐zélandais (îles Chatham, Snares, Auckland et Campbell), parfois groupés dans une zone biogéographique différente4. D'autre part, la distance au front polaire permet de distinguer des sous-­‐groupes au sein de cette catégorie Insulantarctique, conduisant à distinguer les îles situées au cœur de la zone subantarctique (Kerguelen, Crozet, Heard, Macquarie par exemple), des territoires connaissant des climats océaniques plus tempérés (Amsterdam et Saint-­‐Paul, Gough). 3
A noter que parmi les 5 sites retenus pour l’analyse comparative, seules les îles de Marion et Prince Edward ne sont pas inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. 4 Udvardy (1975) définit deux zones différentes: la zone 7.4.9 (insulantarctica) et la zone 7.1.2 (neozelandia). Carte 1. Localisation des territoires présentés dans l’analyse comparative b. Comparaison avec les sites proposés Deux éléments, relevant respectivement des critères X et IX, peuvent faire plus particulièrement l’objet d’une analyse comparative entre l’ensemble des sites identifiés dans la section précédente avec la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises : -­‐
la richesse de la biodiversité marine de ces territoires, et notamment au niveau de l’avifaune ; -­‐
les processus écologiques soutenant l’ensemble des réseaux trophiques qui reposent sur un lien terre-­‐mer très fort. Il en est de même pour le maintien de l’intégrité et la gestion de territoires relativement vastes qui peuvent entrer en comparaison les uns avec les autres. Tableau 1. Caractéristiques générales des territoires proposés pour la comparaison Nom du bien Année de classement (si UNESCO) Géographie Pays : Australie Iles Heard et Mc Donald (1997) Superficie totale : 658 903 ha Superficie terrestre : 37 000 ha Organisme de gestion Critères de classement au Patrimoine Mondial La zone est gérée en tant que réserve naturelle intégrale (catégorie 1a de l’UICN) par la Division antarctique australienne grâce au Plan de gestion de la réserve marine des îles Heard et McDonald du gouvernement australien VIII et IX Le bien se compose de 4 réserves naturelles: Antipodes Island/Moutere Mahue, Auckland Islands -­‐ Motu Maha, Bounty Islands/Moutere Hauriri et Campbell Island/Moutere Ihupuku. IX et X Pays : Nouvelle-­‐Zélande Iles sub-­‐antarctiques de Nouvelle-­‐Zélande (NZSAI) (1998) Superficie terrestre : 76 458 ha Zone marine : 1 400 000 ha (12 mille marins autour de chaque île) Pays : Australie Partie terrestre : île Macquarie, les îlots Judge et Clerk, les îlots Bishop et Clerk Ile Macquarie (1997) Partie marine : 12 milles nautiques Surface totale : 557.280 ha Les Îles Gough et Inacessible (1995-­‐ extension 2004) Les îles de Marion et Prince Edward Territoire d’outre-­‐mer du Royaume Uni Sainte-­‐Hélène, île de l’Ascension et Tristan da Cunha Surface totale du bien : 7900 ha Pays : Afrique du Sud Surface : 180 000 km2 Les eaux comprises dans un rayon de 200 milles nautiques à l’est de la réserve font partie pour l’essentiel de la Macquarie Island Commonwealth Marine Reserve, gérée par le Gouvernement australien en coopération avec le PWS. VII et VIII Ces deux îles sont gérées en tant que Réserves de faune sauvage, aires protégées de catégorie I de l’UICN, les seules activités autorisées étant la recherche et le suivi météorologique. VII et X Les îles ont été classées « Special Nature reserves » avec une zonation à usages multiples. Les 12 milles nautiques sont classées en sanctuaire. Non classées au patrimoine mondial Superficie Totale : 672 672 km2 La zone est une réserve naturelle nationale gérée par la collectivité des TAAF (Terres Australes et antarctiques Françaises). Superficie terrestre : 7000km2 Environ 18% du territoire est classé en protection renforcée (accès interdit). Pays : France La Réserve naturelle nationale des Terres australes françaises La partie terrestre des îles ainsi que les eaux environnantes dans un rayon de trois milles nautiques sont gérées comme une réserve naturelle par le Tasmanian Parks and Wildlife Service (PWS). Candidate au patrimoine mondial, Critères proposés : IX et X i.
La richesse et la diversité unique des espèces Si l’ensemble des cinq sites proposés à la comparaison présentent une richesse et une diversité biologique exceptionnelle intéressantes pour l’analyse, il est à noter que seules les îles Gough et Inacessible, ainsi que les îles subantarctiques de Nouvelle-­‐Zélande (NZSAI) ont été inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre du critère X. En effet, l’inscription des îles subantarctiques de Nouvelles Zélande (NZSAI) sur la Liste du patrimoine mondial au titre du critère X repose sur l’existence d’une riche diversité biologique, de fortes densités de populations pour la faune sauvage et sur un important niveau d’endémisme pour les espèces d'oiseaux, de plantes et d'invertébrés. On y dénombre 126 espèces d'oiseaux au total, dont 40 d'oiseaux marins parmi lesquels 5 ne se reproduisent nulle part ailleurs. Les îles servent également de site de reproduction pour 95% de la population mondiale du lion de mer de Nouvelle-­‐Zélande (anciennement dénommé lion de mer «de Hooker») et l’environnement marin fournit à la baleine franche du sud un site de reproduction très important. Les Îles Gough et Inacessible, également inscrites sur la Liste du patrimoine mondial au titre du critère X, abritent, quant à elles, l’une des colonies d’oiseaux marins les plus importantes au monde avec 22 espèces différentes. L’île Inaccessible est par ailleurs le seul lieu de nidification du pétrel de Schlegel (Pterodroma incerta), tandis que le puffin à lunettes (Procellaria conspicillata) et l’albatros de Tristan da Cunha (Diomedea dabbenena) nichent pratiquement exclusivement sur Gough. Les autres sites soumis à la comparaison, qui ne sont pourtant pas classés au titre du critère X ou qui ne sont pas inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO comme les îles Marion et Prince Edward, présentent néanmoins une biodiversité exceptionnelle qui méritent une attention particulière dans le cadre de cette analyse : De par leur caractère originel, demeuré quasi intact du fait de l’absence presque totale d’espèces exotiques et de tout impact humain, les îles Heard et McDonald fournissent un habitat exceptionnel et protégé à de larges populations d’oiseaux et de mammifères marins, telles que d’importantes populations reproductrices de phoques, pétrels, albatros et manchots. Concernant le Bien de L’île Maquarie (Australie), il abrite une faune nombreuse et variée qui, à l’instar des manchots, se réunit en grand nombre pendant la période de reproduction. La population reproductrice des Gorfous de Schlegel (Eudyptes schlegeli), espèce endémique de l’île Macquarie et des îlots tout proches de Bishop et Clerk, est évaluée à plus de 850 000 couples, soit l’un des plus importants rassemblements d’oiseaux au monde. Chez les manchots royaux (Aptenodytes patagonicus), la population reproductrice, évaluée entre 150 000 et 170 000 couples en 2000, continue de se multiplier. Les éléphants de mer austraux (Mirounga leonina), quant à eux, forment également d’importantes colonies pendant la période de reproduction. Enfin, les îles Marion et Prince Edward abritent de nombreuses espèces marines, parmi lesquelles des albatros, des manchots, des orques ou des légines. Approximativement 2,5 millions de couples d’oiseaux nichent sur Prince Edward, pour un total estimé de 8 millions d’oiseaux marins issus de 29 espèces dont 5 espèces d’albatros (44% de la population mondial d’albatros hurleur) et 14 espèces de pétrels. C’est la deuxième île la plus riche et diversifiée en terme d’avifaune de la zone, après l’île de Crozet. Malgré la richesse de la biodiversité marine de l’ensemble des groupes d’îles précités, la valeur universelle des Terres australes françaises s’affiche par l’exceptionnalité de ces territoires en matière de concentration de l’avifaune et des mammifères marins, ainsi que par la diversité des habitats qui est la plus importante des îles subantarctiques. En effet, la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises accueillent la plus forte concentration d’oiseaux au monde avec plus de 50 millions de reproducteurs, mais également la plus grande diversité avec 48 espèces dont 34 oiseaux marins. Cette population estimée est à comparer avec les 5 millions de couples estimés sur l'île de Gough, les 6 millions d'oiseaux sur l'archipel néo-­‐zélandais de Snares, ou encore les 8 millions des îles Marion et Prince Edward5. Par ailleurs, plus de la moitié de la population mondiale de 15 des 48 espèces d’oiseaux présentes dans les Terres australes françaises se reproduit sur ces îles, parmi lesquelles l’emblématique manchot royal. La Réserve naturelle accueille également la deuxième plus grande population d’éléphants de mer au monde après celle de la Géorgie du Sud. La forte diversité biologique de ces territoires s’explique par la diversité des habitats terrestres (zones humides, reliefs abrupts) et la surface émergée, considérée comme la plus importante de la zone. Cette valeur universelle exceptionnelle de la biodiversité des Terres australes françaises a déjà été soulignée par plusieurs études menées au début des années 1990 par un groupe de travail de l'UICN6, sur la base d’une comparaison de 22 îles subantarctiques. Leurs résultats de ces études plaçaient les îles Crozet et Kerguelen au premier rang des écosystèmes insulaires subantarctiques en termes de diversité biologique. ii.
Des processus écologiques exceptionnels et un lien terre-­‐mer fort Concernant les processus écologiques exceptionnels et la force du lien terre-­‐mer, qui sont directement rattachés au critère IX, il est à noter que seules les îles Heard et McDonald, ainsi que les îles subantarctiques de Nouvelles Zélande (NZSAI), elles-­‐mêmes inscrites sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre du critère IX, présentent des caractéristiques intéressantes pour l’analyse comparative avec la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises. En effet, les îles Heard et McDonald, situées à proximité du plateau de Kerguelen, disposent d’une zone marine très productive, qui permet l’alimentation et la reproduction de nombreux oiseaux et mammifères marins. Ce fort lien terre-­‐mer représente l’un des éléments constitutifs de la valeur universelle du Bien qui a conduit les îles Heard et MacDonald à être inscrites sur la Liste du patrimoine mondial. Isolées à plus de 5000 km de tout continent, elles hébergent également de nombreuses espèces endémiques et constituent des modèles d’études rares sur les processus écologiques en milieu insulaire. Les îles subantarctiques de Nouvelles Zélande (NZSAI), quant à elles, affichent également une productivité marine très élevée dans la mesure où elles se trouvent entre les convergences antarctique et subtropicale. Elles présentent une riche diversité biologique, de fortes densités de populations pour la faune sauvage et un important endémisme d’espèces d'oiseaux, de plantes et 5
WWF, MPA... 6
Voir UICN, Report of the working group on application of the World Heritage Convention to islands of the Southern Ocean (1992); UICN, Which Oceanic Islands Deserve World Heritage Status (1991); UICN, Ranking the world heritage value… . d'invertébrés. Les NZSAI abritent une flore extrêmement riche avec 35 taxons endémiques dont des « mégaherbes », que l’on retrouve exclusivement aux NZSAI et à l’Ile Macquarie. Néanmoins, la forte productivité primaire de ces territoires et l’importance du lien terre-­‐mer ne peuvent égaler l’exception des processus écologiques produits par le plus grand plateau continental de l’océan Indien qu’héberge la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises. Avec près de 100 000 km2, le plateau dit de Kerguelen-­‐Heard permet la remontée d’eaux froides très riches qui alimentent l’ensemble du réseau trophique. De ce fait, les milieux marins des Terres australes sont l’une des zones marines les plus riches de la région ; elles constituent en cela un réservoir de vie au milieu de l’océan Austral. En effet, dans aucune des autres îles subantarctiques, la richesse des interactions terre-­‐mer n'est aussi lisible et exposée qu’autour du plateau de Kerguelen-­‐Heard. Les phénomènes observés dans la zone marine de Heard sont indissociables de ceux observés sur l’île voisine de Kerguelen7, quoiqu’ils soient moins bien documentés et de moins grande ampleur du fait de la portion plus réduite du plateau continental concerné. Ils sont, en l’état actuel des connaissances, absolument sans équivalent dans la zone subantarctique. Par ailleurs, l’identification précise des écorégions marines dans les eaux des zones économiques exclusives de Crozet et Kerguelen a permis d’identifier précisément les différents assemblages d’espèces et d’habitats ainsi créés, et d’établir les modalités de leur interdépendance. L'important travail de recherche mené préalablement à l'extension marine de la Réserve naturelle a confirmé la présence d'habitats marins extrêmement diversifiés, tant en zone benthique qu’en zone pélagique, pouvant supporter une diversité biologique peu commune dans l'océan Indien. Celle-­‐ci est déjà partiellement inventoriée mais le nombre d’espèces dénombrées ne cesse de s’accroître, comme en témoigne l’inventaire de la faune benthique. Le taux d’endémisme dans ces îles est également inégalé dans le reste de la zone subantarctique, avec la présence de nombreuses espèces endémiques de plantes, d’invertébrés, d’oiseaux, mais aussi de mammifères marins comme le dauphin de Commerson. Enfin, la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises est le seul territoire de l’océan Indien qui s’étend sur un tel gradient latitudinal, incluant des zones subtropicales et subantarctiques, du 40e au 50e parallèle sud. De par son exceptionnel gradient latitudinal, la Réserve naturelle couvre trois zones biogéographiques au contact les unes des autres (subantarctique, fraîche-­‐tempérée, subtropicale) et se trouve au confluent des échanges entre l’océan Austral et l’océan Indien. Ceci permet une large représentation des espèces caractéristiques de ces régions. 7
L. Meyer, A. Constable and R. Williams (Australian Antarctic Division), Conservation of marine habitats in the region of Heard Island and McDonald Islands, 2000. iii.
Intégrité et gestion des territoires L’ensemble des cinq sites soumis à l’analyse comparative, tout comme les Terres australes françaises, bénéficient d’un statut de réserve, qui s’applique néanmoins sur des surfaces différentes et ne présente pas les mêmes modalités de gestion. Les îles Heard et McDonald par exemple, ont une superficie totale de 658 903 hectares, dont seulement 37 000 hectares environ de surface terrestre. L’ensemble du site bénéficie d’un statut de réserve naturelle intégrale (catégorie 1a de l’UICN), gérée par la Division antarctique australienne. La principale menace qui pèse sur ces territoires est l’introduction d’espèces exotiques envahissantes mais le gestionnaire a su contenir leur introduction et leur propagation de manière effective. Au niveau marin, ces îles sont confrontées à une activité de pêche illégale récurrente qui fragilise l'ensemble de la chaîne trophique. La connaissance sur la biodiversité du site reste aujourd’hui limitée du fait de la volonté de préserver ce patrimoine de l’impact des activités scientifiques. Les îles subantarctiques de Nouvelles Zélande (NZSAI) et leurs cinq archipels (les îles Snares, Bounty, Antipodes, Auckland et Campbell) sont eux aussi classés en réserve naturelle. Elle couvre une superficie terrestre totale de 76 458 hectares et une surface maritime de 1 400 000 hectares, soit l’intégralité des 12 miles nautiques. Les îles Snares et deux des îles Auckland (Adams et Disappointment) présentent de vastes superficies où la végétation n’a pas été modifiée, ni par l’homme ni par des espèces exotiques. Les plus grandes menaces auxquelles ces îles doivent faire face sont l’impact du changement climatique et les espèces exotiques envahissantes. Concernant le Bien de L’île Maquarie (Australie), il s’étend sur une surface totale de 557 280 hectares. L’île Macquarie, ses îlots, ainsi que les eaux environnantes situées dans un rayon de 3 miles nautiques, sont gérées comme une réserve naturelle par le Tasmanian Parks and Wildlife Service (PWS). Les eaux comprises dans un rayon de 200 miles nautiques à l’Est de la réserve font partie pour l’essentiel de la Macquarie Island Commonwealth Marine Reserve, gérée par le Gouvernement australien en coopération avec le PWS. Les principales menaces qui pèsent sur ces îles sont les impacts du changement climatique et les espèces exotiques envahissantes, menaces considérées comme « hautes » par le rapport d’évaluation du World Heritage Outlook de 2014. Les Îles Gough et Inacessible, quant à elles, sont classées en Réserve de Faune Sauvage. L’île Gough, inscrite sur la Liste du Patrimoine mondial notamment du fait de son très faible niveau d’anthropisation, est aujourd’hui aux prises avec l’expansion de plusieurs espèces exotiques envahissantes (végétaux, souris). L’évaluation du World Heritage Outlook de 2014 affiche des préoccupations fortes suite au déclin de populations d’oiseaux et à l’accroissement des espèces exotiques envahissantes. Une crainte particulière est exprimée pour l’Albatros de Tristan, une espèce emblématique du site qui pourrait disparaitre dans les 30 prochaines années. Le système de gestion existant et les fonds dédiés ne semblent pas suffisants pour mettre en place des mesures efficaces de régulation des espèces exotiques envahissantes. Enfin, les îles de Marion et Prince Edward (Afrique du Sud), sont classées en réserve naturelle spéciale sur une surface de 180 000 km2. Leurs enjeux et leur histoire, notamment en terme de conservation, sont relativement similaires à celles des Terres australes françaises dans la mesure où elles sont marquées par des mesures de protection qui concilient la présence scientifique et les impératifs de préservation du patrimoine naturel. Par ailleurs, la création d’une réserve marine en 2013 n’a pas remis en cause l’existence d’une pêcherie à la légine dans ces mêmes eaux. Si le territoire est encore marqué par la pêche illégale intensive des années 1980, l’ensemble des 12 milles nautiques ont cependant été érigés en zone sanctuaire. Les espèces exotiques et l’impact du changement climatique sont également de fortes pressions menaçant l’intégrité du site. A l’instar des sites précités, la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises constitue de très loin le plus vaste espace protégé de la zone, dont les orientations de gestion permettent de garantir une très large partie de son intégrité. En effet, la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises s’étend désormais sur 672 969 km2, dont environ 7 700 km2 de terrestre, et dispose d’une zone tampon de 989 787 km2, portant le périmètre de protection du Bien à plus d’1.66 millions km2. La taille de l'aire marine protégée des Terres australes françaises, qui est très nettement la plus importante de la zone subantarctique et de l’ensemble des Biens proposés à la comparaison, est à la mesure des habitats présents sur l'immense plateau continental de Kerguelen-­‐Heard. Elle garantit ainsi la prise en compte, au sein du régime de conservation, de l'ensemble des fonctionnalités écologiques marines. Par ailleurs, tout comme les Biens précédemment cités, les Terres australes françaises doivent faire face à une menace liée aux espèces exotiques envahissantes. Malgré cela, de nombreuses zones sont demeurées entièrement préservées de ces impacts grâce à des actions renforcées de lutte contre l’introduction et la dispersion des espèces exotiques envahissantes. Parmi les actions qui ont permis de prévenir l’introduction d’espèces nouvelles, on peut citer l’application stricte de procédures de biosécurité et l’interdiction de pénétrer dans les zones les mieux préservées, qui bénéficient d’un statut de protection intégrale. Au niveau marin, la collectivité des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) a mis en place un modèle de gestion du stock halieutique désormais reconnue internationalement au sein de la CCAMLR, puis labélisé au travers de la certification du Marine Stewardship Council (MSC) pour la principale pêcherie à la légine. La quasi-­‐absence d’activités de pêche illégale dans la zone australe témoigne de cette bonne gestion des pêcheries et de la surveillance. L’approche de conservation dans les Terres australes françaises s’inscrit donc dans une dynamique d’amélioration continue, matérialisée par le déploiement de nouveaux outils juridiques tels que l’extension de l’aire marine protégée en 2016, la publication de l’arrêté de protection en 2017 ou le nouveau plan de gestion 2017-­‐2027. Ainsi, le Bien bénéficie aujourd’hui d’un niveau de protection permettant de préserver son intégrité. En outre, cette gestion du site s’appuie sur le dynamisme des activités scientifiques menées sur ces territoires. De toute la région subantarctique, la France est le pays qui accueille le plus de chercheurs (en moyenne 180 à 200 chercheurs par an) et qui produit le plus de publications scientifiques sur la zone. Des équipes de chercheurs et des agents de la Réserve naturelle sont présents en continu sur le site, ce qui permet une meilleure connaissance et une gestion adaptée de ce patrimoine exceptionnel. Les résultats des travaux de recherche menés permettent d’orienter au mieux les mesures de gestion mises en place depuis la création de la Réserve naturelle ; le principe d’’accompagnement de la gestion par des programmes scientifiques robustes constitue également l’une des pierres angulaires du plan de gestion 2017-­‐2027. D. Projet de déclaration de valeur universelle exceptionnelle Situées entre les 40ème rugissants et les 50ème hurlants, les Terres australes françaises sont les plus grandes des rares terres émergées du Sud de l’océan Indien. Du fait de leur éloignement des centres d’activités humaines, elles sont restées des sanctuaires de biodiversité particulièrement préservés qui recèlent un patrimoine naturel exceptionnel. La richesse de ces îles, qui affichent les plus fortes concentrations et diversité de communautés d’oiseaux marins au monde, ainsi que l’une des plus importantes populations de mammifères marins, s’explique par la complexité et la singularité des fonctionnalités écologiques qui ont cours dans cette vaste partie de l’océan Austral, confortant ainsi des liens indissociables entre écosystèmes terrestres et marins. Les Terres australes françaises abritent la diversité spécifique d’invertébrés et de plantes la plus importante des îles subantarctiques et celle des oiseaux et mammifères marins figure parmi les plus riches de la planète. Considérées comme un site d’exception pour la conservation de l’avifaune mondiale, ces îles hébergent plus de 50 millions d’oiseaux issus de 47 espèces et on estime à 60 tonnes par km2 la densité d’oiseaux à Crozet. Elles concentrent également de larges populations de pinnipèdes comme l’éléphant de mer du Sud, 2ème population au monde, ou de cétacés comme le dauphin de Commerson, sous espèce endémique de Kerguelen. Plantes et animaux présentent des adaptations originales développées au cours de plusieurs millions d’années d’évolution dans un isolement total, à des milliers de kilomètres de tout continent. L’ensemble des zones clés pour la reproduction et l’alimentation de ces espèces marines, dont celles se reproduisant à terre, sont inclues dans le périmètre de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises. On y trouve notamment des zones de frayères essentielles pour le maintien des ressources halieutiques, mais aussi des zones de forte productivité primaire, qui structurent l’ensemble du réseau trophique et qui constituent un réel « puits de carbone », permettant ainsi de réduire les émissions de CO2 à l’échelle mondiale et de lutter contre les changements climatiques. Dans cette perspective, et du fait de leur extrême isolement ainsi que du faible impact direct des activités humaines, ces territoires sont uniques et exceptionnels au niveau mondial pour l’étude des effets des changements globaux sur les écosystèmes. Ils constituent également des observatoires de la planète dans les domaines de la géophysique, de la physique ou de la chimie de l’atmosphère et présentent un fort intérêt pour la compréhension de la géodynamique de l’océan Indien. Enfin, les Terres australes françaises forment un des derniers lieux de « naturalité » au monde, qui conserve la nature sauvage de son patrimoine naturel. Elles demeurent des sources d’émerveillement et d’inspiration participant encore à la sensibilisation et la mobilisation du grand public pour la conservation de l’environnement. Si la présence d’espèces exotiques envahissantes et l’impact des changements globaux constituent les principales pressions sur ces territoires, le modèle de gestion mis en place par la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises permet d’améliorer la connaissance sur ces menaces et leurs impacts, et de mettre en place des mesures de gestion adaptées qui contribuent au maintien de l’intégrité du Bien. Des partenariats historiques avec les laboratoires scientifiques assurent un suivi à long terme des écosystèmes et l’adoption d’une gestion adaptative renforcée. L’immensité de la Réserve naturelle, qui figure à la 4ème place des plus grandes aires marines protégées au monde avec plus de 670 000 km2, permet de protéger l’ensemble des espèces à fort enjeu de conservation à l’échelle internationale et leurs zones fonctionnelles. Ces territoires ainsi préservés jouent un rôle majeur dans le maintien de la biodiversité au niveau mondial. 
Téléchargement