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en vue. S’y retrouvent Adolphe Thiers, Eugène Pelletan,
Gabriel Hanotaux, Edmond About, Louis Blanc, Alphonse
Daudet, Camille Flammarion, Georges Clemenceau, l’édi-
teur Jules Hetzel, le poète Sully Prudhomme, Émile de
Girardin, Gustave Flaubert, Louis de Ronchaud, Gaston
Paris, Victor Hugo, Guy de Maupassant, Ivan Tourgue-
niev, Aurélien Scholl ou le Grec Dimítrios Vikélas. […]
Lorsque l’Empire tombe, c’est parmi les familiers de ce
cercle que se recrutent les hommes de gouvernement.
Femme d’influence, Juliette Adam se veut l’incarnation de
la ‘‘Grande Française’’, déterminée à rendre à la France
abaissée son rang en Europe, jusqu’au bellicisme et à la
xénophobie. Elle sera notamment l’apôtre d’une alliance
avec la Russie. »
Historien spécialiste de l’histoire politique de la France
du xixe siècle, Jérôme Grévy rappelle que « Juliette Lam-
ber avait l’ambition de faire de son salon le centre de ‘‘la
République athénienne’’, c’est-à-dire un lieu où se mêle-
raient les hommes politiques, les diplomates, les artistes,
les écrivains. Léon Daudet, qui y fit son initiation mon-
daine et littéraire, estimait qu’il était ‘‘un foyer ardent de la
politique militante, en même temps qu’un lieu de causerie
éblouissante.’’ […] Edmond Adam et sa femme avaient
également l’ambition d’initier Gambetta et ses amis à la
vie mondaine. » Percevant chez cet avocat mal dégrossi
de sa province de grandes aptitudes politiques, Juliette
l’avait pris sous son aile. Léon Gambetta devint chez elle
le centre d’une nébuleuse intellectuelle et républicaine
sans cesse renouvelée tandis qu’il fourbissait les armes
qui lui serviraient d’arguments pour promouvoir la pro-
chaine république.
Egérie de Gambetta. Juliette était devenue, selon l’expres-
sion d’Anne Martin-Fugier, son « guide en sociabilité ».
Avant de faire sa connaissance, Gambetta fréquentait le
Quartier latin. Lui et ses amis « s’étaient partiellement ini-
tiés à la vie politique dans ses cafés turbulents » ajoute
Jérôme Grévy qui, citant à son tour l’historien Georges
Weill, spécialiste de l’idée républicaine, précise : « Ils
allaient écouter les séances du Corps législatif puis,
allaient au café ‘‘recommencer la discussion, approuver
ou critiquer les paroles de chaque orateur’’. Gambetta
était déjà connu pour son éloquence. Au café Procope,
‘‘on faisait cercle autour de lui pour l’entendre discuter
sur n’importe quel sujet’’. » « Quand il fut élu député en
1869, reprend Anne Martin-Fugier, Juliette et son mari
insistaient ‘‘sur la nécessité pour les républicains d’avoir
une sociabilité, d’apparaître comme des hommes conve-
nables ayant, aussi bien que leurs adversaires, l’usage du
monde.’’ […] ‘‘Il faudra en prendre votre parti pour l’avenir
lui écrivit Juliette. Vous pouvez être de l’opposition dans
les cafés, mais vous ne pourrez être du gouvernement
que dans le monde. Il faut dès maintenant, que vos fils
- hélas ! vous êtes trop de célibataires ! - deviennent des
gens bien élevés. [...] C’est à Belleville, c’est au grand U1
qu’on fait les révolutions et les oppositions ; c’est dans les
salons qu’on fait les gouvernements. »2
Les fondateurs de la troisième République avaient fini
par adopter vers les années 1870 une attitude « opportu-
niste » qui se caractérisait par l’abandon du messianisme
révolutionnaire. Même s’ils se considéraient comme les
héritiers de la Révolution, ils occultaient désormais le sou-
venir de ses excès et prônaient des principes d’ordre et
de modération non éloignés du libéralisme. La violence
est abandonnée au profit d’un programme républicain
mesuré, respectueux des libertés politiques (liberté d’ex-
pression, de réunion, d’association). Peut-on voir dans
cette orientation nouvelle qui donnait une image plus
acceptable aux ambitions des amis de Gambetta et qui
était directement voulue par lui le produit des débats de
l’hôtel de Montholon ? Sans doute. Plus tard, on attribua
à Juliette le qualificatif d’« Aurore de la iiie République »3.
Juliette avait une ambition élevée pour la France. Elle
œuvrait pour son redressement national au lendemain
1. Un café de Paris.
2. Juliette Adam, Nos amitiés politiques avant l’abandon de la Revanche, citée par A. Martin-Fugier.
3. Manon Cormier, Madame Juliette Adam ou l’Aurore de la IIIe République, Paris, Delmas, 1934.
Juliette Adam fut un auteur prolifique. Elle écrivit
une cinquantaine d’ouvrages en utilisant parfois un
ou deux noms de plume, des centaines d’articles
de contribution à sa revue et entretint une
abondante relation épistolaire. Ses livres englobent
des sujets contemporains (politique, évolution des
idées, reportages), des essais sur la défense de
la nation française, des récits biographiques ainsi
que des romans dans lesquels elle exprime ses
vues sur les mœurs de son temps, ses idéaux et
son admiration pour la nature.
Quelques titres :
Idées anti-proudhoniennes sur l’amour, la femme et
le mariage, 1858
Garibaldi, sa vie d’après des documents inédits, 1859
Le Siège de Paris, journal d’une Parisienne, 1873
Mes premières armes littéraires et politiques, 1894
Mes sentiments et nos idées avant 1870, 1905
Mes illusions et nos souffrances pendant le Siège
de Paris, 1906
Mes angoisses et nos luttes, 1871-1873, 1907
Nos amitiés politiques avant l’abandon de la Revan-
che, 1908
L’heure vengeresse des crimes bismarckiens, 1915
L’Angleterre en Égypte, 1922
NB. Une partie de ses ouvrages est accessible sur
www.gallica.bnf.fr et sur Google books
L’œuvre de Juliette Adam...