Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la vaccination sauve la vie de 2 millions de personnes
chaque année dans le monde mais elle pourrait faire encore mieux dans le futur. Car, si le but de
la vaccination est d’induire la production par l’organisme d’anticorps capables de contrôler et
d’éliminer l’agent infectieux et de déclencher une protection «spécifique» contre le pathogène, cette
protection est hétérogène (1) :
1
seulement 90 à 98% de sujets sains ont une réponse humorale après vaccination, les autres sont
non-répondeurs ;
2
l’intensité de la réponse peut varier d’une « non-réponse » à une « forte réponse » ;
3
l’absence de réponse ou des réponses faibles sont plus fréquemment observées chez les patients à risque,
notamment les patients immunodéprimés, qui sont aujourd’hui de plus en plus nombreux en raison de
l’augmentation des interventions thérapeutiques associées à des maladies chroniques (cancers, allergies,
auto-immunité, maladies infectieuses…).
• Comment expliquer ces différences ?
Plusieurs facteurs explicatifs interviennent :
1
facteurs génétiques liés à l’hôte (polymorphisme génétique très partiellement connu) ;
2
facteurs liés à l’hôte (âge, facteurs de risques associés comme obésité, immunodépression, allergie…) (2) ;
3
facteurs liés à la stratégie vaccinale (design de l’antigène, formulation du vaccin, voies
d’administration, boost…).
• Que proposer et comment anticiper ?
Toutes ces différences poussent à la recherche d’une vaccination «sur-mesure» et de meilleurs indicateurs
de prédiction de son efficacité et de son innocuité. A ce titre, peuvent être citées les recherches sur une
dose qui ne serait plus unique (3) ou celles sur les méthodes de la biologie des systèmes, une nouvelle
discipline maintenant nécessaire à la recherche en «vaccinologie».
Grâce à cette nouvelle discipline, le vaccinologue étudie les relations et les interactions entre
différents niveaux biologiques pour découvrir un modèle de fonctionnement de la totalité du système.
Déjà, les vaccins conjugués ont changé récemment l’approche de la vaccination par leur effet sur le
portage et la protection collective et non plus individuelle (effet troupeau appelé aussi «herd effect»).
Demain, la vaccination s’adaptera sans doute à chaque situation, en proposant à des sous-groupes de
patients une formulation, une dose ou un boost spécifiques. Tout cela tendra obligatoirement à
reconsidérer la protection indirecte comme un item incontournable.
Le système immunitaire est le logiciel d’interface avec notre environnement : une nécessité ! A un danger, les
réponses immunitaire « immédiate » puis « adaptative - mémoire » prennent en charge l’élimination de l’agresseur.
Mais ce logiciel réagit très différemment selon les individus et le tout premier niveau est que la réponse immuni-
taire est plus intense chez la femme qui produit plus d’interféron-alpha via une hypersensibilité du récepteur TLR7
(Toll-like receptor)
(1)
. Une surmortalité (x2) a été observée chez les filles après vaccination contre la rougeole,
en Guinée-Bissau et au Sénégal
(2)
. Pour tous les hommes dotés de ce même logiciel et depuis les débuts de
l’humanité, le risque de mortalité (surtout liée aux infections) a été stable jusqu’au siècle dernier où l’espérance
de vie a fait un grand bond. Ces progrès reflètent l’innovation : hygiène, vaccination, antibiothérapie, chirurgie.
• Le risque infectieux est surtout immunologique.
- Car au cours de l’évolution, la sélection naturelle a conservé des gènes résistants (devenus « communs »). Ces
exemples de variations génétiques « protectrices » sont nombreux
(3)
. Par exemple, le variant de l’interféron de
type III et du TLR7 protège du VHC… mais prédispose à une maladie auto-immune
(4)
.
- Et le système immunitaire inné et adaptatif, c’est 2150 gènes dont 10% sont exprimés lors de la réponse immunitaire.
• Le risque infectieux sous immunosuppresseurs - quelques éléments clés :
1 Le risque infectieux est individuel et conjoncturel, il n’est pas strictement prévisible.
2
Le risque infectieux est lié à des infections opportunistes (rares) mais surtout à des infections classiques
« compliquées ».
3 Le risque infectieux des corticoïdes (même à faible dose) est sous-évalué.
4 Le risque infectieux existe avec les molécules chimiques (surtout le cyclophosphamide).
5 Le risque infectieux est plus élevé avec les biologiques. ➤ Intérêt de l’information et de la prévention.
• Le risque infectieux chez le patient immunodéprimé :
1 Le risque infectieux dépend de nombreux facteurs intriqués.
2 Le risque infectieux peut être lié à « presque tout » : diagnostic et traitement justifient une approche
« incisive », de ne pas se reposer sur des sérologies (mais plutôt de faire une recherche directe), de prescrire
un traitement présomptif.
3 Le risque infectieux existe avec tous les immunosuppresseurs. ➤ Face à ces constats, l’immuno-stimulation
(vaccination, immunisation) protège du risque infectieux.
• Et les biologiques ?
- Avant l’ère des biomédicaments (<2007), 3 facteurs de risque majeurs pouvaient être identifiés dans la
polyarthrite rhumatoïde :
1 Corticothérapie.
2 Facteur rhumatoïde positif.
3 Tabagisme actuel.
- A l’ère des biomédicaments, les corticoïdes demeurent un facteur de risque majeur. Dans une étude rétros-
pective de cohorte sur 24.530 PR traitées, la corticothérapie affiche un RR=1,92 [1,67-2,21] et plus encore si la
dose est supérieure à 10 mg/jour (RR=2,98 [2,41-3,69])
(5)
.
• Et si l’on était provocateur, on traiterait les infections par… immunosuppresseurs ! Les liens complexes entre
immunodépression et inflammation sont dépeints et 3 questions à contre-courant émergent :
1 L’inflammation excessive induite par l’infection peut-elle gêner la réponse anti-infectieuse ?
2 L’inflammation chronique pourrait-elle favoriser « l’immune escape » d’un germe ?
3 L’inflammation induite par l’infection entraine-t-elle une réponse anti-inflammatoire lourde qui pourrait
aggraver l’immunosuppression ?
1. Wiedermann U, Garner-Spitzer E, Wagner A. Primary vaccine failure to routine vaccines: Why and what to do? Hum Vaccin Immunother.
2016;12:239-43.
2. McDermott AB, Cohen SB, Zuckerman JN, Madrigal JA. Hepatitis B third-generation vaccines: improved response and conventional vaccine
non-response--evidence for genetic basis in humans. J Viral Hepat. 1998;5 Suppl 2:9-11.
3. DiazGranados CA, Dunning AJ, Kimmel M et al. Efcacy of high-dose versus standard-dose inuenza vaccine in older adults. N Engl J Med.
2014;371:635-45.
1ère SESSION PLÉNIÈRE1ère SESSION PLÉNIÈRE
Vous avez dit vaccination ?
Mme Béhazine COMBADIÈRE, PhD, Directeur de Recherches Inserm, Paris
Immunosuppresseurs et risque infectieux
dans les maladies inflammatoires :
de l’immunologie à la clinique
Pr Jean SIBILIA, Rhumatologue, Strasbourg
1. Yue M, Feng L, Tang SD et al. Sex-specic association between X-linked Toll-like receptor 7 with the outcomes of hepatitis C virus infection.
Gene. 2014;548:244-50.
2. Benn CS, Netea MG, Selin LK, Aaby P. A small jab - a big effect: non specic immunomodulation by vaccines. Trends Immunol. 2013;34:431-9.
3. Barreiro LB, Quintana-Murci L. From evolutionary genetics to human immunology: how selection shapes host defence genes. Nat Rev Genet.
2010;11:17-30.
4. Thomas DL, Thio CL, Martin MP et al. Genetic variation in IL28B and spontaneous clearance of hepatitis C virus. Nature. 2009;461:798-801.
5. Smitten AL, Choi HK, Hochberg MC et al. The risk of hospitalized infection in patients with rheumatoid arthritis. J Rheumatol. 2008;35:387-93.