Table des matières Du même auteur........................................................................ 6 Avant-propos.............................................................................. 9 Prologue................................................................................ 11 I. L’enfance d’un roi.............................................................. 19 1. Les parents terribles.......................................................... 21 2. Le meilleur des maîtres..................................................... 31 II. Vers l’Asie.......................................................................... 39 1. Une succession mouvementée.......................................... 41 2. Préparatifs et préliminaires............................................... 45 III. Premières victoires......................................................... 49 1. La bataille du Granique.................................................... 51 2. Roi de l’Asie..................................................................... 55 3. La victoire d’Issos............................................................. 61 IV. Extension du domaine..................................................... 67 1. De nouveaux dangers....................................................... 69 2. En Phénicie...................................................................... 71 V. Pharaon d’Égypte.............................................................. 79 1. Un pays en proie au chaos................................................ 81 2. La campagne d’Égypte..................................................... 83 3. L’administrateur............................................................... 89 VI. Vers Babylone.................................................................. 91 1. La longue marche............................................................. 93 2. Gaugamèles...................................................................... 95 3. Roi à Babylone................................................................. 99 4. En Perse......................................................................... 103 VII. La fin de Darius........................................................... 107 1. Le Grand Roi en fuite.................................................... 109 2. Le Grand Roi est mort................................................... 111 3. Le châtiment des régicides.............................................. 115 200 Alexandre le Grand VIII. Aux confins de l’empire............................................. 123 1. Spitaménès l’enragé........................................................ 125 2. La colère du roi.............................................................. 129 3. Roxane........................................................................... 133 IX. Le rêve indien................................................................ 135 1. Alexandre se remet en campagne..................................... 137 2. La bataille des éléphants.................................................. 141 3. La mort de Bucéphale..................................................... 143 4. Terminus Hyphase.......................................................... 145 X. L’interminable retraite.................................................. 147 1. La descente de l’Indus.................................................... 149 2. La retraite de Gédrosie................................................... 153 3. De retour en Perse.......................................................... 157 4. Le mariage de Suse......................................................... 159 5. La sédition d’Opis.......................................................... 165 XI. Le dernier voyage.......................................................... 167 1. Mourir à Ecbatane......................................................... 169 2. « Roi, je t’attends à Babylone »....................................... 173 XII. Post mortem................................................................. 179 1. Un roi sans sépulture...................................................... 181 2. L’empire après Alexandre................................................ 183 Épilogue............................................................................... 185 Que reste-t-il d’Alexandre ?................................................. 187 Repères chronologiques.......................................................... 193 Références bibliographiques................................................... 195 Références filmographiques.................................................... 197 Avant-propos Aussi étrange que cela puisse paraître, eu égard à la gloire exceptionnelle (quoique surtout posthume) du personnage, la vie d’Alexandre le Grand nous reste finalement assez mal connue. De sa main, de ses correspondances, rien n’a été conservé. De même, nous ne possédons que quelques fragments des historiens ses contemporains ou ses compagnons, comme Callisthène d’Olynthe, Aristoboulos de Kassandréia. Autre perte irréparable, les Mémoires de Ptolémée. Les seuls textes antiques sur Alexandre dont nous disposons ont été écrits plusieurs siècles après sa mort, par les Grecs Plutarque, Diodore de Sicile ou Arrien, et le Romain Quinte-Curce, lesquels, quand ils ne savaient pas, n’ont pas hésité à inventer. C’est ainsi qu’on ignore même la date exacte de sa naissance (deux versions s’affrontent), et le lieu. Qu’on n’a pas retrouvé son tombeau. Qu’on n’est même pas certain qu’il ait été reconnu de son vivant comme un homme hors du commun, un héros. Il est vrai qu’il avait de nombreux ennemis ! Dans ces conditions, écrire la biographie d’Alexandre revient à assembler un puzzle auquel il manque de nombreuses pièces, à l’image de la mosaïque de la bataille d’Issos qui ornait la Maison du Faune à Pompéi, fragmentaire. On a ici tenté l’exercice, en utilisant largement les sources antiques quand elles paraissent fiables (quitte à les discuter), ainsi que les travaux des historiens 10 Alexandre le Grand modernes, qui ressortissent plus souvent à l’analyse qu’à la stricte biographie. Et pour cause. Notre récit, sinon entièrement vrai, est toujours vraisemblable, plausible. Et il ne nous déplaît pas, après tout, que, depuis près de deux mille cinq cents ans, Alexandre conserve une grande part de son mystère. J.-C. P. PROLOGUE Pour comprendre l’aventure fulgurante d’Alexandre III de Macédoine1, il faut remonter le cours de l’histoire, non point jusqu’au IVe siècle, mais au-delà, jusqu’au Ve. En −480 exactement, quand le roi de Perse Xerxès Ier, à la tête d’une flotte nombreuse et d’une armée impressionnante, envahit la Grèce continentale et même l’Attique, en dépit de la résistance héroïque de Léonidas et de ses trois cents Spartiates au défilé des Thermopyles, en Phtiotide, le pays légendaire d’Achille et de ses Myrmidons. Humiliée, la Grèce ne restera pas longtemps sans se venger. Coalisés sous la houlette d’Athènes, la cité de Périclès, les Grecs infligent au Grand Roi sa première défaite, navale, au large de l’île attique de Salamine. Commandée par le Spartiate Eurybiade et l’Athénien Thémistocle, secondé par Aristide, la flotte grecque envoie maints navires perses par le fond, et contraint Xerxès à regagner l’Asie Mineure. L’année suivante, à Platées, en Béotie, les Grecs, emmenés par le général spartiate Pausanias et par l’Athénien Aristide dit le Juste, écrasent le contingent perse de Mardonios demeuré sur le continent, puis poussent leur avantage jusqu’aux cités grecques d’Asie 1 . 356-323 av. J.-C. 14 Alexandre le Grand Mineure, vassales des Perses. Chantés et magnifiés par les historiens, les poètes, les tragédiens, contés à satiété par les anciens combattants qui y participèrent, ces hauts faits guerriers, ces victoires immortelles laisseront dans la conscience collective des Grecs une trace indélébile. Les Thermopyles, Salamine, Platées seront enseignés à tous les petits écoliers grecs durant plusieurs générations, afin qu’ils en tirent cette leçon : lorsqu’elle sait s’unir, faire taire ses rivalités ancestrales entre cités, la Grèce est invincible. Mais pour qu’une coalition fonctionne, qu’elle ne se trouve pas paralysée par des conflits récurrents de préséances et de personnes, encore faut-il qu’elle ait un hègémôn, un guide suprême, roi d’un des plus puissants états alliés, respecté pour sa valeur au combat, sa sagesse, sa capacité à privilégier l’intérêt général et à juguler ses ambitions personnelles. Un nouvel Agamemnon, en quelque sorte. Et en mieux si possible ! Lorsqu’en −386 le roi perse Artaxerxès Ier, surnommé par les Grecs Makrocheir (« Aux longues mains »), en digne fils de son défunt père Xerxès, reprend les hostilités en imposant à nouveau sa souveraineté aux puissantes et opulentes cités grecques d’Asie Mineure (Éphèse, Milet, Priène et tant d’autres), ou à l’île de Chypre, les Grecs du continent comprennent qu’ils seront tôt ou tard obligés de réagir, de se battre une nouvelle fois. La libération des cités sœurs d’Asie du joug barbare devient une grande cause nationale, une priorité. Une coalition se doit d’être formée, et de franchir la mer Égée. À condition qu’elle ait un chef, en mesure d’assumer le commandement. C’est l’orateur et homme politique athénien Isocrate 2, élève de Socrate, qui prend le problème à bras le corps. Après avoir un temps songé à confier l’hégémonie à Athènes ‒ 2 . 436-338 av. J.-C. Alexandre le Grand 15 mais la ville était affaiblie et divisée, et sa désignation eût suscité bien des mécontentements, notamment du côté des Spartiates, ses adversaires traditionnels ‒ Isocrate, à la vive fureur de son grand rival Démosthène 3, tourne ses regards vers la Macédoine et vers son roi tout-puissant, Philippe II. À cette époque, les Grecs « du continent » éprouvent encore à l’égard des Macédoniens des sentiments mélangés. Pour la plupart, ils ne sont pas loin de les considérer comme des barbares mal dégrossis, bien que leur propre peuple soit composé certes majoritairement d’Hellènes, mais mêlés à des Thraces et à des Illyriens hellénisés depuis peu4. Certains Athéniens en particulier, si fiers, comme Démosthène, de leur démocratie, se targuent de réprouver le système politique macédonien, une monarchie féodale qui règne par la force sur des clans turbulents. Mais d’autres plus pragmatiques, comme Isocrate, ne peuvent que se montrer impressionnés par l’expansion du royaume macédonien, à la fois vers la Thrace et l’Épire, mais aussi aux dépens d’Athènes ellemême et d’autres cités grecques dont il a conquis plusieurs colonies : Amphipolis, Pydna, Potidée. La Macédoine est riche de l’or des mines du Pangée ; sa capitale, Pella, a été embellie à la manière des plus belles villes de Grèce ; son armée, organisée autour de la fameuse phalange, passe pour invincible. Philippe II, son roi depuis −359, possède donc dans son jeu de sérieux atouts. Avec l’aide de ses généraux et proches compagnons Parménion et Antipatros, unis au sein d’une hétairie, il organise la phalange et se lance dans une vaste politique de conquêtes, avec, comme ambition suprême, la volonté de dominer la Grèce toute entière. Jouant habilement sur les dissensions entre Grecs – déchirements à l’image de ce qui se passe à Athènes où 3 . 384-322 av. J.-C. 4 . Vers le VIIe siècle av. J.-C. 16 Alexandre le Grand Démosthène prononce contre lui, sur une période de dix ans5, ses trois Philippiques fulminantes tandis qu’Isocrate voit en lui un sauveur, le seul qui puisse conquérir un jour l’Asie Mineure et libérer les cités grecques –, Philippe, appuyé chaque fois par un puissant parti macédonien à sa solde, se rend successivement maître de la Thessalie, d’Olynthe, de la Chersonèse, de la Phocide, d’Élatée. Surtout, en septembre −338, il remporte à Chéronée, en Béotie, une grande victoire sur les forces d’Athènes et de Thèbes coalisées. Au cours de la bataille, son fils, le jeune Alexandre, dix-huit ans, qui commande l’aile gauche de la cavalerie macédonienne, lui a sauvé la vie et l’a aidé à vaincre. Depuis −340, Alexandre est jugé digne par son père lorsqu’il part en campagne d’assumer la régence, avec pleins pouvoirs et usage du sceau royal, et il a déjà mené à sa demande, avec succès, une expédition punitive contre les Maides, une tribu thrace révoltée. Cette première campagne militaire commandée par Alexandre avait plutôt ressemblé à un raid au sud de l’actuelle Bulgarie : il rasa quelques villages et, pour fixer les populations et les esprits, installa une garnison macédonienne, des commerçants et des artisans grecs dans une espèce de comptoir qu’il baptisa Alexandropolis, « la ville d’Alexandre », sa toute première fondation. Même si, en l’occurrence, le mot « ville » paraissait quelque peu disproportionné. Dans la foulée de sa victoire, Philippe convoque à Corinthe une assemblée des cités grecques, auxquelles il est désormais en mesure de dicter ses conditions. Une Ligue de Corinthe est constituée qui réunit les principales villes (à l’exception notable de Sparte l’indomptable) qui déclarent entre elles la « paix commune », une sorte d’union sacrée contre l’ennemi commun, le Perse. La liberté de chaque cité, son autonomie, sont réaffirmées, à condition de ne pas 5 . Entre 351 et 341 av. J.-C. Alexandre le Grand 17 en profiter pour retourner ses armes contre le Macédonien, proclamé hègémôn de la Ligue. Chaque membre doit fournir un contingent précis de soldats à la coalition. La campagne de « libération » de l’Asie Mineure est prévue pour l’été −336. Les Grecs se préparent, et Philippe envoie dès le printemps une expédition chargée de préparer le terrain. Il profite de ce répit pour retourner en Macédoine afin de procéder aux noces de sa fille Cléopâtre, la sœur d’Alexandre, avec un certain Alexandros, roi de Molossie 6. Alors que de grandes fêtes se déroulent à Aigiai, l’ancienne capitale de la Macédoine, Philippe est poignardé par Pausanias, un jeune noble de son entourage. D’aucuns dirent que Pausanias était l’amant de Philippe, et qu’il avait agi par jalousie. D’autres, qu’il fallait voir derrière ce meurtre la main d’Olympias, qui craignait que son époux ne dessaisisse Alexandre, son cadet, de sa succession au profit d’Arridhée, son deuxième fils. Certains encore soupçonnèrent Alexandre lui-même d’avoir commandité l’opération. Toujours est-il qu’Alexandre, présent à Aigiai ce jour-là après un court exil en Illyrie, organise les cérémonies funèbres en l’honneur de son père, et est présenté par ses propres compagnons devant l’Assemblée du peuple macédonien, qui le salue roi par acclamation. Le nouveau roi a vingt ans à peine. Il hérite d’un embryon d’empire. Mais il lui reste à devenir l’hègémôn d’une guerre qu’il doit porter au-delà des mers, pour s’attaquer à un ennemi redoutable, Darius III Codoman, à un empire incommensurable avec son royaume, et même avec la Grèce toute entière. L’Asie, la gloire et la mort l’attendent. 6 . À ne pas confondre avec une autre Cléopâtre, qu’il avait prise pour septième épouse et qui lui donnera une fille, Eurôpè. Le couple OlympiasPhilippe souffrait depuis longtemps de graves dissensions, voire d’une lutte plus ou moins larvée pour le pouvoir.