Guerres et sociétés dans les mondes grecs, 490-322
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morts à la guerre, tout un système idéologique se créer au Ve siècle.
Sans doute cette cité, pour laquelle nous avons les meilleurs rensei-
gnements à la période considérée, n'est-elle pas un modèle que l'on peut
retranscrire aveuglément dans le reste du monde grec : elle n'en offre
pas moins une image essentielle. Mais la guerre n'est pas seulement
affaire de tactique et d'idéologie.
On le comprend aisément, l'ensemble de la société grecque, même si
elle n'est pas toujours tournée vers la guerre, était affectée par cette
dernière. La pratique admise du rançonnement des prisonniers de guer-
re, dans la mesure où ils n'étaient pas réduits en esclavage, permet à
Anne Bielman de mettre en valeur les solidarités qui se faisaient alors
jour. Sylvie Vilatte montre d'ailleurs que les philosophes du IVe siècle,
Platon et Aristote, ne critiquent pas le principe des guerres, même à
l'intérieur des cités idéales qu'ils prônent dans leurs écrits. Sans doute
parce que la guerre, consubstantielle à la cité, interdit d'y voir autre
chose que l'expression d'une certaine normalité : d'où la place, étudiée
par Alexandre Tourraix, accordée aux mercenaires, et singulièrement
ceux qui se battaient au service du roi perse, qui n'était pas, au contrai-
re de ce que l'on pense trop souvent, considéré de façon systématique
comme l'ennemi héréditaire. Une autre preuve de la grande place prise
par la guerre dans la société grecque est fournie par Jacques des Cour-
tils au travers de la représentation iconographique des combats, à la fois
mythologiques et historiques : la guerre est vraiment un élément fonda-
mental de la Grèce antique.
L'argent est le nerf de la guerre à toutes les époques. Si, comme on l'a
vu plus haut, réduction en esclavage et rançonnement permettaient
d'espérer de fructueux profits, très souvent les opérations militaires coû-
taient cher et Patrice Brun analyse les tentatives des différentes cités
d'organiser leurs finances, à défaut de les avoir jamais planifiées. Seule-
ment, et c'est l'essence des pages de Fabrice Delrieux, tout change avec
Alexandre le Grand, dont l'expédition, qui se solde sur le plan monétaire
par la mise en circulation des immenses trésors perses, fait entrer le
monde grec dans une nouvelle ère.
Ces études, à la fois contributions personnelles et bilans historiogra-
phiques up-to-date, doivent permettre de situer les enjeux de la guerre
en Grèce : point uniquement tactiques et techniques, mais débordant
sur la plupart des aspects de la vie grecque. En ce sens, la guerre agit
comme un révélateur des pratiques sociales de tout un peuple.