Le peloton cycliste Ethnologie d'une culture sportive Collection "Espaces et Temps du Sport" dirigée par Jean Saint-Martin et Thierry Terret Le phénomène sportif a envahi la planète. Il participe de tous les problèmes de société, qu'ils soient politiques, éducatifs, sociaux, culturels, juridiques ou démographiques. Mais l'unité apparente du sport cache mal une diversité aussi réelle que troublante: si le sport s'est diffusé dans le temps et dans l'espace, s'il est devenu un instrument d'acculturation des peuples, il est aussi marqué par des singularités locales, régionales, nationales. Le sport n'est pas éternel ni d'une essence trans-historique, il porte la marque des temps et des lieux de sa pratique. C'est bien ce que suggèrent les nombreuses analyses dont il est l'objet dans cette collection créée par Pierre Arnaud qui ouvre un nouveau terrain d'aventures pour les sciences sociales. Dernières parutions Claude CALVINI, Sport, colonisation et communautarisme: l'île Maurice (/945-1985),2009. YQucef FATES, Sport et politique en Algérie, 2009. Stéphane MERLE, Politiques et aménagements sportifs en région stéphanoise, 2008. Pascal SERGENT, Edmond Jacquelin. La vie du champion le plus populaire de tous les temps, 2008. Jean-Pierre FAVERO, Immigration et intégration par le sport. Le cas des immigrés italiens du bassin de Briey (fin du XIX siècle - début des années 40), 2008. Guy BONO, L'avenir du football européen en question. Golden Goal, 2007. Xavier GARNOTEL Le peloton cycliste Ethnologie d'une culture sportive L'Harmattan @L.Harmattan. 2009 5-7, rue de l'Ecole polytechnique; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion. [email protected] harmattan [email protected] ISBN: 978-2-296-08108-6 EAN:9782296081086 Introduction Le peloton cycliste comme objet ethnologique Le cyclisme a été étudié par des historiens et des sociologues. De nombreux ouvrages d'écrivains, journalistes et érudits ont été édités pour décrire et analyser cette pratique. En quoi une enquête ethnologique, par ses méthodes, ses outils, peut-elle amener un regard nouveau sur cette activité physique? Réciproquement, en quoi ce sport et ce milieu social peuvent-ils avoir une pertinence pour cette discipline aux images exotiques et sauvages? «J'me suis fait bordurer. J'avais les jambes en guimauve depuis le départ et quand on a pris le vent de côté, j'ai vu les autres chaudières remonter le paquet, se mettre en éventail et mettre un grand coup de vis. J'ai pris une reculée, j'ai fait l'élastique et du derrière voiture pendant 30 bornes et puis j'ai sauté. J'étais tout seul dans la pampa à 60 kilomètres de l'arrivée, alors j'suis monté dans la bétaillère. » Difficile de comprendre un coureur qui commente ses sensations avec le jargon du peloton! Cet exemple évoquait l'abandon d'un coureur imaginaire qui était en petite forme et, de surcroît, mal placé à un moment stratégique de la course. Après qu'une équipe réputée pour user d'adjuvants a organisé une sélection en tête de peloton en profitant du vent latéral, il s'est fait lâcher, a résisté quelque temps, à l'abri aérodynamique des voitures suiveuses, avant de se retrouver seul, lâché, loin de l'arrivée. Il a alors pris la décision d'abandonner en montant dans la voiture balai. La course cycliste, par l'engagement et l'imaginaire qu'elle met en scène, captive l'attention, l'intérêt et parfois même la passion de millions de spectateurs sur le bord des routes. Parmi eux, un écrivain atypique, qui toute sa vie resta fasciné par cette pratique. «Je n'ai qu'un seul regret, commenta t-il après le passage du premier peloton qu'il vit passer: celui de ne pas m'être vu »1. Alors journaliste, il put s'approcher des champions et des sans grade du peloton, assis à l'arrière d'une moto. Mais jamais ce désir de s'immerger, de se fondre au milieu de ce corps ne put se réaliser. Alors, tout au long de sa vie, il a I Blondin A., Tours de France, Chroniques de L'Equipe 1954-1982, Paris: La table ronde, 2001. rêvé et écrit à propos de ce mystérieux rassemblement d'hommes au courage et aux ego si extraordinaires: « Qu'est-ce que cet individu qui s'acharne entre les voitures sans les prendre en marche, évite les taxis, ignore les demoiselles qui lui sourient, contourne des cours de ferme sans rapporter des œufs? On s'interroge et puis le masque de solitude farouche qu'arbore chaque champion ne fait plus qu'attirer, retenir, captiver. Le moindre marmot et le sublime ancêtre se sentent brusquement concernés. Tout baigne dans une même participation et il se fait jour qu'une des vertus de la course sur route est, non seulement de porter la foule vers l'athlète, mais de rendre l'athlète à la foule, de le restituer à une communauté inquiète et ardente. Cette manière de féerie sociale, qui s'exerce à domicile en sollicitant les populations sur le pas de leurs portes, procède de deux grands ressorts, qui ne sont moins rien que ceux de la tragédie antique: la terreur et la fascination. » 2 L'engagement passionne] du coureur ainsi que sa résistance à ]a souffrance ont captivé l'imagination de bon nombre d'écrivains. Mais, ce qui se cache dans ]' organisation du peloton ou encore au fond des musettes attise tout autant ]a curiosité des spectateurs! En effet, ]a spécificité des épreuves a conduit à ]a mise en place d'une organisation atypique et d'une régulation spontanée qui échappent à toutes les analyses précédentes: ce sont les règles et les codes du peloton. Pour les comprendre, i] faut avoir côtoyé le milieu, ressentir et percevoir ce qui se joue sans avoir à poser certaines questions. Des choses se disent et d'autres non au sein de ce bouillon de culture : ]a préparation physique, ]e dopage, l'argent, l'organisation coutumière de certaines équipes... De plus, ]e milieu n'intègre pas n'importe qui. II faut faire ses preuves, être reconnu. Le peloton a sa hiérarchie, officielle par ]e palmarès, mais surtout officieuse par ]a réputation de chacun. Tous ces éléments caractéristiques du peloton interpellent ]a méthodologie de l'ethno]ogie basée sur ]' observation participante. Une méthode compréhensive où ]e chercheur s'intègre progressivement dans ]a communauté pour étudier les registres techniques, linguistiques et sociaux qui rassemblent les membres du groupe. Ainsi, une monographie réalisée lors de ]a saison cycliste 2003 (partie II) permet de comprendre et de faire ressentir au lecteur ]a temporalité d'une saison cycliste avec ses cycles, ses exigences et ses codes sociaux. Les coureurs du peloton ont construit des systèmes d'organisations qui suivent des règles et des codes hiérarchiques qui ne figurent pas par écrit ou dans les règlements. L'étude de ces constructions sociales, linguistiques et hiérarchiques sera ]' objet de ]a première partie analytique de cette thèse (III). Les pratiquants 2 Blondin A., préface de La fabuleuse histoire du cyclisme de P. Chany, Paris: Editions ODIL, ] 975 : p. 8. 6 ont également mis en place tout un système de techniques et de représentations sur le corps au cours du 20èmesiècle. Le corps des cyclistes est soumis à un ensemble de traitements élaborés par une tradition qui mélange allègre ment les superstitions et les connaissances scientifiques dans le jargon cycliste. De plus, ces techniques façonnent le corps en relation avec une esthétique corporelle spécifique. Cette esthétique de la souffrance et du muscle « affûté» est propre au peloton. Elle dessine des styles et laisse place à des jugements de valeur. L'analyse des techniques et de l'esthétique du peloton sera l'objet de la seconde partie analytique (IV). De surcroît, les actes et les discours du peloton superposent une efficacité symbolique à l'efficacité technique. L'engagement passionnel des pratiquants est à mettre en relation avec la construction légendaire des épopées des «forçats de la route »3. Cette réflexion sur l'engagement et la souffrance des pratiquants interroge la dimension rituelle des épreuves cyclistes. Ces évènements populaires rassemblent chaque été des liesses populaires sur les bords des routes de France et d'Europe. Cet aspect symbolique et festif sera l'objet d'étude du chapitre V. L'objet scientifique de cette thèse consiste donc à étudier comment les pratiquants se sont appropriés l'activité en construisant des éléments de culture: une organisation sociale, un système technique et esthétique et des éléments symboliques. Le registre de la pratique cycliste est technique mais met en scène une forte dimension symbolique. La tâche de l'ethnologue consiste donc à utiliser des concepts qu'il faut adapter au contexte contemporain. Les concepts de l'ethnologie ont été élaborés à travers l'étude de systèmes culturels différents et étrangers aux modèles occidentaux. Cette étude s'inscrit dans une anthropologie culturelle qui répond à la démarche méthodologique de C. Lévi-strauss4. Ainsi, les trois temps d'analyse s'articulent circulairement pour envisager cette pratique dans son ensemble: Une phase ethnographique où l'observation du détail, du quotidien interpelle l'analyse ethnologique des codes et des valeurs de la culture présente en ayant toujours en arrière pensée une réflexion anthropologique par la connaissance théorique d'autres modèles culturels. L'objectif est à la fois de comprendre ce qui se fait et se dit dans la pratique cycliste en la raccrochant aux modèles théoriques connus et de dégager les particularités, les nuances propres à ce milieu. Le projet anthropologique consiste à «réfléchir sur le fonctionnement général du social et du culturel et de dégager des catégories analytiques universelles capables d'expliquer à la fois la diversité des sociétés humaines et l'unité du 3 Londres A., 1924, « Les forçats de la route », Recherches. Aimez vous les stades ?, Les origines historiques des politiques sportives en France (1870- 1930), textes réunis par A. Ehrenberg, avril 1980, n043. 4 Levis-Strauss c., Anthropologie structurale deux, Paris: Plon, 1973. 7 genre humain »5. Cela passe inévitablement par l'articulation de savoirs locaux avec le savoir global. Ces deux termes se renvoient logiquement l'un à l'autre puisqu'on ne peut tirer de lois universelles sans étudier l'ensemble des pratiques culturelles et on ne peut qualifier une pratique de « singulière» sans la rapporter à l'ensemble déjà connu. Le propos de cette thèse sera de comprendre, comment à partir d'une construction contingente, cette pratique a été réappropriée par les pratiquants6. Ainsi, l'analyse historico-culturelle de la partie l permet d'identifier les propriétés physiques, techniques et réglementaires de ce sport, propriétés qui sont à la base des adaptations pragmatiques des pratiquants et des constructions culturelles du peloton cycliste. Cette étude interroge donc également le processus de cette construction culturelle, ce qui relève plus largement de l'anthropologie des techniques: «De la culture matérielle à la culture? »7. La méthode classique des ethnologues consiste à partager le quotidien des sociétés qu'ils étudient pour comprendre, classer et analyser leur système culturel. En effet, si l'homme a hérité d'un corps à travers une évolution chaotique et contingente, l'ethnologie se donne pour ambition de comprendre ce que les hommes en font, la façon dont ils l'existent, le façonnent et le mettent en scène. Pour cela, il convient d'associer un regard global sur le fonctionnement économique et politique d'une société avec une observation plus détaillée, correspondantaux méthodes dites compréhensives: « Une objectivité excessive désincarne le sujet de l'ethnographie; une trop grande subjectivité lui ôte toute consistance ».8 L'implication du chercheur dans la vie locale d'une communauté, l'expérimentation d'une pratique (qu'elle soit artisanale, musicale ou sportive) est indispensable pour la compréhension ethnologique. Mais il est fréquent que, lors de cet engagement, l'ethnologue soit pris par son terrain, fasciné par un 5 Kilani M., Introduction à l'anthropologie, Lausanne: Payot, 1992 : p. 26. 6 Bromberger C. et Darbon S. ont montré avec leur objet d'étude respectif à savoir le football et le rugby « l'extraordinaire pouvoir qu'ont les propriétés formelles d'un sport donné de façonner, par elles-mêmes, des comportements et des pratiques, de les renforcer et de les constituer en système de référence (oo.)comme moteur d'élaboration et de consolidation d'une culture sportive. » Darbon S., « Pour une anthropologie des pratiques sportives. Propriétés formelles et rapport au corps dans le rugby à XV», Techniques et culture, n039, Sports et corps enjeu, novembre 2002. 7 Lemmonier P., « De la culture matérielle à la culture? Ethnologie des techniques et préhistoire », in 25 ans d'études technologiques en préhistoire, Il ème rencontres internationales d'archéologie et d'histoire d'Antibes, Juan les Pins: Editions APDCA, 1991. 8 Bellier I., « Du lointain au proche », De l'ethnographie à l'anthropologie réflexive, sous la direction de Christian Ghasarian, Paris: Armand Colin, 2002, p. 45- 62. 8 mode de vie, par ses acteurs; ou pris au piège de situations inextricables9. Loin d'éliminer les possibilités de réaliser un travail pertinent, cette situation maîtrisée permet au contraire de percer les mystères et l'ineffable. Mon implication personnelle et affective dans le cyclisme a été dans les premiers moments de la recherche un obstacle à l'enquête ethnologique. Trop proche du terrain que je connaissais depuis des années, je n'avais pas le recul nécessaire pour étudier les mécanismes culturels puisqu'ils m'étaient « naturels ». En effet, je fus coureur cycliste pendant toute mon adolescence. J'ai participé à des courses nationales et internationales en France, en Europe et remporté la Flèche ardéchoise à Aubenas en junior. Après avoir arrêté la compétition pour me consacrer à mes études universitaires, j'ai réintégré le milieu cycliste afin de l'observer et de l'étudier. Au cours de cet engagement de terrain, j'ai réalisé la démarche inverse de celle d'un ethnographe expérimenté qui possède la connaissance et la méthodologie scientifique et qui va ensuite étudier une communauté en essayant de s'y intégrer, de s'immerger dans sa culture et de s'imprégner de ses codes symboliques. Pour ma part, j'ai vécu, senti, dormi et rêvé à travers l'éthique cycliste pendant toute mon adolescence et j'ai pris conscience de ce qu'est le travail ethnographique au cours de mon engagement de terrain et universitaire. J'ai commencé l'étude en 2002 par une observation participante en étant dans l'encadrement de Vélo Club de Cournon d'Auvergne, évoluant alors en Division Nationale 2. Après avoir participé à quelques entraînements collectifs, je pris la décision de retourner au sein du peloton et de réaliser une participation observante en associant le statut de coureur et celui d'ethnologue. Mais là encore, un problème est apparu puisque je me suis pris au jeu, à la suite de performances et de victoires. Dans cette situation, j'étais au milieu du peloton, intégré et respecté, je voyais et entendais tout, mais je n'observais plus rien. Il est donc possible de dire que je suis (re)devenu «l'autre ». Mais comme l'explique Castoriadis : « L'ethnologue qui a tellement assimilé la vue du monde des Bororo qu'il ne peut plus les voir qu'à leur façon, n'est plus ethnologue, c'est un Bororo et les Bororo ne sont pas ethnologues ».10 Conserver une distance méthodologique tout en associant un engagement approfondi auprès du milieu étudié constitue ainsi la posture la plus pertinente 9 Les monographies de Favret- Saada J. (Les mots, La mort, Les sorts, Paris: Gallimard, 1977) et de Geertz C. (Bali, interprétation d'une culture, Paris: Gallimard, 1983) sont des exemples remarquables de cette approche méthodologique où l'ethnologue est «pris» par son terrain. Plus proche de notre objet d'étude, Wacquant L. (Corps et âmes, carnets ethnographiques d'un apprenti boxeur, Marseille: Agone, 2002.) réalise un carnet ethnographique sur l'univers de la boxe suite à une immersion «corps et âmes» . 10 Castoriadis C. cité par Kilani M., Introduction à l'anthropologie, Lausanne: Payot, 1992. 9 pour une enquête ethnologique. L'expérimentation paraît en effet une nécessité pour ressentir, comprendre puis analyser les pratiques corporelles. J'ai ainsi associé participation observante à l'observation participante, combiné ethnographie classique et «anthropologie réflexive »11. L'association de description in situ, d'analyse réflexive et d'entretiens dialogiques avec des situations observées et ressenties ont été des matériaux d'enquête originaux. L'enquête de terrain a ainsi duré plus de deux années. Après le peloton amateur de série régionale et nationale en 2002, j'ai intégré le peloton de série Elite 2 12en 2003 dont est issue la monographie. J'ai complété cette observation de terrain par des entretiens semi-directifs réalisés auprès d'équipes et de coureurs professionnels lors de ma participation à deux reprises à la caravane Michelin du Tour de France (2001 et 2002). Ces entretiens formels sont retranscrits en partie dans le texte et sont complétés par un grand nombre d'entretiens informels relevés sur le terrain auprès d'acteurs des différents niveaux de pratique: cyclotouristes plus ou moins assidus, coureurs de niveaux régional, Elite 2 et professionnels. Il a ainsi été possible d'effectuer des comparaisons entre les différents niveaux de pratique, dans différents contextes, notamment lors du Tour de Tunisie figurant en annexe. Des comparaisons avec d'autres sports sont également réalisées afin d'analyser les particularités de ce peloton cycliste et de classer les domaines techniques, esthétiques et sociaux qui le caractérisent. Ces particularités proviennent nécessairement des propriétés physiques, techniques et réglementaires de ]' engin et de la pratique par rapport aux autres pratiques de courses à pied ou de courses utilisant d'autres objets techniques ou moyens de se mouvoir. L'objectif de la partie à venir consiste ainsi à exposer ces propriétés en les insérant dans leur contexte historique et leur logique technique et sociale. 11 Ghasarian c., De l'ethnographie à l'anthropologie réflexive, Paris: Armand Colin, 2002. 12 La catégorie Elite] est celle des professionnels ayant un contrat avec un groupe sportif, la série Elite 2 correspond à l'élite amateur (les 300 premiers au classement annuel), soit approximativement l'équivalent de la deuxième division des sports collectifs. Suivent les catégories Elite 3, Nationale, Régionale, Départementale. En 2004, la Fédération Française de Cyclisme (FF.C.) affichait JO] 9]5 licenciés dont 72 47] pour le cyclisme sur route. Mentionnons que ces divisions ont été changées par la F.F.C. en 2007, il existe depuis trois catégories amateur: ]ère.2ème, 3èmecatégorie. 11 faut également savoir que d'autres fédérations rassemblent des milliers de pratiquants comme U.FO.L.E.P par exemple, elles évoluent à un niveau de performance beaucoup moins élevé mais revendiquent des valeurs différentes. Enfin les fédérations de cyclotourisme rassemblent des dizaines de milliers d'adhérents. Selon les instituts B.V.A. et C.R.E.D.O.C., le cyclotourisme est, avec la marche- randonnée, l'activité physique la plus pratiquée des français. 10 Chapitre I Le cyclisme « traditionnel» : de la pratique corporelle au phénomène social 1.1) Les propriétés ludiques. physiques et techniques du cvclisme sur route Cette analyse socio-historique a été construite en mettant en relief les propriétés ludiques de la pratique avec les composantes techniques de ]' engin tout en tenant compte des valeurs qui contribuent à sa codification. Il s'agit donc d'une problématique à trois pôles qui permet de faire ressortir à la fois les structures et l'évolution du sport cycliste. a) Les défis essentiels des activités du cvclisme a- I) Les propriétés ludiques et les principes du défi du cyclisme sur route Les pratiques corpore11es sont universe11es aux sociétés humaines et déclinent des particularités propres à chaque société depuis]' Antiquité selon leurs valeurs, leurs mythes et leur mobilier techniquel3. Nous pouvons identifier la catégorie des pratiques sportives institutionne11es parmi le vaste ensemble des pratiques corpore11es qui comprend également les jeux traditionnels, les pratiques d'entretien du corps, les pratiques exploratoires, les pratiques d'expression... Les sports sont des activités physiques agonistiques codifiées, normées et institutionnalisées par une communauté de pratiquants et d'organisateurs ayant élaboré des techniques fonctionne11es et des règles restrictives pour préserver la logique et la morale de chacune de ces pratiques. Parmi cet ensemble, il est possible d'identifier les pratiques athlétiques où il s'agit de combattre le temps, ]' espace et/ou les autres; les pratiques d'oppositions individue11es et co11ectives qui consistent à vaincre un ou des adversaires direct(s) ; les pratiques acrobatiques, de démonstrations et enfin les pratiques d'adresse où il s'agit d'atteindre une cible. Ainsi, nous pouvons 13 L'archéologie et l'ethnographie ont répertorié plus de 8000 sports et jeux corporels indigènes. L'ouvrage L'encyclopédie des sports dirigé par Wojciech Liponski en présente 3000. Liponski W., L'encyclopédie des sports, Paris: Editions Grund, 2005. catégoriser le cyclisme traditionnel comme une activité sportive athlétique de course utilisant un engin technique qui favorise le rendement et augmente la vitesse. La dimension ludique constitue l'essence des pratiques corporelles. Le plaisir, l'émotion, l'excitation et l'espoir qu'elles suscitent meuvent le corps et lui donnent les raisons d'agir. Ces pratiques reposent sur les composants que Caillois définit sous les termes d'agôn (compétition), d'ilinx (vertige), d'alea (hasard) et de mimicry (simulacre)14. L'aspect ludique des pratiques cyclistes repose principalement sur deux de ces composants: l'agôn pour les courses et l'ilinx pour les cyclismes acrobatiques. A cela s'ajoute une dimension aléatoire qui donne un aspect incertain et surprenant. Le nerf des pratiques corporelles relève de la notion de défi. Il Y a un cloisonnement institutionnel des pratiques corporelles dans le loisir au sein des sociétés occidentales alors que les affects liés aux défis étaient présents dans les activités quotidiennes des hommes traditionnels: la chasse, la pêche, la guerre... La plupart des pratiques corporelles découlent des défis inhérents à ces activités traditionnelles. Le lancer du javelot antique et moderne est une dérivation de son utilisation guerrière. Le saut en longueur symbolisait à ses débuts le franchissement d'une rivière, le saut en hauteur celui d'une haie. Et bien entendu les pratiques de combats individuels et d'oppositions collectives sont des symbolisations d'affrontements et de batailles. Ainsi nous rejoignons Vigarello qui caractérise les pratiques corporelles comme «déréalisations symboliques »15 à l'intérieur desquelles les hommes projettent des enjeux de façon imaginaire, en utilisant le mobilier technique de leur société. Le cyclisme sur route a pour essence la logique de course. Il existe trois types de défi à des niveaux divers: le défi à autrui, à son propre corps et à l'espacetemps: . . Tout d'abord, les courses cyclistes reposent sur le défi à autrui. Comme toutes les formes de courses à pied ou autres, l'essence de la pratique consiste à dépasser son ou ses adversaire(s). Pour le cyclisme sur route, il s'agit de vaincre l'adversité quelles que soient les façons: par une échappée ou au sprint. Les activités du cyclisme tendent également au défi à soi-même: Le coureur s'adresse un défi par rapport à ses sensations de fatigue, que ce soit au niveau de l'endurance, de la résistance, de la force musculaire; mais il défie également ses sensations de peur, de vertige en développant l'adresse et l'équilibre. 14Caillois R., Les jeux et les hommes, Paris: Gallimard, 1958 : pA7. 15Vigarello G., Techniques d'hier... et d'aujourd'hui, Paris: Laffont, ] 988. 12 . Enfin, le défi à l'espace et au temps a été au fondement de la construction de la pratique routière qui n'a eu de cesse d'augmenter les distances et la vitesse. Cette surenchère est liée aux propriétés techniques de rendement de la bicyclette mais également au contexte social et aux valeurs des sociétés occidentales. Ce principe essentiel de défi repose pour le cyclisme traditionnel sur les propriétés physiques de l'espèce humaine. En effet, les pratiquants se défient à partir de bases physiologiques communes que nous allons préciser. a-2) Les principes physiologiques du défi en course cycliste Les courses laborieuses engendrent une souffrance pour tous les participants. La douleur correspond à une sensation que l'organisme émet à la conscience pour témoigner d'un trouble biologique. En cyclisme, les types de douleurs diffèrent selon la durée et l'intensité des efforts. La pratique sollicite différentes fonctions physiologiques que nous allons exposer pour comprendre les mécanismes qui sont à la base des sensations perçues par les cyclistes. . L'endurance Il n'y a pas de limites physiologiques identifiables pour les efforts d'endurance. Un exercice physique se situe dans la filière aérobie lorsque l'apport d'oxygène est suffisant pour soutenir son activité: l'individu peut parler sans être essoufflé. Le système aérobie utilise l'ensemble des substrats énergétiques (glucides, lipides, protides) pour resynthétiser l'adénosine triphosphate (A.T.P.). Cette molécule constitue l'énergie de la cellule musculaire; plus généralement, elle est le carburant universel du vivant. Cette synthèse s'effectue sans production de toxines puisque l'apport d'oxygène est suffisant. Ces efforts peuvent donc se prolonger des heures avec un grand rendement mais avec une puissance limitée: «ne pas se mettre dans le rouge ». L'épuisement progressif correspond à la dégradation des réserves de glycogène musculaire et hépatique (forme de réserve du glucose), mais les stocks de lipides (graisses) permettent toujours d'avancer. C'est pour cela que l'organisme humain est capable de réaliser des épreuves de plus de dix heures comme c'était le cas au début du 20èmesiècle. Malgré tout, le glucose s'épuise plus rapidement que les graisses et il est nécessaire pour l'activité cérébrale. Ainsi, la lassitude ressentie envahit le corps et la conscience jusqu'à «la fringale» ou hypoglycémie pouvant aller jusqu'au malaise, à l'étourdissement. Ajoutons que même si l'organisme ne produit que peu de toxines, la répétition des contractions musculaires engendre des dégradations au niveau des protéines contractiles et des sensations douloureuses. 13 . La résistance Lorsque le rythme imprimé est élevé, l'apport d'oxygène est insuffisant pour dégrader les substrats énergétiques nécessaires à la synthèse de l'A.T.P. Pour poursuivre l'effort, l'organisme dégrade le glucose par l'intermédiaire d'une autre filière énergétique: le système anaérobie lactique. Cette filière produit de l'A.T.P. à partir de la glycolyse anaérobie. C'est-à-dire la dégradation du glucose et du glycogène sans oxygène. II met cinq à six secondes pour se déclencher et a une capacité maximale de trois à six mjnutes. La production d'ions H+ dans le sang provoque une acidose (mesurable par prélèvement d'une goutte de sang au niveau du lobe de l'oreille dans les tests en laboratoire). Ce niveau d'acidité perturbe l'homéostasie et nuit au fonctionnement des enzymes chargées de dégrader les substrats énergétiques. La concentration de lactates contribue aux sensations de douleur et nuit au fonctionnement de la contraction musculaire. L'entraînement à ce niveau d'intensité permet d'une part de repousser le seuil de production d'acide lactique et d'habituer l'organisme à ces situations d'acidoses. La douleur qui correspond à cette filière est intense et peut aboutir aux vomissements, maux de tête, crampes... En effet, des concentrations d'acides lactiques atteignent 22mmol/ml de sang pour les sportifs entraînés, ce qui correspond à un seuil pathologique pour la norme humaine. . La vitesse maximale. le sprint Le processus anaérobie alactique est sollicité lors du déclenchement de la puissance maximale d'un individu. Sa capacité est donc fajble (dix secondes maximum environ) car les substrats utilisés dans ce métabolisme: la phosphocréatine et l'A TP de réserve (phosphagènes) sont stockées en faible quantité au niveau intra-musculaire. La douleur de ce type d'effort est aussi intense que courte. Les groupes musculaires sont sollicités au maximum de leur puissance, de leur force. Ainsi, quelles que soient les filières énergétiques, la douleur correspond au signal que donne le corps à la conscience pour stopper l'exercice qui pourrait nuire à l'intégrité physique. Le défi des pratiques cyclistes de course consiste à repousser ses sensations pour se dépasser et dépasser les autres qui ressentent les mêmes souffrances. Ces défis athlétiques essentiels ont été construits à partir de deux éléments fondamentaux pour la pratique cycliste: les inventions, les évolutions techniques et les codifications sociales tout au long du 19èmeet 20èmesiècles. 14 b) Les propriétés techniQues du vélo de course et ses évo]utions b-l) AHer plus vite et plus loin avec les « machines à rouler» Tout comme un grand nombre d'inventions techniques de l'ère industrieHe (l'automobile, l'avion...), la logique de défi animait tout autant la démarche des inventeurs du cycle que la volonté d'améliorer le confort et la vitesse des moyens de transport. Même la forme la plus rudimentaire, la draisienne, était déjà accompagnée de concours visant à démontrer la vitesse de cette innovation au public dans des courses l'opposant à d'autres moyens de locomotion. Son invention est attribuée au baron de Drais qui a donné le nom de « draisienne », dont voici le texte du brevet qu'il déposa en 1818: «Le vélocipède est une machine inventée dans la vue de faire marcher une personne avec une grande vitesse, en rendant sa marche très légère et peu fatigante par l'effet du siège qui supporte le poids du corps qui est fixé sur deux roues qui cèdent avec facilité au mouvement des pieds ».16 Les promoteurs de l'époque n'ont cessé de lancer des défis pour démontrer que leurs engins, «machines à rouler », permettaient de réaliser des distances supérieures et plus rapidement qu'à pied. Le système technique de la draisienne relève de l'utilisation de roues qui permettent de maintenir une force, donc un déplacement provenant d'une poussée musculaire des jambes ou de la gravité lorsque l'engin est en descente. Ce système technique est celui qui était utilisé dès l'antiquité. Les civilisations chinoises, mésopotamiennes et grecques utilisaient cette technologie de la roue par traction animale (bœufs, chevaux). La nouveauté de la draisienne relève de la position et du principe technique puisqu'il faut enfourcher le vélocipède. La métaphore avec le cheval est essentieHe et compréhensible dans la mesure où il s'agissait du principal moyen de locomotion au 19èmesiècle. Cet engin favorise donc l'avancement et le rendement puisqu'il prolonge la force motrice par la rotation des roues. Il a suscité dans un premier temps la convoitise et l'intérêt de l'aristocratie mais il ne s'est pas répandu comme moyen de locomotion en raison de son instabilité, de sa dangerosité pour le vélocipédiste et les citadins. Des arrêtés municipaux d'époque témoignent d'interdictions de rouler avec cet appareil dans certains secteurs de viHesl7. L'usage ludique et sportif de cet engin technique était donc plus significatif que son usage utilitaire. 16 Gaboriau P., Le Tour de France et le vélo, Histoire sociale d'une épopée moderne, Paris: Editions L'Harmattan, ] 995 : p. 97. 17Dodge P., La grande histoire du vélo, Paris: Flammarion, 2000: p. 55 15 b-2) L'augmentation du rendement par le pédalier et la transmission de la force motrice . Les pédales L'invention de la pédale par les frères Michaux en 1861 a fait passer la technologie de la bicyclette dans un autre système technique. L'action des jambes sur les pédales en un mouvement cyclique produit une force de déplacement et une rotation de la roue. Le système technique bielle-manivelle existait dès le moyen-âge. II permettait de transformer un mouvement rectiligne alternatif en un mouvement circulaire uniforme et réciproquement. Le moulin à vent relève du même mécanisme technique que la bicyclette mais élabore le processus inverse: la force motrice des éléments actionne le mouvement et produit une énergie que l'on transfère; alors que pour la bicyclette, c'est la consommation de l'énergie humaine qui déclenche une force motrice et un déplacement. II y a un transfert d'une énergie biomécanique en une force motrice transmise par un mécanisme de roulement: «Le vélocipède est à voir comme une métamorphose du carrosse et de la diligence, métamorphose pensée à partir des améliorations mécaniques de ces moyens de locomotion. (...) Du point de vue technique, avec des manive]]es pensées sur le modèle de la meule à aiguiser, le vélocipède devient une machine destinée à transformer la force humaine en vitesse. Le vélocipède de Michaux n'est plus perçu comme une voiture. Le mouvement va et vient alternatif s'appuyant sur le sol, pour la draisienne, se perfectionne avec l'invention de la pédale. Il s'incorpore au vélocipède, devient circulaire et continu. »18 Pour accroître le développement et donc la distance parcourue à chaque tour de pédale, il faut augmenter la circonférence de la roue motrice. Ceci nécessite une force motrice plus importante pour le vélocipédiste. Il s'agit donc de trouver un compromis entre la force nécessaire et le développement. Les constructeurs ont ainsi conçu les vélocipèdes de type grand bi où la roue avant (sur laquelle se trouvait le pédalier) était agrandie: on augmente la circonférence de la roue motrice pour accroître le développement à chaque tour de manive]]e. En un tour de pédale, le vélocipédiste parcourt la distance correspondant à la circonférence de la roue motrice. Le diamètre de la roue avant d'un grand bi était en principe de 145 cm. 18 Gaboriau P., Le Tour de France et le vélo, Histoire sociale d'une épopée moderne, Paris: Editions L'Harmattan, 1995 : p.103. 16 . La transmission de la force par la chaîne articulée La bicyclette favorise le rendement des déplacements par la démultiplication de la force. Des esquisses de la chaîne articulée étaient présentes dès le 16èrœ siècle. Les croquis se sont affinés tout au long de la Renaissance mais la réalisation technique était confrontée aux difficultés et aux exigences d'un tel artefact nécessitant rigidité, résistance et souplesse. Il fallut attendre les possibilités de l'ère industrielle pour permettre une utilisation efficace sur la bicyclette. La technologie de l'acier fut indispensable pour construire la bicyclette avec une chaîne qui permet la transmission de la force. Les techniques de fusion précédant l'acier de Sheffield composaient des alliages imprécis, trop souples ou trop rigides en fonction du taux de carbone allié au fer.19 Un taux inférieur à 0,8% est dit hypoeutectoïde et correspond au fer doux, un taux supérieur à 1,4%, hypereutectoïde, arrive à la fonte. Les sciences et procédés techniques de l'ère industrielle permettaient de réaliser l'alliage de l'acier qui présentait les qualités de rigidité et de souplesse adaptées à l'utilisation de la chaîne articulée. La transmission du mouvement par la chaîne a donc rendue motrice la roue arrière. Pourtant, les constructeurs persistèrent pendant quelques temps à conserver une roue avant plus grande alors qu'elle n'était plus motrice. « Cela révèle la résistance, parfois jusque chez l'innovateur lui-même, de certaines formes désuètes ou surannées. (oo.) La forme subsiste tandis que disparaît sa justification; elle survit en dépit de toute efficacité. (oo.)L'innovateur lui-même peut ignorer l'efficacité du changement. Les preuves lui échappent, il cumule essais et erreurs. Il s'aventure sans toujours savoir. Autant de signes soulignant la spécificité d'une pensée technique faite souvent de manipulation, de tâtonnements, d'ajustages. (oo.) Non pas que la démarche technique soit toujours étrangère à la science, bien sûr. Mais elle en diffère souvent, lorsqu'elle innove sur des gestes, des positions, des états du corps; lorsque sont mêlés appréciation mécanique et commande musculaire, projet construit et expérience pratique. »20 La transmission par la chaîne permet la mise en place de la démultiplication de la force par le choix du braquet. L'utilisation du braquet complexifie le roulement. Le mécanisme de transmission par la chaîne passe par un pédalier et des pignons. Le développement de la bicyclette correspond à la circonférence de la roue motrice multipliée par le nombre de dents du pédalier divisée par celui des pignons du dérailleur (par exemples: 54-12 est un très gros braquet, 52-18 moyen; 42-23 petit.. .). Avec ce mécanisme, le cycliste peut changer le 19 Gille B., Histoire de la métallurgie, Paris: PUF, collection «Que sais-je », ]966 : p. 85. 20 Vigarello G., Techniques d'hier... et d'aujourd'hui, Paris: Laffont, 1988 : p.l8. 17 développement.:c'est~.à-direqu'il peut faire varier la distance qu'il réalise à chaque tour de pédale en fonction de sa fatigue et du relief. Plus le braquet est gros, plus la force nécessitée est importante. S'il est faible, la force demandée est réduite. Voici un tableau indicatif des développements possibles, soit la distance parcourue en un tour de pédale, exprimée en mètre, pour une roue classique de 700 mm de diamètre, soit de 2 m 10 de circonférence : Pignons ]] ]2 ]4 16 18 20 22 26 Pédalier 55 42 36 10,49 8.01 6.86 9..61 7.34 6.29 8.24 6.29 5.39 7.2] 5.50 4.72 6.41 4.89 4.19 5.77 4.40 3.77 5.24 4.00 3.43 4.44 3.39 2.90 . L'adaptation de la force de pédalage par le dérailleur L'invention du dérailleur remonte à 1895, lorsque Jean Loubeyre dépose son brevet technique à Paris.21 Ce mécanisme permet le changement de vitesse par la tension du câble qui fait descendre ou monter la chaîne sur la cassette composée de trois pignons pour les anciens modèles, de dix actuellement. Chaque pignon correspond à un nombre de dents (les vitesses). Le dérailleur permet à la fois de changer de vitesse et de conserver la tension optimale de la chaîne. Schéma de la transmission par chaîne munie d'un dérailleur. A gauche, les trois pignons du dén\iI1eur et à droite, le pédalier. 2] Dodge P., La grande histoire du vélo, Paris: Flammarion, 2000: p.168. 18