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"M. Jeanneney plaide pour l'unification totale des monnaies européennes"
dans Le Monde (8 juin 1971)
Légende: Le 8 juin 1971, le journal Le Monde présente les conclusions d’un colloque organisé par le
Mouvement pour l’indépendance de l'Europe sur la crise monétaire internationale. Le quotidien français
résume les thèses de Jacques Rueff, expert en questions monétaires, de Jean-Marcel Jeanneney, ancien
ambassadeur et ministre du général de Gaulle et de Georges Pompidou, et de Jean Charbonnel, ancien
ministre, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur la monnaie européenne et le
dollar.
Source: Le Monde. 08.06.1971. Paris. "Au colloque du Mouvement pour l’indépendance de l'Europe ", p. 40.
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http://www.cvce.eu/obj/m_jeanneney_plaide_pour_l_unification_totale_des_monna
ies_europeennes_dans_le_monde_8_juin_1971-fr-fc724e03-cf6e-40c5-9bd2-
e64e2ac0edbd.html
Date de dernière mise à jour: 01/12/2016
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Au colloque du Mouvement pour l’indépendance de l'Europe
M. Jeanneney plaide pour l'unification totale des monnaies européennes
Le Mouvement pour l'indépendance de l'Europe, animé par MM. Georges Gorse et Gilbert Grandval,
anciens ministres, et Albert Ravennes, délégué général, organisait samedi 5 juin, à la mairie de
Boulogne-Billancourt, un colloque sur la monnaie européenne et le dollar.
Trois rapports y furent présentés : le premier par M. Jacques Rueff sur le « Système monétaire de l'Occident
», le second par M. Jean-Marcel Jeanneney, ancien ministre, intitulé « Thèses pour une politique monétaire
des Six », et le dernier rapport de synthèse, par M. Jean Charbonnel, ancien ministre, président de la
commission des finances de l'Assemblée nationale.
M. Jacques Rueff a résumé, une fois de plus, les thèses qu'il soutient depuis ses trois fameux articles du
Monde en 1961. Le régime de convertibilité à deux niveaux (or et dollar), institué par les accords de
Bretton-Woods et complété par l'étalon de change or, a donné aux Etats-Unis le « secret du déficit sans
pleurs ». La conséquence logique en a été la pérennité du déficit de la balance des paiements des Etats-Unis,
l'inflation dans les pays créanciers et, finalement, la dislocation du système par accumulation de créances à
vue sur une masse d'or — celle des Etats-Unis — qui n'augmente pas. Les faits ont confirmé la validité de
ces prévisions.
Monnaie faible et nation forte
En 1961, M. Rueff avait proposé comme remède le doublement du prix de l'or, qui aurait permis le
rétablissement de l'étalon-or. Aujourd'hui, le choix n'est plus possible en raison du développement
extraordinaire de la masse des eurodollars. Seule une convertibilité régionale, établie entre les Six,
constituerait une amorce de solution, mais elle impliquerait un régime de changes flottants entre les
monnaies des Six et le dollar et une instabilité générale très préjudiciable aux échanges internationaux. Pour
M. Rueff, il est donc trop tard : les phénomènes monétaires ont échappé aux mains des hommes et obéissent
désormais aux lois de la fatalité.
Dans ses « Thèses pour une politique monétaire des Six », M. Jeanneney affirme, en guise de préambule,
qu'il n'y a pas, et pour aucun pays, d'indépendance monétaire. La monnaie crée l'interdépendance entre les
Etats. Mais le sens et le signe de cette interdépendance changent avec l'importance relative des pays. Le
dollar est bien devenu une monnaie faible, mais les Etats-Unis restent une nation forte, et tout le problème
est là. En attendant qu'ils réduisent le déficit de leur balance des paiements, M. Jeanneney suggère trois
solutions.
La plus radicale et la plus audacieuse serait de créer une monnaie européenne unique, dont l'importance ne
serait pas disproportionnée avec celle du dollar. Le principal avantage de cette solution, comportant la fusion
des banques centrales, serait d'éliminer tout problème d'équilibre de balance des paiements entre les Six.
Les déficits ou excédents seraient réglés par des mouvements de la monnaie commune et des variations du
pouvoir d'achat des pays considérés, sauf emprunts réciproques. Cette solution serait pratiquement
irréversible dans ses effets et bousculerait les habitudes des Etats et des consommateurs.
La deuxième solution conserverait monnaies nationales et banques d'émission, instituerait une monnaie de
compte européenne. Un obstacle de taille : il faudrait une autorité monétaire européenne, dont la politique
pourrait s'écarter de celle des Etats, d'où opposition des nationalistes intransigeants et des économistes
audacieux et déçus.
Une troisième formule, qui pourrait satisfaire tout le monde, conserverait tout, se bornant à instaurer un
fonds commun de réserve, qui pourrait se porter au secours de chacune des monnaies en difficulté. Cette
solution serait paradoxalement la plus contraignante, puisqu'elle entraînerait inévitablement la mise en place
d'un contrôle de fait le plus arbitraire et le plus sujet aux marchandages. Pour M. Jeanneney, la solution de la
monnaie unique est celle qui laisse la plus grande liberté politique.
M. Charbonnel devait conclure en rappelant que « l'Europe ne s'était jamais faite autour de quelque chose,
mais contre quelqu'un » et que les difficultés de mise en œuvre d'une politique monétaire européenne sont
moins techniques que politiques.
F. R.
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