Gestion active de la dette La lettre mensuelle du Secteur Public Numéro 29 Mai 2010 Entre mythes et réalité La crise est-elle en train de se propager à l’ensemble de la zone euro ? Qui sait, le plan de sauvetage de la Grèce et le changement des règles de la BCE parviendront-ils à contenir la crise dans la zone euro ? C’est ce que nous espérons, bien que cela paraisse difficile. Les mouvements d’humeur de M. Marché prévalent en effet aujourd’hui sur les appels au calme, et ce malgré des situations budgétaires moins alarmantes au Portugal et en Espagne. Au-delà des taux records auxquels la Grèce emprunte pour financer son déficit public, où sont les actifs fortement décotés ? 1997. Le graphique ci-dessous reflète l’effondrement des principales devises asiatiques au fur et à mesure de la propagation de la crise. Il est important de comprendre qu’à l’époque personne ne doutait du fait que la Corée n’était pas la Thaïlande ou l’Indonésie On jugeait alors la Corée structurellement plus solide. Lors de la réunion annuelle de la firme Berkshire Hathaway le weekend dernier, un actionnaire a demandé à Warren Buffett son avis sur la situation actuelle en Europe. Il a répondu qu’il n’était pas sûr de connaître la fin du film et « qu’il n’aimait pas aller au cinéma dans ces conditions ». Comme d’habitude, il voit juste. En toute logique, une fois la situation réglée en Grèce, le pire sera passé. Les autres économies fragiles de la zone euro sont en effet en bien meilleure santé : le Portugal et l’Italie ont des déficits nettement moins élevés, l’Espagne affiche un ratio Dette/PIB inférieur et l’Irlande se redresse sensiblement. Ces gouvernements sont semble-t-il plus solides d’un point de vue structurel. Cette constatation ne fait toutefois qu’appliquer un raisonnement « logique » à une situation aujourd’hui largement tributaire des mouvements d’humeur de M. Marché. Après tout, selon cette « logique », la crise grecque n’aurait jamais dû se produire dans la mesure où son bilan n’a jamais été aussi tendu que celui du Japon, qui lui n’a jamais été confronté à de telles tensions. Par bien des aspects, la Corée était plus solide structurellement que les autres économies. Malheureusement, la situation coréenne n’était pas différente de celle des autres pays cités sur un point non négligeable : son endettement était bel et bien gérable à un taux de change déterminé mais ne l’était plus à un autre (la Corée, comme la plupart de ses voisins asiatiques, avait emprunté massivement en dollars pendant la longue Les travaux de Reinhart et Rogoff montrent qu’il n’existe pas de « seuil période où son taux de change était fixe ; par conséquent, lorsque M. » au-delà duquel les marchés refusent de financer les déficits publics Marché a décidé de réévaluer les taux de change, la charge réelle de la (cf. graphique ci-dessous). Nous devons par conséquent nous garder dette étrangère a explosé, dévoilant ainsi des problèmes structurels de penser que la crise se limitera à la Grèce simplement parce que les précédemment occultés). autres candidats sur la liste ont des ratios d’endettement moins élevés. Nous ne connaissons tout bonnement pas le niveau à partir duquel Un élément bien connu de M. Marché suggère que la crise n’est pas la dette n’est plus soutenable. terminée : les actifs ne paraissent pas encore assez fortement décotés par rapport à leur valeur intrinsèque. A l’exception de la dette grecque (traitant à des niveaux reflétant un risque de défaut du gouvernement), nous peinons à trouver des actifs fortement décotés : les marchés actions grec, portugais et espagnol ont fortement baissé mais aucun d’entre eux ne s’échange en dessous de nos estimations de valeur intrinsèque. En effet, si l’on regarde les estimations de valeur intrinsèque pour chacune des valeurs des bourses grecque, portugaise ou espagnole, aucun titre ne traite en deçà de sa valeur intrinsèque ; Repsol et Gas Natural constituent les deux seules exceptions en Espagne. Sur l’ensemble des marchés, seul le Royaume-Uni et la Norvège présentent des ratios VI/C (Valeur intrinsèque/Cours) supérieurs à 1,0 (c’est-à-dire : Valeur intrinsèque > Cours). Ces marchés offrent tout simplement bien plus de valeur, particulièrement la Norvège – malheureusement un petit marché, mais qui reste à nos yeux une saine destination pour les capitaux. S’il est une chose que nous savons c’est que les crises de ce type se propagent de manière séquentielle. M. Marché se métamorphose en un gigantesque monstre digne d’un film hollywoodien, pourchassant sans relâche ses victimes transies de peur et détruisant tout sur son passage avant de s’attaquer à sa prochaine proie. Nous avons assisté à un scénario similaire en 2008. L’épicentre de la crise se déplaçait alors d’une institution financière fragilisée à une autre, multipliant les dégâts. Une telle situation s’est également vérifiée pendant la crise asiatique, en Néanmoins, aucun de ces éléments ne nous permet d’avancer quoi que ce soit de façon certaine. La BCE accepte désormais d’acheter directement des obligations d’Etat. Pour ce qui est de sauver la devise européenne sous sa forme actuelle et d’abaisser le risque systémique au sein du système financier de la zone, il s’agit d’une excellente décision. Et dire qu’il y a quelques mois seulement, la BCE envisageait de revenir à ses standards de collatéraux d’avant la crise du crédit ! 2 Qu’en est-il des arbitrages sur le choix des indices Euribor / Eonia dans le financement des collectivités locales ? Dans le contexte actuel de forte volatilité des marchés financiers, et avec une inquiétude grandissante sur les dettes souveraines européennes (hormis l’Allemagne et la France), certains observateurs évoquent une possible nouvelle crise des liquidités, proche de celle qui a suivi la faillite de Lehman Brothers en 2008. Qu’en est-il réellement ? Spread Euribor 6M vs EONIA 6M 2.50% Sur ce graphique, la prime de risque exigée pour un emprunt sur 6 mois entre octobre 2008 et mars 2009 était très supérieure à l’Eonia (taux overnight). Les banques n’osaient plus se prêter, même sur des maturités courtes. C’était le signe explicite d’une « crise de liquidité » aiguë. 2.00% 1.50% 1.00% 0.50% 0.00% Opportunité de figer à taux fixe sur la dette à moyen et long terme Nous assistons depuis 2 à 3 semaines à un aplatissement de la courbe des taux résultant de la baisse des taux longs. Ainsi, les taux longs ont atteint un « point » bas la semaine dernière. Il y a probablement dans ce contexte de belles opportunités à saisir. CMS EUR 10Y depuis 1999 7.0% 6.0% 5.0% 4.0% 3.0% 2.0% 1.0% 0.0% Les marchés monétaires sont revenus depuis à des conditions plus classiques… jusqu’à la survenance de la crise grecque. Les fixings Euribor sont restés cependant relativement stables mais des signes précurseurs de crise de liquidité sont de nouveau apparus. Une volonté de réactivité et de pragmatisme de la BCE et du FMI Les actions récentes prises de concert par la BCE et le FMI éloignent le risque d’un tel scenario. En effet, la BCE offrira des liquidités « illimitées » sous conditions, au travers de ses opérations principales de refinancement à 3 et 6 mois. La BCE nous assure par ailleurs qu’elle « stérilisera » l’impact de ses interventions (« des opérations spécifiques seront menées pour réabsorber les liquidités injectées au travers du Securities Market Programme afin que la politique monétaire ne soit pas affectée ») de telle façon que l’indicateur de masse monétaire « M3 » reste sous contrôle. CMS EUR 10Y depuis 2007 4.9% 4.4% 3.9% 3.4% 2.9% Quid des arbitrages sur le choix des indices Euribor / Eonia dans le financement des collectivités locales ? Les résultats attendus des actions de la BCE devraient induire peu de changements à très court terme sur les conditions interbancaires Euribor & Eonia. Il semble donc que l’Eonia ne va pas converger à court terme vers les 1% (comme certains prévisionnistes pouvaient l’anticiper) et va probablement rester sur des niveaux assez bas pour plusieurs semaines encore. janv.-07 janv.-08 janv.-09 janv.-10 Agenda 20 mai : Conférence Economique à Lille Votre équipe Christophe Combes Samuel Communeau Yves Maufrais Tél. : 01 42 13 90 82 Grégory Abidhoussen Sébastien Bruneau Yannick Greder Fax : 01 58 98 29 76 Laurent Schwab Julien Vendittelli [email protected] Les informations contenues dans ce document n’ont qu’une valeur indicative et sont sujettes à modification en fonction des fluctuations du marché. Elles reflètent l’opinion de l’auteur, qui ne représente pas nécessairement l’opinion de la Société Générale, et ne doivent en aucun être considérées comme une incitation à la vente.