24 & Vous 0123 Mercredi 28 janvier 2009 Mercredi 28 janvier 2009 - 65e Année - N˚19909 - 1,30 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur : Eric Fottorino Les tests génétiques présentent des limites et des dangers L’étude des gènes ouvre de vastes perspectives médicales. Mais les maladies les plus fréquentes ont des causes multifactorielles S ergey Brin, cofondateur de Google,annonçait en septembre 2008 sur son blog qu’il « risquait de contracter plus tard la maladie de Parkinson ». Après avoir eu recours aux services de 23andme, une start-up américaine – fondée par sa femme – qui commercialise des tests génétiques, il a découvert qu’il portait la mutation G2019S du gène LRRK2. Cette mutation n’est pas propre à tous les malades de Parkinson, mais elle est susceptible d’augmenter le risque, c’est-à-dire la probabilité de contracter cette maladie. Pour la scientifique Marion Mathieu, cette histoire illustre on ne peut mieux le problème lié à l’explosion du marché américain des tests génétiques sur Internet et aux fantasmes qu’il entraîne. Membre de l’association Tous chercheurs, elle a organisé, le 13 janvier, à la demande de l’Inserm, une formation consacrée à ces tests, à l’attention d’associations de malades. Ces dernières sont de plus en plus souvent sollicitées par des familles qui s’interrogent sur la nécessité de recourir à cette génétique personnalisée. Et elles se sentent démunies pour leur répondre. « A une époque, quand un diagnostic médical était difficile à établir, on disait “c’était psychosomatique”. Aujourd’hui, on dit “c’est génétique !” », résument certains responsables d’associations. La génétique semble engendrer une quête infinie pour prédire l’avenir. Comme si nos maladies futures ou celles de nos enfants n’étaient inscrites que dans nos gènes ! Une conviction qui « joue parfois le rôle d’une véritable superstition génétique », s’inquiète le professeur de biophysique Henri Atlan. Pour l’heure, la médecine prédictive reste une abstractionendehorsdesrarescasdemaladies monogéniques à forte pénétrance ou associées à des aberrations chromosomiques. Gènes et mutation. L’être humain compte 25 000 gènes, et tous n’ont pas encore été identi- fiés. C’est la mutation d’un gène – et non le gène lui-même – qui provoque ou prédispose à une maladie. Mais il est difficile de prédire de manière claire l’effet d’une mutation, car elle peut varier en fonction de son environnement. Bref, nous sommes tous potentiellement des mutants. A l’heure actuelle, les tests génétiques ont un véritable intérêt pour les maladies monogéniques (un seul gène est impliqué dans la survenue de la maladie quel que soit l’environnement). Ces maladies sont nombreuses (estimées à plus de 5 000), mais leur fréquence dans la population est rare (maladie de Huntington, mucoviscidose, myopathies, etc.). « L’inné » et « l’acquis ». Les maladies répandues (cancers, diabète, maladies cardiovasculaires, auto-immunes, etc.) sont multifactorielles, c’est-à-dire qu’elles sont dues à des interactions complexes entre la génétique – que l’on pourrait appeler « l’inné » – et l’environnement c’est-à-dire « l’acquis » (alimentation, pollution, tabac, cadre de vie, etc.). « La plupart des maladies multifactorielles ont une part génétique inférieure à 30 % », rappelle Marion Mathieu. Un gène de susceptibilité ne suffit pas à déclencher la maladie. Sa pré- sence peut augmenter le risque de la développer mais ce n’est pas unefatalité. Les tests de prédisposition ou de susceptibilité ne donnent pas de prédiction absolue sur la survenue d’une maladie, mais une évaluation du risque. Bien comprendre les chiffres. Prenons un exemple : parce qu’il est porteur du gène HLA B27, M. Dupont a 80 fois plus de risque d’être atteint de spondylarthrite ankylosante. Dit comme cela, c’est Un véritable intérêt pour les maladies monogéniques impressionnant. Mais il s’agit d’un risque relatif. En réalité, il faut connaître le risque standard (c’est-à-dire dans la population générale) de cette maladie : il est de 1 sur 2 000, soit 0,05 %. Le risque absolu (soit le risque pour M. Dupont de développer la maladie compte tenu de ses caractéristiques) est donc de 4 % (80 multiplié par 0,05 %). Cela remet les choses à leur place. Dérives et éthique. A 35 ans, Sergey Brin dit qu’il va « modifier son mode de vie » pour tenter de se pré- munir de la maladie de Parkinson. Il n’a ni certitude sur sa survenue, ni de traitement disponible pour l’éviter. Et rien ne dit qu’il ne développera pas d’autres pathologies. Quoi qu’ilen soit, une bonne hygiène de vie ne peut qu’améliorer la santé ! Avoir une alimentation équilibrée et faire régulièrement de l’exercice physique a plus d’impact pour se prémunir d’une maladie multifactorielle qu’une éventuelle susceptibilitéd’origine génétique. Le business des tests génétiques non validés, remis aux clients sans intermédiaire médical, peut engendrer un sentiment abusif de vulnérabilité. A trop vouloir lire dans l’avenir, on en oubliera de profiter du présent. Faudra-t-il se sentir coupable de manger parfois trop gras si, prétendûment, nous sommes porteurs d’un gène de susceptibilité aux maladies cardiovasculaires ? Et que se passera-t-il le jour où les assureurs établiront leurs tarifs en fonction des résultats d’un test génétique ? p Sandrine Blanchard n Sur le web Touschercheurs.fr ; www.inserm.fr/fr/questionsdesante/ mediatheque/expertises/ Le ministère de l’écologie somme les pressings de moins polluer le voisinage Une nouvelle réglementation vise à diminuer les risques sanitaires et environnementaux liés à l’utilisation du perchloréthylène Environnement