107
La recherche socio-anthropologique « sous contrat »
simplifiée de la complexité du local (exemple : l’unité
de la communauté villageoise) imprégnées de
valeurs morales (les groupes vulnérables, riches vs.
pauvres, etc.) définies par l’éthique de l’intervention.
e. Les attendus des études commandées se déclinent
bien souvent sous forme de données chiffrées et de
typologies socio-économiques supposées représen-
tatives de la société locale, car c’est sur la base de
cette catégorisation de la réalité que sera pour partie
élaborée la future action de terrain ou l’évaluation de
son efficacité. A contrario, l’étude qui ne débou-
cherait pas sur une typologie et sur l’identification de
groupes cibles, absence qui constitue pourtant en soi
un résultat de recherche car elle permet de valider ou
d’invalider une hypothèse de départ, sera considérée
comme ayant faillie puisque ne répondant pas à
certaines finalités énoncées dans les TDR.
f. Conséquence logique du point précédent, la multi-
plicité des échelles d’observation qu’il faudrait envi-
sager pour se conformer au TDR, est le plus souvent
incompatible avec le champ disciplinaire de l’expert
et le temps qui lui est alloué pour l’étude.
g. La plupart des études sur commandes sont conçues
comme devant êtremises en œuvre par une équipe
pluridisciplinairedont la coordination et la respon-
sabilité sont confiées à l’un des « experts interna-
tionaux »participant à la mission. Cette construction
satisfaisante sur le papier pose dans les faits un
certain nombrede problèmes. En premier lieu, le
travail en équipe n’est pas un habitus pour la majorité
des chercheurs en sciences sociales. Ce change-
ment de la « politique de terrain » est renforcé par le
cloisonnement des compétences disciplinaires : il est
en effet difficile d’élaborer et de mettre en œuvre une
trame d’enquête cohérente et pertinente lorsque
l’équipe se compose d’agronomes, d’anthropolo-
gues, de sociologues, d’économistes, de statisti-
ciens, etc. Cette difficulté est encore accrue pour le
chef de mission qui doit coordonner des travaux de
terrain, et si nécessaire les réorienter, relevant de
champs disciplinaires étrangers au sien, pour res-
tituer in fine une synthèse lissée d’études multidis-
ciplinaires débarrassée de toutes traces de cloison-
nement et d’approches parfois contradictoires.
Au final, la combinaison de ces diverses contraintes
particulières énoncées ici sous forme d’une liste « à la
Prévert » pourtant non exhaustive, impose d’élaborer
une approche méthodologique et une trame d’enquêtes
qui soient le produit d’un compromis plus ou moins
satisfaisant entre une pratique scientifique orthodoxe du
terrain et les attentes du commanditaire. Autrement dit,
dans la mesure où l’objectif n’est pas d’appliquer un
traitement exhaustif et homogène à l’objet de recherche,
les résultats obtenus n’ont qu’une valeur relative indexée
au cadre fixé par les TDR, ce qui n’hypothèque en rien
leurs intérêts potentiels.
Enfin, il faut souligner que les contraintes évoquées ne
s’imposent pas toutes simultanément ni avec la même
intensité, selon le moment du projet pour lequel est
convoquée l’expertise externe. Schématiquement, on
peut distinguer trois étapes du cycle de vie des projets
de développement où le bailleur de fonds impose une
expertise externe :
a. Conception et élaboration du projet.Les demandes
d’expertises peuvent être ici des plus variées : identi-
fication des besoins et des attentes de la population
cible ; conception des actions ; étude de faisabilité ;
évaluation de l’impact potentiel ; étude socio-écono-
mique avant le démarrage du projet afin de préciser et
de hiérarchiser les actions et de disposer d’indicateurs
pour les futures évaluations ; montage institutionnel du
projet associé à une définition des partenariats et à une
étude d’insertion ; « social screening » avec une
attention particulière portée à l’impact du projet sur les
groupes définis comme « vulnérables » (femmes,
enfants, groupes ethniques), etc.
b. Évaluation à mi-parcours (globale ou par compo-
sante).Il s’agit de mesurer et de quantifier l’écart entre
les actions effectivement réalisées par rapport aux
objectifs initiaux assignés au projet et d’évaluer son
impact sur la société locale notamment en termes
organisationnel et de groupes vulnérables. L’évalua-
tion à mi-parcours doit permettrede procéder à
d’éventuels réajustements et à une réorientation des
actions afin d’atteindreles objectifs initiaux et
impose, dans certains cas, une redéfinition des
objectifs et des moyens humains, financiers et
organisationnels à mobiliser.
c. Évaluation finale (globale ou par composante).Outre
un bilan des actions réalisées par rapport aux objectifs
assignés, l’évaluation finale doit estimer l’impact global
du projet sur la société locale notamment en termes
organisationnel et de groupes vulnérables. Elle
propose également une analyse des causes d’échecs
éventuels associée à des recommandations pour la
poursuite de l’action ou la définition de nouvelles
orientations prolongeant le projet arrivé à son terme.
Cadre logique : comment (re)construire et reformuler
la demande
Le but est de passer de la commande énoncée sous
forme de TDR à un cadre logique et faisable de l’étude.
Il ne s’agit pas encore de la définition d’une approche
méthodologique proprement dite mais d’une
déconstruction de la commande puis d’une recon-
struction sous forme de composantes, d’étapes
chronologiques ou diachroniques. En d’autres termes, il
convient de trouver une cohérence d’ensemble qui
satisfasse les attentes du commanditaire et qui soit
compatible avec les moyens humains, financiers et
logistiques alloués pour l’étude. Cette exigence impose
que les éventuels réajustements méthodologiques et
pratiques soient réalisés en temps réel, et donc un niveau