Ann. Kinésithér., © Masson, Paris, 1983, 10, n° 10, pp. 387-390 1983 NOTE DE TECHNIQUE Electrothérapie de la main spastique hémiplégique F. BERTHELIN M C.MK., Corniche Kennedy, F 13000 Marseille. La spasticité constitue chez l'hémiplégique un obstacle majeur à toute technique de rééducation. Pour cette raison et immédiatement tout doit être mis en œuvre pour l'éviter. Si l'on retient l'électrothérapie parmi les moyens thérapeutiques utilisés doit-on miser sur la seule efficacité des courants excito-moteurs dans un but trophique, espérant l'éventuel retour de la commande volontaire? Si au contraire on la rejette, la jugeant inutile voire dangereuse en regard d'un risque de renforcement de la spasticité, la décision n'estelle pas regrettable? La question parait pouvoir se poser. Introduction La spacticité est essentiellement fonction du siège, de la forme et de l'étendue de la lésion responsable de l'hémiplégie. Il existe de ce fait des hémiplégiques atteint d'une spacticité rebelle à tout traitement. Les résultats que nous avons observés se limitent à des hémiplégies victimes d'un accident cérébral hémorragique, sans classification précise du type de lésion, mais dont le nombre (plus de deux cents) nous incite à les comparer à d'autres hémiplégiques, connus et traités plus tardivement, et pour lesquels, contrairement à notre groupe, une physiothérapie précoce n'avait (1) Les traitements, les différentes formes de courants électriques utili~ j'erom robjet d'une description détaillée ultérieure. Tirés à part: F. BE3.T.:~. ::. r3dres..<.eci·dessus. pas été pratiquée. L'affirmation d'une parfaite réussite nécessiterait la comparaison de résultats obtenus par des traitements codifiés, et sur des groupes de patients connus dans le détail de situation et d'étendue lésionnelle hémorragique. Le kinésithérapeute qui entreprend le traitement d'une hémiplégie se trouve fréquemment devant un certain nombre d'inconnues au tableau de la lésion et nous avons été de ceux-là. Doit-on, par rigueur scientifique, perdre le total bénéfice d'une longue observation, doit-on faire part de résultats dans des journées de travail en commun? Nous optons pour la seconde solution car le « dû » au malade reste notre objectif essentiel. Les malades constituant notre observation ont été soumis à cette technique à la phase initiale, dès les premiers jours qui ont suivi l'atteinte lésionnelle. Les traitements physiothérapiques Les traitements périodes : (1) s'étalent sur quatre 1) Période immédiatement consécutive à l'état de choc (souvent dès le lendemain). 2) Période précoce, de 48 heures à 15 jours. 3) Période de début de la rééducation, 15 jours à deux mois. 4) Période de rééducation, deux mois et plus. Les agents utilisés sont: la diélectrolyse transcérébro-médullaire, le courant continu qui l'autorise, les stimulations (st) excito-motrices par courants de différentes formes, le biofeedback EMG. ~-~ 388 Ann. Kinésithér., 1983, t. 10, nO 10 TABLEAU 1 Résultats Rôle Le traitement Période 1 · Application immédiate (2e jour et suivants) · Diélectrolyse transcérébro-médullaire avec action propre du courant continu Anti-inflammatoire, anti-oedémateux, résolutif, sédatif, complémentaire et potentialisant du traitement médical· Diminution de l'agitation si elle existe · Apaisement des céphalalgies · Augmentation de la lucidité postchoc · Semble augmenter ultérieurement le potentiel d'action du malade Période 2 · Application très précoce (48 heures et jours suivants) · St excito-motrices sur les muscles distaux essentiellement déficitaires chez l'hémiplégique (ext. doigts, main, releveurs pied) Éveil sensitif profond, pallesthésique · Rapide éveil de la sensation de contact profond · Prise de conscience de son côté hémiplégique · Prise de conscience de la situation du membre Période 3 Début de la rééduca tion (15 jours et suivants) · St excito-motrices s'étendant muscles proximaux Éveil sensitif profond + + + Éveil sensitif superficiel Éveil de la sensation kinesthésique . Prévention du déséquilibre agoniste, antagoniste · Perception du picotement et du fourmillement provoqué par le courant électrique · Cette perception faci1ite l'amorce d'une activité volontaire de participation · Prise de conscience du mouvement et du déplacement articulaire · Dans la majeure partie des cas, maintenance de l'équilibre agoniste, antagoniste . Utilisation du retour des sensibilités qui permettra l'information · Développement des acquisitions précitées Contrôle objectif de l'activité volontaire Incitation · Contrôle de l'inhibition aux Période 4 · Pendant toute la rééducation (2 mois et suivants) St excito-motrices + combinaison activité volontaire s'étendant aux chaînes musculaires · Biofeedback E.M.G. Leur niveau d'action: Analyse des résultats - Action centrale: rôle anti-inflammatoire, sédatif sur la lésion et au niveau de la région PÉRIODE 1 péri-lésionnelle. Nous attribuons à la diélectrolyse transcéré- Action périphérique: éveil sensitif, éveil bro-médullaire une action complémentaire du kinesthésique, équilibre musculaire agoniste, traitement médical prescrit dès l'ictus. antagoniste, assistance motrice, contrôle musLes malades traités ainsi nous ont paru sortir culaire moteur, contrôle musculaire inhibiteur. - Rôle psychologique: encouragement, inci- plus rapidement de l'état de choc qui les accablait. Leur lucidité est plus vite apparue. Les tation. A noter que chacune des périodes voit les céphalalgies ont été moindres ou ont cédé plus traitements s'intriquer, se compléter et non rapidement. Un potentiel supérieur d'action a semblé les conditionner favorablement à la obligatoirement se substituer. Les séances de diélectrolyse transcérébro- rééducation ultérieure. médullaire se pratiquent par séries de vingt avec 10jours d'arrêt intercalaire. Le tableau nO1 PÉRIODE 2 résume le traitement appliqué aux différentes Les stimulations excito-motrices, dans un périodes, le rôle escompté· des agents utilisés, et les résultats obtenus. premier temps appliquées uniquement sur le Ann. Kinésithér., membre supérieur à l'appareil extenseur des doigts et de la main, pour le membre inférieur aux releveurs et éverseurs du pied ont permis une rapide prise de conscience de la présence de l'hémicorps hémiplégié. L'attention du malade, sous leur action, se porte vers le côté dont il est fréquemment «séparé». Il évoque très tôt une sensation d'ordre pallesthésique. Ce n'est que plus tard qu'il décrit la sensation kinesthésique, vous invitant alors à constater le déplacement de sa main et de ses doigts sous l'action excito-motrice de leur appareil extenseur. Nous avons constaté chronologiquement: - Un éveil sensitif profond, indispensable à l'information. - Un éveil de la situation et de la position du membre qu'il convient de faire constater au malade. Sans l'acquisition de ces perceptions, il est illusoire de tenter d'obtenir un mouvement actif volontaire. PÉRIODE 3 Dans les cas satisfaisants: l'éveil du sens du mouvement passif, avec sa composante de perception du déplacement articulaire est apparu. Il s'agit encore d'une période capitale en regard du risque d'installation de la spasticité. Notre groupe de malade a généralement conservé un équilibre musculaire agoniste antagoniste. La période « flasque», dans les cas favorables a été immédiatement suivie d'une amorce de l'activité musculaire volontaire. Dans les cas où cette activité n'est pas apparue, nous n'avons pas assisté à la prédominance de groupes musculaires qui constituent l'attitude caractéristique que la spasticité nous fait connaître. Si l'évolution est satisfaisante, et dès que sont suffisamment acquises les sensations kinesthésiques, si le malade est capable de dire les yeux clos si sa main est ouverte et son poignet en extension, ou inversement, le stade de la seule observation prend fin. Il est possible alors séquentiellement de lui faire tenter de prendre part à l'activité électriquement provoquée. De plus les stimulations vont s'étendre à des chaînes 1983, t. 10, nO 10 389 musculaires proximodistales mettant en jeu l'abduction du bras, l'extension de l'avant-bras sur le bras, l'extension de la main et des doigts. Cette période, qui correspond au retour de l'activité réflexe, voit le traitement particulièrement orienté sur l'éveil sensitif, puis l'éveil moteur de muscles sur lesquels nous souhaitons voir apparaître en priorité une activité volontaire. Ces muscles que nous qualifions «agonistes » ont conservé leurs propriétés contractiles, favorisant ainsi la reprise de leur activité. PÉRIODE 4 Elle utilise toujours les St suivant les chaines musculaires, avec sevrage progr:essif de l'assistance électrique. Dès qu'une activité musculaire est devenue possible, il convient par biofeedback E.M.G. d'en faire prendre conscience au patient et de la développer. Ce moyen nous a paru à la fois efficace et rapide. De plus, son caractère incitatif et les multiples moyens de retenu de l'attention dont il dispose lui valent un développement d'utilisation mérité. Electrothérapie et spasticité installée Sur des sujets connus plus tardivement, présentant une spasticité importante, nous avons tenté de la diminuer. Nous avons pour cela utilisé pendant les St le positionnement en orthèse, décrit par A. Albert, M. Beltrando et M. Cales (1) indispensable pour obtenir une correcte ouverture de la main. Momentanément, nous avons assisté à une diminution notable de la spasticité, améliorant lors du repos de la main la nuisance de cette composante. Cette amélioration n'est que passagère. Elle se confirme après plusieurs applications, se stabilise et s'estompe avec l'arrêt du traitement pour ne laisser demeurer à long terme aucune amélioration. Discussion Elle s'attache essentiellement à émettre un ~--- 390 Ann. Kinésithér., 1983, t. 10, n° 10 certain nombre d'hypothèses sur les mécanismes neuro-physiologiques pouvant être retenus pour expliquer ces résultats. LES EFFETS DE LA mÉLECTROL YSE TRANSCÉRÉBRO-MÉDULLAIRE Ils seraient de favoriser le traitement médical. Elle utilise les mêmes substances que ce dernier dans leurs actions anti-inflammatoire, sédative, anti-œdémateuse et en augmente vraisemblablement le potentiel d'action locale. De plus, le courant continu par ses propriétés résolutives, anti-inflammatoires, vasomotrices serait indépendamment capable de limiter les phénomènes irritatifs et congestifs consécutifs à l'hémorragie. L'ÉVEIL SENSITIF - La sensation pallesthésique aurait un éveil attribuable au résultat mécanique apporté par les St. La contraction musculaire pourrait ajouter à l'effet vibratoire propre des St des phénomènes de traction au niveau des insertions tendineuses, retentissant sur le système osseux et par là éveillant la sensibilité profonde. - La sensibilité superficielle: les récepteurs cutanés trouveraient-ils une source de sollicitation dans les phénomènes de fourmillement, de picotement que procurent les courants électriques? A partir de là, n'assisterions-nous pas à une sensation superficielle facilitatrice comparable à la technique manuelle qui consiste à effectuer une stimulation sous forme de grattage ou de frottement rapide de la peau préalable à une tentative de contraction musculaire volontaire de la part du malade? L'ÉQUILIBRE AGONISTE, ANTAGONISTE Est-il le résultat d'un retour accéléré de· l'activité réflexe qui régit le tonus musculaire? L'étirement des muscles antagonistes, réalisé dans un rapport de forme, d'équilibre, de force et de direction physiologique serait-il inhibiteur de ceux-ci? Au contraire, une certaine valeur de l'état trophique des agonistes par l'entretien· excito-moteur auquel s'ajouteraient des informations facilitatrices activeraient-elles la reprise de leur activité? Conclusion En regard de la spasticité, l'électrothérapie excito-motrice des muscles pouvant s'opposer à sa manifestation ne semble pas apporter de résultats durables. Nous pensons cependant que cette même technique, associée à une galvanisation pure des muscles spastiques peut être utile afin de diminuer dans certains cas, la prise de substances médicamenteuses. Dans ce cas, l'application doit être précise et parfaitement limitée aux muscles intéressés. Les courants d'impulsions employés doivent déterminer une contraction musculaire particulièrement progressive. En tant qu'agent stimulateur de l'éveil des sensibilités nécessaires à la récupération motrice, et si celle-ci demeure possible, comme agent d'information, de perception puis comme moyen de mobilisation, de sollicitation, de facilitation et d'incitation, l'électrothérapie trouve son intérêt .. Elle peut de plus, nous semble-t-il, être conduite parallèlement aux techniques dont le fondement est basé sur l'inhibition et la facilitation des systèmes antagonistes. LA SENSATION KINESTHÉSIQUE La contraction musculaire, le déplacement articulaire perçus et observés par le malade ne seraient-ils pas la source d'informations proprioceptives permettant la prise de conscience du mouvement par le sujet en apportant une facilitation au défaut de commande dont il est victime? Référence 1. A., BERTRAN DO M, CABLE C. - Intérêt de la stimulation électrique fonctionnelle pour le réentraînement du membre supérieur spastique. Rev. Readapt Ford. Prof Soc., 1979, 4, 60-64. ALBERT