Olivier Loubes, « A contre histoire. Gaston Clémendot, instituteur pacifiste », Histoire@Politique. Politique,
culture et société, N°3, novembre-décembre 2007, www.histoire-politique.fr
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1930, de Lapierre, le directeur de L'école libératrice. Pendant plus de cinquante ans, il
tend à l'évolution du pacifisme des primaires, telle que la Grande Guerre le change, le
miroir de l'enseignement de l'histoire nationale : de son contenu comme de son
opportunité. A ce titre, il en est un véritable maître-étalon.
La durée et la diversité de sa carrière d'instituteur (de l'école normale d'Auxerre en 1883
à sa retraite en 1924 de son poste de Mélisey, village de l'Yonne où il exerce trente ans),
de militant socialiste (du parti ouvrier socialiste et républicain dans les années 1890 au
parti socialiste démocrate dans les années 1950, en passant longuement par la SFIO qu'il
quitte en 1933), et de syndicaliste (de président de l'Amicale des instituteurs de l'Yonne
dans les années 1900 au bureau du SN dans l'entre-deux-guerres), sans compter son
appartenance à la franc-maçonnerie, à la Ligue des droits de l'Homme (LDH), et à divers
groupes pacifistes, a nourri l'activité de polygraphe par laquelle nous le connaissons2.
Le personnage est en lutte socialiste, syndicale et pédagogique son existence durant,
c'est-à-dire durant un fort demi-siècle qui prend en écharpe les deux guerres mondiales.
Cela le conduit naturellement à être un journaliste prolixe dans la presse socialiste et
syndicale, l'auteur de nombreuses brochures, de même que le rédacteur de manuels
d'histoire controversés qui le placent, à partir de 1904 (publication de l'Histoire de la
France à l'usage des cours élémentaire et moyen, corédigée avec Hervé), au cœur du
débat national sur l'histoire à l'école primaire, où il incarne, à la fois dans son camp et
pour ses adversaires comme Le Temps, l'instituteur pacifiste et socialiste3. Ainsi, il se
trouve être le principal instigateur de l'entreprise de réflexion du Syndicat national sur
l'enseignement historique après la guerre par son interpellation de 1923 : "Faut-il
enseigner l'histoire ? ".
2 Voir la notice "Clémendot" du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français 1914-1939 ;
pour les sources d'archives, voir au Centre d’histoire sociale (CHS), rue Malher à Paris, les 16 cartons du
Fonds Clémendot (CHS/FC).
3 Sur ce sujet voir les ouvrages d’Olivier Loubes, L’école et la patrie, Paris, Belin, 2001 et de Jacques Girault,
Instituteurs, professeurs, une culture syndicale dans la société française, Paris, Publications de la
Sorbonne, 1996, ainsi que les articles de Laurence Bénichou, « Militants historiens, ou l’histoire au service
du militantisme », Les actes de lecture, n°84, dec. 2002, p. 74-77, et de Mona Siegel, « History is the
opposite of forgetting : The limits of Memory and Lessons of History in Interwar France », The journal of
Modern history, volume 74 (2002), p. 770-800.