Enseigner la Grande Guerre au cycle 3 Conférence de Florent Renaudin Circonscription de Langres /Canopé 52Mercredi 19 février 2014 – Lycée Diderot Remarque : Les images contenues dans ce document sont libres de tous droits. Vous pouvez les copier, les modifier, les utiliser en classe sans demander d’autorisation. Pensez à indiquer systématiquement la source des documents utilisés. 1) Objectif commémoration Le centenaire d la Grande Guerre va entrainer une multitude d’émissions télévisuelles et radiophoniques, de parutions d’ouvrages. La « surmédiatisation » de ce conflit risque d’entraîner une déformation du message qu’il nous faut porter aux élèves. L’objectif est celui de la commémoration. C’est un « travail de mémoire » qu’il faut pouvoir distinguer du « devoir de mémoire ». Si l’histoire est neutre, la mémoire, elle, relève des représentations. Le devoir de mémoire implique le « plus jamais ça ». Il est marqué d’une notion duelle, celle du bien et du mal. Le devoir de mémoire a une connotation idéologique et ne donne pas les clés du « pourquoi » des faits. On peut distinguer plusieurs mémoires : la mémoire politique, individuelle, collective (celle de la famille) ou encore nationale. Pour Antoine Prost (professeur émérite à la Sorbonne, président du Conseil scientifique du Centenaire de la Grande guerre, où son influence est grande et dont les chroniques consacrées à l’année 1913 sur France Inter ont connu un vif succès), la mémoire telle que définie précédemment n’est pas le métier de l’enseignant. L’histoire l’est. Le travail de mémoire se fait après le travail historique. L’attention dans l’acte d’enseignement doit se porter sur le sens. Et les contresens « historiques » rattachés à la Grande Guerre sont nombreux. Ainsi la « tranchée des baïonnettes » qui relève dans sa conception plus du mythe que de la réalité historique. Mythe moderne renforcé par l’élévation d’un monument et la présence d’une plaque commémorative indiquant « A la mémoire des soldats français qui dorment debout le fusil en main dans cette tranchée. Leurs frères d’Amérique. » Il s’agit en réalité d’une tranchée qui a servi, comme ailleurs sur le front, de sépulture commune. Les fusils sont plantés dans le sol pour marquer l’endroit. Cet exemple marque la différence entre la mémoire emprise de représentations, d’émotions et l’histoire qui aborde les faits scientifiquement. Prise de notes G.Leconte, CPC Langres 1 Site du centenaire : http://centenaire.org/fr 2) Pistes de réflexion sur l’enseignement particulièrement de la Grande Guerre 2 de l’histoire et plus L’enseignement de l’histoire est connoté : apprentissage de dates, construction d’une culture générale… Il existe des règles pour cet enseignement : - - Eviter une chronologie trop massive : un début, une fin, la bataille de Verdun. C’est suffisant pour commencer. La 1ère Guerre Mondiale est enseignée aussi au collège puis au lycée. Partir du titre : La 1ère Guerre Mondiale » et le questionner. Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi est-elle particulière ? Pourquoi la qualifie-t-on de mondiale, Qui est concerné ? Où se déroule-t-elle ? Pourquoi dit-on « 1ère » ? Partir du vécu : de ce que savent les élèves, de ce qu’ils voient. D’où l’intérêt du Monument aux Morts présent dans presque toutes les communes de France comme des souvenirs de familles. On s’appuie sur du concret. Quand on interroge les élèves sur ce qu’ils savent de ce conflit, on obtient « 14-18 » : c’est le début de la frise chronologique que la classe va compléter durant la séquence consacrée à ce conflit. On précisera ces dates en indiquant les mois d’août et de novembre ainsi que les jours (03/08/14 et 11/11/18). Les élèves parleront aussi de morts, d’Allemands, de tranchées et de Poilus. Tout ceci complète le matériau de base pour la frise chronologique. La séquence pourra reposer sur un plan simple en 3 points : - Les causes du conflit Son caractère global Ses conséquences 2.1) Les causes du conflit Certaines sont lointaines, d’autres sont immédiates. Il n’est pas nécessaire d’aller chercher trop loin dans la chronologie, au risque de surcharger d’informations les élèves. Les rivalités entre les pays : Avec une carte du Traité de Francfort (10 mai 1871) comme support. Le traité de Francfort met fin à la guerre franco-allemande de 1870-1871. Il marque la capitulation française et la perte de l’Alsace-Moselle. Prise de notes G.Leconte, CPC Langres La France perd des territoires et entretien un esprit de revanche jusqu’en 1890. En 1900-1910, 1910, le deuil de ces territoires est fait. La perte de l’Alsace-Moselle Moselle est un aspect du déclenchement de la guerre, guerre non pas sa cause. Source Wikimédia Commons. Image libre. Une carte des alliances militaires de 1914 permet de visualiser les forces européennes en présence. On constatera également que l’empire Austro-hongrois Austro hongrois est composite. Il maintient de nombreux peuples sous son joug. L’instabilité politique y est forte. Prise de notes G.Leconte, CPC Langres 3 4 Source Wikimédia Commons. Commons Image libre. Source Wikimédia Commons ommons, Mariusz Paździora. Image libre. Les enjeux coloniaux : La Triple Entente et ses « propriétés d’outre-mer d’ ». On n constate un fort déséquilibre entre les possessions allemandes, austro--hongroises et la dimension de ces empires. Les tensions sont vives avec les autres puissances coloniales. Prise de notes G.Leconte, CPC Langres 5 Source Wikimédia Commons. Image libre. envie la puissance de l’industrie et de la flotte Les rivalités économiques : La France regarde avec envie militaire allemande. Les alliances : Triple Alliance (Empire allemand, Empire austro-hongrois, austro Royaume d’Italie) Triple Entente (France, Russie, Royaume Uni) L’alliance France – Royaume Uni paraît « contre nature ». Il en va de même de l’alliance Royaume d’Italie – Empire austro-hongrois. Les empires allemand et austro-hongrois hongrois sont, grâce à la carte, visiblement pris entre deux fronts. La course aux armements : Elle provoque et entretient,, une ambiance très tendue. Il suffirait d’une étincelle pour mettre le feu aux poudres. Autre piste : L’école de la République entretient la rancœur, le culte de la patrie, l’amour de la France. On pourra projeter aux élèves « La tâche noire » tableau d’Albert Bettanier. Prise de notes G.Leconte, CPC Langres Lien vers l’œuvre de Albert Bettanier, « La tâche noire » : Image et analyse. Lien à activer : http://www.histoire-image.org/ Puis cliquez sur « Recherche », « Recherche avancée », entrer le nom de l’artiste, le type de l’œuvre (peinture), le nom de l’œuvre (La tâche noire). L’action de la République, via son école, relève de la propagande. Il suffit pour s’en convaincre de lire quelques leçons et poésies inculquées aux jeunes élèves de l’époque. La haine y est un sentiment très développé. Cette propagande s’exprime jusque dans des caricatures restées célèbres. Mettre des noms, des visages sur des pays : Il s’agit encore de concrétiser les apprentissages. On ajoute sur une carte, sur la frise chronologique, les photographies des chefs d’états en guerre. On les complète des noms de ces personnages : François-Joseph, Guillaume II, Nicolas II, Georges V, Raymond Poincaré. On pourra évoquer les liens qui unissent ces personnages et freinent un temps le déclenchement des hostilités : Nicolas II, Tsar de Russie est le cousin de Guillaume II, empereur d’Allemagne. Georges V, roi d’Angleterre est aussi cousin avec Guillaume II. La cause immédiate du déclenchement du conflit : L’attentat de Sarajevo le 28 juin 1914. On peut se servir ici de la une du « Petit Journal » (12 juillet 1914) L’attentat est commis par un terroriste serbe. Il tue François-Joseph (et son épouse) en inspection pour des manœuvres militaires. En fait il y a trois attentats. Les deux premiers à la bombe (gare et mairie de Sarajevo) et le troisième, fatal à l’archiduc, au revolver. Image entrée dans le domaine public donc libre de droit. Prise de notes G.Leconte, CPC Langres 6 La mobilisation : La Serbie est une coupable idéale pour l’Empire austro-hongrois. La Serbie cherche appui pour se défendre auprès de son allié, la Russie. Le Tsar mobilise, l’Autriche-Hongrie fait de même, suivie par la Serbie. La Russie déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie. Le 3 août 1914 tous les pays ont mobilisé leurs troupes, sauf l’Angleterre. Cette affiche est un objet d’étude. On constate qu’il s’agit d’un « texte à trou » : les autorités n’ont qu’à rajouter la date : le dimanche 2 août 2014. L’affiche est prête depuis quelques temps, déposée en préfecture ou en mairie. La guerre était inéluctable. Les premiers soldats qui partent sont ceux qui appartiennent à l’armée d’active, des jeunes gens de 20 à 22 ans (le service militaire dure deux ans). Ils espèrent être rentrés pour Noël. En ville il y a de l’entrain. En campagne on s’inquiète : qui fera les moissons ? Les mêmes sentiments ont cours en Allemagne. Les causes sont à développer longuement pour bien faire comprendre une guerre qui va faire 10 millions de morts. Le déclenchement paraît absurde : l’assassinat d’un héritier inconnu dans un pays inconnu… 2.2) Le caractère total du conflit La guerre est mondiale. Elle est totale car toute la population est concernée. Cela commence par les soldats. Il faut parler de leur vécu, des difficultés quotidiennes, de la violence des combats. C’est ce « supplément de souffrance » qui fait que l’on parle de Grande Guerre. L’appellation « Guerre de tranchées » fait référence aux caractéristiques du champ de bataille durant une certaine époque du conflit. 3 août 1914-fin septembre 1914 : guerre de mouvement « à l’ancienne ». Jusqu’en mars 1918 : stabilisation du front et guerre de tranchées, d’usure. Mars 1918-novembre 1918 : reprise de la guerre de mouvement. Pour éviter ici aussi une surcharge d’informations, on focalisera l’enseignement sur la guerre de tranchée. Prise de notes G.Leconte, CPC Langres 7 Quels documents utiliser ? - Lettres de Poilus : des témoignages accessibles. Il faut savoir qu’une censure militaire existait. Il reste donc ce qui est passé à travers la censure, le « banal » acceptable par les autorités. Certaines lettres sont parvenues jusqu’à leur destinataire sans censure : celles qui sont passées de la main à la main. A savoir, sur le site Internet du magazine L’Express on trouve des extraits de lettres qui ne sont jamais arrivées car saisies par le service des contrôles de l’armée. Moins banal. http://www.lexpress.fr/actualite/societe/lettres-de-poilus-jamais-arrivees_698287.html - Photographies : il s’agit souvent de prises « posées », artificielles. Il est difficile de trouver d’autres choses (dureté des combats, qualité du matériel photographique de l’époque). Les photographies de batailles sont souvent des reconstitutions opérées pendant ou après la guerre. On peut exploiter les images disponibles sur le site de la BNF : http://gallica.bnf.fr/ Sélectionner « images » puis dans la fenêtre de recherche inscrire « tranchées première guerre mondiale ». On constate, sur les 4 pages de documents disponibles, le caractère visiblement posé des prises de vues. - Œuvres de fiction : choix justifié par la réalité iconographique de l’époque (limites techniques=pas de film du front) mais aussi par la qualité de certaines reconstitutions. Il convient d’indiquer cette réalité aux élèves. On travaillera avec le film « Les croix de bois ». Ce film français est adapté du roman éponyme de Roland Dorgelès (prix Femina 1919). Il est réalisé par Raymond Bernard en 1931. Il sort en salle le 17 mars 1932 à Paris au cinéma "Moulin Rouge". Tous les acteurs sont des anciens combattants. Les choses sont claires, précises. On trouve une partie de l’œuvre libre sur Dailymotion. Les élèves relèveront après avoir visionné un extrait de bataille, le bruit incessant. On peut voir un assaut, le matériel, les pièces d’artillerie, les mitrailleuses, témoins de l’industrialisation de la guerre. Les tranchées, le no man’s land, la préparation d’artillerie… La mort est plus suggérée que filmée. La hiérarchie militaire est représentée, les sentiments humains sont mis en valeur. Avec une classe (à niveau simple ou à plusieurs niveaux) on peut faire travailler les élèves sur différents aspects de l’extrait. C’est un travail en groupe que l’on organise. L’objet d’étude est le même (extrait identique). La mise en commun intéressera tous les élèves et leur permettra d’intervenir. On peut demander de dessiner un champ de bataille, faire une liste de l’armement. Pour vérifier, on pourra s’appuyer sur les images du film. Lien : http://www.dailymotion.com/fr Puis dans la fenêtre de recherche inscrire « les croix de bois partie 2 ». Il y a 56 minutes de film. - Exploitation du monument aux morts : on se réfèrera ici à la trame de séquence proposée sur le parcours de formation. Les élèves devant le monument peuvent noter les noms des soldats qui y sont gravés. Prise de notes G.Leconte, CPC Langres 8 Ils effectuent des recherches sur le site « Mémoire des hommes ». On y trouve des fiches signalétiques des soldats morts pour la France. Avec le numéro de matricule on obtient toutes sortes d’informations. Les élèves peuvent faire un traitement statistique de la guerre avec les années de décès. Avec trois noms par élève, on voit rapidement des pics de mortalité. On les place avec les batailles sur la frise chronologique. On peut classer les types de morts : tués à l’ennemi, morts de suites de blessures, de maladies. Les lieux de décès sont exploités en plaçant sur une carte un point là où est mort un soldat. On passe alors du niveau local au niveau national. Effectuer des recherches sur le site « Mémoire des Hommes » http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/article.php?laref=1 Attention, le chemin est facilement labyrinthique et nécessite quelques manipulations pour apprivoiser les bifurcations nombreuses et variées… Voici un exemple. Trouver un soldat dont le nom figure sur le monument : Sur la page d’accueil sélectionner « Première Guerre <mondiale » puis « Morts pour la France ». Renseigner les cases nom et prénoms. Puis lancer la recherche. L’onglet image vous fera parvenir au billet de déclaration de décès. Il vous permet d’obtenir des renseignements importants : date de naissance, date de décès, lieu, date du jugement, régiment. Ce document est imprimable. On pourra compléter le cahier de culture humaniste. Lire l’histoire du régiment du soldat tué (style glorifiant) : Toujours à partir de la page « Première Guerre mondiale » et avec les informations trouvées sur les Poilus du monument, on accèdera à l’ « historique réglementaire des unités engagées ». Là on renseignera les fenêtres selon ce que l’on aura trouvé sur nos Poilus. Généralement l’arme c’est « infanterie », le type d’unité « régiment d’infanterie », l’unité celle que l’on trouve sur le billet de déclaration de décès. On nous renvoie sur un document en ligne sur le site de la BNF. L’historique respecte la chronologie. Il faudra passer beaucoup de pages parfois pour trouver le récit du combat ou de la bataille qui fut fatal à nos Poilus. Le récit entier est téléchargeable. Suivre les manœuvres du régiment : Les « journaux des unités engagées » donnent le détail des opérations des régiments. A partir de la page consacrée à ces journaux, cliquer à droite sur « Division guerre et armée de terre ». En bas de la page, renseigner la fenêtre « nom de l’armée ou de l’unité » en choisissant « Autres unités ». Lancer la recherche. Cliquer sur l’icône représentant deux pages à gauche. Puis « Régiments et bataillons », « infanterie », « régiments d’Infanterie », sélectionner le numéro du régiment. Sélectionner le journal en fonction des dates qui vous intéressent. A l’intérieur du document on peut naviguer en affichant encore les dates (en bas à gauche du pdf). Documents téléchargeables. Prise de notes G.Leconte, CPC Langres 9 - Images de main d’œuvre : 10 Les « munitionnettes « remplacent les hommes, prennent des responsabilités dans les usines d’armement sans y être majoritaires. Il y a 30 000 femmes employées par les usines Renault en 1918 sur 100 000 ouvriers. Les femmes viennent gonfler les effectifs nécessaires. -Images de propagande : On trouve des images de femmes qui remplacent les animaux de trait dans les travaux agricoles. Passant au-delà de ces images, on explique les difficultés quotidiennes. Dans les lettres échangées, on trouve l’angoisse, la peur, le manque affectif. - Images de la mobilisation financière : on trouve des affiches présentant les emprunts de la défense nationale. On les aura ! - Images de la mobilisation industrielle : les usines Renault produisent des armes, des munitions. - La mobilisation des esprits : on extraira des journaux quelques phrases choisies pur les lire avec les élèves. On relèvera l’exagération. Prise de notes G.Leconte, CPC Langres 2.3) Les conséquences du conflit Le 11 novembre 1918 est signée l’armistice. Cette date doit être connue des élèves. Elle est signée en clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne dans le wagon de Joffre. En Allemagne s’est déroulé un coup d’état, des mutineries. Les Américains négocient avec les Allemands. L’armistice est une suspension provisoire des combats, valable 1 mois et renouvelable 3 fois. Le traité de paix est signé en 1919 à Versailles. C’est une humiliation pour l’Allemagne. Le 14 juillet 1919 a lieu le premier défilé militaire « du 14 juillet ». La 1ère Guerre mondiale est un acte fondateur de la nation française. Le soldat inconnu est un héritage de cette époque. Le bilan humain : 10 millions de morts, plus des mutilés, des « gueules cassées ». Le bilan matériel : les destructions massives provoquent des reconstructions, des changements de topographies Le bilan politique : il se mesure en comparant des cartes européennes de 1914 et de 1923. On constate l’amputation de l’Allemagne. La carte du Traité de Versailles dresse les futures tensions. Clémenceau et Orlando (Italie) ont des positions très dures envers l’Allemagne. Le monument aux morts : c’est une priorité nationale. Seuls 5% des communes n’en possèdent pas car n’ont pas eu de mort durant le conflit. C’est un enjeu patriotique de devoir de mémoire. C’est le conseil municipal qui est décideur. Le préfet est informé. Le monument aux morts est un autel de la religion civique. On distingue 4 catégories de monuments : - Civique : une stèle ou obélisque proche de la mairie. Style sobre. Patriotique et républicain : sur la place principale, respire la victoire, glorifie le soldat héroïque. Il est riche en allégories. Patriotique et conservateur : représente un Poilu blessé ou mort. Il signifie le sacrifice réalisé sur l’autel de la patrie, le martyr. Pacifiste : Rare, il maudit la guerre, présente des pleureuses. Certains monuments empruntent à plusieurs catégories. Il existait des catalogues de monuments. Prise de notes G.Leconte, CPC Langres 11