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La Lettre du Pneumologue - Volume III - no6 - nov./déc. 2000
observée chez des personnes âgées un à cinq jours après un épi-
sode d’augmentation de la concentration atmosphérique en par-
ticules de 10 µ (9). Ce délai entre exposition et modification de
la fréquence cardiaque est compatible avec la synthèse pulmo-
naire de cytokines pro-inflammatoires.
La stimulation de fibres nerveuses afférentes
Elle est directement réalisée par l’impaction de particules sur la
muqueuse des voies aériennes comme par des facteurs physiques
(température, osmolarité) ou chimiques (oxydants, acides, com-
posés chlorés, etc.). Cette stimulation nerveuse peut déclencher
diverses réactions physiologiques de défense : éternuement, toux,
sécrétion de mucus, vasodilatation dans la muqueuse ou contrac-
tion du muscle lisse bronchique.
Cependant, la plupart des terminaisons nerveuses sensitives de
la paroi des voies aériennes sont des fibres afférentes vagales.
La bradycardie est une réponse médiée par le système nerveux
parasympathique comme le sont la bronchoconstriction, la vaso-
dilatation et la sécrétion de mucus. Depuis plus de dix ans, des
expérimentateurs faisant inhaler de l’ozone ou des particules à
des lapins, des cobayes ou des chiens ont souvent obtenu des
réponses cardiovasculaires importantes : bradycardie marquée
ou longue pause d’activité cardiaque, hypotension artérielle
soutenue. Ces observations n’ont été que très peu publiées, car
les rapports étaient focalisés sur les effets respiratoires des expé-
riences (10 ; Yeates D., communication personnelle).
La stimulation nerveuse dans les voies aériennes peut donc pro-
voquer des réactions quasi immédiates, pathogènes et dange-
reuses, et aussi modifier la réactivité et l’équilibre nerveux
végétatifs qui règlent l’homéostasie circulatoire en ajustant
continuellement les fonctions cardiaques et la vasomotricité.
Chez des sujets âgés aux fonctions cardiovasculaires altérées,
un épisode de pollution atmosphérique particulaire (11) ne cause
pas d’altération décelable du VEMS, du liquide de lavage nasal,
de la saturation oxygénée de l’hémoglobine, mais modifie en
revanche sensiblement la variabilité de fréquence cardiaque
en réduisant l’activité parasympathique à destinée car-
diaque (11). Or, une faible activité parasympathique (vagale)
contrôlant les fonctions cardiaques est un indicateur de mau-
vais pronostic chez les personnes atteintes d’insuffisance car-
diaque modérée et même légère (12) ou d’ischémie myocar-
dique (13), mais cet indicateur est également corrélé au risque
d’accident cardiaque pour des sujets sans antécédents car-
diaques connus (14). La diminution (délétère) de variabilité de
la fréquence cardiaque sous contrôle vagal causée par un épi-
sode de pollution atmosphérique particulaire ou par l’ozone est
de même importance que le gain (bénéfique) obtenu par réen-
traînement à l’exercice (réhabilitation) après infarctus myocar-
dique (15). La réduction de l’influence parasympathique sur le
myocarde tend à donner davantage d’importance à l’influence
orthosympathique, et ce déséquilibre majore sensiblement le
risque d’arythmie ou de tachycardie ventriculaire (16). Or, en
abaissant le seuil d’activation du second neurone orthosympa-
thique (17, 18), l’inflammation renforce l’activité nerveuse
orthosympathique, qui accroît à son tour les risques d’accidents
cardiaques (19).
Interactions inflammation-stimulations nerveuses
Comme on vient de le voir, l’inflammation peut causer ou accen-
tuer le déséquilibre du réglage nerveux végétatif des fonctions
cardiaques. Ce déséquilibre peut déclencher des accidents isché-
miques, des troubles graves du rythme ou des décompensations
d’insuffisance cardiaque. Le risque de ces accidents est majoré
chez les personnes aux fonctions déjà altérées, en particulier du
fait de l’âge, qui réduit aussi la précision et l’amplitude des
réglages effectués par le système nerveux végétatif.
Par ailleurs, la stimulation des afférences nerveuses dans la
muqueuse nasale et bronchique contribue à amplifier les réponses
inflammatoires, en particulier en causant la dégranulation mas-
tocytaire, mais aussi (ce qui a été moins étudié) en stimulant nota-
blement la production de médiateurs inflammatoires par les cel-
lules épithéliales des voies aériennes (20) et en stimulant
l’attraction de cellules inflammatoires (17). Par ailleurs, il est peu
probable que les phénomènes inflammatoires des maladies des
voies aériennes restent sans expression dans d’autres tissus (21).
Ainsi, la pollution atmosphérique particulaire ou chimique peut
déclencher des réponses nerveuses rapides aux ramifications mul-
tiples, comme des réponses inflammatoires d’abord dans les voies
aériennes, mais aux conséquences systémiques encore mal appré-
ciées. Ces diverses réponses sont capables d’interagir et de
s’amplifier en véritables cercles vicieux. Les conséquences de ces
réactions débordent largement le seul appareil respiratoire, puisque
les accidents cardiovasculaires qu’elles déclenchent sont directe-
ment responsables d’une grande partie de la surmortalité et de la
surconsommation médicale dues à la pollution, en particulier chez
les personnes aux fonctions déjà dégradées et chez les personnes
âgées. La connaissance de ce domaine physiopathologique nou-
veau devrait permettre d’envisager des attitudes préventives ou
de meilleures prises en charge de ces pathologies (22).
Des sessions d’une demi-journée étaient consacrées aux thèmes
suivants :
–épidémiologie : particules, co-polluants, morbidité et mortalité ;
–allergènes, particules, vapeurs et leurs interactions ;
–cellules cibles pulmonaires et libération de médiateurs ;
–cibles de la surveillance médicale et de possibles interventions ;
–stimulation nerveuse par les substances allergéniques et irri-
tantes inhalées ;
–réponses cardiaques ;
–réponses vasculaires et systémiques.
Les textes des exposés de la réunion de Scottsdale devraient
être publiés dans Environmental Health Perspectives, tandis
que les synthèses et recommandations issues de la réunion pa-
raîtront dans American Journal of Respiratory and Critical
Care Medicine.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Pasteur Vallery-Radot L, Halpern BN, Dubois de Montreynaud J, Péan V.
Les bronches au cours de la crise d’asthme. Étude expérimentale, bronchosco-
pique et anatomo-pathologique. Presse Méd 1950 ; 58 : 660-4.
2. Küntzli N, Kaiser R, Medina S et al. Public health impact of outdoor and traf-
fic-related air pollution : a European assessment. Lancet 2000 ; 356 : 795-801.