L`impact du Web 2.0 sur les organisations

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COLLECTION ESPACES NUMÉRIQUES
dirigée par Ahmed Bounfour
Coordination éditoriale : Sébastien Tran
Albert David, Nicolas Monomakhoff,
Amir Hasnaoui, Sébastien Damart, Luisa Zibara,
Sonia Abdennadher Cheffi
L’impact du Web 2.0
sur les organisations
L’impact du Web 2.0
sur les organisations
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L’impact du Web 2.0
sur les organisations
Coordination éditoriale : Sébastien Tran
Albert David, Nicolas Monomakhoff,
Amir Hasnaoui, Sébastien Damart,
Luisa Zibara, Sonia Abdennadher Cheffi
Coordination éditoriale : Sébastien Tran (École de Management de
Normandie et chercheur associé à M-Lab, DRM - Université Paris Dauphine)
Albert David (M-Lab, DRM – Université Paris Dauphine) ; Nicolas
Monomakhoff (MNM Consulting) ; Amir Hasnaoui (Groupe Sup de Co
La Rochelle) ; Sébastien Damart (Université de Rouen) ; Luisa Zibara (IMRI,
Université Paris Dauphine) ; Sonia Abdennadher Cheffi (Université de Rouen)
ISBN 978-2-8178-0432-3 Springer Paris Berlin Heidelberg New York
© Springer-Verlag France, Paris, 2013
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données par comparaison à la littérature existante.
Maquette de couverture : Nadia Ouddane
Illustration de couverture : © kentoh – Fotolia.com
Mise en page : DESK – Saint-Berthevin
Table des matières – Chapitres
Note de synthèse ......................................................................................................................
1
Introduction .................................................................................................................................
3
PARTIE I
WEB 2.0 ET ORGANISATIONS :
UNE PROBLÉMATIQUE COMPLEXE
1. Web 2.0 et organisations : une problématique complexe ...................
11
I. Le Web 2.0 sur la toile....................................................................................................
La technologie..............................................................................................................
La relation .......................................................................................................................
Les modèles d’affaires ..............................................................................................
Intelligence collective ..............................................................................................
12
12
13
14
15
II. Web 2.0 et SI : des applications multiples
autour de propriétés spécifiques ...............................................................................
16
Typologie des applications du Web 2.0
et fonctionnalités majeures ..................................................................................
Des caractéristiques communes du point de vue des SI .....................
III. Web 2.0 et entreprise : une revue de littérature ..........................................
Présentation de la méthodologie de la revue
de la littérature en sciences de gestion sur le Web 2.0..........................
Une synthèse de la revue de littérature par thèmes...............................
Many-to-many : d’une notion d’analyse des systèmes
à une caractérisation des échanges sur le Web .........................................
IV. Synthèse de la partie I : les quatre visages du Web 2.0 ...........................
Le Web 2.0 et l’entreprise : l’image de la plateforme ..............................
Le 2.0 comme la possibilité d’un réseau complet
de communication : l’image du « many-to-many » .................................
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19
25
25
30
39
43
43
45
VI
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Le 2.0 comme généralisation du collaboratif :
l’image du communautaire...................................................................................
Le 2.0 comme réintroduction de l’émergent
au cœur des processus : l’image de la structure
informelle, auto-reconfigurable et évolutive ..............................................
46
47
PARTIE II
WEB 2.0 ET ORGANISATIONS : RETOURS D’EXPÉRIENCES
2. Web 2.0 et organisation : retours d’expériences ........................................
53
I. Études de cas .....................................................................................................................
53
Le cas Starwood Hotels and Resort :
les communautés virtuelles au service de l’innovation ........................
Le cas Valeo : la transformation sans rupture .............................................
Le cas de Dream Orange – Des « bulletins boards »
nouvelle génération : utiliser le Web 2.0 pour repenser
les modalités et les contenus de la relation client ...................................
Le cas Bouygues Telecom : l’Intranet à l’ère du 2.0 pour un meilleur
travail collaboratif et un partage de bonnes pratiques ........................
Le cas Lockheed Martin : « What’s in it for me? » ......................................
Le cas British Telecom : l’utilisation des médias
et des réseaux sociaux pour la communication
et le partage de connaissances ..........................................................................
Utilisation des technologies Web 2.0 et Web 3.0 pour la résolution
des problèmes sur les plateformes d’Open Innovation : le cas Hypios .
54
61
66
71
78
80
82
II. Ce que les managers pensent.................................................................................
86
Chez Valeo ......................................................................................................................
Chez Hypios ....................................................................................................................
86
90
III. Synthèse de la partie II : repenser le management
et l’organisation de l’entreprise ...................................................................................
93
PARTIE III
LE WEB 2.0 EN UNIVERS GOUVERNÉ
3. Le Web 2.0 en univers gouverné ............................................................................
99
I. Comment piloter « un nuage » ? .............................................................................
100
VII
II. La gouvernance de l’émergent ..............................................................................
102
Une « fabrique » différente de l’intelligence collective
au travers de groupes émergents .....................................................................
S’adapter à la coopétition et à l’interopérabilité.......................................
Maîtriser le langage de la collaboration étendue ....................................
Cultiver des champs de création de valeur pour demain ....................
103
105
105
106
III. Web 2.0 et mythes
de l’organisation participante ......................................................................................
108
PARTIE IV
PERSPECTIVES POUR UN MANAGEMENT EN 2.0
4. Perspectives pour un management en 2.0 .....................................................
117
I. La hiérarchie, la communauté, l’émergent :
trois fausses évidences revisitées...............................................................................
117
II. Les quatre défis pour un management orienté 2.0
...................................
Associer one-to-many ET many-to-many .....................................................
Mobiliser le « collectif » ...........................................................................................
Maîtriser une organisation « méta-dimensionnelle » ............................
Valoriser l’individu et le protéger.......................................................................
III. Comment « piloter un nuage » :
quatre priorités pour les SI et leurs managers ....................................................
Le pilotage multidimensionnel et les référentiels enrichis .................
La gestion des communautés .............................................................................
La gestion de l’organisation et des droits
et la gouvernance de l’information ..................................................................
La gestion des capacités organisationnelles...............................................
120
120
122
123
124
124
126
128
130
132
Conclusion générale ...............................................................................................................
135
Références .....................................................................................................................................
141
Annexes ...........................................................................................................................................
151
Équipe de Recherche ..............................................................................................................
165
VIII
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Table des matières – Figures
Figure 1 – Le Web 2.0 tel qu’utilisé dans les entreprises ............................
6
Figure 2 – Carte heuristique des thèmes liés
à la dimension technologique du Web 2.0 .....................................................
13
Figure 3 – Carte heuristique des thèmes liés aux relations
dans le Web 2.0 .........................................................................................................
14
Figure 4 – Carte heuristique des thèmes liés aux modèles d’affaires
dans le Web 2.0 .........................................................................................................
15
Figure 5 – Carte heuristique des thèmes liés à l’intelligence collective
dans le Web 2.0 .........................................................................................................
16
Figure 6 – Relations entre les thèmes du Web 2.0
à partir de la revue de littérature .......................................................................
29
Figure 7 – Les différents types de relations entre entités..........................
41
Figure 8 – Exemple visuel d’une roadmap de management
dans la plateforme informatique Matrix SI ...........................................................
62
Figure 9 – Le processus d’Hypios en trois phases........................................
84
Table des matières – Tableaux
Tableau 1 – Différences entre Web 1.0 et Web 2.0
(source O’Reilly, 2005) ...........................................................................................
18
Tableau 2 – Les fonctionnalités et les applications du Web 2.0
au niveau des entreprises .....................................................................................
20
Tableau 3 – Tableau croisé des thèmes de recherche consacrés
au Web 2.0 ..................................................................................................................
27
Tableau 4 – Comparaison collaboration 1.0 et 2.0
(traduit et extrait de Turban et al., 2011) .........................................................
112
Table des matières – Annexes
Annexe 1 – Tableau de correspondance des thèmes sur le Web 2.0
à partir de la revue de littérature .......................................................................
152
Annexe 2 – Guide d’entretien ..............................................................................
164
Note de synthèse
Les technologies de l’information évoluent rapidement. Il
incombe aux Directions des Systèmes d’Information (DSI) de
maintenir l’entreprise en situation de veille et d’engager les investissements techniques et organisationnels à temps. L’exercice de veille
est nécessaire mais complexe. En effet, le champ technologique ne
peut être complètement exploré si le champ des usages ne l’est pas
également.
Certaines évolutions (technologiques et / ou des usages) s’enracinent profondément dans les organisations et entraînent avec elles
un changement dans leur pilotage, modes de coordination, stratégies, modèles d’affaires, etc. D’autres évolutions s’avèrent plus éphémères ou présentent un potentiel d’impact beaucoup plus faible.
C’est l’un des facteurs clefs de succès des DSI que de faire la part
entre ces deux catégories d’évolutions et d’orienter avec clairvoyance
les investissements (humains, financiers, etc.) et les pratiques.
Nous avons tenté, dans cet ouvrage, de poser la question de l’impact
du « 2.0 » sur les organisations, de façon à intégrer dans une même
conception les dimensions communautaires et de réseaux sociaux
émergents, les ressorts et enjeux de gouvernance des organisations
et la dimension pilotage et systèmes d’information. Pour ce faire,
nous nous sommes appuyés sur une veille sur le Web, une revue de
littérature académique et plusieurs cas emblématiques d’entreprises.
Notre analyse permet de présenter le « 2.0 » selon quatre points
de vue complémentaires – la plateforme, le many-to-many, le communautaire et l’émergent. Nous avons montré comment les « univers gouvernés », s’ils adoptaient les pratiques du 2.0 au service
des objectifs qu’ils visent, devaient intégrer une « fabrique » différente de l’intelligence collective au travers de groupes émergents,
comment ils devaient s’adapter à la coopétition et à l’interopérabilité
2
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
et maîtriser le langage de la collaboration étendue, et comment le
2.0 pouvait permettre de cultiver des champs de création de valeur
pour demain.
Des idées reçues et de fausses évidences autour de la hiérarchie, de
la participation, du communautaire et de l’émergent ont été revisitées, et quelques enjeux critiques pour le « passage au 2.0 » identifiés : associer one-to-one et many-to-many, mobiliser le collectif,
valoriser une organisation « méta-dimensionnelle » et valoriser et
protéger l’individu.
Enfin, nous avons vu que pour « piloter le nuage », le système d’information était central et notre réflexion débouche sur l’hypothèse
que l’enjeu pour les DSI était de pouvoir progresser dans la maîtrise
de quatre leviers : le pilotage multidimensionnel et les référentiels
enrichis, la gestion des communautés, la gestion de l’organisation,
des droits et de la gouvernance de l’information, le pilotage des
capacités organisationnelles.
Introduction
I. SYSTÈMES D’INFORMATION,
VEILLE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES
Face à l’évolution rapide des technologies de l’information, il
incombe aux directions des systèmes d’information (DSI) de maintenir l’entreprise en situation de veille et d’engager les investissements techniques et organisationnels à temps.
L’exercice de veille est nécessaire mais complexe. En effet, le champ
technologique ne peut être complètement exploré si le champ des
usages ne l’est pas également. Certaines évolutions (technologiques
et / ou des usages) s’enracinent profondément dans les organisations et entraînent avec elles un changement dans leur pilotage,
modes de coordination, stratégies, modèles d’affaires, etc. D’autres
évolutions s’avèrent plus éphémères ou présentent un potentiel
d’impact beaucoup plus faible.
C’est l’un des facteurs clefs de succès des DSI que de faire la part
entre ces deux catégories d’évolutions et d’orienter avec clairvoyance
les investissements (humains, financiers, etc.) et les pratiques.
II. LE WEB 2.0 EST LA MARQUE D’UNE ÉVOLUTION
Le « Web 2.0 » est une dénomination reprenant les codes utilisés dans la programmation informatique pour identifier les différents
niveaux de versions d’un code ou d’un logiciel, suggérant une nouvelle version d’Internet, une deuxième version qui succéderait à une
première version. Le terme « 2.0 » évoque une évolution majeure, par
opposition à une évolution mineure qui n’aurait été signalée que par
4
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
un 1.1 ou 1.x – c’est comme cela que des versions correspondant à des
évolutions mineures d’un logiciel sont dénommées. La qualification
d’« évolution majeure » peut correspondre à des réalités très différentes
selon que l’on considère que les changements sont quantitatifs (un très
grand nombre de nouvelles technologies de l’information faisant leur
apparition au même moment) ou que les changements sont également
liés à des variations majeures des usages et des visions qui sous-tendent
les technologies utilisées par et sur Internet.
III. LES DIFFICULTÉS À DÉFINIR LE WEB 2.0
Il est difficile de donner une définition de ce que désigne le
Web 2.0. La difficulté est de plusieurs ordres :
− tout d’abord, le terme « Web 2.0 » a une généalogie complexe et
incertaine (même si certains revendiquent la paternité du terme
et avec cela, la paternité de la « découverte » des évolutions à
venir liées aux technologies d’Internet) ;
− l’appréciation du genre des technologies, des usages, du rattachable
au Web 2.0, etc. n’est ni totalement consensuelle ni entièrement
stabilisée (comme le serait une connaissance encyclopédique traditionnelle par exemple) ;
− il est ardu de distinguer les évolutions majeures et réelles que
désigne le Web 2.0 des effets de mode et des évolutions technologiques d’apparence révolutionnaires (parce que vendues comme
telles) mais ne revisitant nullement des usages passés ou des théories anciennes de la performance des entreprises ;
− enfin, derrière la question de terminologie et de définition se pose
celle de la légitimité des acteurs (dont les DSI) qui prennent position et donnent leurs définitions du Web 2.0. Définir le Web 2.0
n’est pas juste un souci de l’homme d’académie d’avancer dans
la stabilisation de connaissances. C’est également un enjeu pour
les acteurs du Web en particulier, les entreprises qui participent
Introduction
5
à l’élaboration du Web et qui ont naturellement intérêt à s’inscrire en pionnier sur telle ou telle technologie, modèle d’affaire
ou usage pour établir durablement un avantage concurrentiel.
Il faut donc parvenir à faire le tri dans la définition du Web 2.0
entre d’un côté, les effets de mode, les révolutions qui n’en sont
pas, les argumentaires commerciaux, les modèles et théories réutilisés mais non revisités, et d’un autre côté, les évolutions technologiques majeures, les bouleversements dans les usages d’Internet et
des technologies de l’information, les évolutions qui impacteront
très fortement les fonctionnements des entreprises, leurs configurations organisationnelles, leurs modèles d’affaires et leurs stratégies.
IV. QUELQUES TENDANCES
Ces difficultés n’empêchent cependant pas d’observer quelques
tendances semblant dessiner les contours d’un Web de deuxième
génération.
Dans son numéro de février 2008, la revue Harvard Business Review
classait les technologies « collaboratives » (sites de réseaux sociaux,
mondes virtuels, jeux en réseaux, économie peer-to-peer, etc.)
comme l’une des 20 plus importantes évolutions dans le monde
des affaires. Une étude de The McKinsey Quarterly réalisée auprès
de managers en juin 2008 (cf. graphique ci-dessous) montre une
augmentation très significative de l’utilisation des applications dites
du Web 2.0 dans les entreprises sur les 12 derniers mois (blogs, flux
RSS, plateformes wikis, etc.).
En 2006, l’entreprise Motorola comptait déjà 2 000 plateformes
wikis et 2 700 blogs (Scarff, 2006). Selon le cabinet d’études Forrester Research, le marché professionnel du Web 2.0 représentera
4,6 milliards de dollars en 2013.
Si les contours du Web 2.0 sont difficiles à définir ex nihilo, ces
chiffres montrent néanmoins une évolution du Web vers des
6
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Réponses à la question :
"Votre entreprise utilise-t-elle les technologies ou outils suivants ?"
(% répondants)
2008
2007
Figure 1 – Le Web 2.0 tel qu’utilisé dans les entreprises (extrait traduit de MacKinsey
Global Survey Results, The MacKinsey Quarterly, juillet 2008)
technologies à modèle d’utilisation collaboratif. Les technologies
et applications évoquées plus haut ont en commun de donner à
l’utilisateur une place inédite puisqu’il est à la fois utilisateur et en
partie concepteur des contenus diffusés sur le Web. Une plateforme
wiki correspond, en effet, à une application sur Internet permettant à un groupe d’utilisateurs de créer ensemble un contenu (une
encyclopédie, un site Internet, etc.). De même, un réseau social du
type de Facebook n’existe que par ses utilisateurs et l’intégralité des
contenus diffusés sur ce média y est « poussée » par les utilisateurs
(les membres des réseaux constitués).
V. PERTINENCE D’UNE RECHERCHE SUR LES IMPACTS
DU WEB 2.0 SUR LES ORGANISATIONS
Ces exemples de technologies ou outils du Web 2.0 sont des
supports d’interactions. Dans les entreprises, l’informatique est
Introduction
7
omniprésente et il est donc pertinent de se poser la question des
impacts du Web 2.0 sur les entreprises. Ceci est d’autant plus vrai
que les entreprises sont en perpétuelle reconfiguration de leurs
chaînes de valeur et que pour partie, la création de valeur est
dépendante de la performance des dispositifs mis en place pour
que les membres de l’organisation (et également les acteurs de son
environnement) communiquent, interagissent, se coordonnent et
coopèrent. Nous nous intéressons d’ailleurs principalement à ces
dimensions organisationnelles du lien entre Web 2.0 et création de
valeur, laissant de côté les problématiques strictement techniques
(standards, interopérabilité, interfaces, architecture SI, etc.), bien
qu’elles soient également importantes mais non abordées dans cet
ouvrage.
Par ailleurs, les entreprises, comme vu plus haut, ont déjà largement
investi dans le champ du Web 2.0 sans qu’elles aient pu nécessairement compter sur un recul suffisant pour juger des impacts
possibles de ces technologies et outils sur les organisations.
VI. LES IMPACTS DU WEB 2.0
À TRAVERS PLUSIEURS PRISMES
Le périmètre du Web 2.0 est difficile à circonscrire et la problématique organisation / Web 2.0 est complexe. Nous le montrons
dans la première partie de cet ouvrage. Nous nous appuyons sur
une exploration des thèmes et idées fréquemment associés dans les
blogs et forums sur le sujet sur Internet. Nous le montrons également à travers une revue de littérature académique dont la synthèse
nous conduit à identifier quatre perspectives à partir desquelles il
est possible de qualifier l’entreprise 2.0 ou entreprise qui mobilise
les technologies, outils du Web 2.0.
Les applications qui ont été faites de ces technologies par les entreprises sont également éclairantes sur la complexité de cette question
8
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
de recherche. Nous en présentons un certain nombre, dans la
seconde partie de cet ouvrage, montrant pour chaque entreprise
étudiée, les enjeux, les potentiels et les risques associés au Web 2.0.
Pour certains des cas présentés, nous nous appuyons également sur
les discours des managers sur le Web 2.0, fruits d’entretiens réalisés
auprès de managers.
En grande partie, l’un des enjeux que nous mettons en évidence est la difficulté de piloter des dispositifs collaboratifs d’un
genre nouveau dans des univers – les entreprises – par définition
gouvernés. Nous consacrons la troisième partie de cet ouvrage à
montrer les différents niveaux de questions que ce point soulève.
Ce faisant, nous sommes conduits, dans la quatrième et dernière
partie à mettre en perspective les quatre défis du management en
univers 2.0.
Partie I
Web 2.0 et organisations :
une problématique complexe
1
Web 2.0 et organisations :
une problématique complexe
Les travaux académiques et professionnels suggèrent que le
concept de Web 2.0 n’est pas fondé uniquement sur une évolution
de la technologie mais également sur une logique socio-organisationnelle. Il correspond en théorie au prolongement du paradigme
réseau dans les Systèmes d’Information (SI) avec une migration
réelle des systèmes centralisés vers des systèmes décentralisés ou
répartis (Akoka, 1999). Cette migration semble suivre par ailleurs
l’évolution des entreprises, caractérisée par des structures hiérarchiques, et s’orientant aujourd’hui vers des structures moins formelles et plus réactives (Laudon et Laudon, 2000), notamment afin
de faire face à un environnement de plus en plus concurrentiel où
l’agilité et la réactivité semblent constituer des facteurs clés de succès. Cette configuration de l’entreprise agile et des SI représente un
« modèle idéal » pour les décideurs et les acteurs de l’organisation.
Le concept de Web 2.0 pourrait donc amener une transformation
des processus organisationnels que nous tenterons de décrypter
dans cette étude en faisant également la part de ce qui peut relever d’un énième phénomène de mode dans le domaine des nouvelles technologies. Il n’existe pas de définition officielle du Web
2.0 ou de définition faisant l’unanimité, mais on retrouve dans la
plupart d’entre elles une liste d’applications et quelques standards
techniques au niveau de l’architecture de ces dernières. Nous chercherons également à sortir d’une logique purement technique ou
technologique pour nous concentrer sur les aspects organisationnels
et managériaux propres à « la logique 2.0 ».
12
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
I. LE WEB 2.0 SUR LA TOILE
Nous avons choisi dans un premier temps d’éclairer notre
recherche sur le concept en réalisant une veille sur Internet et
quelques blogs de références. Une lecture de « ce que le Web dit à
propos du Web 2.0 » est intéressante à plusieurs titres :
− les acteurs qui s’expriment sur le Web à travers différents médias
(blogs et forums par exemple) semblent former un ensemble
hétérogène et donc varié et riche : consultants, journalistes, praticiens, DSI, utilisateurs avertis du Web et des technologies de
l’information, leaders d’opinion, etc. ;
− par ailleurs, les médias évoqués sont généralement ouverts, car
construits sur un mode collaboratif (par définition) : la connaissance n’y est pas poussée par un détenteur unique de la connaissance encyclopédique ; elle est construite par plusieurs acteurs ;
− il est enfin relativement aisé de faire une revue large des thèmes
évoqués et des mots clefs rattachés par les participants à ces
médias à la notion de Web 2.0. Ainsi, le recours aux moteurs de
recherche permet de faire apparaître les expressions, mots, idées
ou thèmes récurrents sur les blogs qui traitent du Web 2.0.
Ci-dessous, nous indiquons une synthèse des thèmes ou expressions que nous avons rencontrées sur les blogs au sujet du Web 2.0.
LA TECHNOLOGIE
La carte heuristique ci-après (Figure 2) montre que la plus
grande partie des références au Web 2.0 est technologique.
Le Web 2.0 est d’abord caractérisé par la multiplication des capteurs de données que les technologies associées permettent d’envisager. Les utilisateurs (par définition en grand nombre) génèrent de
la donnée (ils sont d’ailleurs perçus comme centraux dans le Web
2.0, comme indiqué ci-après) et fournissent des quantités massives de données. Le Web 2.0 est un Web à l’écoute de ces « émissions de données ». L’évolution du Web (la version 3.0) est ainsi
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
13
Figure 2 – Carte heuristique des thèmes liés à la dimension technologique du Web 2.0
naturellement vue comme la marche vers une génération d’Internet
qui apprend, les machines devenant capables d’interpréter toutes les
données circulant sur le Web et émises par les utilisateurs.
Le Web 2.0 fait également référence dans les blogs à des technologies
centrées sur l’utilisateur. Cela signifie que l’ergonomie des interfaces est
soignée et rendue accessible par tous, mais également que les technologies permettent que les contenus soient générés par les utilisateurs.
LA RELATION
Une autre partie des références au Web 2.0 faite par les blogs et
forums concerne les questions des relations entre utilisateurs d’Internet (Figure 3).
Le Web 2.0 est vu comme réseau mais pas uniquement au sens
technique du terme : il s’agit plutôt d’un outil qui permet de générer
du lien social entre utilisateurs. Il laisse envisager des possibilités importantes d’expression et de modes de participation du citoyen ordinaire aux
changements du monde (au sens du citoyen activiste, dans l’action) et
ainsi des formes et des natures de réseaux sociaux divers et innovants.
Le Web 2.0 est également présenté comme une plateforme, c’est-àdire un support d’accueil de différents types de relations, permises
14
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Figure 3 – Carte heuristique des thèmes liés aux relations dans le Web 2.0
parce qu’il y a confiance et volonté de partager des choses entre utilisateurs présents sur la plateforme. Notons que ces relations sont
parfois décrites comme des formes de coopération ou de collaboration faibles et apparaissant de façon émergente dans des univers
non nécessairement gouvernés.
Les blogs décrivent donc le Web 2.0 comme une génération ambitieuse de l’Internet allant jusqu’à bouleverser les processus de formation des liens sociaux et de constitution de collectifs (communautés,
groupes, etc.). Ce bouleversement concerne jusqu’à l’individu dans
son intimité et la façon dont il peut se vivre tel qu’il se projette
sur le Web 2.0. Il peut y nouer des relations en y travestissant son
identité, s’y singulariser, y tester des relations aux autres, etc.
LES MODÈLES D’AFFAIRES
Les blogs traitent également assez naturellement la question des
modèles d’affaires (Figure 4).
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
15
Figure 4 – Carte heuristique des thèmes liés aux modèles d’affaires dans le Web 2.0
Deux questions sont récurrentes :
− Le Web 2.0 permet-il d’envisager des modèles d’affaires innovants ?
− Le Web 2.0 permet-il de renouveler les sources de création de
valeur ?
Différentes tentatives de caractérisation des modèles d’affaires sont
faites dont la plupart s’accordent sur le fait que le Web 2.0 conduit
à des modèles légers, c’est-à-dire simples et s’appuyant notamment
sur des monétisations de l’audience innovantes (par la publicité,
mais pas uniquement).
Les enjeux liés à la création de valeur sont perçus comme étant
situés au niveau du contrôle des données circulant sur le Web (et
générées pour la plupart par les utilisateurs) et donc au contrôle ou
à la mise en place des capteurs tels que définis plus haut.
INTELLIGENCE COLLECTIVE
L’utilisateur est placé au centre du Web 2.0. Il est donc élément
clef de génération de contenus et de données, comme vu précédemment. Il se crée de façon émergente des collectifs capables
d’œuvres collectives. Les blogs parlent d’un nouveau paradigme au
sens d’une rupture importante : des collectifs d’individus capables
d’intelligence collective (Figure 5).
16
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Figure 5 – Carte heuristique des thèmes liés à l’intelligence collective dans le Web 2.0
L’intelligence collective suggère que les collectifs sont capables d’apprentissages et c’est en ce sens qu’il y a rupture car c’est bien de
groupes se formant spontanément et de façon émergente dont il
est question et non d’organisations gouvernées pour lesquelles le
concept d’apprentissage organisationnel a déjà été étudié.
II. WEB 2.0 ET SI : DES APPLICATIONS MULTIPLES
AUTOUR DE PROPRIÉTÉS SPÉCIFIQUES
Nous avons souligné précédemment qu’il était difficile de trouver
une définition précise du Web 2.0. Nous proposons plutôt une
typologie des applications possibles qui sont rattachées au Web
2.0 et nous cherchons à déterminer leurs fonctionnalités majeures
qui traduisent les propriétés du concept. Cette typologie n’est pas
exhaustive et pourra être enrichie des innovations et des nouvelles
applications qui seront susceptibles d’apparaître. L’intérêt réside
dans l’identification des fonctionnalités permises par ces différentes
technologies qui peuvent impacter les organisations et les outils
de gestion. Cette première typologie est assez proche de certaines
qu’on peut retrouver dans la littérature académique. Les SI déjà
présents dans les organisations sont également à intégrer dans cette
réflexion d’adoption et d’appropriation de nouvelles applications.
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
17
Nous présentons donc les caractéristiques communes propres aux
applications du Web 2.0 du point de vue des SI.
TYPOLOGIE DES APPLICATIONS DU WEB 2.0
ET FONCTIONNALITÉS MAJEURES
L’expression « Web 2.0 » a été médiatisée en 2003 par Dale
Dougherty de la société O’Reilly Media. Ce dernier a suggéré que
le Web était dans une période de renaissance ou mutation, avec un
changement de paradigme et une évolution des modèles d’entreprise. Musser et O’Reilly (2006) contextualisent le Web 2.0 de la
manière suivante : “the business revolution in the computer industry
caused by the move to the Internet as platform, and an attempt to
understand the rules for success on that new platform. Chief among
those rules is this: build applications that harness network effects to get
better the more people use them”. Cette phrase souvent reprise dans
les articles montre que le Web 2.0 est d’abord et avant tout pensé
à partir des propriétés d’Internet et que la masse critique d’utilisateurs est une des conditions de succès des applications, sousentendant dès lors les concepts de « foule », « many-to-many », de
« collectif », etc. Il est également commun de considérer que le Web
2.0 est une évolution du Web première génération appelé 1.0 mais
cela signifie également que le Web 2.0 serait une phase de transition
vers un Web dit « 3.0 », appelé aussi parfois Web sémantique. On
serait alors en présence d’un stade d’évolution du Web qui ne serait
que transitoire vers le modèle idéal de l’entreprise agile. Pour revenir à notre recherche, les différences entre le Web 2.0 et le Web 1.0
sont synthétisées dans le tableau ci-dessous.
Le Web 2.0 ne peut se réduire à une technologie ou une partie d’un
SI tant il recouvre de nombreuses applications. De nombreuses
innovations apparaissent encore sous ce concept, que ce soit au
niveau des technologies, des langages de programmation, voire des
modèles d’affaires. Plusieurs applications matérialisent le concept
18
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Tableau 1 – Différences entre Web 1.0 et Web 2.0
Fonction
Web 2.0
Web 1.0
Liens
Statique
Dynamique
Focus sur l’usage :
architecture de réseau utilisée
pour le partage de fichiers
comme la vidéo, la musique
et des documents texte
Entreprise
Client serveur,
le fichier est stocké
sur un serveur
Communautés
Peer-to-peer,
les fichiers sont
distribués via
de nombreux PC
Standard
html
Xml
Adresse Web
Pages Internet
Blogs
Agrégation de contenu
Portals
RSS
Mise à jour de l’information
Rigidité
Syndication
Recherche
Répertoirestaxonomie
Tags-folksonomie
Données
Propriétaires
Partagées
Contenu
Via la publication
CMS
Via la participation
Wikis
(source : O’Reilly, 2005)
de Web 2.0 comme les flux RSS, les plateformes wikis, les blogs,
les réseaux sociaux, les mashups… On retrouve souvent les mêmes
types d’applications dans les différents travaux. Le point commun
est qu’elles reposent sur des technologies simples et légères fondées
sur les nouveaux standards et protocoles du Web (XML, Javascript,
Ajax, protocoles open sources…). Ces applications sont généralement
accessibles en ligne, possèdent un degré d’interopérabilité technique
assez développé et elles sont souvent hébergées en mode ASP1.
1 Application Service Provider. Ce phénomène s’amplifie avec maintenant le
développement du cloud-computing dans cette logique d’hébergement et d’accès hors du
périmètre de l’entreprise.
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
19
Il est donc très difficile de classer les applications du Web 2.0 car
nous sommes encore dans une phase d’innovation et de développement. Dans tous les cas, Internet apparaît comme une plateforme
de conception des applications et constitue une partie de l’essence
du concept de 2.0. Cela signifie que les applications du Web 2.0
reposent sur une logique de trajectoire technologique et d’usages
par rapport au Web 1.0. On peut néanmoins distinguer plusieurs
grandes fonctionnalités concernant les différentes applications au
niveau des entreprises à partir des différentes lectures et des cas
d’entreprises médiatisés par les cabinets de conseil et les SSII. Le
tableau ci-dessous recense les fonctionnalités et les applications
associées qu’on retrouve dans la plupart des articles académiques
et les classifications sur les différents supports consacrés au Web
2.0. Il est important de noter que certaines applications peuvent
conjuguer plusieurs fonctionnalités.
Cette typologie n’est pas exhaustive car l’innovation permanente
du Web 2.0 génère l’apparition permanente d’applications et les
usages ne sont pas encore stabilisés. Pour autant, il semble évident
que toutes les applications ne vont pas rencontrer le même succès dans les entreprises. L’histoire des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) démontre qu’après une phase
d’émergence de très nombreuses applications, les entreprises vont
en sélectionner et n’en conserver qu’une partie. Il est important de
bien comprendre dès lors quels seront les critères de succès de ces
applications pour les DSI. Un premier éclairage peut être réalisé à
partir des caractéristiques des applications du Web 2.0.
DES CARACTÉRISTIQUES COMMUNES DU POINT DE VUE DES SI
Pour comprendre quelles sont les technologies du Web 2.0 qui
vont être utilisées durablement dans les organisations, il est nécessaire d’approfondir la réflexion sur les caractéristiques intrinsèques
des applications sous l’angle des SI, en comprenant que l’individu
20
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Tableau 2 – Les fonctionnalités et les applications du Web 2.0
au niveau des entreprises
Fonctionnalités
Applications
Description
Communication
Outils de microet information en
blogging tels que
mode synchrone
Yammer, Twitter…
ou quasi-synchrone
Diffusion de messages et
d’information à des groupes
définis ou des communautés en
temps réel ou quasi-synchrone
Travail collaboratif
en mode
séquentiel et/ou
synchrone
Plateformes wikis,
Google sites, espaces
de travail collaboratifs
comme Basecamp…
Diffusion d’information, partage
et travail en temps asynchrone
ou synchrone de plusieurs
individus sur des documents
électroniques (interactivité des
échanges)
Agrégateurs de
contenus
Netvibes, flux
RSS, mashups,
folksonomie…
Agrégation de contenus
personnalisés et de veille sur
différents sujets, création
de métadonnées à partir de
plusieurs sources identifiées et
sélectionnées par les utilisateurs
selon leurs besoins et leurs
préférences. Une fois en ligne, ils
deviennent aussi des outils de
diffusion de l’information
Matching
relationnel
(intermédiation) et
social networking
Sites communautaires
et de rencontres
professionnelles
(Viadeo, LinkedIn,
Feedback 2.0…)
Diffusion et échanges
d’informations, de données
professionnelles, voire de
connaissances via des sites
spécialisés qui permettent une
fonction de rencontre à partir
de critères définis ou de centres
d’intérêts communs
Univers virtuels
(mondes
persistants),
serious games
Univers et espaces de
collaboration en 3D
comme Second Life,
There, Habo…
Plateformes relationnelles et de
simulation avec des projections
identitaires plus ou moins
conformes à la réalité des
individus selon les scénarios via
les avatars (v-learning…)
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
21
devient l’élément central de la réflexion, que ce soit en termes de
génération de contenus ou de besoins informationnels et de coordination. On peut identifier des invariants au niveau des caractéristiques du point de vue des SI.
D’une part, les applications 2.0 se situent dans un environnement
où les points d’accès sont multiples et non plus mono-poste, et
permettent ainsi une jonction continuelle entre l’organisation et les
individus dans un cadre de mobilité spatiale et temporelle étendu,
et cela bien au-delà des frontières de l’organisation. Cela signifie
également, dans la conception des applications et leur mode de diffusion, un détachement très marqué entre le support (hardware)
et les applications (software). On retrouve l’idée d’une logique de
l’accès (Rifkin et Saint Upéry, 2000) et de Web service, en opposition à une logique de propriété des biens. L’interopérabilité des
systèmes associée à la multiplication des points d’accès à Internet
renforce l’intérêt des applications hébergées sur le réseau pour les
utilisateurs. L’intégration des applications du Web 2.0 se fait donc
de manière simple et peu coûteuse pour les entreprises mais pose
la question du contrôle des applications et des outils de travail des
individus au sein de l’organisation2.
Ce point est important car il va déplacer la réflexion vers le développement et/ou l’assemblage de services qui peuvent constituer une
forme d’innovation pour les concepteurs ou les DSI qui deviennent
alors des agrégateurs d’applications dans un contexte organisationnel souvent singulier. Cela peut également questionner les droits
d’accès pour des applications hors des frontières de l’organisation et
la logique d’investissement dans des systèmes propriétaires souvent
coûteux et difficiles à mettre en place. Les possibilités de contournement des applications propriétaires, et donc de l’utilisation des
données et de leur traçabilité, peuvent poser des problèmes au sein
2 La notion de bureau nomade ou bureau virtuel est un thème de recherche actuel
chez plusieurs prestataires de service comme Orange par exemple.
22
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
des organisations en fonction de leur sensibilité, d’autant qu’il est
difficile de contrôler l’accès à certaines applications lorsqu’elles sont
hébergées sur des serveurs externes. Enfin, cela ouvre le champ à
une accessibilité étendue à partir de différents terminaux (tablettes,
portables, mobiles, etc.) mais nécessitant dès lors un travail sur
l’ergonomie compte tenu de la taille des écrans, de la portabilité du
terminal, de ses capacités techniques… Les problématiques d’interface hommes / machines doivent être repensées dans le cadre des
applications du Web 2.0 avec la question d’une éventuelle interface
unifiée et dynamique.
D’autre part, les applications du Web 2.0 généralisent un modèle
de co-conception en constante évolution au gré des innovations
techniques, souvent avec les utilisateurs qui sont intégrés dans certaines phases du développement. Cette caractéristique génère une
généralisation continue du versioning des applications, autrement
dit « la version bêta devient la règle ». Les fonctionnalités des
applications évoluent rapidement et ne sont pas stabilisées. Les
modules supports des applications dites 2.0 sont souvent légers et
relativement simples grâce aux nouveaux langages comme SOAP,
AJAX, REST… L’ergonomie des applications devient alors essentielle, ainsi que l’intuitivité des interfaces pour les utilisateurs car
l’appropriation doit se faire de manière très rapide et très simple,
l’objectif étant de minimiser les coûts d’entrée et d’apprentissage.
Cette ergonomie des applications du Web 2.0 s’appuie également
très largement sur les propriétés et le fonctionnement d’Internet : moteur de recherche, indexation automatique, ranking des
recherches selon des algorithmes, liens HTML, etc. La capacité
d’intuitivité3 devient dans cet ensemble un critère d’adoption et
d’appropriation très important chez les utilisateurs des applications du Web 2.0. L’utilisation à grande échelle d’Internet et la
3 L’intuitivité peut se définir comme « une proposition évidente en soi et qui ne
nécessite aucune démonstration » (encyclopédie Encarta).
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
23
diffusion de l’informatique ont contribué à formater les capacités
cognitives des utilisateurs et les dernières innovations renforcent
de nouvelles logiques d’appropriation des technologies (capteurs 3D, écrans tactiles, gestion automatique des droits d’accès,
etc.). Les utilisateurs d’applications du Web 2.0 doivent donc
être capables d’utiliser de manière très opérationnelle dès la première fois l’interface développée et sans avoir été nécessairement
formés au préalable. Les propriétés du Web 1.0 constituent aussi
une trajectoire technologique et une forme de dépendance du
sentier pour le Web 2.0, mais on peut aussi s’interroger sur le
fait que ce dernier ne se limite pas uniquement à des propriétés
techniques mais sous-tend de nouvelles logiques organisationnelles sur lesquelles nous reviendrons.
Le développement des applications du Web 2.0 se réalise actuellement par rapport aux interfaces déjà existantes qui ont généré
des effets d’apprentissage chez les utilisateurs. Ce phénomène est
accentué car les applications du Web 2.0 confirment aussi un
phénomène croissant et inéluctable, à savoir la pénétration et la
généralisation d’outils de la sphère domestique vers la sphère de
l’entreprise, ce qui constitue un retournement de logique important et une réelle problématique pour les DSI en matière de choix
de technologies. En effet, c’est l’utilisateur qui choisit sa solution
technologique ou du moins sa configuration, cette dernière étant
plus ou moins interopérable avec les autres applications, même
de conception propriétaire. Les effets d’apprentissage engendrés par l’utilisation d’applications domestiques transposées aux
organisations peuvent amener les individus dans une situation
de dépendance du sentier (Arthur, 1989) dont il est très difficile
de sortir en raison des coûts de verrouillage. Reste à savoir si
les applications du Web 2.0 peuvent atténuer ces coûts de verrouillage ou, au contraire, les renforcer bien que les standards
soient plus ouverts et que l’intuitivité devienne centrale dans la
24
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
conception des applications. Par ailleurs, la capacité de personnalisation est l’une des caractéristiques du Web 2.0, de même
que la possibilité laissée aux utilisateurs de générer du contenu
sans que ce dernier ne fasse forcément l’objet d’une validation
avant diffusion.
L’un des apports fondamentaux du Web 2.0 dans la conception
et le déploiement des SI réside dans la possibilité de maintien,
voire même d’émergence de constructions représentatives plurielles à moindre coût. Les différentes logiques existantes, ambiguës
et multiples, ne sont donc plus perçues comme des contraintes
qu’il convient d’optimiser pour arriver à une convergence de sens.
Certains travaux ont ainsi souligné la difficile adéquation de lier
le design de l’interface SI et les nombreux « styles cognitifs » des
utilisateurs (McCarthy, 2000). Il y a donc une accentuation du
déplacement de la logique d’adoption favorable aux utilisateurs :
c’est désormais les SI qui doivent s’adapter aux utilisateurs et
non l’inverse, logique qui prédominait encore largement jusqu’à
aujourd’hui. La variable la plus importante devient alors le besoin
de l’utilisateur mais cela soulève des questions en matière d’administration du réseau, de contrôle et de gestion des droits d’accès, de
format de données, de principes de sécurité en matière d’accès aux
données et de sauvegarde, etc. L’adoption d’applications du Web
2.0 est par ailleurs difficilement contrôlable dans les organisations
car il peut s’agir d’applications hébergées sur Internet accessibles
en ligne ou téléchargeables par les utilisateurs sur leur poste de
travail. On prête souvent dans les revues professionnelles et sites
dédiés une plus grande flexibilité aux applications relevant du Web
2.0. Il existe donc un réel risque de substitution, voire de concurrence avec les TIC déployées dans les organisations conduisant à
un effet millefeuille (Boukef et Kalika, 2006). Cette superposition
des applications peut entraîner des problèmes d’organisation, de
coordination et de management.
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
25
III. WEB 2.0 ET ENTREPRISE :
UNE REVUE DE LITTÉRATURE
Dans le cadre de cette recherche, nous avons réalisé une revue
de littérature académique essentiellement basée sur les travaux des
sciences de gestion. Cette première étape est indispensable pour
faire un état de l’art des travaux déjà réalisés sur le thème du Web
2.0 et identifier les problématiques déjà posées par les applications
dans les organisations. Cette revue de littérature a été également
l’objet d’une phase de mutualisation des connaissances entre les
différents participants au projet de recherche.
Dans une première partie, nous présentons la méthodologie de notre
revue de la littérature, puis les principaux résultats issus de cette
dernière. Cette première phase constitue une étape indispensable
pour élaborer notre grille d’analyse et définir les cas d’entreprises
intéressants pour mieux comprendre les aspects socio-organisationnels des usages du Web 2.0 dans les organisations.
PRÉSENTATION DE LA MÉTHODOLOGIE DE LA REVUE
DE LA LITTÉRATURE EN SCIENCES DE GESTION SUR LE WEB 2.0
La revue de littérature a été réalisée entre juin et décembre 2010
(première phase de notre recherche) sans mettre de limite de date
quant à la parution des articles. Nous avons réalisé cette première
phase à partir des bases de données académiques les plus utilisées
(Jstor, Proquest, Econlit, Cairn, Elsevier, Emeral, etc.). Les deux
principaux mots clés utilisés ont été « Web 2.0 » et « Entreprise
2.0 », en français et en anglais avec une recherche sur le titre, les
mots clés et le résumé des articles. Compte tenu de notre périmètre
de recherche, nous avons volontairement exclu les articles relevant
de la sphère des sciences de l’éducation où beaucoup d’articles
ont été réalisés, notamment sur la manière d’enseigner avec ces
nouveaux outils et sur l’évolution du profil des apprenants.
26
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Les articles ont tous fait l’objet systématiquement d’une fiche de
lecture et d’une classification dans les principaux thèmes autour du
Web 2.0 que nous avons sélectionné à partir des différentes lectures
et de leur récurrence. Nous avons ainsi identifié 7 thèmes à partir
de nos premières lectures pour classer les articles de recherche sur
le Web 2.0 : réseaux sociaux, organisation, management, marketing,
systèmes d’information, modèles d’affaires et divers (cette catégorie concerne des articles généralistes traitant de plusieurs thèmes
ou d’autres catégories que nous n’avons pas listés). Ces catégories
permettent d’englober l’ensemble des articles et couvrent également
des domaines de recherche bien identifiés en sciences de gestion
d’où leurs choix. Les articles ont été classés à partir d’un résumé
réalisé pour chaque fiche, identifiant les différents thèmes et les
mots clés sélectionnés par les auteurs. Le tableau en annexe recense
l’ensemble des articles et les différents thèmes pour chacun en distinguant le thème principal de l’article défini à partir du titre et du
résumé et les thèmes connexes. Ce tableau a été utilisé pour réaliser
un tableau de correspondances entre les différents thèmes abordés
afin de construire une cartographie des références bibliographiques
et de cerner les liens entre les thèmes du Web 2.0.
Notre recherche dans les bases de données montre que le Web 2.0
reste un concept émergent dans la littérature par rapport à d’autres
thèmes de recherche. On trouve plusieurs dizaines d’articles dans
les bases de données avec une approche méthodologique souvent
de nature qualitative (notamment beaucoup d’études de cas). Le
nombre relativement limité de références et l’utilisation majoritairement de ce type de méthodologie montre que la recherche est
encore à un stade exploratoire, à savoir la définition de concepts
clés et l’identification des problématiques posées par les applications
du Web 2.0. Peu d’articles sont parus dans les revues majeures des
différentes disciplines en sciences de gestion, que ce soit au niveau
national ou international, mais il faut tenir compte des délais des
7
1
2
Marketing
KM
Innovation
2
22
Divers
Total
Management
Modèles d’affaires
1
2
Organisation
SI
8
Réseaux sociaux
16
2
2
2
3
9
23
1
3
2
13
1
2
Réseaux
Organisation Marketing
Sociaux
10
1
1
7
1
1
KM
15
2
1
9
1
7
1
14
2
1
3
1
1
1
5
1
4
1
Management
5
3
1
1
2
BM
2
2
SI
1
2
3
Innovation
Tableau 3 – Tableau croisé des thèmes de recherche consacrés au Web 2.0
58
8
Divers
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
27
28
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
cycles de publication pouvant être de plusieurs mois, voire de plusieurs années. Nous avons cherché les liaisons entre les différents
thèmes dans les articles consacrés au Web 2.0 à partir des fiches
de lecture réalisées et qui sont dans la bibliographie de ce document. Ce travail nous a permis de réaliser un tableau croisé des
thématiques présenté ci-dessous. La lecture se fait en ligne pour
chaque thème listé. Par exemple, pour les huit articles classés dans
le thème « réseaux sociaux », deux d’entre eux évoquaient clairement le thème organisation et modèles d’affaires. Les liaisons avec
les thèmes connexes au thème principal ont été déterminées à partir de la lecture de chaque article, incluant l’importance donnée à
chaque autre thème, que cela soit au niveau de la problématique,
des hypothèses de recherche, de la méthodologie ou des résultats.
La revue de littérature réalisée permet de voir que le champ des
systèmes d’information s’est relativement peu emparé des questions posées par le développement et l’adoption des applications
du Web 2.0. L’une des explications réside dans la difficulté d’accès
au terrain étant donné la faible diffusion de ces applications dans
les organisations. On trouve plus de recherche (au sens quantitatif
du nombre d’articles) dans les champs du marketing, des réseaux
sociaux, de l’organisation et du Knowledge Management. La variété
des champs concernés par les applications du Web 2.0 illustre que
les problématiques sont plus d’ordre socio-organisationnel que
simplement techniques ou technologiques. On constate également
avec ce tableau que les articles évoquent plusieurs thèmes (jusqu’à
3 ou 4 pour certains) soulignant un aspect très transversal aux
applications du Web 2.0. Nous avons résumé les relations entre les
différents thèmes dans un schéma en partant du thème le plus cité
autre que le thème principal de l’article. Le graphique ci-dessous
résume les liaisons entre les différents thèmes de la revue de littérature. Les chiffres entre parenthèses recensent le nombre d’articles
classés dans le thème concerné.
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
29
Figure 6 – Relations entre les thèmes du Web 2.0 à partir de la revue de littérature
On constate avec la Figure 6 que le thème organisation est très
central aux différents articles traitant du Web 2.0. Cela confirme
bien que les problématiques du Web 2.0 s’inscrivent bien dans
une logique socio-organisationnelle et qu’elles dépassent souvent
la dimension des SI. Notre schéma met en évidence des thèmes
centraux comme l’innovation, l’organisation, les réseaux sociaux
et des associations assez logiques et intuitives entre les différents
thèmes concernant les applications du Web 2.0 : « marketing et
modèles d’affaires » ; « KM et management » ; « marketing et
réseaux sociaux ». La plupart des articles de la revue de littérature concernaient un ou plusieurs autres thèmes. Il y a très peu
d’articles concernant un seul thème. Cela signifie que le Web 2.0 a
une forte dimension transversale dans l’organisation et que la compréhension des mécanismes d’adoption et d’appropriation ne peut
se faire que dans une logique systémique. Nous proposons dans la
partie suivante une synthèse de chaque thème concernant le Web
2.0 à partir de nos fiches de lectures.
30
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
UNE SYNTHÈSE DE LA REVUE DE LITTÉRATURE PAR THÈMES
Comme nous l’avons mentionné précédemment, notre revue de
littérature montre qu’il y a peu d’articles en SI sur le Web 2.0 et que
les problématiques traitées restent relativement classiques par rapport aux autres générations de technologie. Quelques articles utilisent les modèles développés en SI, plus particulièrement le TAM
(Technology Acceptance Model), pour revisiter en quoi les propriétés des applications favorisent leur adoption et leur appropriation
par les utilisateurs. Les propriétés des applications influenceraient
positivement la facilité d’utilisation et d’utilité perçue par les utilisateurs (Shin, 2008 ; Shin et Kim, 2008). Bien que parfois considérées comme de simples variables modératrices dans les recherches,
elles contribuent à un élément essentiel du succès de la diffusion
des applications, à savoir l’atteinte très rapide d’une masse critique d’utilisateurs. Toutefois, les recherches menées sous un angle
SI indiquent que même si les propriétés des applications du Web
2.0 libèrent certaines contraintes du point de vue de l’utilisateur
individuel, le succès de l’implémentation repose sur les dimensions
organisationnelles et culturelles de l’entreprise (Trkman et Trkman,
2009). On retrouve des facteurs clés de succès classiques en SI (support de la direction, implication des utilisateurs dans la conception,
formation, etc.) pour les applications du Web 2.0. Elles ne se diffusent que lorsque leurs bénéfices dans les processus métiers sont
visibles mais elles renforcent également la dimension plus personnelle et individuelle des utilisateurs qui vont trouver un moyen de
reconnaissance et de légitimation supplémentaire quant à l’adoption de certaines technologies.
Le thème le plus développé d’un point de vue quantitatif en
nombre d’articles dans notre revue de littérature est celui du marketing. Les nombreuses possibilités offertes par les applications
du Web 2.0 ont permis de développer au niveau des entreprises
des services où l’utilisateur tient un rôle central, soit en tant que
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
31
producteur de contenu, soit en tant que maillon du réseau, voire
même en tant que promoteur de la marque ou du produit (Cooke
et Buckley, 2008 ; Eccleston et Griseri, 2008). Ce qui semble intéressant est que les applications du Web 2.0 facilitent le passage d’un
rôle à un autre. Le rôle central de l’individu a été accentué par le
développement des réseaux sociaux avec en toile de fond le besoin
de reconnaissance et d’estime des individus qui se traduit également par l’importance croissante des communautés d’utilisateurs.
Ces évolutions ne sont pas sans poser de problèmes en termes de
réputation et d’image car le degré de viralité des informations s’est
accentué et il est impossible pour les marques de contrôler tout ce
qui est dit sur elle (Viot, 2010). Certains travaux évoquent ainsi les
rôles de la confiance et des normes subjectives dans la diffusion et
le succès des applications du Web 2.0 (Shin, 2008). On peut également souligner la problématique récurrente dans certains articles
de la sécurité/confidentialité des informations (Ruchaud, 2006 ;
Viot, 2010), ainsi que celle du respect de la vie privée. Le droit doit
donc également évoluer pour accompagner la diffusion des données
dans certaines applications comme les réseaux sociaux.
Les propriétés des applications du Web 2.0 et l’évolution des techniques marketing sont à la base de nouveaux modèles d’affaires dont
on peut trouver parfois des typologies (Wirt et al., 2010) : génération de contenus, assemblage de données diverses, mise en relation
et intermédiation, etc. On peut citer l’exemple des plateformes two
sided market, des sites proposant des offres de niches avec le principe de la long tail (Anderson, 2006) ou des sites s’appuyant sur
les réseaux sociaux. Le second point concerne l’implication et la
meilleure prise en compte des consommateurs dans le processus de
génération d’idées et d’évolution des produits ou services à partir
de plateformes sur Internet telles que Ideastorm de Dell ou Connect
and Develop de Procter & Gamble. Certains consommateurs sont
également impliqués dans la construction de messages publicitaires
32
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
au niveau de la communication (Mencarelli et Pulh, 2009). Ces
évolutions s’inscrivent dans le mouvement d’Open Innovation qui
consiste à impliquer à certaines étapes clés du processus d’innovation,
les individus disposant des compétences appropriées (Chakravorti,
2010). Les individus deviennent alors des participants actifs dans
le processus de conception ou d’évolution du produit ou du service, ce qui doit se traduire par un engagement plus fort vis-à-vis
de la marque et une meilleure analyse et prise en compte des tendances pour les entreprises. Ces dernières doivent néanmoins adapter
leurs processus internes (incitations, transparence, communication
interne…) afin que les individus participent aux outils mis en place
(Chakravorti, 2010). Enfin, la diffusion croissante des applications
du Web 2.0 nécessite une évolution des outils du marketing, que
ce soit en termes d’études ou bien d’analyse du comportement du
consommateur avec une approche favorisant la dimension qualitative
et ethnographique. L’apparition de techniques telles que la « netnographie » (Kozinets, 2002), qui consiste à écouter les échanges au
sein des communautés virtuelles et des réseaux sociaux, constitue un
exemple parmi d’autres. Les entreprises doivent alors passer d’une
posture de questionnement à une posture d’écoute avec de nouvelles
méthodes d’études mixant les approches qualitatives et quantitatives
(Cooke, 2008 ; Laurent, 2008).
Quelques articles concernent l’impact des applications du Web 2.0
sur le processus d’innovation avec une vision très positive quant
à leurs conséquences sur ce dernier. Elles sont considérées comme
procurant une amélioration des processus internes de développement des innovations, notamment dans les phases amont (Dahan
et al., 2010) comme la génération d’idées, l’identification des
signaux faibles et des tendances émergentes, etc., mais elles ne font
pas une intégration complète du processus d’innovation. L’un des
avantages souvent cités repose sur l’utilisation du principe de la
foule (Surowiecki, 2004) et du « crowdsourcing » en faisant appel
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
33
aux clients ou à des acteurs externes à l’organisation pour générer
ou sélectionner les idées les plus pertinentes (concept de créativité
collaborative). On retrouve une hypothèse forte dans les apports du
Web 2.0 et ses applications, à savoir que la créativité serait meilleure
à partir du moment où l’organisation fait appel à l’intelligence collective reposant donc sur une masse critique de participants et une
diversité des profils impliqués. Le second aspect relève d’une dimension de partage et de création des connaissances de type Knowledge
Management (Caby-Guillet et al., 2009 ; Ribière et Tuggle, 2010).
Les processus d’innovation s’avèrent être ainsi plus efficaces avec
la dimension collaborative des applications du Web 2.0 : certaines
telles que les wikis permettent un meilleur partage des informations entre les différents acteurs du processus d’innovation (capitalisation et diffusion des connaissances tacites et explicites), mais
peuvent être aussi à l’origine de l’émergence d’informations et de
nouvelles connaissances, voire même de nouvelles connexions entre
les acteurs. Les applications du Web 2.0 apparaissent alors comme
étant des facilitateurs du processus d’innovation, que ce soit au
niveau de la vitesse du processus, de l’échelle de la recherche ou de
sa flexibilité (Dahan et al., 2010).
Sur la thématique du management et du Web 2.0, on trouve assez
peu d’articles traitant directement du thème dans les revues académiques. Toutefois, les autres articles de notre revue de littérature
abordent souvent le management comme un élément explicatif de
l’adoption et du succès des applications, notamment en questionnant le rôle des managers, de la direction et la culture de l’entreprise. Les réflexions portent notamment sur deux points. Le premier
concerne le passage d’un management d’individus ou d’équipes vers
le management de groupes ou de communautés avec la remise en
cause de certains principes ou d’éléments traditionnels aux organisations (la hiérarchie, les incitations, les méthodes d’animation, les
indicateurs de performance, etc.). Cela peut faire évoluer les rôles
34
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
des managers dans les organisations qui doivent être capables de
se muer selon les situations de gestion en gestionnaire de groupes,
modérateur, porte-parole, etc. Le second point concerne la remise
en cause du lien hiérarchique et de subordination entre l’entreprise
et le salarié. La notion d’entreprise est donc réinterrogée au travers
des évolutions possibles issues du Web 2.0, comme le crowdsourcing ou le développement de l’Open Innovation à partir de certaines
technologies. La relation de salariat traditionnelle basée sur la hiérarchie et le contrat de travail peut être susceptible d’évoluer vers
des formes plus flexibles et mieux adaptées à la dilution des frontières de la firme (multisalariat, contrats à durée déterminée, etc.).
On voit donc réapparaître un débat lié à l’apparition des TIC dans
les organisations et reposant sur les concepts de coûts de transaction et de théorie de l’agence. Ces deux phénomènes sont accentués
par l’arrivée également de la génération « digital natives » dans les
entreprises. Au final, l’entreprise dite « 2.0 » serait donc la concrétisation de ses évolutions managériales associant les technologies et
la remise en cause de certains principes de management.
L’une des thématiques centrales dans notre revue de littérature
porte sur les modèles d’affaires qui sont liés au Web 2.0 avec un lien
récurrent avec la thématique du marketing. La question centrale et
récurrente demeure la création de valeur dans une « économie de
la gratuité » et où il est nécessaire de monétiser au bon endroit
de la chaîne de valeur le service offert (Chen, 2009). Cette question est d’autant plus importante que des doutes subsistent encore
sur la viabilité économique de certains modèles d’affaires. Plusieurs
articles suggèrent que les applications liées au Web 2.0 s’appuient
sur des modèles d’affaires déjà existants avec les TIC (modèle de
courtage avec le crowdsourcing, de l’infomédiaire, modèle communautaire…) mais multipliant les opportunités d’affaires (Beuscart
et Mellet, 2008). Les possibilités de combiner plusieurs applications
au sein d’une même et unique plateforme pour fournir un service
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
35
permettent de faciliter la monétisation des services proposés avec
une adaptation aux besoins de chaque utilisateur (exemple des two
sided markets, création de contenus par et pour les utilisateurs,
l’identification et l’accroissement des liens faibles…). Les propriétés des plateformes et des applications comme les externalités de
réseau, le rating des utilisateurs, les folksonomies, le principe de la
« long tail » (Anderson, 2006), etc. sont également des opportunités
pour la mise en place de modèles d’affaires centrés sur des niches
ou des services particuliers mieux adaptés parfois à une hypersegmentation au niveau des consommateurs. En revanche, d’autres
reposent sur une masse critique d’utilisateurs (fondés sur les revenus publicitaires…), ce qui conditionne des stratégies spécifiques
pour générer une audience importante et rapidement.
Les réseaux sociaux apparaissent comme l’un des thèmes les plus
importants dans notre revue de littérature, que ce soit au niveau
du nombre d’articles qui traitent directement du sujet ou y faisant référence. La question centrale est leur transposition dans une
organisation hiérarchique et les motivations sous-jacentes à leur
utilisation par les membres. Les réseaux sociaux dont les supports
sont des applications du Web 2.0 par les applications du Web 2.0
font apparaître des logiques d’acteurs non visibles par l’organisation, notamment avec la multiplication des liens faibles, ce qui
signifie également qu’il n’y a pas de superposition exacte avec les
réseaux sociaux existants. De plus, les réseaux sociaux comportent
une forte dimension collaborative et de partage des connaissances
avec une approche décloisonnée qui peut perturber les managers.
Le développement de ces applications réinterroge les pratiques
de travail dans les organisations, voire même la culture managériale. En effet, les acteurs peuvent passer un temps important sur
les réseaux sociaux, ce qui soulève les questions de leur productivité (les échanges favorisent-ils l’atteinte des objectifs assignés
au poste ? etc.), des incitations (importance de la réputation…),
36
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
de la motivation à collaborer entre les individus (appartenance à
un groupe ou une communauté…). La structuration des réseaux
sociaux devient donc centrale dans les organisations qui doivent
maintenir une dynamique en trouvant un équilibre entre la multiplication des réseaux formels et informels et un nombre suffisamment important de participants pour la pérennité de chaque
réseau. Les réseaux sociaux sont vus également comme un espace
de convergence des motivations professionnelles et personnelles des
individus (Aguiton et Cardon, 2007). Les différents rôles sociaux
des individus se trouvent ainsi mélangés et interagissent au gré
des interactions et des situations. Dans certains cas, la représentation présente alors un caractère distinctif par son alimentation
(Facebook, Viadeo, etc.). On peut dès lors constater en parallèle le
déplacement d’une identité déclarative à une identité calculée qui se
manifeste par des variables quantitatives (nombre d’amis, nombre
de groupes d’appartenance, etc.) issues du système (Georges, 2009).
D’après notre revue de littérature, l’organisation est la thématique
centrale (cf. Figure 6). De très nombreux articles suggèrent ainsi
que les applications du Web 2.0, même si elles sont destinées à des
objectifs précis, impliquent une évolution de l’organisation. Nous
avons regroupé dans cette thématique les articles qui font de l’organisation un point central et qui abordent souvent plusieurs thèmes
en montrant les relations entre chacun. Certains articles évoquent
ainsi le concept « d’entreprise 2.0 » qui apparaît comme un modèle
idéal (Wijaya et al., 2010) où l’avantage concurrentiel serait basé sur
l’innovation, la productivité et la flexibilité issues des applications du
Web 2.0. La compréhension de la performance et de l’appropriation
des applications ne peut se faire que dans une logique systémique
et à partir du moment où l’organisation s’est également adaptée.
Certains articles basés sur l’organisation évoquent aussi la possibilité
d’aboutir à de nouveaux agencements organisationnels (Adebanjo et
Michaelides, 2010), aussi bien sur les dimensions temporelles que
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
37
spatiales, les mondes virtuels tels que Second Life étant un exemple
poussé de la virtualisation de ces agencements. Les applications du
Web 2.0 permettraient alors de maintenir des niveaux de coordination
et de décentralisation de l’autorité suffisant pour reconfigurer les
organisations selon les besoins de leur environnement. L’organisation
serait donc en perpétuelle optimisation afin de maintenir son avantage concurrentiel avec comme logique celle de l’alignement entre la
stratégie, les objectifs et les ressources (d’autant plus lorsqu’elles sont
immatérielles comme les connaissances ou les compétences). Bien
que les articles faisant référence à l’organisation en thèmes annexes
soient parmi les plus nombreux dans notre classification, on trouve
toutefois peu de recherches sur l’opérationnalisation de la reconfiguration des organisations et les retours en termes de performance
de la mise en place des applications du Web 2.0.
Le dernier thème de notre revue de littérature, et l’un des plus
développés, est celui du Knowledge Management (KM). La connaissance est devenue un actif stratégique que les entreprises doivent
savoir gérer car elle peut être à la base d’un avantage concurrentiel (Davenport and Prusak, 1998). Plusieurs recherches ont été
menées pour montrer l’apport des TIC (Intranet, groupwares, bases
de données, etc.) dans la gestion des connaissances avec le constat
que cela ne fonctionne que partiellement ou dans certaines configurations pour des raisons souvent évoquées au niveau des technologies (temps, formation, perception des risques, etc.). Quelques
recherches soulignent que les barrières restent les mêmes pour les
applications du Web 2.0 bien qu’elles puissent paraître plus faciles
à utiliser (Paroutis et Al Saleh, 2009). En revanche, les articles de
notre revue de littérature sur ce thème considèrent que les technologies Web 2.0 peuvent faciliter la capitalisation et les échanges
de connaissances (Mielnik et Félix, 2008) en permettant une meilleure reconnaissance des individus à partir de mécanismes non
monétaires (Paroutis et Al Saleh, 2009). On retrouve une approche
38
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
similaire à l’engagement des acteurs dans les réseaux sociaux où le
rôle de la confiance est essentiel (Grabner-Kraüter, 2010) ainsi que
le principe de la participation d’un grand nombre d’acteurs. Audelà de la simple dimension technique qui se trouve simplifiée, les
applications du Web 2.0, par leur facilité d’utilisation et la visibilité
des actions qu’elles peuvent apporter aux utilisateurs, contribuent
à des dispositifs de management de connaissances plus souples,
moins coûteux et plus simples à mettre en place pour les organisations (Razmerita et al., 2009). Les fonctions de codification, de
partage, de collaboration et d’échange de connaissances se trouvent
ainsi facilitées par les propriétés des applications du Web 2.0 (extranet, plateforme wiki…) qui mettent l’accent sur le contenu, notamment lorsqu’il est créé par les individus (Razmerita et al., 2009 ;
Boateng et al., 2010). Certains articles évoquent même le rôle joué
par ces dispositifs de gestion des connaissances dans le développement des innovations car elles facilitent les échanges et partages
de connaissances entre les acteurs à certains stades du processus
(Ribière et Tuggle, 2010). Pour autant, l’organisation doit piloter
la mise en place des dispositifs de KM pour arriver à une capitalisation des connaissances efficace (Lévy, 2009). Le rôle du management et la diffusion d’une culture de la gestion du KM s’avèrent
également deux leviers importants pour garantir une capitalisation
des connaissances et l’actionnabilité des savoirs au travers des différents dispositifs mis en place (Mielnik et Félix, 2008).
En conclusion, notre revue de littérature souligne d’abord que le
Web 2.0 ne peut être décrit sur sa seule dimension technologique.
Même si l’on peut associer le concept à certaines innovations
technologiques, le plus important réside dans le caractère très
transversal des technologies, tant au niveau des usages (échange
de données, communication synchrone, capitalisation des connaissances, génération et enrichissement de contenus par les utilisateurs, etc.) que des technologies à proprement parler (mondes
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
39
virtuels, blogs, wikis, flux RSS, etc.). Bien que le mouvement soit
déjà amorcé dans certains travaux antérieurs propres aux SI et
aux TIC, le Web 2.0 place les individus et leurs interactions au
cœur de l’analyse des organisations, tout en réinterrogeant certains mythes de management qui sont parfois des fondamentaux
au sein des organisations (la hiérarchie, le contrôle et la supervision, le management par objectifs).
Le Web 2.0 apparaît donc au travers de sa dimension très transversale dans nos thématiques comme n’étant plus seulement une
représentation formalisée d’un fonctionnement organisationnel
mais également comme un levier de pilotage et d’évolution de
l’organisation dans une logique moins hiérarchisée et plus centrée
sur les individus ou les groupes/communautés. Cela n’est pas sans
conséquence sur l’instrumentation gestionnaire qui en découle et
sur le fait de devoir gérer plusieurs logiques d’acteurs ou de groupes
d’acteurs simultanément tout en garantissant une nécessaire coordination pour atteindre les objectifs stratégiques fixés par le management. Par exemple, on pourrait faire l’hypothèse que le savoir
combiné (Hatchuel et Weil, 1992) deviendrait une capacité organisationnelle des entreprises avec comme support les technologies du
Web 2.0. Ce concept confirme également le caractère structurant
des Technologies de l’Information et de la Communication pouvant aboutir à une nouvelle structure organisationnelle basée sur de
nouveaux agencements qui ne sont pas forcément pensés au départ
par les managers car ils reposent sur les individus et leurs interactions dans un système qui n’est pas forcément celui de l’entreprise
(identification, relation de pouvoir, incitation, etc.).
MANY-TO-MANY : D’UNE NOTION D’ANALYSE DES SYSTÈMES
À UNE CARACTÉRISATION DES ÉCHANGES SUR LE WEB
La revue de littérature nous montre que le Web 2.0 soulève des
questions autour des groupes et des communautés (cf. thèmes du
40
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
marketing, des réseaux sociaux, de l’innovation, etc.). Comment les
individus sont-ils en relation et échangent-ils au sein des groupes et
des communautés, et plus précisément comment ces communautés
interagissent entre elles ? Les relations entre individus-machinesgroupes sont plus difficiles à comprendre pour le manager et
donnent lieu à l’apparition de systèmes complexes. Pour répondre
à ces questions et afin de mieux modéliser ces relations et échanges
et de comprendre les impacts du Web 2.0 dans l’entreprise, nous
privilégions une approche fondée sur l’analyse des systèmes :
« many-to-many ».
Des relations et des échanges
Le modèle de relations entre entités (Entity Relationship
Model) permet de représenter les relations et les échanges qui
peuvent avoir lieu dans un système (Ramakrishnan et al., 2002 ;
Pin-Shan Chen, 1976). L’intérêt de ce modèle repose sur le fait
qu’il ne simplifie pas les relations et les échanges au niveau des
individus, mais il établit des niveaux différents d’interaction entre
différentes « entités ». Dans la littérature des systèmes, une entité
correspond à un individu. Un individu possède dans son cerveau
des informations, lesquelles peuvent être échangées par le moyen
d’un ordinateur. L’ensemble « ordinateur et individu » est appelé
ensemble d’entités (entity set). Dans un premier temps, nous imaginons des relations à l’intérieur d’une entreprise des ensembles
d’entités. Dans un deuxième temps, chaque individu et son ordinateur font partie d’un projet, d’un département et d’une entreprise. Nous retrouvons cette relation dans le graphique ci-dessous
comme du 1-to-one. Chaque point correspond, par exemple, à
un individu et son ordinateur et le grand cercle ovale correspond
à un projet, un ensemble d’entités de deuxième niveau. La ligne
correspond à des relations. Il peut y avoir des relations bilatérales entre deux ensembles d’entités, dans le cas de deux projets
différents par exemple.
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
41
Figure 7 – Les différents types de relations entre entités (Ramakrishnan et Gehrke,
2002)
Les relations 1-to-many et many-to-1 correspondent également à
des relations unilatérales. Par exemple, une entreprise qui fait de la
communication en masse et qui ne reçoit aucun retour des clients
serait en relation 1-to-many. Ainsi un segment du marché qui
reçoit des communications des différentes entreprises serait quant
à lui un cas de many-to-1. Si nous transposons ce type de relation
au niveau de l’entreprise, l’absence de réciprocité dans les relations
et les échanges ne favorise pas le développement de l’intelligence
collective.
La relation « many-to-many » devient intéressante dans le sens où
elle nous permet d’établir des niveaux différents des relations et des
échanges qui peuvent avoir lieu dans une entreprise Web 2.0. Par
exemple, chaque point du groupe à droite serait un ensemble d’entités formé par des départements d’une entreprise et chaque point
du groupe à gauche serait un ensemble d’entités représentant un
segment différent du marché. Dans cette relation, les échanges sont
multilatéraux et donnent lieu à une multiplication des informations
échangées, favorisant ainsi l’intelligence collective (Weik et Roberts,
1993 ; McAfee, 2009).
42
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Many-to-many : la gestion des flux entre communautés
Comme nous l’avons indiqué précédemment, un nombre important d’articles traitant du Web 2.0 provient du marketing. Les
apports du marketing sont multiples et ils prennent leur racine justement dans la notion many-to-many. L’utilisateur des technologies
n’est plus appréhendé comme un utilisateur passif, mais comme un
ensemble d’entités qui interagissent.
Le modèle conceptuel de Hoffman et Novak (1997) sur la gestion
des flux des informations dans l’entreprise 2.0 met en lumière le
fait que :
− une expérience dans l’utilisation des technologies Web sera plus
positive s’il existe une congruence entre les capacités techniques
à manœuvrer l’application et le « challenge » de participer à
quelque chose de nouveau, ainsi que l’interactivité du site et la
vivacité ;
− la façon dont les informations sont recueillies va affecter le flux
des informations ;
− les résultats obtenus par l’utilisateur vont influencer sa motivation à s’engager dans des participations futures.
Dans cette optique, ce qui devient crucial est la multiplication des
échanges et des relations dans un système et la gestion des flux
des informations issus des relations et d’échanges many-to-many.
La création de valeur de ces relations many-to-many se déroule
principalement dans l’interaction entre les différentes communautés
qui sont présentes dans une entreprise (Brown et Duguid, 1991).
Comme nous le verrons plus tard, l’enjeu pour l’entreprise est de
maintenir un niveau de participation élevé entre une multitude
et une diversité d’acteurs, de gérer les informations issues de
l’intersection entre les différentes communautés, de les transformer
en une intelligence collective qui sera source de création de la
valeur pour l’entreprise. Le Web 2.0 devient alors une question de
management des relations « many-to-many ».
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
43
IV. SYNTHÈSE DE LA PARTIE I :
LES QUATRE VISAGES DU WEB 2.0
Notre première approche pour appréhender les problématiques
autour du concept « Web 2.0 » a permis d’identifier quatre visages
de ce dernier :
LE WEB 2.0 ET L’ENTREPRISE : L’IMAGE DE LA PLATEFORME
Une grande proportion des travaux se situe dans cette perspective : l’entreprise 2.0 est celle qui utilise les outils du Web 2.0. C’est
l’approche de McAfee : “I coined the term Enterprise 2.0 to describe
how these same technologies [Web 2.0 technologies] could be used on
organizations’ intranets and extranets, and to convey the impact they
would have on business” (2009, p. 1). Ce point de vue part donc des
technologies et outils du Web 2.0 et analyse les possibilités et les
conséquences de leur utilisation en entreprise : Web services, blogs,
flux RSS, wikis, podcasts, social networking, peer-to-peer, mashups4,
sont les principaux, mais la liste n’est pas exhaustive.
Le Web 2.0 étant présenté comme “Web as a platform”, il est naturel que l’image de la plateforme soit l’une des images de base pour
faire comprendre le concept d’entreprise 2.0. Si l’on suit Musser
et O’Reilly (2006), « Internet comme plateforme » est un modèle
dans lequel il est central de proposer des applications qui maximisent les effets de réseau, c’est-à-dire qui fonctionnent d’autant
mieux que le nombre d’utilisateurs est important. Néanmoins, dans
la plupart des travaux, l’image de la plateforme n’est pas explicitement transposée à l’entreprise : il n’est pourtant pas équivalent de
dire que l’entreprise 2.0 est celle qui utilise les outils du Web 2.0
4 Cette liste est celle retenue par McKinsey dans une étude de 2008 (McKinsey
Quaterly, juin 2008) dont nous avons repris quelques chiffres en introduction. On peut,
avec McAfee (2009), augmenter cette liste : Twitter, Facebook et autres Delicious relèvent
de fonctionnalités de communication, de mutualisation, de « taggage » qui signent
également le Web 2.0.
44
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
et de dire que l’entreprise 2.0 est une organisation qui fonctionne
sur un mode « plateforme ». Appliqué à l’entreprise, ce modèle est
néanmoins séduisant et renouvelle l’idéal-type de l’espace de travail : les organisations seraient constituées d’un ensemble de plateformes sur lesquelles se concrétiserait une partie importante des
échanges, elles seraient supports et vecteurs des différents processus
et projets, offrant la possibilité de multiplier les transactions de tout
ordre tout en minimisant leur coût. La plateforme est une image
puissante : démultiplication du nombre de participants, variété
des contributions et des modes d’échange et de mutualisation,
crowdsourcing généralisé : l’entreprise moderne est un ensemble
de plateformes internes ou partagées avec d’autres organisations.
La plateforme peut être un lieu de conception : des agencements
spécifiques, les plateaux techniques existent par exemple depuis de
nombreuses années dans certaines industries comme l’automobile
(Midler, 1993 ; Weil, 1999). La plateforme est aussi une stratégie :
Cusumano et Gawer (2002) en ont fait la démonstration sur le cas
d’lntel ; Apple a montré la puissance du couplage entre un objet
nomade et une plateforme de distribution d’applications conçues
par des développeurs de tous horizons.
Un autre aspect de la puissance du concept de plateforme est dans
l’harmonisation des langages que son utilisation suppose. Il a été
montré que cette harmonisation constituait l’un des effets ou des
présupposés classiques des projets de SI (David et Pallez, 2001).
L’étude des points communs et des différences entre ce que suppose
le Web 2.0 et ce qui correspond à une logique 1.0 sort du périmètre
du présent rapport, mais il serait erroné de penser que, sous prétexte d’une liberté des contenus et des modes d’échange, il n’existe
pas d’harmonisation des protocoles et des pratiques : la plateforme
impose nécessairement une grammaire des échanges, même si une
partie des usages et des règles se crée au fur et à mesure que la
variété des utilisations et le nombre d’utilisateurs s’accroissent.
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
45
LE 2.0 COMME LA POSSIBILITÉ D’UN RÉSEAU COMPLET
DE COMMUNICATION : L’IMAGE DU « MANY-TO-MANY »
Le 2.0 est souvent associé au « many-to-many » : c’est précisément ce que le Web 2.0, d’un point de vue purement technique,
permet de faire. Grâce à une architecture logicielle adaptée, de multiples interactions peuvent avoir lieu au sein d’un ensemble potentiellement très important et très dispersé d’acteurs. En pratique,
sauf à ce que le nombre de participants soit relativement faible,
il est difficile d’imaginer que chacun reste en liaison avec tous sur
une période de temps importante. Si, par exemple, une organisation utilise Yammer5, il est difficile de gérer des groupes de plus de
quelques dizaines de participants, sauf à imaginer une grammaire
plus sophistiquée, avec différents groupes et sous-groupes constitués selon un certain nombre de règles6.
La logique du « many-to-many » est très cohérente avec l’idée de
plateforme. Néanmoins qui dit plateforme Web ne dit pas nécessairement plateforme dans ou pour l’entreprise : en ce sens, définir
l’entreprise 2.0 à partir du « many-to-many » est moins spécifique,
moins d’hypothèses sont faites a priori sur la structure des collectifs
concernés. Au-delà de la simplicité apparente de la formule, il est
aisé de repérer toute une variété de schémas possibles : 1-to-many,
many-to-1, 1 to 1 to 1 to… (n fois), many-to-many (d’autres),
many-to-many (les mêmes), etc. Le « many-to-many », transposé
de possibilités techniques qui témoignent de la sophistication de
l’informatique moderne, risque au contraire de paraître, une fois
5 Fil de discussion analogue à Twitter, où chacun, à la base, dit sur quoi il est en
train de travailler, et qui suppose que les inscrits au fil partagent une même extension
dans leur adresse de courrier électronique. Notons que la version payante de plateformes
comme Yammer inclut une gestion des groupes et des accès plus sophistiquée que la version gratuite de base
6 Nous reviendrons sur ce point plus tard, à propos de la modélisation des groupes
complexes.
46
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
transposé au fonctionnement des organisations, extrêmement simpliste : non seulement les formes effectives des réseaux concrètement observables ne se réduisent pas à la simple mise en relation
de « beaucoup à beaucoup », mais la relation entre deux ou plusieurs points du réseau ne se réduit pas au fait qu’elle existe ou
non. Les relations, au sein d’une organisation sociale sophistiquée, peuvent par exemple être déclinées en mandat (je demande
à quelqu’un de faire quelque chose pour moi), entremise (je suis
un tiers de confiance entre deux personnes), orchestration (j’organise un événement collectif) et wiki (nous construisons ensemble
et progressivement un objet commun)7.
LE 2.0 COMME GÉNÉRALISATION DU COLLABORATIF :
L’IMAGE DU COMMUNAUTAIRE
L’image de la plateforme, dans les travaux sur le 2.0, va revenir
par le principe de généralisation du collaboratif : McAfee intitule
la première partie de son ouvrage “Enterprise 2.0: the power of
technology-enabled collaboration”. La technologie permet des accès
directs et instantanés à toute personne dont la collaboration pourrait s’avérer pertinente. Dans l’idéal type du 2.0, toute personne
de l’entreprise est susceptible de participer. L’infrastructure réticulaire ainsi conçue peut accueillir la structure formelle, officielle,
comme un sous-ensemble particulier de liens, mais la signature
organisationnelle du 2.0, en tant que porteur d’une collaboration généralisée est davantage la communauté que la hiérarchie :
communautés de pratique, communautés épistémiques, mais
aussi tout type de communauté provisoire – les flash mobs pourraient en être une concrétisation extrême – se trouvent remises
7 Cette déclinaison est tirée de travaux menés par la RATP, en collaboration avec
le Centre de Gestion Scientifique de Mines Paristech, lors d’ateliers de conception innovante sur « le métro du 21e siècle », en décembre 2006. Voir Amar, G. (2007), Le métro du
21e siècle, Département du Développement et de l’Action Territoriale, RATP, avril.
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
47
au premier plan et relégitimées par la logique du 2.0. Certains
ouvrages récents comme Organisation 2.0 (Roulleaux Dugage,
2008) structurent leur argumentation autour des communautés :
ils présentent tout d’abord la collaboration comme « la voie de
la confiance » (p. 61), puis les outils de collaboration comme la
technologie de cette confiance (p. 73), pour ensuite décrire les
réseaux et les communautés comme « les structures sociales de la
confiance » (p. 91) et aborder la façon de faire vivre au quotidien
ces réseaux et communautés (p. 131 et suiv.). Plus fondamentalement, Benkeltoum (2009) a montré que les communautés open
source relevaient d’une double généalogie : les économies de la
solidarité et les systèmes de production distribuée. Ce qui est vrai
pour les communautés open source pourrait, par hypothèse, s’appliquer au communautaire du 2.0, mais de tels fonctionnements
ne se décrètent pas, pas plus que les communautés de pratiques
telles qu’analysées par Orr (1987). L’hypothèse selon laquelle les
pratiques communautaires ne se décrètent pas est cohérente avec
l’importance que les travaux académiques accordent à l’émergent
dans la logique du 2.0.
LE 2.0 COMME RÉINTRODUCTION DE L’ÉMERGENT
AU CŒUR DES PROCESSUS : L’IMAGE DE LA STRUCTURE
INFORMELLE, AUTO-RECONFIGURABLE ET ÉVOLUTIVE
Les travaux sur le Web 2.0 ou l’entreprise 2.0 mettent fortement l’accent sur la possibilité qu’offrent les outils du Web 2.0 de
faire émerger « naturellement » les structures pertinentes : les vertus de la libre participation et les capacités des outils à tracer, guider, répertorier, mémoriser les échanges constitueraient ensemble
une « fabrique » d’agencements organisationnels d’un nouveau
genre. Cette structure émergente serait informelle, auto-reconfigurable, évolutive. L’image est un condensé de mythes rationnels
(Hatchuel, 2001) : la structure apprenante, agile, flexible, lean (en
48
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Deux exemples de structuration des groupes
par les échanges informels
L’un des meilleurs exemples de ce phénomène est celui décrit par
Labov dans son ouvrage sur Le parler ordinaire (1977) à propos
des insultes rituelles au sein des groupes de jeunes de certains
quartiers : il y a une correspondance étroite entre la place de chacun dans le groupe et sa capacité à « vanner ». Plus le niveau des
« vannes » est élevé, plus haute est la place au sein de groupe, le
leader du groupe étant le meilleur vanneur.
On retrouve ces phénomènes de structuration émergente d’un
groupe dans les forums de discussion de certains sites communautaires : les positions respectives au sein du « groupe » sont
construites progressivement en fonction des contributions et
commentaires des uns et des autres. On trouvera de tels échanges
sur des sites comme www.audiofanzine.fr : batailles d’experts,
contestations de légitimité, connaissance scientifique contre intuition musicale, contestations de la conformité des contributions
au thème du fil de discussion, mais aussi transmission d’expérience, plaisir de se retrouver autour de tel ou tel instrument
« mythique », expression de sentiments de divers ordres, dont le
sentiment communautaire. À titre d’exemple, un fil de discussion à propos de la réédition possible, 20 ans après, d’un ouvrage
sur un clavier électronique légendaire des années 80 a comptabilisé plus de mille contributions. Si les échanges sont riches en
connaissances et expertises, le fil de discussion une fois clos peut
être considéré comme un processus d’exploration et de résolution
de problèmes en même temps qu’un processus de constitution de
la structure relationnelle en rapport.
Web 2.0 et organisations : une problématique complexe
49
ce que l’agencement relationnel à un instant t serait « juste ce qu’il
faut »), la structure émergeant et se développant à l’exacte mesure
des besoins de création de sens (Weick, 1995) et de gestion des
processus. Les exemples de structures qui émergent par pure succession d’ajustements mutuels sont rares : un certain nombre de
travaux fondamentaux sur le rôle des institutions (Douglas, 1989),
sur les processus de structuration (Giddens, 1986) et sur les cadres
de l’action quotidienne (Goffman, 1974) ont montré que si l’on
considère le rôle de la culture et des institutions dans le cadrage
des échanges, le modèle d’un processus purement inductif de fabrication des structures devient impossible. À l’intérieur de ce cadre
culturel et institutionnel, en revanche, il y a quasi-isomorphisme
entre la structure relationnelle d’un groupe social et le mode d’élaboration, d’échange et de validation des connaissances au sein du
groupe8.
L’encadré ci-dessus développe deux exemples de structuration des
groupes par les échanges informels.
8 On peut considérer que cette correspondance entre système de relations et dynamique des connaissances est infrastructurelle : c’est le sens de l’axiomatique S/R (savoirsrelations) proposée par Hatchuel (2001).
Partie II
Web 2.0 et organisations :
retours d’expériences
2
Web 2.0 et organisation :
retours d’expériences
Après avoir présenté dans la première partie un cadrage théorique et différentes perceptions issues des blogs ainsi qu’une revue
de la littérature sur le Web 2.0, nous présentons dans cette partie
plusieurs cas d’entreprises illustrant différentes configurations et
utilisations des applications en 2.0. Compte tenu de la durée du
contrat (12 mois), nous n’avons pas pu prendre en compte toutes
les thématiques issues de la revue de littérature. Nous avons donc
cherché des cas représentant différentes situations de gestion (marketing, organisation, innovation, etc.) et pour lesquelles les entreprises pouvaient être considérées comme des « early adopters »,
notamment du point de vue des usages. Certains cas comme Orange
sont également à prendre comme des expérimentations du Web 2.0.
I. ÉTUDES DE CAS
Nous avons sélectionné 7 études de cas représentatives de
quelques applications du Web 2.0. Bien entendu, il existe d’autres
cas possibles et situations dans lesquelles les applications du
Web 2.0 peuvent s’appliquer, mais compte tenu des limites en
termes de temps, nous avons procédé à une sélection de cas. Tous
les cas ont été construits à partir de données secondaires et certains
ont été approfondis par des données primaires, à savoir des entretiens semi-directifs avec une ou deux personnes de l’entreprise. Ces
entretiens ont été menés avec l’aide d’un guide d’entretien qui est
en annexe de cet ouvrage.
54
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
LE CAS STARWOOD HOTELS AND RESORT :
LES COMMUNAUTÉS VIRTUELLES AU SERVICE DE L’INNOVATION
Positionnement général du cas
Le cas Starwood est une illustration de l’utilisation par une
entreprise de services des applications et technologies du Web 2.0
pour la gestion de la relation client et l’innovation. Starwood a
cherché à mettre en place des dispositifs de dialogue avec différents
types de communautés sur Internet, celles constituées de ses clients,
et les autres, qui se structurent de façon émergente sur le Web. Le
cas montre les difficultés liées aux stratégies que les firmes peuvent
ou doivent mettre en place pour approcher des groupes que le Web
2.0 fait se constituer spontanément. Il montre également l’enjeu d’y
accéder en terme de collecte d’information utilisable par la firme
dans ses processus d’innovation.
Starwood et le Web 2.0
Starwood Hotels and Resort est une des chaînes d’hôtels les plus
importantes dans le monde. Elle compte 925 établissements disséminés, pour la plupart, sur le continent américain mais également
en Europe (le Méridien en France, par exemple) dans lesquels travaillent plus de 155 000 employés. La chaîne est très régulièrement
récompensée pour la qualité de ses services par différentes associations professionnelles de tourisme et de voyage. Comme la plupart
des entreprises de service, Starwood est attentive à l’évaluation de la
qualité de ses prestations, l’identification des besoins de ses clients
mais également les évolutions de la demande et de son secteur d’activité. Elle s’appuie en partie sur sa participation active à différentes
communautés de consommateurs sur Internet (Aggarwal et Albert
(2009) parlent de « communautés Web 2.0 »).
Starwood a mis en place son propre site (theLobby.com) sur lequel
l’entreprise pousse ses offres, les présente (sous des formes différentes de celles utilisées sur le site commercial de réservation de
Starwood : utilisation de vidéos, mise en ligne de témoignages et
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
55
possibilités pour tout internaute ou membre de la communauté
Starwood de poster des avis, des commentaires) ou les commente.
Il est également possible d’échanger sur le site avec des « experts »
pouvant être des employés de Starwood (généralement des top
managers, par exemple, le responsable de la gamme luxe des hôtels
Starwood) mais également des personnalités expertes dans un
domaine (comme la gastronomie, les habitudes d’un pays ou d’une
ville, etc.). Il semble que ce site ne soit pas l’outil privilégié par
Starwood pour entrer en contact avec les communautés Web 2.0.
En particulier, theLobby.com ne s’adresse qu’à un certain type de
clients, ceux de Starwood, et ne présente donc pas l’intérêt de pouvoir également entrer en conversation avec d’autres internautes.
C’est pour cela que Starwood participe également aux échanges
d’autres communautés, plus informelles, qui ne sont pas des émanations de firmes.
Depuis 2000, Starwood a donc entamé une participation active,
officielle et visible aux échanges des communautés formées sur
Flyertalk.com, site communautaire indépendant de voyageurs d’affaires fréquents. Le site était au départ un « bulletin board » et a
rapidement évolué. Il regroupe aujourd’hui 200 forums et totalise
environ 7 millions de posts et 13 millions de pages. Starwood est
officiellement présent via un avatar, un employé représentatif de la
firme. Officiellement, l’employé en question a vocation :
− à parcourir les différents forums pour surveiller les préoccupations des membres de la communauté (et donc les voyageurs
d’affaires dont ceux qui ne sont pas clients de Starwood ; un
forum9 en particulier est dédié à Starwood) ;
− à assister certains membres qui se posent des questions ;
− à corriger les incompréhensions et les erreurs postées sur le site ;
9
http://www.flyertalk.com/forum/starwood-preferred-guest-429/
56
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
− à gérer l’image des établissements de Starwood Hotels and Resort.
L’employé représentatif donne également ses « opinions personnelles » y compris sur des sujets qui ne concernent pas directement les offres Starwood.
En étant présent sur le site, Starwood obtient un accès à la connaissance spécifique à propos de ses produits et de ses services. La firme
obtient également, par un monitoring systématique, de la connaissance générale sur l’évolution des attentes des voyageurs d’affaires et
les besoins fréquemment explicités sur le site. En marge, Starwood
a pu mettre en place une base de données contenant les posts des
membres de la communauté les plus actifs sur les sujets concernant
directement Starwood.
D’autres firmes ont tenté de mettre en place une participation de
même nature, mais il semble que peu aient maintenu leur présence
sur Flyertak.com (Aggarwal et Albert (2009) citent le cas d’American Airlines par exemple). Sur Flyertalk.com, il semble d’ailleurs
que de nombreux membres se soient exprimés sur les pratiques
de corporate phishing (façon de dénommer les pratiques invasives
d’une firme dans un forum Internet). Les membres trop bienveillants à l’égard d’une firme sont rapidement entachés de suspicion et sont repérés par les autres membres de la communauté
(les outils basiques dont disposent les internautes pour tracer les
échanges dans lesquels un membre intervient et repérer son profil
le permettent, et certains membres encouragent ce repérage).
Apports, impacts et risques associés au Web 2.0
pour le cas Starwood
L’accès aux communautés Web : une capacité organisationnelle
Il semble ainsi que le cas de Starwood soit singulier. À partir de
l’étude monographique de Starwood, Aggarwal et Albert (2009) mettent
en avant les propositions suivantes qui s’appuient sur une même hypothèse : l’accès de la firme aux communautés Web 2.0 est une capacité
organisationnelle permettant d’obtenir un avantage concurrentiel.
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
57
La capacité d’une firme à mettre en place des relations avec des
communautés Web 2.0 de consommateurs est une capacité organisationnelle qui a les propriétés suivantes : elle a de la valeur ;
elle est difficilement imitable par les concurrents (Starwood semble
réussir et tirer profit de sa participation mais American Airlines ou
des concurrents de Starwood n’y parviennent pas) ; elle n’est pas
substituable dans le sens où il n’existe pas de moyens alternatifs
d’obtenir le même genre de connaissances obtenues grâce à l’accès à ces communautés ; elle est rare (et de ce fait, les firmes qui
les premières ont eu l’idée d’accéder aux communautés Web ont
un avantage concurrentiel ; c’est d’ailleurs probablement l’une des
principales raisons expliquant le succès de Starwood dans sa relation avec certaines communautés).
Le concept de capacité organisationnelle n’est pas entièrement
exploré par Aggarwal et Albert (2009) mais il nous est possible de
faire une liste non exhaustive des leviers de l’organisation sur lesquels la firme peut s’appuyer pour développer la capacité d’accès
aux communautés Web 2.0 :
− les systèmes d’information : la première voie empruntée par
Starwood (theLobby.com) a nécessité des compétences de développement de plateformes de communication avec les clients (que
Starwood avait peut-être déjà parce que l’entreprise était, naturellement, déjà présente sur Internet) ; de quels outils de modération et de contrôle l’entreprise dispose-t-elle et quels acteurs de
l’organisation jouent les rôles liés à la modération des échanges ?
(la modération est en soi une activité technique mais c’est également une activité participant à l’attribution de sens aux échanges
avec les communautés Web ; qui dans l’organisation peut avoir
ses deux types de compétences ?) ;
− la coordination entre activités de conception et activités de veille :
les concepteurs des services de Starwood utilisent des modes
de veille nécessitant une interaction avec des clients ou clients
58
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
potentiels (s’agit-il d’une compétence très différente de celle
mobilisée lorsque traditionnellement, une firme met en place des
focus groupes pour faire réagir un panel de consommateurs à de
nouveaux produits ou services ?). Cette coordination est potentiellement une compétence déjà ancienne car l’accès aux communautés Web 2.0 pour faire de la veille sur les besoins du marché
est une possible réinvention du « Nous sommes à votre écoute »
et des enquêtes de satisfaction des clients ;
− la coordination entre les différents acteurs de l’organisation, analystes des informations collectées par les différents capteurs (Web
2.0 et outils de veille classiques). Le Web 2.0 multiplie les capteurs que les firmes peuvent utiliser et ces capteurs fournissent
des informations hétérogènes qu’il faut soumettre à l’analyse. Qui
sont les analystes du Web 2.0 dans les organisations ou qui dotet-on de cette capacité ?
− la traduction financière du potentiel de nouveaux services tels
qu’ils émergent des échanges collectés ou entretenus avec des
internautes des communautés Web. Traditionnellement, une étude
de marché permet d’évaluer un potentiel : une zone de chalandise
pour un centre commercial, un chiffre d’affaires prévisionnel, une
taille de marché, un horizon prévisionnel, etc. Quid des outils
utilisés pour évaluer ces éléments dans le Web 2.0 ou inversement, quelle place pour les connaissances collectées en Web 2.0
par rapport à ces outils ?
La capacité organisationnelle d’accès aux communautés Web 2.0
semble amener à des décisions de la firme à la fois porteuses d’opportunités importantes mais également de risques importants.
Dangers et opportunités liés aux communautés Web 2.0
Les espaces d’expression de communautés du Web sont difficilement contrôlables et les tentatives de contrôle des firmes
sont rapidement sanctionnées par les communautés en question,
comme indiqué plus haut. Le cas de Starwood montre qu’il y a peu
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
59
d’alternatives entre, d’un côté, mettre en place des espaces communautaires dédiés à la firme mais dans lesquels les échanges sont
d’une richesse limitée et, de l’autre côté, prendre place d’une façon
ou d’une autre dans des communautés non institutionnalisées et
libres dans lesquelles la firme ne contrôle rien. Aggarwal et Albert
(2009) rappellent l’expérience de Belkin qui avait payé des internautes sur un forum pour orienter les évaluations des produits de
la firme dans un sens positif ; en dépit des excuses officielles du
dirigeant de l’entreprise, celle-ci a fortement été sanctionnée par le
marché et les clients, notamment en terme de réputation).
Les communautés Web sont des sources de connaissance importante du marché. Elles sont des outils que les firmes peuvent utiliser
(si elles en ont la capacité) pour opérer une veille sur les besoins,
les consommateurs, les attentes, les évolutions du marché, etc. Cet
outil de veille est susceptible de réduire l’incertitude liée aux évolutions des besoins des consommateurs à condition que la firme
puisse donner le sens qu’il convient aux échanges entre membres
de la communauté. Plusieurs éléments rendent cela difficile et plusieurs questions se posent.
Représentativité et fiabilité des communautés Web
Comment la firme est-elle en mesure d’utiliser un outil qui
potentiellement donne de la voix aux consommateurs qui souhaitent s’exprimer (et souvent pour exprimer des insatisfactions)
mais qui n’éclaire pas nécessairement les avis et les besoins des
consommateurs qui ne s’expriment pas ? Autrement, dit, il se pose
la question de la représentativité des communautés et donc la capacité à se servir d’un outil de veille dont la fiabilité est incertaine.
Périmètre des communautés
Le périmètre des communautés Web n’est pas contrôlé par les
firmes (sauf lorsqu’il s’agit par exemple, de communautés dédiées
aux clients de l’entreprise avec accès des clients uniquement). La
communauté Web forme un espace dont la firme connaît mal les
60
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
frontières. En outre, potentiellement, il s’agit d’un espace également ouvert aux concurrents des firmes ou aux éventuels nouveaux
entrants. Enfin, la liste des communautés pertinentes pour la firme
n’est pas une donnée triviale ; il n’est pas évident par exemple que
les communautés de voyageurs soient les seules communautés intéressantes à observer pour Starwood.
Communautés et contrepoids
Les communautés forment des groupes sociaux réglés par
(comme dans tout groupe) des codes, des normes, des façons de
se comporter, des rites d’inclusions et d’exclusion, etc. L’accès à ces
codes est une compétence particulière et est un facteur clef dans
l’accès aux communautés (cf. plus haut). Les communautés formant
des groupes, elles ont la possibilité d’adopter (de façon consciente
et délibérée ou inconsciente et émergente) des comportements hostiles vis-à-vis de la firme (c’est un stakeholder). Blodgett et Tapia
(2010) ont montré comment s’est organisée, récemment, en Italie,
une protestation des employés d’IBM contre leur entreprise sur
Second Life. Les auteurs ont mis en évidence en particulier la capacité d’un groupe à l’existence physique à se structurer virtuellement
pour organiser des mouvements visant à faire pression sur IBM et
virtuellement et physiquement (en quelque sorte, une interpénétration de communautés virtuelles et réelles).
Captation et exploitation des connaissances
L’accès à la compréhension des échanges entre membres des
communautés Web repose sur plusieurs conditions : connaître les
codes sociaux évoqués plus haut, traduire ces codes sous formes
d’outils de repérage sémantique (permettant de faire la synthèse des
échanges), ne pas être repéré par les membres de la communauté
(et donc user de stratagèmes d’accès à la communauté ; être repéré
et identifié explicitement et visiblement est l’une des options possibles, cf. Starwood).
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
61
LE CAS VALEO : LA TRANSFORMATION SANS RUPTURE10
Présentation de Valeo
Valeo est une entreprise industrielle multibranches du secteur
automobile (équipementier) qui dispose de plus de 30 centres de
production dans le monde, ce qui représente plus de 70 000 salariés répartis dans plus de 25 pays différents. Son périmètre évolue
en permanence au gré des rachats, cessions et partenariats avec
des entreprises de la filière automobile. Le fonctionnement repose
sur un principe de décentralisation avec une organisation multisites. Les entités opérationnelles sont autonomes pour mettre
en œuvre la stratégie du groupe mais elles doivent respecter certaines pratiques et standards définis et formalisés par la direction.
L’entreprise comporte plusieurs entités et le siège doit assurer le
pilotage de l’ensemble avec un système de management approprié
qui doit prendre en compte la distance géographique et culturelle des sites. Les enjeux se situent clairement sur un contrôle de
niveau de maturité des sites, une mesure fiable de la progression
au niveau des réseaux fonctionnels et la diffusion des meilleures
pratiques.
L’opérationnalisation de la stratégie doit se faire avec les différentes entités concernées pour atteindre les objectifs fixés par la
direction de l’entreprise. Par ailleurs, les dirigeants souhaitent
un retour des niveaux opérationnels afin également de mieux les
impliquer dans la réalisation de la stratégie. Avec l’aide de MNM
Consulting, Valeo a décidé de déployer un dispositif de pilotage
du progrès avec une méthode baptisée Roadmaps de Management
(RM) et déposée sous la marque 5 steps11. Cette méthode repose
10 Ce cas a été tiré et retravaillé à partir du contrat ANR Pilot 2.0 (ANR Techlog
07-016-01)
11 Note : 5 steps est le nom commercial de la méthode telle que présentée dans
l’ouvrage « La méthode 5 steps : pour déployer efficacement une stratégie », de F. Blanc,
N. Monomakhoff, AFNOR Editions, avril 2008.
62
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
sur un outil de pilotage qui doit permettre un déploiement des
standards, de l’autoévaluation et un contrôle plus efficace de l’appropriation des bonnes pratiques par l’organisation. Les roadmaps
de management sont des représentations graphiques sous forme
de tableaux de bord bâtis sur deux dimensions structurantes et
strictement identiques : la dimension évolution (niveau d’amélioration matérialisé par une échelle graduelle de 1 à 5 d’où le
nom de la méthode) et la dimension objets à améliorer ou leviers.
La roadmap présente ainsi, sous une forme de tableau croisé à 5
niveaux progressifs, les meilleures pratiques et les objectifs élémentaires pour la réalisation du plan d’action stratégique. La
transposition de la méthode et de l’outil de gestion dans le SI de
Valeo relève ainsi d’une approche en Web 1.0 qu’il s’agit de faire
évoluer en 2.0 pour améliorer l’appropriation par les utilisateurs
face aux difficultés rencontrées et aux objectifs assignés à l’outil
de pilotage de la stratégie.
Figure 8 – Exemple visuel d’une roadmap de management dans la plateforme
informatique Matrix SI (Source : VRM User Manual (V2))
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
63
Roadmaps de Management (RM) et Web 2.0
Les RM constituent un cas situé d’outil de gestion devant évoluer vers une logique 2.0 pour une meilleure appropriation par les
utilisateurs, notamment afin d’être moins perçues comme un outil
de reporting dans une logique top-down. Plusieurs pistes peuvent
être explorées quant aux évolutions possibles des RM à partir des
propriétés du Web 2.0 recensées dans la revue de littérature de cette
recherche.
Le choix de déployer une « logique 2.0 » peut être pensé en termes
d’écosystème global ou de système nerveux dans l’organisation. La
réflexion du déploiement des applications (qu’elles soient en 1.0 ou
2.0) peut se penser en terme de « barycentre », à savoir une plateforme centrale couplant les différentes applications pour les utilisateurs (la plateforme devient alors un hub où transite l’ensemble des
données), ou en termes d’outils décentralisés mais interconnectés
et interopérables. Dans le premier cas, les RM peuvent représenter la plateforme support de l’ensemble des applications comme
la transposition d’un agrégateur de contenus de type Netvibes. La
notion de flux de données peut devenir intéressante sous forme
d’indicateurs de charge dans l’organisation en intégrant tous les
flux informationnels, et pas seulement ceux liés aux applications
de type 2.0. Les RM peuvent devenir, si elles comportent plusieurs
points d’entrée de données, un système de mesure de l’activité de
l’entreprise (un état de charge) avec une agrégation des différents
flux de données sur la plateforme informatique Roadmap Manager.
Il serait possible de mesurer un seuil au-delà duquel il est nécessaire de réguler l’activité afin de garantir un équilibre et d’éviter
un risque de « surchauffe » organisationnel dans tout ou partie de
l’organisation ou en réorientant l’activité sur certains sites12.
12 Les modélisations des flux de transport dans la logistique pourraient être une
piste à explorer dans ce cadre.
64
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
L’une des caractéristiques des applications 2.0 est de permettre des
échanges de plus en plus synchrones et un enrichissement des communications au sens de la théorie de la richesse des médias (Daft
et Lengel, 1986 ; Trevino, Daft et Lengel, 1987). Ces propriétés
sont des facteurs d’adoption des systèmes d’information et pourraient donc contribuer à une meilleure appropriation des RM chez
Valeo via la plateforme informatique (forums, communications
synchrones, flux RSS…). La contrepartie est, lorsqu’il existe une
masse critique d’utilisateurs et des externalités de réseau positives,
un risque de surcharge informationnelle et de dilution des coordinations. Les applications du Web 2.0 sont génératrices par nature
d’informations accentuant la problématique de leur traitement par
les acteurs sans compter que les récents travaux tels que la théorie du millefeuille (Kalika et al., 2007) ont souligné une superposition des outils de communication dans les organisations sans une
réelle logique de cohérence et de complémentarité. La rupture des
temps et des unités de lieux est également sous-jacente à ces propriétés et plusieurs entreprises ont dû adapter leurs méthodes de
management.
Afin de gérer ce problème de gestion de l’information et des
communications, les RM peuvent représenter, par exemple, une plateforme d’intelligence collective et distribuée. Certaines applications
du Web 2.0 reposent sur une approche décentralisée de la création
et de l’accès à l’information et aux connaissances, aussi bien interne
qu’externe à l’organisation (exemple des wikis). On attribue à ces
technologies des logiques favorisant la diffusion des informations,
la collaboration et le partage de documents et de connaissances en
interne mais également en externe (McAfee, 2006). Cette collaboration peut ne pas être définie uniquement dans le cadre d’une
relation hiérarchique mais survenir de manière exogène à l’organisation hiérarchique et fonctionnelle (McAfee, 2009). Dans le cas des
RM, cela suppose un accès ouvert et défini selon certaines règles
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
65
(ou référentiels) dans l’organisation et l’élaboration d’une gestion
de type communautaire (impliquant de sortir d’une vision hiérarchique mais devant permettre une forme de management). Les RM
peuvent aussi constituer une plateforme de co-conception de solutions, voire d’innovation, soit dans une optique de résolution de
problème pour une entité en difficulté dans les premiers niveaux
de la méthode 5 steps, soit dans une optique d’innovation dans les
derniers niveaux (voire de diffusion des bonnes pratiques). La plateforme permettrait alors l’accès de certains livrables en format électronique aux autres entités pour expliquer le passage à un niveau
supérieur, livrables pouvant eux-mêmes être enrichis par d’autres
contributeurs. Dans ce dernier cas, la plateforme soutenant les RM
peut devenir un élément de légitimation de certaines communautés
de pratique au sein de l’organisation.
Enfin, les utilisateurs jouent un rôle plus important. Ils apportent
eux-mêmes de la valeur au service qu’ils utilisent, de par leur
nombre avec le principe des externalités de réseau positives (réseaux
sociaux, blogs…) mais également d’autant plus lorsqu’ils peuvent
modifier le contenu et l’enrichir (Tapscott et William, 2006). Ils
contribuent donc à créer une partie de la valeur et peuvent en
retour demander une rétribution (ou du moins l’entreprise doit
les mettre en place pour maintenir une certaine dynamique). Deux
questions se posent alors pour les organisations. La première relève
des incitations à mettre en place pour alimenter de manière régulière les contenus, et dans notre cas, les RM. Les mécanismes liés
à la réputation des acteurs et la logique de don contre don sont
souvent cités en plus des mécanismes pratiqués, mais peuvent-ils
avoir la même efficacité dans les entreprises (développement d’une
identité calculée, de critères communautaires, personnels, logique
de flux de données, etc.) ? La seconde relève du contrôle des informations et des connaissances diffusées, notamment avec une plus
grande porosité des frontières de l’organisation. La sensibilité des
66
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
organisations quant à la diffusion des informations qui les concerne
demeure encore très forte. Cela demande alors un travail très en
amont d’identification des accès selon une analyse multicritères
dépassant la simple logique des annuaires internes reposant sur des
principes hiérarchiques et une gestion dynamique en quasi temps
réel. Au-delà des livrables demandés entre chaque étape, on pourrait imaginer avoir d’autres espaces de diffusion et d’échanges de
documents issus des utilisateurs même s’ils ne concernent pas directement les aspects opérationnels (forums, votes pour des solutions
proposées, tags sur des profils ou documents, etc.). La gouvernance
peut également évoluer mais un fonctionnement par groupes ou
communautés pose la question de la coordination au sein de Valeo
(logique many-to-many) et de l’orientation des actions vers les
objectifs stratégiques. Les RM peuvent représenter des hubs d’information et de connaissances qui doivent être agrégés au niveau de la
stratégie des acteurs en travaillant sur différents types d’indicateurs
visibles selon les objectifs et acteurs en distinguant le niveau micro/
méso/macro (personnalisation des tableaux de bords et des indicateurs selon cette logique de niveau).
LE CAS DE DREAM ORANGE – DES « BULLETINS BOARDS »
NOUVELLE GÉNÉRATION : UTILISER LE WEB 2.0 POUR REPENSER
LES MODALITÉS ET LES CONTENUS DE LA RELATION CLIENT
On résume souvent le 2.0 à l’introduction, l’extension voire la
généralisation dans l’entreprise de pratiques collaboratives et communautaires13. Le périmètre est bien sûr étendu aux clients, fournisseurs et autres parties prenantes de l’entreprise, de sorte que
la relation client devient, elle aussi – et peut-être, dans bien des
cas, avant l’entreprise elle-même – une relation « 2.0 ». La relation
13 Voir plus loin dans le présent rapport la partie consacrée au Web 2.0 en univers
gouverné.
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
67
client s’inscrit aujourd’hui, et depuis une vingtaine d’années, dans
une logique plus personnelle, permanente, complexe et enrichie.
Non seulement l’entreprise, ses vendeurs, ses clients sont concernés mais aussi les usages et leur évolution et, à travers ces usages,
la dimension de responsabilité sociale, d’intégration du client dans
une boucle qui dépasse la relation marchande au sens strict d’une
transaction d’affaire.
Comment alors penser des dispositifs intermédiaires, hybrides, qui
permettent un développement des usages dans lequel entreprise
et clients sont aussi partenaires, sans pour autant que la relation
soit uniquement centrée sur l’offre de l’entreprise et son achat par
le client, ni que les informations et connaissances produites par
le client dans le cadre de ces dispositifs semblent « confisquées »
au seul profit d’un intérêt mercantile ? On voit ici que le « 2.0 »
prend un tour plus sophistiqué que la simple plateforme d’échanges
et mêle de manière plus complexe le formel et l’informel, de dirigiste et le laisser-faire. Un tel dispositif suppose un pilotage subtil, son positionnement n’est pas immédiatement compréhensible
par les différentes parties prenantes, les résultats qu’il produit
doivent amplifier, réalimenter, faire progresser un certain nombre
de processus. Se pose bien sûr, au passage, la question des systèmes
d’information, tant en termes techniques d’architecture support et
d’interopérabilité qu’en termes organisationnels et managériaux :
on devine que si le dispositif est hybride et qu’il ne correspond pas
à des configurations connues, alors les rôles, les métiers, les modes
de coordination, la division du travail seront également nouveaux.
Dans le cadre du projet ANR, « L’entreprise face aux mondes virtuels », démarré en 2009, en collaboration entre le laboratoire Dauphine Recherches en Management et Orange Labs14, une expérience
inédite de conception innovante a été mise en place à partir du
14 Les autres partenaires du projet ANR étaient la RATP, Fabernovel et la FING. Au
sein de DRM, c’est l’équipe M-Lab, dirigée par Albert David, qui était impliquée.
68
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
concept initial de « café numérique ». Ce concept a été, à l’issue
d’une première phase de recherche, défini comme suit :
« Une entreprise qui voudrait accompagner le développement des
usages des services qu’elle vend à ses clients, une entreprise qui voudrait vendre durablement et accompagner ses clients dans leurs parcours d’usage, parce qu’elle parie que c’est une stratégie gagnante,
économiquement et socialement : cette entreprise connaît les usages de
ses clients pour bâtir un discours commercial efficace et une stratégie
d’accompagnement empreinte de proximité. Elle se dote d’un dispositif
appelé “café numérique” ».
Cette formulation est loin de l’image classique du café : il fallait
naturellement éviter le piège du café numérique comme un simple
café virtuel, avec une salle, des tables, des chaises, des clients, des
serveurs et des boissons simplement transposés dans Second Life
sous forme d’avatars et d’objets virtuels.
La seconde phase a consisté à étendre des pratiques de bulletin
board15, relativement récentes chez Orange et mises en œuvre sur le
site dreamorange, pour rendre concret ce « café numérique ». Un
bulletin board – pour désigner cette fois une séquence cohérente
d’échanges sur un thème – se déroule de la façon suivante :
− un thème est choisi – par exemple « les papy-Webbers », « la vie
des pros ». Ce thème peut venir de la « communauté des dreamers » (les internautes membres de Dream Orange, au sens où ils
ont été candidats et éventuellement retenus pour participer aux
bulletin boards précédents), soit que des idées intéressantes aient
été exprimées explicitement, soit que l’animateur des bulletin
boards (BB) ait inféré des concepts intéressants à partir des discussions. Le thème peut aussi venir du département Marketing,
15 Un bulletin board – littéralement : tableau d’affichage – est un système qui permet de dialoguer par « bulletins électroniques ». C’est le format usuel de matérialisation
des contributions sur les forums et autres plateformes électroniques de communication et
d’échange.
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
69
qui interpelle les responsables des BB : « concevez un dispositif
de développement des usages pour les personnes âgées qui n’y
connaissent rien » (d’où le BB sur « les papy-Webbers »). Il peut,
en troisième lieu, y avoir des besoins en connaissances au-delà
des études marketing : par exemple, sur le « cloud computing »
(d’où le BB : « l’informatique dans les nuages »). Les BB peuvent
aussi être l’occasion de tester des prototypes ou des ß-versions de
dispositifs innovants ou techniquement complexes (une chorale
virtuelle, par exemple, ou « les carnets du Web », qui ont été
un thème de BB avant de constituer un élément du café numérique… qui a lui-même fait l’objet d’un BB) ;
− le BB est alors lancé. Des internautes sont recrutés – une vingtaine, en général. Il faut créer une histoire qui fasse sens, pour
susciter des contributions à la fois spontanées et intéressantes.
L’animation est un facteur clé : le rôle de « garçonne de café »
(c’est la conceptrice des BB, inventeuse du concept de café numérique tel qu’exposé plus haut, qui est aussi l’animatrice) est central : écouter, relancer, rebondir, capitaliser, concevoir au fur et
à mesure les différentes « vagues de discussion » qui composent
progressivement le BB. C’est évidemment là un des facteurs qui
différencient fondamentalement un BB d’une étude marketing,
en tant que dispositif d’écoute et de co-production de connaissances entre l’entreprise et, non pas ses clients, mais des citoyens
qui peuvent contribuer à une discussion sur les usages. Le fait de
vendre des produits et des services n’est pas, à ce stade, l’objectif
central. Il faut d’ailleurs se garder de paraître vouloir le faire, la
participation des internautes devant rester relativement désintéressée16. Mais les discussions sont toujours liées à la vie numérique, et la « garçonne de café » n’oublie jamais qu’elle travaille
chez Orange ;
16 Ils peuvent recevoir des bons-cadeaux, pour des montants modiques.
70
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
− un BB dure deux semaines. Environ 25 BB ont eu lieu en 2010.
Pour certains, comme « Bien dans son assiette », il y a eu plus
de 200 candidats (une trentaine sélectionnés). L’animation est
relativement asynchrone : les participants ne se répondent pas
nécessairement beaucoup les uns aux autres, mais une attention
particulière est accordée aux contributions originales : aucune
« moyenne » ou « représentativité » n’est recherchée. 80 % des
participants se trouvent être des clients d’Orange.
Alors que l’Ile Orange sur Second Life était supprimée, faute d’une
performance et d’un intérêt suffisants, les BB sont devenus en peu
de temps un maillon important de la relation client :
− chaque BB fait l’objet d’un ou deux articles, accessibles à tous, et un
rebouclage particulier est fait vers la communauté des dreamers ;
− cette communication plus ou moins informelle sur les différents
sujets donne en réalité une connaissance sociologique très forte ;
− les « Carnets du Web », par exemple, thème de l’un des BB, sont
aujourd’hui des documents qui sont distribués aux internautes
par les antennistes et les installateurs d’offres Internet. Il ne s’agit
bien sûr pas d’une plaquette papier : les installateurs installent
dans les « favoris » sur les navigateurs des clients le lien vers
les Carnets, sur le site dreamorange. « La vie des pros », autre
exemple, est accessible sur la boutique en ligne Pro, des newsletters sont régulièrement envoyées aux clients ;
− la démarche concerne et suppose la collaboration de tous les
acteurs de la relation client : les commerciaux (portail de vente en
ligne, les boutiques, les distributeurs indirects comme les antennistes), les innovateurs (R&D, Technocentre), le marketing (des
services, des offres).
En réalité, la collaboration est moins, à ce stade du développement
du café numérique, une collaboration officielle entre les entités
qu’une collaboration entre des acteurs de chaque entité qui
partagent l’intérêt de la démarche.
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
71
La qualité du pilotage est fondamentale, pour articuler avec pertinence et cohérence à la fois la structure relationnelle relativement
complexe que supposent un tel dispositif et la finesse des processus
de production de connaissances de tous ordres.
L’ensemble constitue un dispositif 2.0 original, qui remplit une
condition aujourd’hui reconnue comme nécessaire pour que les
espaces virtuels puissent avoir un réel apport : le couplage étroit
entre espaces virtuels et vie réelle, tant pendant le bulletin board
(on y parle de sa vie quotidienne, on n’essaie pas de vivre une
seconde vie dans un second univers, même si le sentiment de
constituer temporairement une communauté peut préfigurer une
sorte d’ « augmentation » du cadre de vie) que pour ce qui est d’en
tirer des concepts et des connaissances actionnables, donc avec des
applications concrètes.
Les impacts sur l’organisation sont nombreux. Il se peut que l’entreprise parvienne à trouver une façon de coordonner ses entités
existantes telle que la « structure BB » produise des résultats qui
essaiment assez naturellement dans l’organigramme. Cela suppose
que la division du travail que traduit l’organigramme puisse intégrer ces nouveaux éléments de connaissance et créer les capacités
supplémentaires qui sont nécessaires pour les prendre en compte.
À défaut, sous les BB, pourraient bien émerger des stratégies qui
seraient ignorées ou freinées par les acteurs en place et les routines
défensives qu’ils mobilisent plus ou moins consciemment, la division établie du travail résistant à la configuration implicite portée
par ces dispositifs 2.0 de « café numérique ».
LE CAS BOUYGUES TELECOM :
L’INTRANET À L’ÈRE DU 2.0 POUR UN MEILLEUR TRAVAIL
COLLABORATIF ET UN PARTAGE DE BONNES PRATIQUES
Bouygues Telecom est un opérateur de télécommunication (téléphonie mobile, téléphonie fixe, TV et accès à Internet). Créé en 1994,
72
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
BT compte fin 2010 : 10,5 millions clients Mobile, 525 000 clients
Fixe et 9 000 collaborateurs.
Contexte de l’entreprise 2.0 chez Bouygues :
le réseau social traverse les 5 métiers du groupe
Il y a plusieurs enjeux communs aux différentes activités du
groupe Bouygues tels que le développement durable, les démarches
QSE (qualité, sécurité et environnement), le green IT, les achats
responsables, l’innovation, les RH, le juridique et la finance. Ces
sujets traversant les 5 métiers du groupe (Bouygues construction,
Bouygues Immobilier, Colas, TF1, Bouygues Télécom).
Pour échanger sur ces différents thèmes transverses et capitaliser
sur les bonnes pratiques, le groupe a recouru au réseau social interet intra-organisationnel en l’ouvrant à tous les collaborateurs et en
accueillant des partenaires extérieurs invités à y contribuer.
Focus sur Bouygues Telecom (BT)
La société développe plusieurs outils de Web 2.0 au sein du projet
« Wooby 2.0 ». Ce projet consiste en une refonte complète de l’Intranet de BT. Il constitue une mutation d’un portail Intranet traditionnel en une plateforme de services intégrés et d’outils collaboratifs :
− Wooby portail : un agrégateur de contenu personnalisable ;
− Wooby motion : le service de partage de vidéos ;
− Wooby mobile : la déclinaison mobile de l’Intranet pour smartphone ;
− Wooby Network : le réseau social interne.
Les objectifs majeurs de cette refonte :
− simplifier l’accès à l’information et décloisonner l’Intranet ;
− favoriser l’efficacité des collaborateurs ;
− faciliter la collaboration et le partage d’expertise.
Mettons l’accent dans ce qui suit sur Wooby Network.
Wooby Network est créé en mai 2010. C’est un réseau social interne
inspiré de Facebook et de Viadeo. « Wooby » est le nom donné à
l’Intranet de BT depuis 1999.
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
73
« La problématique la plus forte qui s’est dégagée pour cet outil était
de dire : nos employés vont de plus en plus sur Facebook que sur
notre Intranet, il faut faire quelque chose ». BT a voulu avoir son
Facebook en interne, ce qui lui permet de créer les communautés qu’il
avait à l’extérieur et de les rapatrier à l’intérieur. Aujourd’hui, sur le
Web, on ne rapatrie pas uniquement les informations ou les communautés, on rapatrie aussi les usages. Il y a des usages sur le Web
qui sont très flexibles, très faciles à utiliser, il y a des fonctionnalités
conversationnelles qui créent des usages faciles type Twitter pour faciliter et améliorer les échanges. Ce qui est important, c’est de rapatrier
tous ces usages en interne et de faire en sorte que les utilisateurs aient
envie de communiquer entre eux sur des sujets professionnels de
manière très ludique et plus interactive… avec le Web 2.0, l’organisation est complètement déstructurée, surtout informelle, ce qui facilite
les échanges » (consultante MOA Sharepoint chez Plaza-design)17.
Utilité
Le réseau interne Wooby Network a pour objectif de « mettre
en relation les collaborateurs entre eux et leur donner la possibilité de
partager et travailler ensemble sur des hubs communautaires » (responsable Intranet à la direction de la communication interne).
C’est un outil d’échange de travail et de partage de bonnes pratiques : « Les membres échangent sur leurs différentes manières de
travailler, sur les réponses apportées à des questions communes » (responsable Intranet).
Développement de l’outil
Des développeurs en interne se sont inspirés des réseaux sociaux
utilisés par les salariés du groupe : Facebook pour l’aspect personnel, et Viadeo ou LinkedIn pour l’aspect professionnel.
17 Plaza-design est une Web agency spécialisée dans la conception et la réalisation
d’interfaces graphiques de sites Sharepoint. Elle a participé au déploiement de Wooby
Network.
74
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Fonctionnement
L’inscription sur la plateforme se fait d’une manière volontaire
et individuelle par la création d’un profil avec une description professionnelle et des centres d’intérêts. L’utilisateur peut aussi créer ou
rejoindre des communautés à l’intérieur du réseau social (joindre
une business unit ou un projet).
L’infrastructure technologique de l’outil repose sur Sharepoint 2007
couplée à Newsgator. D’un point de vue technique, au départ, BT
utilisait Sharepoint 2007 et il n’y a pas de notion de réseau social à
l’intérieur de Sharepoint 2007, c’est pourquoi ils ont retenu la solution Newsgator. Toutes les fonctionnalités sont incorporées maintenant sur Sharepoint 201018.
Les 9 000 collaborateurs du groupe peuvent accéder et créer des
flux d’informations et les personnaliser avec des applications de
type widgets. Cette évolution fait tomber la barrière entre la partie communication de l’Intranet et la partie collaborative et métier
basée sur Sharepoint : « Nos développements vont plus loin que
ce que propose Sharepoint. La fonction Wooby Push permet, par
exemple, de remonter des contenus ou des alertes directement dans
ses applications widgets » (la responsable Intranet).
L’outil permet aussi de hiérarchiser et de faciliter l’accès aux contenus (indexation des contenus) : « Nous mettons en avant cinquante
flux primaires au lieu de 300. Par ailleurs, nos 200 Webmasters ont
optimisé le plan de classement et tagué les contenus pour qu’ils
soient plus facilement accessibles avec le moteur de recherche de
Sharepoint » (la responsable Intranet).
Les développements s’orientent maintenant vers l’amélioration
des accès mobiles. Un tiers des employés accèdent en effet chaque
mois à l’Intranet depuis leur mobile. D’autres fonctionnalités sont
18 Sharepoint server 2010 est la plateforme Microsoft permettant la mise en œuvre
de sites (sites d’équipes, communautés, gestion de contenu, recherche d’entreprise, portail
décisionnel).
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
75
prévues telle que la mise en place d’une plateforme de création de
blogs.
Pour favoriser les connexions et les mises en relation, l’une des fonctionnalités de l’outil permet à l’utilisateur de visualiser le réseau en
le situant par rapport aux collaborateurs autour (proximité, points
et intérêts en commun sur le réseau) : « … plus la petite bulle est
proche, plus vous avez des intérêts en commun. En cliquant sur la
bulle, vous savez tous les mots clés utilisés pour taguer des documents, plus vous avez le détail des activités de l’utilisateur et vous
savez pourquoi cet utilisateur est expert sur tel ou tel domaine »
(consultante MOA Sharepoint chez Plaza-design). L’analyse de l’activité est en effet l’un des domaines qui intéressent les éditeurs de
réseaux sociaux.
L’outil fonctionne sur un mode déclaratif, basé sur les informations
ajoutées par chaque utilisateur à son profil.
Utilisation
Après trois semaines de fonctionnement, 20 % des utilisateurs
ont déjà créé au moins un onglet personnel et 13 000 widgets ont
été installés. Parmi les 9 000 collaborateurs de BT en France, 7 000
ont accès au réseau. 700 ont créé un profil et 300 sont utilisateurs
réguliers (6 mois après sa création).
L’un des responsables souligne l’importance de la reconnaissance
pour favoriser la participation des utilisateurs. D’autant plus que la
participation à la rédaction de documents pourrait être un moyen
pour améliorer son niveau d’expertise.
Attitudes vis-à-vis de l’outil
Un aperçu sur les attitudes vis-à-vis de l’outil lors de son
adoption :
− attitude des salariés vis-à-vis de l’outil : il n’y a pas de crainte
d’être espionné au travail : « Pendant longtemps, toute la relation
à l’entreprise a été très “top-down”, et beaucoup de salariés ont
76
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
pris l’habitude d’être passifs. » … « Cela ne traduit pas une peur
de contrôle de la part des salariés » (responsable publications
internes et Intranet). Le réseau social ne sert pas à contrôler les
communications des collaborateurs ;
− attitudes de la DG : au moment de l’initiation du projet, « la
crainte était plutôt du côté de la hiérarchie, qui n’était pas familière d’un mode de communication aussi spontané, et plutôt
habituée à une communication interne réfléchie et travaillée »
(responsable publications internes et Intranet).
Gouvernance
Il existe différentes fonctions pour organiser les pratiques Web
2.0 au sein de l’entreprise, parmi ces fonctions :
− un responsable de publications internes et de l’Intranet ;
− un responsable Intranet ;
− un responsable de l’entité Mobilité, Portails & Support Business au
sein de la DSI (il a créé son propre blog ([Intwittable]).
Concernant la gouvernance de l’outil pour faciliter sa structuration et son intégration au sein de l’entreprise, BT a créé un « comité
2.0 » et une charte d’usage posant des limites en cas de dérapage.
Le « comité 2.0 » a été mis en place avec la DRH, la direction des
nouvelles technologies et la direction des systèmes d’information.
Le projet a été accompagné de la création d’une charte d’usage.
« Cette charte ne pose pas d’interdit a priori, mais des limites a posteriori. Son cadre dépasse d’ailleurs le simple contrôle du réseau
social interne. Elle pose certaines règles de bon usage d’Internet,
concernant Facebook notamment. L’usage du site n’est pas interdit dans l’entreprise, mais il doit rester raisonnable » (responsable
Intranet).
Les entreprises françaises ayant déjà mis en place une charte d’utilisation des réseaux sociaux sont rares. L’adoption de ces chartes
fait l’objet d’un débat. Certaines entreprises préférèrent laisser s’installer les nouvelles pratiques avant de les réguler. Les entreprises
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
77
partisanes utilisent les chartes comme outil d’accompagnement et
de prévention des conflits. Tel était le cas de BT et d’Orange.
Chez BT, la charte d’usage 2.0 a été rédigée en amont. Néanmoins,
elle doit évoluer avec les usages. Selon le directeur de l’innovation
de BT : « Il y avait à la fois une demande des utilisateurs les plus
actifs sur les blogs, les forums, les wikis de préciser les règles du
jeu et une volonté de la direction de promouvoir les usages 2.0 en
s’appuyant sur une stratégie de laisser-faire et de faire-savoir » Elle
a pour objet de préciser les droits et les obligations d’usage « je
peux ?, je ne peux pas ? ».
Plusieurs services de l’entreprise peuvent contribuer à la rédaction
de la charte. Cette dernière peut être confiée légitimement au service initiateur du projet ou au centre de gravité du projet 2.0. Chez
BT, les projets ont une dimension plutôt technologique. Alors la
direction de l’innovation a été à l’initiative de la rédaction de la
charte, avec la contribution du comité 2.0. Elle a été cosignée par
les directions de l’innovation, la DSI, la DRH et de la communication. Elle n’a pas de valeur juridique du fait que la direction juridique ne fait pas partie des cosignataires : « Pour nous, la charte
est plus un document de communication. Cependant, elle renvoie
au règlement intérieur qui, lui, a une valeur juridique et comporte
plusieurs parties sur l’usage des pratiques numériques dans l’entreprise » (responsable des publications et de l’Intranet à la direction
de communication).
Il n’y a pas de règles formelles de présentation des chartes. À la
différence d’Orange, BT a opté pour une présentation très succincte pour tenir sur une seule page pour qu’elle soit « facile à
appréhender d’un seul coup d’œil » (directeur de l’innovation).
Les deux chartes se différencient sur la forme, mais se ressemblent
sur le fond. Elles reposent sur la confiance accordée aux collaborateurs et sur le volontariat (libre adhésion). Un utilisateur est
libre de participer et de créer des communautés sans validation
78
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
managériale. La charte de BT stipule que « les ressources logicielles
et techniques doivent être utilisées à des fins professionnelles et
non personnelles ». Elle repose sur le principe « confiance a priori,
contrôle a posteriori ». Les restrictions sont précisées soit explicitement, soit renvoyées au règlement intérieur et à la politique
générale de sécurité informatique. Les contenus doivent respecter les droits de propriété intellectuelle, les droits de personnalité
et de l’ordre public. Ils doivent respecter la confidentialité et ne
doivent pas porter atteinte à l’image de la marque ou du groupe.
Les contrôles peuvent être effectués en prévenant au préalable les
intéressés. Les sanctions sont prévues dans le règlement intérieur
et se veulent à caractère préventif. Les cas litigieux relèvent surtout de la publication d’information à caractère confidentiel sur
des réseaux comme Twitter ou Facebook. Sur les réseaux sociaux
externes, le collaborateur s’exprime en son nom personnel et
ne doit pas parler au nom de son entreprise, même en bien. La
parole au nom de la marque est un domaine réservé au community managers ou aux conseillers Web. La distinction de la frontière entre le privé et le professionnel est une véritable expertise
en plein développement. En cas de doute, le salarié s’adresse à son
manager ou fait appel à des experts Web.
LE CAS LOCKHEED MARTIN : « WHAT’S IN IT FOR ME? »19
Le Web 2.0 n’échappe à aucun secteur. Lockheed Martin (LM)
est une société américaine cotée en bourse spécialisée dans l’aérospatiale, la défense et la sécurité nationale. Elle compte plus de
19 Source : présentation de Shawn Dahlen et Chris Keohane – Projet Unity de Lockheed Martin – @ Web 2.0 Expo Avril 2009, San Francisco.
http://www.slideshare.net/chriskeo/enterprise-20-in-the-context-of-mission-successthe-lockheed-martin-story?from=share_email_logout3, [Dernier accès : 28/03/2010].
http://tropedesign.wordpress.com/2008/06/12/e20-last-day, [Dernier accès : 28/03/2010].
http://www.atelya.com/fr/presentation/blogue/les-technologies-20-jusque-dans-laerospatiale-le-cas-lockheed-martin, [Dernier accès : 28/03/2010].
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
79
140 000 employés et ses ventes en 2009 ont atteint les 45 milliards
d’US. LM fabrique principalement des avions, des voitures et des
navires à fins militaires.
Le projet Unity est né en 2007 chez LM comme réponse au besoin
accru de collaboration. Il s’agit de permettre le travail collaboratif à
l’aide d’outils 2.0. Au départ, le projet devait durer 18 mois, cependant il a connu un grand succès et il a été maintenu jusqu’à maintenant. Ce projet inclut 54 000 ingénieurs sur un total de 150 000.
L’objectif du départ du projet Unity consistait à changer la culture
de dizaines de milliers de travailleurs via le passage d’un modèle de
collaboration désuet – basé sur les emails, meetings et présentations
PowerPoint – à un modèle de collaboration novateur basé sur les
fondements de l’Entreprise 2.0.
La plateforme possède les caractéristiques suivantes :
− fondée sur trois produits : recherche sur Google, Windows sharepoint services et Newsgator ;
− une base de données automatique qui collecte tags, relations, etc. ;
− espaces : un espace personnel et espaces d’équipes (sharepoint) ;
− dans chaque espace il est possible d’avoir des blogs, wikis et
documents ;
− mais il est possible aussi d’ajouter forums, bookmarks, reports,
suggestions et une page d’accueil.
Ce projet s’est fondé sur l’adaptation du Web 2.0 dans le contexte
de la mission tout en gardant la dimension sociale. Ce projet repose
sur quatre piliers qui ont été des facteurs clés pour la réussite du
projet :
− la garantie d’une expérience utilisateur agréable ;
− la garantie d’une réponse au « what’s in it for me » de chaque
utilisateur ;
− l’équilibre entre le besoin de partager et le besoin de savoir ;
− la promotion d’un écosystème social qui repose sur une plateforme intégrée.
80
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Ces piliers sont ressortis comme les facteurs clés de succès du projet.
Cependant, aucun d’entre eux ne repose sur la technologie. Même
si les technologies du Web 2.0 sont utilisées comme levier à cette
transformation, ces dernières ne sont pas suffisantes pour le changement. En effet, le succès du projet Unity provient de sa nature
« humaine ». La technologie n’est qu’un support au changement.
Au cours de 2010, LM a poursuivi sa transition « 2.0 » avec le
lancement du logiciel libre Eureka Streams. Complémentaire à
la plateforme Unity, Eureka Streams vise à tenir informé près de
36 000 employés des flux d’activités organisationnels via les microblogs et les fils RSS. Cela permet, par exemple, à un employé
d’être tenu informé de toute information relative au travail de ses
collègues et des communautés de pratiques auxquelles il participe.
LE CAS BRITISH TELECOM : L’UTILISATION DES MÉDIAS
ET DES RÉSEAUX SOCIAUX POUR LA COMMUNICATION
ET LE PARTAGE DE CONNAISSANCES20
Cette monographie est réalisée par CI Groupe sur la base d’observations de terrain et d’interviews avec Ross Chestney (Head of
Communication Services de BTcom) et Richard Dennison, Senior
Manager – Social Media BTcom21.
Le groupe BTcom opère dans plus de 170 pays à travers le monde.
Le groupe est l’un des leaders mondiaux dans le développement de
solutions et de services de communication. Les activités du groupe
portent principalement sur les services de réseaux de TI, sur les services de télécommunications et sur les produits et services Internet.
Le groupe emploie plus de 100 000 personnes.
20 Source : Cas décrit à partir d’Allison Hill (2008), Carreer Innovation Groupe (CI
Groupe) http://richarddennison.files.wordpress.com/2008/09/ci-digital-generation-bt.pdf
21 Richard Dennison tient lui-même un site Internet dédié au Web 2.0 et en particulier à l’expérience de BTcom.
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
81
Le groupe a entrepris une stratégie d’adoption de technologies
de type médias sociaux. L’objectif annoncé est de promouvoir
l’efficacité et l’échange et de rendre l’environnement de travail
plus stimulant et agréable. Les témoignages de deux managers du
groupe, rapportés par Allison Hill (2008), indiquent que l’idée de
base de cette orientation est le choix de stimuler la communication horizontale, l’implication et la prise d’initiative au sein de
l’organisation.
Il est intéressant de noter que la première phase de développement
de l’entreprise 2.0 s’est appuyée sur un logiciel propre à un employé
sans validation officielle par le service des SI. Ce logiciel est devenu
la base de l’outil Wiki du groupe et a été utilisé comme pilote pour
une plateforme de blogging.
La monographie de « Carreer Innovation Corp. » distingue les pratiques de Web 2.0 suivants :
− la collaboration organisationnelle au sein des équipes projets et
au-delà : le partage d’informations et la collaboration sont favorisés par un outil appelé BTcom Collaborate. Cet outil est ouvert à
tous les employés (information d’ordre général) et aux membres
d’équipes projets (information spécifique). Des centaines de milliers de pages y sont disponibles ;
− le blogging : les échanges sur les idées, les feedbacks sur les procédures organisationnelles et les réunions sont véhiculés au travers
de blogs ;
− les news en ligne : l’application utilisée est appelée « Your Space ».
Les employés y rapportent tous types d’événements et d’annonces.
On a enregistré plusieurs milliers d’annonces (hits) par mois ;
− les réseaux sociaux : ils contiennent les fonctionnalités de
contacts, de bookmarking social, de nouveaux feeds et de questions les plus fréquemment posées. Les catégorisations des contenus chez BTcom se font notamment par type de « compétences
recherchées » ou de « centres d’intérêt » ;
82
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
− podcasting : il est observé que les poadcasts de type audio ou
vidéo ont été moins utilisés que les autres outils Web 2.0 ;
− les RSS et taggs : ils ont été jugés utiles par les utilisateurs étant
donné le grand volume d’informations disponibles sur l’entreprise 2.0 de BTcom.
Signalons à ce stade que BTcom avait combiné des logiciels et des
applications à la fois de type open source, d’autres en vente par des
fournisseurs spécialisés ou encore des outils développés en interne
(Hill, 2008).
Pour le directeur de la communication du groupe, le Web 2.0 est
la technologie tant attendue pour permettre la création et le partage de la connaissance organisationnelle. Ici, Hill (2008) observe
que BTcom avait opté pour une plateforme Web 2.0 essentiellement hébergée en interne puisque son domaine d’activité (les télécommunications) est très réglementé. Ceci a posé la question de la
sécurité.
Après trois ans d’utilisation des médias sociaux, les managers de
BTcom, cités par « Carreer Innovation », soulignent que parmi les
avantages de l’entreprise Web 2.0 figurent :
− la facilitation de la collaboration organisationnelle ;
− la promotion d’une culture de la transparence au lieu de celle
« du non-dit » ;
− la prise de conscience des managers de lacunes liées au style du
management ;
− la canalisation de la tendance des employés à passer du temps sur
le Web en les orientant vers le Web 2.0 de l’organisation.
UTILISATION DES TECHNOLOGIES WEB 2.0 ET WEB 3.0
POUR LA RÉSOLUTION DES PROBLÈMES SUR LES PLATEFORMES
D’OPEN INNOVATION : LE CAS HYPIOS
Hypios est une start-up française fondée à la fin de 2008 par une
dizaine de personnes. Hypios représente une plateforme d’innovation
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
83
ouverte qui fonctionne comme un marché on-line pour la résolution
des problèmes difficiles de R&D. Ce marché permet la réalisation de
transactions entre les Seekers et les Solvers, transactions sécurisées par
Hypios. Les Seekers sont les entreprises qui ont du mal à résoudre
certains problèmes au sein de leur Recherche et Développement et
qui utilisent la plateforme d’Hypios pour le « broadcasting » de leurs
problèmes aux Solvers potentiels. Les Solvers sont des individus ou
groupes qui se trouvent à l’extérieur de l’entreprise et qui ont plus de
chance d’avoir une solution aux problèmes de l’entreprise.
Le développement d’Hypios s’est déroulé en trois phases : la première était la conception et le lancement du site destiné à expliquer le concept en mars 2009 ; dans la deuxième phase, en juin
2009, la beta version du site Hypios.com a été lancée. Les premiers
problèmes postés sur la plateforme ont été les problèmes propres
d’Hypios afin de tester la plateforme. Finalement, en octobre 2009,
la plateforme a été ouverte et les premiers problèmes ont été postés
par des entreprises autres que Hypios. Actuellement, Hypios compte
20 employés en incluant les executives (les dirigeants).
Description du processus de Hypios
Le processus d’Hypios se déroule en trois étapes. La première
étape est celle de la formulation du problème. Ainsi, l’entreprise
décrit précisément le problème qui sera posté sur la plateforme et
définit la deadline avant laquelle les Solvers doivent apporter leur
solution. Puis, l’entreprise définit la récompense pour la meilleure
solution. Dans la deuxième phase du processus, le problème est
posté sur la plateforme d’Hypios. Après l’ouverture du problème sur
Hypios.com, le problème est visible pour la communauté des Solveurs qui peuvent réviser la description du problème et soumettre
une solution sur la plateforme. Dans la dernière étape, le Seeker fait
la révision des toutes solutions soumises sur la plateforme et il fait
le choix de la solution gagnante. Hypios est orienté seulement vers
le succès, cependant si les solutions soumises ne remplissent pas
84
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
les critères définis par l’entreprise dans la première étape ou si la
solution n’est pas applicable à l’entreprise, l’entreprise peut décider
de ne prendre aucune solution et, dans ce cas, Hypios ne sera pas
rémunéré. En revanche, si l’entreprise choisit la solution gagnante,
il obtient un droit exclusif sur cette solution. Le processus d’Hypios
est illustré dans le schéma ci-dessous :
Figure 9 – Le processus d’Hypios en trois phases (source : www.hypios.com).
Hypios représente une plateforme interactive, qui utilise les
technologies Web 2.0 et Web sémantique pour avancer leur
recherche des experts (Solvers) qui peuvent apporter des solutions aux entreprises (Seekers). Deux technologies importantes
ont été développées par Hypios :
Communauté des Solvers
Solver Surfer
La communauté des Solvers représente une technologie de
réseau social pour leur permettre d’interagir les uns avec les autres.
Le réseau des Solvers est très important pour la plateforme de l’innovation ouverte et pour Hypios car c’est le moyen par lequel les
Solvers vont communiquer et partager des informations liées aux
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
85
problèmes postés et qui potentiellement conduiront à des solutions.
Le réseau d’Hypios compte environ 120 000 Solvers, qui sont officiellement inscrits sur la plateforme.
Hypios a développé la technologie de « smart crowdourcing », fondée
sur le Web sémantique (Solver Surfer), afin de maintenir un haut
niveau d’expertise et une certaine diversité dans son réseau de Solvers. Solver Surfer est une solution intelligente qui utilise la recherche
avancée d’information pour trouver des experts sur le Web, et les
inviter à résoudre les problèmes sur Hypios. Ainsi, cette technologie
permet d’augmenter la capacité à résoudre des problèmes sur la plateforme puisqu’elle n’est pas limitée aux seules personnes inscrites.
L’utilisation d’algorithmes sophistiqués « 3.0 » (Web sémantique)
permet la recherche active sur le Web des personnes, groupes ou
organisations les plus susceptibles d’apporter des réponses aux problèmes qui sont mis sur la plateforme, et ainsi de faire le ciblage très
personnalisé des experts en capacité de répondre.
De cette manière, Hypios pratique l’innovation ouverte par le
développement du Web Social et des nouvelles technologies (Web
sémantique) en mettant en contact les différentes parties qui ont
intérêt à collaborer entre elles. Il nous semble donc que, grâce à
ces technologies, le ratio de la résolution des problèmes postés sur
la plateforme d’Hypios représente 50 %22. L’avantage concurrentiel
d’Hypios est la technologie de Web sémantique. Elle permet de différencier l’entreprise des concurrentes en proposant un service de
crowdsourcing intelligent correspondant au modèle Web 3.0 de la
machine qui comprend les échanges et les données du Web.
22 Selon Lakhani, le « broadcasting » des problèmes scientifiques aux experts à l’extérieur résulte dans un ratio de la résolution des problèmes de 29,5 % pour les problèmes
qui étaient auparavant restés non résolus à l’intérieur des laboratoires R & D. À voir :
Lakhani K.R. et al., 2007, « The value of openness in scientific problem solving », Working
paper, Boston : Harvard Business School.
86
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
II. CE QUE LES MANAGERS PENSENT
Nous avons complété notre retour d’expériences d’une collecte
de points de vue de managers de grandes entreprises. Plusieurs
entretiens ont été réalisés sur la base de la grille figurant en annexe
de cet ouvrage. Nous les retranscrivons ci-dessous. Naturellement,
il s’agit d’un matériel discursif qui ne révèle pas nécessairement la
position de l’entreprise des managers interrogés mais leurs positions personnelles sur les technologies du Web 2.0 compte tenu de
leur expérience de ces technologies dans leur entreprise.
CHEZ VALEO23
Résumé : synthèse d’un entretien réalisé le 11/03/2011 avec le responsable du déploiement des applications Google chez Valeo dans
une optique collaborative entre les équipes qui sont dispersées géographiquement dans l’organisation.
Valeo est une entreprise industrielle multibranches du secteur automobile (équipementier) qui dispose de plus de 30 centres de production dans le monde, ce qui représente plus de 70 000 salariés
répartis dans plus de 25 pays différents. Son périmètre évolue en
permanence au gré des rachats, cessions et partenariats avec des
entreprises de la filière automobile. La culture d’entreprise est également très forte et propre au contexte qui la caractérise : culture
du résultat, responsabilisation des individus, diversité très forte
des profils compte tenu du mode de fonctionnement en entreprise
étendue, accentuation de la dispersion géographique des équipes,
recours à l’externalisation, sensibilité à la performance des services
administratifs.
La DSI de Valeo est en charge de mener une réflexion sur le déploiement d’applications du Web 2.0 en interne. Cette réflexion a été
23 Entretien avec Hervé Dumas, Group Office Information System Director chez
Valeo et en charge du déploiement des applications Google.
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
87
impulsée au départ par la Direction Générale dans une logique de
programme informatique classique (management de projet) et dans
la continuité des autres programmes déployés en interne dont certains visaient également à améliorer la collaboration et les échanges
entre les équipes.
Le Web 2.0 vu par l’interviewé
Selon Hervé Dumas, le Web 2.0 peut se définir comme une
focalisation plus forte sur les applications/services entre les utilisateurs : « Il transforme les usages avec des applications plus collaboratives, transparentes et rapides. » Ces applications permettent
normalement « de diffuser la bonne information, au bon moment,
aux bonnes personnes ». Le Web 2.0 est donc souvent mis en place
sous un angle collaboratif. Une application en 2.0 doit ainsi se
caractériser par sa facilité d’accès et d’usage.
La principale caractéristique du Web 2.0 est qu’il agit sur 3 sphères
interdépendantes, ce qui explique que ce soit un processus long et complexe : la sphère personnelle, la sphère d’équipe, et la sphère entreprise.
L’objectif est alors de couvrir ces 3 sphères avec le Web 2.0, sachant que
certaines applications existaient déjà dans l’ancien système de Valeo
(messagerie avec Lotus Note, outils de feedbacks, Intranet, etc.).
Le déploiement des applications
Le choix des applications Google (Gmail, Google sites, flux RSS,
etc.) s’explique par leur niveau de maturité par rapport aux problématiques internes de la sphère d’équipe. Cette sphère était la moins
pourvue chez Valeo en termes d’applications et représente un cadre
idéal de développement d’applications pour favoriser la collaboration. De plus, l’ancien système n’avait pas atteint le niveau de performance attendu dans la logique bottom-up et il y avait un besoin
croissant en interne de plus de décloisonnement et de collaboration
entre les différents services qui fonctionnaient encore en silos. Il est
intéressant de noter que cela était aussi une demande des équipes
de disposer d’outils collaboratifs.
88
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Le déploiement des applications s’est réalisé sur un principe « de
découverte » pour les utilisateurs en partant du principe que
« l’adoption se fait par les usages ». Cette logique de diffusion a
évité certains problèmes classiques d’adoption et d’appropriation
en SI. Les solutions ont été mises en place avec les outils Google
par rapport à des problèmes clairement identifiés sur l’ancien SI (le
problème a donc été repensé dans le nouveau système). L’écoute
des clients externes et internes a été fondamentale dans le déploiement des applications selon Hervé Dumas.
Il est nécessaire dans la phase de déploiement d’avoir une véritable
stratégie de gestion du changement et donc de bien connaître les
usages et les attentes dans les trois sphères. La culture et la manière
de travailler en interne chez Valeo ont également été importantes
pour les applications du Web 2.0 en préparant les comportements
des acteurs et en constituant une base pour la DSI en termes
d’adoption et d’utilisation (démarche structurée, culture du résultat, responsabilisation, autonomie, justification des écarts avec les
standards globaux, etc.).
Par ailleurs, si les applications créent de la valeur ajoutée et sont
perçues comme « problem solvers », elles vont se propager naturellement dans l’organisation par les acteurs internes. Les applications du Web 2.0 fonctionnent aussi beaucoup sur le principe du
« self-service » (exemple des Google sites chez Valeo qui ont été
mis à disposition des acteurs et qui n’ont pas été imposés). Toutefois la dynamique de diffusion, même avec le Web 2.0, ne peut pas
concerner tous les individus de la même manière. Il est important
de « respecter les rythmes des individus » dans l’adoption des applications. La DSI a ainsi adopté une posture de propositions (sauf à
certains moments clés dans le projet) car il est toujours préférable
que les services viennent spontanément la solliciter.
Valeo a pris soin de communiquer régulièrement sur les évolutions
du système en prenant des références externes qui ont un impact
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
89
important à certains moments clés du projet de déploiement. Un
travail classique d’évangélisation a été réalisé autour du Web 2.0 et
du cloud computing. En interne, la notion de « stratégie 2.0 » a été
utilisée pour signifier l’importance de ces applications et de leur
intégration dans les processus.
Les apports et impacts des applications du Web 2.0
Le Web 2.0 peut transformer les organisations mais cela est une
« conséquence potentielle » car c’est un processus long et complexe.
Les applications du Web 2.0 impactent les 3 sphères décrites ci-dessus et notamment la sphère individuelle qui prend plus d’importance. L’un des apports est donc la présence d’applications dans la
sphère individuelle qui va aider à la pénétration des applications
du Web 2.0 dans les deux autres sphères (équipe et entreprise).
Un projet de création d’un portail personnel personnalisable pour
chaque individu est en cours de développement chez Valeo. Il doit
permettre d’utiliser des applications relevant des 3 sphères et d’évoluer vers un modèle idéal « multicanal et multimédia ».
Il est nécessaire par ailleurs de tenir compte de la culture d’entreprise pour comprendre comment le Web 2.0 peut faire évoluer
l’organisation et le management. Les applications liées au Web 2.0
tendent à poser la question de la gouvernance des organisations.
L’organisation peut évoluer vers une « gouvernance du self-service » ou « une gouvernance inversée » : cela se traduit par une
logique de valorisation et d’exposition des initiatives des acteurs de
l’entreprise et réinterroge le management des équipes. En résumé,
les applications du Web 2.0 mettent « les acteurs au centre du projet de l’entreprise ».
Les applications du Web 2.0 interrogent aussi les logiques de sécurité des SI car chaque contenu et chaque sphère doivent désormais
porter en eux le contrôle d’accès : « On n’est plus dans la sécurité
des périmètres mais dans celle des objets dans leur contexte. » On
a donc une jonction entre les usages et la conception des services
90
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
(exemple des Google sites et de la nécessité de descendre d’un cran
en sécurisant l’accès à certaines données à l’intérieur même du site
créé et pas seulement l’accès au site).
Enfin, le phénomène du Web 2.0 favorise l’évolution de la DSI vers
« moins de techniques et plus de fonctionnel », ce qui est une tendance forte depuis plusieurs années. La mission de la DSI chez Valeo
est ainsi « d’accompagner la collaboration dans l’organisation ».
CHEZ HYPIOS24
Comme nous l’avons indiqué précédemment, Hypios est une
start-up qui propose, à partir du Web sémantique, une plateforme
d’Open Innovation permettant la résolution croisée de problèmes
dans une entreprise.
Le Web sémantique ou Web 3.0 vu par l’interviewé
Le Web sémantique repose sur l’idée que la connaissance est
enchâssée dans les mots et très diffuse sur le réseau Internet. L’idée
est que « la machine doit préparer et présenter la connaissance pour
l’utilisateur » et pour ce faire, la nouvelle architecture plus riche du
Web est constituée de « données structures » avec des marqueurs
sémantiques. C’est une tendance de fond car les données sémantiques doublent chaque année sur Internet.
Le Web 3.0 n’est pas une évolution du Web 2.0 selon Milan Stankovic.
Ce sont plutôt deux couches parallèles du Web qui s’auto-alimentent
entre elles. Dans le Web sémantique, on retrouve trois couches : un
attribut d’un agent, une ontologie et une couche visuelle. Ces trois
couches convergent vers l’évolution du mythe du « Web physique »
dans lequel le Web fonctionnerait de la même façon que le cerveau
humain. Il s’agit d’une évolution de la connaissance. Toujours selon
notre interlocuteur, le Web 2.0 n’est qu’une réponse efficace aux
24 Propos recueillis pendant deux entretiens menés le 03 Mars 2011 avec Milan
Stankovic, chercheur en Web sémantique et Paul Arthur Patarin, deputy CEO d’Hypios.
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
91
besoins de socialisation et d’interactivité entre les individus. Le Web
2.0 est principalement un Web social, il s’agit de générer l’interaction
entre les utilisateurs alors que le Web sémantique est un traitement
différent et plus intelligent des données.
La plateforme
La plateforme d’Hypios se situe dans une logique d’Open Innovation
entre des « seekers » (les entreprises issues de différents secteurs qui sollicitent Hypios) et des « solvers » (les individus avec des compétences et
des connaissances par rapport aux problèmes posés). La caractéristique
de la plateforme est qu’elle s’appuie sur le Web sémantique pour identifier les individus susceptibles de répondre aux problèmes posés par
les entreprises. Il existe en effet des « liens cachés » entre les disciplines
qui peuvent être découverts avec le Web sémantique. Hypios recense
environ 1 million d’experts dans différents domaines.
L’une des évolutions de la plateforme est également une offre à destination de grandes entreprises ou de réseaux clos fermés (syndicat professionnel, ordre professionnel, etc.). Pour le dirigeant, et de manière
un peu contre-intuitive, c’est une des conditions de succès de l’offre.
Dans ces cadres plus fermés, la plateforme devient alors un outil de
révélation des expertises (elle ne se réduit pas à un réseau social) et
de structuration des savoirs, notamment quand la connaissance est
distribuée. Pour ce faire, la plateforme est capable de créer automatiquement, à partir d’un problème, une ontologie qui met en évidence
des domaines de connaissances non explorés et qui peuvent ouvrir des
champs innovants pour la résolution du problème en question. L’un
des avantages soulignés par l’un de nos interlocuteurs est également
d’identifier les tendances émergentes dans les secteurs.
Les premiers clients et retours d’expérience font apparaître plusieurs observations :
− un intérêt très marqué des entreprises pour explorer des chemins
nouveaux et différents de ce que les autres cherchent (approche
d’exploration très poussée) ;
92
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
− le taux de résolution des problèmes est de 30 % sur la plateforme.
Ce taux s’avère encore trop faible pour les fondateurs compte
tenu du business model (l’une des explications réside, selon l’un
de nos interlocuteurs, dans l’ergonomie du site Internet très perfectible) ;
− il est nécessaire d’accompagner les seekers dans la démarche de
formulation du problème pour maximiser les chances de résolution (les dirigeants ont parfois même été jusqu’à organiser des
calls conférences entre les seekers et les solvers et estiment que
c’est ce qui fonctionne le mieux).
Il existe différents types de problèmes selon les entreprises et
les situations. Les problèmes « théorisables » sont les plus adaptés à Hypios, c’est-à-dire ceux demandant une réflexion associant
plusieurs expertises et qui sont plus génériques. L’entreprise se
concentre donc désormais sur ce type de problèmes plus que sur les
problèmes précis d’ingénierie par exemple qui trouvent peu de solvers sur la plateforme (plus le champ est précis et restreint, moins
le nombre de solvers potentiels est élevé).
La taille, la jeunesse et le manque de notoriété d’Hypios ont parfois été également des freins quant à l’utilisation de la plateforme
par de très grandes entreprises. Les fondateurs ont cherché alors à
mettre en avant des success cases pour démontrer l’efficacité de leur
plateforme.
Les apports et impacts des applications du Web 3.0
Le cas d’Hypios illustre que les entreprises sont matures pour des
démarches d’Open Innovation car elles ont de plus en plus recours à
l’externalisation et elles ont pris conscience que la solution peut se
trouver en dehors de leur frontière.
Sur le plan technique, la plateforme fonctionne mais il existe encore
des marges de progrès concernant le Web sémantique car certaines
données sur des sites « privés ou fermés » ne sont pas accessibles,
or c’est parfois sur ces sites que se déclare l’expertise des individus
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
93
(exemple de Viadeo). Un des axes de recherche est également de
mieux comprendre les intérêts des individus à répondre à un problème (incitations monétaires, non monétaires comme la réputation, la mise en relation entre experts…).
Par ailleurs, il s’avère nécessaire pour les prestataires ou les plateformes de personnaliser leur offre et d’accompagner leurs clients
dans cette démarche. Dans certains cas, Hypios a même été jusqu’à
rédiger et à poster elle-même les problèmes de ses clients. Hypios
réfléchit actuellement à développer une alliance avec un cabinet
de conseil pour mieux accompagner et éduquer ses clients. Cette
démarche d’accompagnement est importante car chaque problème
est spécifique à l’entreprise et son domaine, d’où l’importance de
bien le formuler, ainsi que les concepts adjacents qu’on peut y
associer.
L’une des principales difficultés a été également la culture des entreprises qui ont « du mal à ouvrir leurs portes surtout pour montrer
leurs problèmes ». Le management interne des entreprises constitue
un élément décisif dans l’utilisation de la plateforme car « les gens
n’aiment pas dire qu’ils ont des problèmes ». À cela s’ajoute également l’identification du bon interlocuteur dans les organisations et
la longueur des processus de décisions.
III. SYNTHÈSE DE LA PARTIE II :
REPENSER LE MANAGEMENT
ET L’ORGANISATION DE L’ENTREPRISE
Les différents cas d’entreprises présentés dans cette partie
illustrent bien la variété des situations de gestion auxquelles les
applications du Web 2.0 sont susceptibles de s’appliquer. Que ce
soit de la relation client avec Starwood au pilotage de l’organisation
avec Valeo en passant par le KM et les communautés de pratiques
avec Bouygues ou Lockeed Martin, les cas soulignent l’importance
94
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
de la dimension organisationnelle dans le choix, le déploiement des
applications et leur appropriation par les utilisateurs. Les impacts
du Web 2.0 se situent ainsi à plusieurs niveaux et concernent de
toute évidence les processus métiers dans leur ensemble. Bien que
la dimension technique reste importante (choix des applications,
interopérabilité, coût, standards, sécurité des données…), cette dernière tend à devenir insuffisante pour comprendre les mécanismes
de transformation induits par le Web 2.0. On constate que les nouveaux usages ancrés dans les applications du Web 2.0 ne peuvent
se départir d’une réflexion sur le management et l’organisation de
l’entreprise. Plusieurs hypothèses se dessinent ainsi à la lecture des
différents cas et feront l’objet d’une réflexion plus approfondie dans
les parties suivantes :
− l’évolution des technologies se réalise souvent à partir des pra-
tiques et des usages opérationnels internes à l’organisation sans
que cela ne soit forcément planifié par un organe de direction
(DSI, direction fonctionnelle) et conduit à une réflexion sur la
manière finalement de légitimer et d’optimiser ces nouvelles pratiques (Bouygues, LM) qui y sont associées dans un souci récurrent et nécessaire de « performance ». Cela revient à imaginer
de nouveaux dispositifs pour « enchâsser » dans l’organisation
des pratiques émergentes porteuses de valeur ajoutée (comment
passer de l’outil de gestion au dispositif de gestion qui est plus
intégré) mais également à une réflexion sur l’alignement des initiatives autour du Web 2.0 et de la stratégie de l’entreprise ;
− l’accentuation du recentrage sur l’individu comme entité amor-
cée depuis quelques années en SI dans une logique systémique,
concentrique et réticulaire (mes collègues proches du service,
des autres services, mes communautés, mon département, mes
supérieurs hiérarchiques…). Cette évolution nécessite une plus
forte contextualisation des applications selon les situations et une
adaptabilité des interfaces, la personnalisation des fonctionnalités
Web 2.0 et organisation : retours d’expériences
95
ou des applications n’étant sans doute qu’une première étape vers
plus de collaboration et moins de cloisonnement comme chez
Valeo ou Bouygues (on part de l’individu pour améliorer le collectif) ;
− la dimension métier se renforce et s’étend avec et au travers du
SI et, comme on peut le voir avec Orange ou Starwood, elle peut
même aller jusqu’à explorer des interstices entre les fonctions de
l’organisation qui étaient encore vacantes ou entre des champs
encore jusqu’ici peu ou pas interconnectés, comme avec la plateforme d’Hypios. Cela peut s’avérer déstabilisant pour les organes
de direction et les managers car cette évolution met en lumière
aussi les limites de l’organisation, par exemple sur ses propres
connaissances ou compétences, voire même jusqu’à son management. La réflexion sur les capacités et compétences de l’entreprise devient alors essentielle à l’intégration des applications du
Web 2.0.
− Enfin, l’augmentation de la complexité organisationnelle par
l’accroissement rapide des flux d’informations et des capteurs de
données soulève deux problématiques : d’une part, la capacité à
récupérer, trier et croiser les informations pertinentes et, d’autre
part, la capacité de l’organisation à leur donner du sens dans des
logiques métiers qui sont encore à géométrie variable. L’apport
du Web sémantique est l’une des réponses, par exemple, mais
sans doute pas la seule en matière de structuration des données
et de connaissances.
Partie III
Le Web 2.0
en univers gouverné
3
Le Web 2.0
en univers gouverné
Dans cette partie qui fera office de synthèse, nous interrogeons
le Web « 2.0 » de façon à intégrer dans une même conception les
approches centrées sur les communautés et réseaux sociaux émergents, les ressorts et enjeux de gouvernance des organisations et la
dimension systèmes d’information. Nous montrons ensuite comment les « univers gouvernés », s’ils adoptent les pratiques du 2.0,
doivent intégrer une « fabrique » différente de l’intelligence collective au travers de groupes émergents, comment ils doivent s’adapter
à la coopétition et à l’interopérabilité et maîtriser le langage de la
collaboration étendue, et comment le 2.0 peut permettre de cultiver
des champs de création de valeur pour le futur.
Des idées reçues et de fausses évidences autour de la hiérarchie,
du participatif communautaire et de l’émergent sont revisitées, et
quelques enjeux critiques pour le « passage au 2.0 » identifiés :
associer one-to-one et many-to-many, mobiliser le collectif, valoriser une organisation « méta-dimensionnelle » et valoriser et protéger l’individu.
Pour « piloter le nuage », le système d’information est central et
nous faisons l’hypothèse que l’enjeu pour les DSI est de pouvoir
progresser dans la maîtrise de quatre leviers : le pilotage multidimensionnel et les référentiels enrichis, la gestion des communautés, la gestion de l’organisation, des droits et de la gouvernance de
l’information, le pilotage des capacités organisationnelles
100
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
I. COMMENT PILOTER  UN NUAGE ?
L’objectif de cette partie est de proposer une vision du 2.0 en
entreprise, qui permette de mieux articuler le « communautaire
émergent », qui caractérise centralement le modèle du Web 2.0,
avec les ressorts des univers organisationnels plus gouvernés. L’introduction de pratiques « 2.0 » en entreprise (cf. les cas étudiés précédemment) repose sur des évolutions des systèmes d’information
qui peuvent sembler minimes au départ – il suffirait d’introduire
une « couche collaborative » dans le SI existant. En réalité, elles
entraînent des transformations importantes dans la représentation
de l’organisation et les paradigmes du pilotage de gestion : ontologie de la gouvernance et des structures, modélisation et gestion
de « groupes complexes », principes et modalités d’actualisation de
l’émergent en planifié, de l’informel en formalisé.
Si le mandat d’une organisation gouvernée est avant tout de gérer
des processus de déploiement de la stratégie et d’optimiser l’engagement des moyens au service des objectifs stratégiques qui l’animent, nous tenterons donc d’éclairer ce qui pourrait lui permettre
de « piloter le nuage », de stimuler sa création de valeur, de mobiliser ses équipes à l’aide du 2.0 et d’en maîtriser l’utilisation.
L’entreprise en réseau (Castells, 1998) est un modèle organisationnel qui précède la généralisation des outils et procédures qui permettent de rendre ce modèle effectif à grande échelle. Le réseau
est d’abord une configuration organisationnelle. C’est ce qui
explique la rapidité des interactions avec les systèmes techniques
(Web, puis Web 2.0) qui apparaissent de manière concomitante et
viennent concrétiser encore les dispositifs de gestion et l’imaginaire
du réseau25. La dualité des technologies, dans la lignée notamment
des travaux de Giddens sur la structuration, a été étudiée il y a
25 Sur les rapports généraux entre histoire et imaginaire, voir par exemple Legoff
(1986). Sur la concrétisation des objets techniques, voir Simondon (1958).
Le Web 2.0 en univers gouverné
101
une quinzaine d’années sur le domaine des systèmes d’information (Orlikowski, 1992). De même, le débat outil-structure s’est-il
nourri d’un certain nombre de travaux sur les outils de gestion et
leur interaction avec les organisations (Hatchuel et Molet, 1986 ;
Moisdon, 1997 ; David, 1998 ; de Vaujany et al., 2006 ; Aggeri et
Labatut, 2010).
Dans ce contexte de double évolution organisationnelle et technologique, et comme nous l’avons étudié dans la première partie, une
littérature abondante est consacrée au Web 2.0 (Musser et O’Reilly,
200626), dont l’entreprise 2.0 (McAfee, 2009.) est la traduction en
organisation. De multiples exemples sont donnés d’adoption d’outils Web 2.0 dans des organisations de divers types, de l’entreprise
(McAfee, 2009 ; Roulleaux Dugage, 2008) au gouvernement (Meijer et Thaens, 2010) ou à la science27. Dans la plupart des cas, les
auteurs listent les outils du Web 2.0 et élaborent, le plus souvent en
prenant appui sur ce que font des entreprises pionnières, les avantages du passage au 2.0. Mais, mis à part les cas des entreprises
pionnières citées, ces travaux prennent rarement comme point de
départ un univers gouverné réel. Ils ont tendance à faire un diagnostic de l’existant qui met a priori l’accent sur les limites des
structures classiques. Ils négligent le fait que beaucoup d’informel et de communautaire existe dans les organisations. Les organisations hiérarchiques sont ainsi stylisées comme nécessairement
dépassées, et c’est à l‘aune de cette simplification que sont avancés
les arguments en faveur du passage au 2.0. Des auteurs aujourd’hui
classiques (Follet, 1924 ; Barnard, 1938 ; Blau et Scott, 1962) l’ont
26 Pour la petite histoire, on attribue généralement le terme Web 2.0 à Dale
Dougherty de la société O’Reilly. Certaines sources indiquent un article de DiNucci intitulé Fragmented Future, publié en 1999.
27 L’expression « science 2.0 » devient populaire (à titre indicatif, le mot-clé donne
400 000 entrées sur Google (9/2/2011). En revanche, les bases académiques ne contiennent
que 8 (Business Source Elite + Econlit) et 39 (Science Direct) articles contenant l’expression, et aucun si l’on considère seulement les titres des articles.
102
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
depuis longtemps relevé : rares sont les organisations qui seraient
« entièrement 1.0 », c’est-à-dire purement mécanistes au sens de
Burns et Stalker (1961). Cela reviendrait à prétendre que les plateformes sociales émergentes (emergent social platforms) n’existent
que depuis que des architectures logicielles (emergent social software
platforms) existent pour les « supporter », ce qui est historiquement
et généalogiquement contestable.
Le Web 2.0, qui a envahi la sphère privée au travers des réseaux
sociaux et des applications comme YouTube, Flickr, Skype, Google
Apps, Twitter, Facebook ou Wikis de divers types, a beaucoup modifié la relation de l’individu à son environnement social. Introduit
en entreprise, il peut donner à chaque collaborateur la possibilité
de contribuer, créer, échanger, amender, savoir, dire, évaluer… mais
aussi d’exister davantage qu’auparavant au-delà de sa place dans
l’organigramme. Quels rôles nouveaux pour les managers, quelle
nouvelle définition de mission pour la gestion de collaborateurs
connectés au « nuage » ? De quels moyens se dote l’organisation
pour orienter les choix de ses managers quant aux pratiques collaboratives de leurs équipes et à la gestion de la valeur émergente
qu’ils contribuent à créer ?
II. LA GOUVERNANCE DE L’ÉMERGENT
Comme nous l’avons évoqué dans les paragraphes précédents, le
« 2.0 » fait une large place aux structures émergentes. Or, la plupart
des organisations professionnelles, celles au sein desquelles on voudrait mettre en place des pratiques « 2.0 » sont des organisations
gouvernées. Par « organisation gouvernée », nous entendons, bien
que les deux termes « organisation » et « gouverné » puissent sembler redondants, une organisation dotée d’une structure formelle,
c’est-à-dire non entièrement émergente, et visant à atteindre un
objectif prédéterminé. Nous considérerons donc des structures au
Le Web 2.0 en univers gouverné
103
sens classique du terme plutôt qu’au sens interactionniste (Desreumaux, 1998)28. Nous nous focaliserons, de surcroît, sur des situations de gestion au sens de Girin : « Nous dirons que nous sommes
en présence d’une situation de gestion chaque fois qu’à un ensemble
d’activités en interactions est associée l’idée d’activité collective et de
résultat faisant l’objet d’un jugement ; [nous dirons que] des agents
sont engagés dans la situation de gestion lorsqu’ils se reconnaissent
comme participant à des degrés divers à la production du résultat »
(1983).
Dans une organisation gouvernée, les managers doivent organiser
les ressources qui leur sont confiées pour atteindre les objectifs
fixés. Or le Web 2.0 peut modifier profondément toutes les dimensions de ce management : l’organisation, les ressources, les modes
de conception, la nature et les modes de détermination des objectifs, la gestion des espaces et des temporalités.
UNE « FABRIQUE » DIFFÉRENTE DE L’INTELLIGENCE COLLECTIVE
AU TRAVERS DE GROUPES ÉMERGENTS
En démultipliant les échanges d’informations, en rendant transverses les processus, en autorisant des émergences entretenues
à grande échelle, mais aussi en gommant les frontières entre les
sphères privées, personnelles, professionnelles, sociétales, le 2.0 fait
naître une nouvelle culture et de nouvelles pratiques, où l’intelligence collective le dispute à la consigne individuelle, où la légitimité des acteurs est plus complexe et davantage discutée. Sur un
plan général, tout mouvement de décloisonnement va dans ce sens :
par exemple, lorsque Christian Blanc modernise la structure de la
28 Définition classique : « La structure est une configuration formelle de rôles et
de procédures, officiellement consacrée, et destinée à orienter les comportements des
membres de l’organisation en spécifiant ce qu’ils doivent faire et ce qui sera récompensé. »
Définition interactionniste : « La structure est l’ensemble des régularités dans les comportements des acteurs, tels qu’ils sont observables au cours du temps » (1998, p. 37).
104
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
RATP (David, 1994), au début des années 90, il impose une structure plus décentralisée, mais avec une intégration plus forte (« Je
suis ici pour permettre les émergences. », déclare-t-il à son arrivée
dans l’entreprise). Mais les technologies du Web 2.0 permettent, en
principe, d’envisager une « gestion des émergences » sur un périmètre beaucoup plus large, et d’une manière plus intensive.
Le premier défi pour le management est de canaliser cette énergie nouvelle et d’en tirer le meilleur parti, sans que cela signifie
nécessairement que ce qui est produit par des pratiques « 2.0 »
soit purement et simplement réintégré dans du « 1.0 ». Le mode
projet, par exemple, avait revisité les structures des organisations
autour d’une nouvelle gouvernance, centrée, pour chaque projet,
sur l’atteinte d’un objectif collectif légitimé par la Direction (Clarke
et Fujimoto, 1991 ; Wheelright et Clarke, 1992 ; Midler, 1993 ;
Garel, 2003). C’était un premier niveau de révision des pratiques
de management, qui n’avait pas besoin des outils du 2.0 pour exister, mais dont on peut souligner plusieurs caractéristiques que le
2.0 amplifie : la multiplication de communautés « uniques » (par
l’objet dont elles s’occupent), l’émergence de pratiques transverses,
la difficulté, pour les managers, de gérer « l’évasion » des ressources
qu’ils ont en responsabilité sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas en
totalité, l’individualisation des parcours et des profils, la nécessité
de travailler sur des objets intermédiaires de conception et grâce à
des plateformes organisationnelles (dans certaines industries : des
maquettes et des plateaux techniques, par exemple). Avec la généralisation des pratiques 2.0, il ne s’agit plus seulement de commander une structure aux contours bien définis, mais de superviser un
ensemble de risques, de conduire la progression vers un objectif
stratégique global. On trouvait déjà, avec l’invention et la mise
en œuvre du management par objectifs et auto-contrôle dans les
organisations multidivisionnelles (Drucker, 1944 ; Chandler, 1962),
ce type de problématique de pilotage des grandes organisations :
Le Web 2.0 en univers gouverné
105
chaque grand mouvement d’évolution des structures réinterroge, en
effet, l’articulation entre différenciation et intégration déjà théorisée
par Lawrence et Lorsch (1967).
S’ADAPTER À LA COOPÉTITION ET À L’INTEROPÉRABILITÉ
Les révisions fréquentes des chaînes de valeur, les standards
Internet, la dématérialisation des échanges, la mondialisation ont
contribué à créer les conditions favorables à une plus grande interopérabilité des ressources, des systèmes et des informations. Depuis
plus de 10 ans, n’importe quelle entreprise peut connecter son système de supply chain avec un client ou un fournisseur à l’autre
bout du monde, et les applications et pratiques de conception
interagissent sur toute une filière. Le Web 2.0 autorise désormais
l’émergence de réseaux informels et de coopérations innovantes audelà de l’organisation, créant de nouveaux actifs dont la propriété
et le statut au regard du droit commercial sont parfois difficiles à
déterminer (ce qui n’est pas forcément un obstacle, mais peut comporter des risques). Comme toujours lorsque de nouveaux agencements organisationnels deviennent possibles, les organisations
performantes sont celles qui sauront le mieux utiliser cet écosystème plus ouvert, plus « coopétitif », où la frontière entre symbiose
et parasitisme dans les relations entre partenaires doit être régulièrement analysée. Pour étendre à des communautés émergentes ce
qui s’applique habituellement à des divisions au sein de structures
multidivisionnelles aujourd’hui classiques, il faut évidemment revisiter les pratiques de pilotage et de collaboration.
MAÎTRISER LE LANGAGE DE LA COLLABORATION ÉTENDUE
Pour assurer cette collaboration étendue et la gestion d’une
quantité sans cesse croissante d’informations, le Web 2.0 impose
de simplifier l’accès et la compréhension des objets manipulés.
C’est à ce titre que la maîtrise des problématiques de recherche
106
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
(moteurs de recherche, de règles et d’orchestration, outils d’indexation, annuaires), de méta-données (tags, chorégraphies, registres du
Dublin Core29 (2001)) et de référentiels (privés ou normés, taxonomies ou folksonomies30) est un enjeu clé. Maîtriser un espace
sémantique, définir la manière de décrire un champ d’informations
ou les attributs descriptifs d’un objet revient en définitive à amener
le « Many » à adopter un langage, une forme d’esprit, une vision
structurante.
Telle organisation gouvernée qui souhaite dominer un domaine ou
influencer son évolution aura sans doute intérêt à connaître et maîtriser les acteurs qui en définissent la taxonomie. Observer les tags
et la folksonomie retenue par des communautés de pratique, enrichir
son contenu et aider à sa structuration peut s’avérer très riche pour
analyser « en avance de phase » un champ d’innovation. On voit
d’ailleurs émerger des firmes spécialisées qui proposent une structuration d’un secteur d’activité et en deviennent les pourvoyeurs
d’information de référence31.
CULTIVER DES CHAMPS DE CRÉATION DE VALEUR POUR DEMAIN
Les actions quotidiennes des managers visent à rendre aussi
efficaces que possible les processus de création des objets produits par les organisations gouvernées, qu’il s’agisse de biens de
consommation ou de production immatérielle ou de service. Cette
optimisation garantit un bon rendement, une bonne création de
valeur pour l’organisation gouvernée. C’est en tout cas à cette aune
qu’est généralement évaluée la production de valeur d’aujourd’hui.
29 « The Dublin Core Metadata Initiative, or “DCMI”, is an open organization
engaged in the development of interoperable metadata standards that support a broad
range of purposes and business models » (source : http://www.dublincore.org).
30 « Folksonomy: A user-created bottom-up categorical structure development with
an emergent thesaurus » (Vanderwal, 2004).
31 Par exemple : JDPower pour les biens de consommations ou Hackett pour les
benchmarks.
Le Web 2.0 en univers gouverné
107
Certaines organisations vont également mettre en place des processus d’optimisation de leurs fonctions de développement et d’innovation (Lemasson, Hatchuel et Weil, 2006), optimisant ainsi la
création de valeur innovante.
Si l’on observe maintenant les échanges utilisant les supports du
Web 2.0, on peut y trouver des recherches d’optimisation « classiques » (productivité et pertinence du média) sur des objets dont
on peut supposer qu’ils sont déjà décrits dans le référentiel de
l’organisation (ou qu’ils pourraient l’être). On trouvera aussi de la
perte de temps (au vu des objectifs de l’organisation gouvernée),
du slack (part acceptable de relâchement, améliorant au final la
productivité, mais sans objet propre), mais on observera aussi de
l’activité créatrice, de la co-conception sur des objets non encore
identifiés, soit parce que l’organisation ne les connaît pas encore,
soit parce que ceux qui travaillent dessus n’ont pas su trouver leur
description dans les référentiels existants. Une partie au moins de
ces objets peut être considérée comme la première expression de la
création de valeur pour demain.
En résumé, si la maîtrise des processus fournit la valeur actuelle,
les processus 2.0 permettent l’émergence d’une partie de la
valeur future. C’est donc un enjeu pour les managers de l’organisation gouvernée que de les capter, les suivre et les intégrer à
la chaîne de valeur lorsque c’est pertinent. Cela était déjà vrai
avant les outils du Web 2.0, mais les possibilités du 2.0, le phénomène de mode autour de ces outils, et les impératifs d’une
gestion efficace des connaissances légitiment ce retour sur la
question de l’intégration des connaissances, y compris celles qui
sont produites en excès32.
32 Sur cette question de la réutilisation des connaissances produites en excès,
notamment dans les processus d’innovation, voir Lemasson, Hatchuel et Weil (2006) et
Lemasson (2001).
108
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
III. WEB 2.0 ET MYTHES
DE L’ORGANISATION PARTICIPANTE
Le Web 2.0 dans les organisations est, pour partie, sous-tendu par
une philosophie managériale commune avec celle fondant les dispositifs de management participatif hérités de travaux anciens qui
mettaient en avant les propriétés vertueuses des organisations participatives par opposition aux organisations hiérarchiques et centralisées.
Il est utile de comprendre les ressorts mais également les limites de
cette approche de façon à enrichir la place et les enjeux liés aux outils
de Web 2.0 tels qu’ils peuvent être mobilisés dans les organisations.
Les dispositifs de management participatif, souvent présentés
comme vertueux (Wilcox, 1969), ont beaucoup été diffusés dans
les recherches en organisation et en gestion et dans une certaine
mesure dans les organisations elles-mêmes, notamment à partir de
la fin des années 60 à travers les organisations du travail héritées du
toyotisme. Cependant, McCaffrey et al. (1995) notaient qu’en dépit
d’une littérature extrêmement fournie sur les systèmes participatifs,
le nombre d’organisations qui avaient aux USA, dans la pratique,
substitué en partie une organisation participative à un système hiérarchique fondé sur le contrôle et la supervision, était relativement
faible (Halal et Brown faisaient le même constat dès 1981).
Les travaux de recherche portant sur les avantages des environnements, dispositifs, systèmes et processus de décision participatifs
sont pourtant nombreux. Ils mettent en évidence notamment les
éléments suivants :
− les organisations participatives permettent de rassembler plus
de connaissances ou d’expertises que les systèmes hiérarchiques,
utiles pour la résolution de problèmes ou la recherche de solutions innovantes ;
− elles conduisent également à un engagement plus fort des participants (ceux-ci s’impliquent d’autant plus qu’ils savent avoir une
influence sur les décisions) ;
Le Web 2.0 en univers gouverné
109
− elles tolèrent et encouragent la flexibilité contrairement aux orga-
nisations régulées par le contrôle centralisé et la règle uniforme et
universelle (au sens de celle prévalant dans l’organisation bureaucratique de Weber, 1922).
Notons que plusieurs auteurs ont montré qu’un certain nombre de
recherches portant sur l’étude des avantages de la participation présentaient des faiblesses méthodologiques et conceptuelles importantes
renforçant, en un certain sens, le caractère idéologique du management participatif. Citons ainsi Cotton et al. (1988) ou encore Wagner
et Gooding (1987). McCaffrey et al. (1995) rappellent que les résultats
sont très différents selon que l’on s’intéresse au lien entre participation
et efficacité ou à celui liant participation et perception de l’efficacité.
En dépit de ces insuffisances, McCaffrey et al. (1995) reprennent
un travail de Dachler et Wilpert (1978), et indiquent qu’un système
participatif est fondamentalement caractérisé par un ensemble de
six propriétés :
− une stratégie formelle et délibérée de participation traduite dans
une politique managériale officielle ;
− une implication directe des différentes parties prenantes ;
− l’attribution dans les processus participatifs de rôles non uniquement consultatifs aux parties prenantes ;
− une participation aux processus dont les enjeux sont particulièrement importants pour l’organisation ;
− l’implication d’un panel large d’acteurs parties prenantes ;
− une culture fondée sur la croyance en les vertus du respect et de
la considération mutuelle.
Différentes contraintes et difficultés expliquent néanmoins le faible
recours aux organisations participatives. Citons notamment :
− la culture du contrôle et les craintes liées à la perte de contrôle
dans des environnements turbulents ;
− les incitations à l’accroissement du leadership évaluant positivement les styles de management fondés sur le contrôle et la
110
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
capacité à superviser (et ce en dépit des recherches nombreuses,
dont celles de MacGregor (1960) sur les vertus du style de management Y, participatif) ;
− le poids des conditions initiales dans les organisations et notamment en matière de conflit ; les routines basées sur le conflit
peuvent conduire à disqualifier tout système fondé sur la transparence, l’échange d’information ou la participation de tous (le
conflit est auto-entretenu et le cycle est complexe à arrêter (à
l’inverse, certains types de cultures nationales favorisent l’émergence de systèmes participatifs, cf. la théorie Z de Ouchi (1981),
par exemple) ;
− la collaboration n’est pas consubstantielle de la mise en situation
d’interaction, même lorsque celle-ci est fréquente et répétée.
Ces derniers points peuvent être utilisés pour faire apparaître les
enjeux de pratiques relevant du many-to-many telles qu’elles caractérisent celles associées aux outils de Web 2.0.
En premier lieu, le recours au many-to-many est, d’une certaine
façon, un acte de management au sens où il décrit une prise de
position dans l’arbitrage traditionnel entre la hiérarchie et la participation ainsi qu’entre le contrôle et l’autonomie. Cela signifie qu’il
ne suffit probablement pas d’utiliser des outils de Web 2.0 pour
transformer une organisation hiérarchique centralisée en une organisation participative et, qu’à l’inverse, mettre en place une organisation participative s’appuie sur bien d’autres leviers que les seuls
outils du Web 2.0. (par exemple, le changement des styles managériaux des cadres).
En second lieu, le Web 2.0 peut être en opposition, dans certains
contextes, avec une culture du contrôle fortement ancrée. Ceci suggère que des mécanismes visant à préserver les marges et les distributions initiales du pouvoir soient mis en place par les acteurs de
l’organisation. Une vision un peu plus nuancée conduirait à imaginer, qu’avec l’introduction d’outils de Web 2.0, d’autres marges
Le Web 2.0 en univers gouverné
111
(ou zones d’incertitude au sens de Crozier et Friedberg, 1977)
puissent apparaître, accaparées par certains acteurs. Il est ainsi possible d’imaginer, par exemple, des transferts implicites et subtils de
pouvoir entre acteurs de la R&D et acteurs des SI, suite à la mise
en place de plateformes électroniques d’innovation ouvertes dans
une organisation.
En troisième lieu, il est permis et raisonnable de penser que les
interactions permises par les outils de Web 2.0 dans les organisations ne se substituent pas totalement aux interactions hors Web
2.0 (distinction classique entre le formel et l’informel). De même,
en dépit de la constitution, grâce au Web 2.0, d’espaces nouveaux
d’interactions, le système hiérarchique et les mécanismes de contrôle
peuvent continuer à opérer ; dans ce cas, le Web 2.0 a d’autres
fonctions que celle de redistribution des rôles et des pouvoirs.
En quatrième lieu, il est également raisonnable d’envisager la
possibilité que les outils de Web 2.0 soient l’un des leviers d’un
management hiérarchique fondé sur le contrôle centralisé, sorte de
modalité déguisée de contrôle et de récupération par la hiérarchie
(l’organisation mettant progressivement en place des procédures
de fonctionnement du Web 2.0 et des règles jusqu’à ne plus faire
un système participatif mais un système bureaucratique). Notons
qu’à l’inverse, la littérature de sociologie des organisations indique
abondamment les impossibilités de contrôler totalement ce genre
de dispositif. Autrement dit, le Web 2.0 ne sera jamais un univers
totalement maîtrisable mais jamais non plus un univers hors d’atteinte de tout contrôle hiérarchique.
Ce dernier point invite à nuancer sensiblement la description qui
peut être faite des opportunités liées à l’introduction des outils de
Web 2.0 dans les organisations, notamment dans la littérature en systèmes de décision ou systèmes d’information. Reprenons ainsi, par
exemple, la comparaison que font Turban et al. (2011) entre la collaboration avec le Web 1.0 à celle permise, selon eux, avec le Web 2.0.
112
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Tableau 4 – Comparaison collaboration 1.0 et 2.0
Domaine
Collaboration 1.0
Collaboration 2.0
Contexte
Collaboration contrôlée
par l’entreprise
Collaboration générée
par les utilisateurs,
flexible et dynamique
Facilité d’utilisation
Peut être complexe
Très « user-friendly »
Coût
Peut être très élevé
Très bas
Plateforme
Plateforme propriétaire
Open source, flexible
Focus
Transactions
(homme machine)
Interactions
Niveau d’interactivité
Faible
Élevé
Nature de la
collaboration
Structurée et initiée par
l’entreprise
Non structurée et initiée
par les utilisateurs
Gestion des applications Par l’entreprise
Facile, par les utilisateurs
Média de partage et
E-mail, messages textes
d’échange d’information
Flux RSS, microblogging
Flux d’information
Structuré et descendant
Non structuré et
ascendant
Recherche d’information
Taggage de l’information
Absence de tags, moteur
par les utilisateurs,
de recherche
Folksonomies
Environnements SI et
infrastructures
Extranet et Intranets
Réseaux sociaux,
Intranets et mondes
virtuels
Flexibilité
Faible
Élévée
Logiciel de collaboration
Structuré, ne peut être
modifié, est installé
Non structuré et
généralement pas
besoin d’installation
(traduit et extrait de Turban et al., 2011)
Le Web 2.0 en univers gouverné
113
Cette comparaison est en partie empreinte des mythes de l’organisation participante et notre propos est ici de proposer une lecture
différente de la collaboration en 1.0 et en 2.0.
Collaboration, structuration et contrôle
Le caractère plus ou moins structuré de la collaboration n’est
pas entièrement dépendant des technologies Web 1.0 ou Web 2.0.
La collaboration 1.0 autorise l’informel même si les applications
sont plus structurées. Le fait que les utilisateurs aient avec le Web
2.0 une place centrale (parce qu’ils sont générateurs de contenus)
ne signifie pas que dans les organisations l’on ait renoncé à des
formes de pilotage traditionnelles fondées sur le contrôle (y compris du contrôle très formalisé).
La mise en place de plateforme de conception ouverte (outil de génération 2.0) faisant appel à la créativité des Internautes pour nourrir
d’idées l’entreprise est compatible avec des procédures très formalisées de sélection des idées et de leur incubation dans l’entreprise.
À l’inverse, la présence d’un ERP (outils de génération 1.0) ne rend
naturellement pas impossible la mise en place d’espaces peu formalisés et faiblement contrôlés de créativité participant à l’innovation.
Collaboration, interactivité et participation
L’organisation n’est jamais totalement contrôlée et réglée
(cf. précédemment). L’interactivité et la participation peuvent être
encouragées ou découragées dans un univers 1.0 aussi bien que
dans un univers 2.0. La reprise d’un dispositif relevant du Web 2.0
par la hiérarchie peut suffire à décourager la participation de tous.
Une boîte à idées 2.0 sur un Intranet peut être efficace lorsque la
participation est spontanée et non nécessairement récompensée par
l’institution. Son efficacité peut être compromise lorsque la hiérarchie impose un mode de fonctionnement, des récompenses, des
critères d’évaluation des idées, un nombre d’idées à fournir obligatoirement sur une période donnée, etc.
114
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Collaboration et gestion des SI
La vague de diffusion des ERP à partir des années 90 et son
effet parfois dévastateur sur les organisations ont montré le caractère centralisateur des entreprises sur la conception et la gestion
des SI, génération 1.0. Néanmoins, a rapidement succédé à cette
vague un mouvement de quasi-réappropriation des SI par les opérationnels, traduit par la mise en place de solutions d’interfaçage
d’applications locales (sur la base de technologies 1.0). Inversement,
la mise en place et la gestion des applications de Web 2.0 dans les
organisations restent souvent à l’initiative de l’entreprise lorsque
ces applications contribuent à la création de valeur. Autrement dit,
l’entreprise reconfigure en permanence sa chaîne de valeur et continue de conserver le contrôle des applications qu’elle souhaite faire
participer à cette chaîne.
Il reste vrai, néanmoins, que les ERP ont mis les utilisateurs à
l’écart, ceux-ci restant souvent absents des processus de paramétrage, par exemple.
Finalement, il peut être difficile de comparer la collaboration 1.0
avec la collaboration 2.0 de façon aussi tranchée que ne le suggère l’approche du tableau précédent. Les outils et technologies du
Web 2.0 continuent autant que ceux du Web de première génération à être adossés à des philosophies gestionnaires et des conceptions de l’organisation. Les ruptures entre 1.0 et 2.0 se jouent donc
surtout au niveau de l’approche managériale, nous amenant à parler de management en univers 2.0 (cf. partie IV). C’est lorsque les
paradigmes managériaux, au service desquels se trouvent placés les
outils et technologies des SI, sont revisités que se produisent des
changements importants.
Partie IV
Perspectives
pour un management en 2.0
4
Perspectives
pour un management en 2.0
Dans cette partie, nous allons tout d’abord éclairer les lieux
communs sur les relations entre hiérarchie, communauté et émergence, pour tenter d’identifier ce que les pratiques 2.0 induisent
dans l’organisation et sa gouvernance.
Ensuite, nous formulerons ce qui nous semble représenter les principaux défis pour les managers et les organisations.
Enfin, nous proposerons 4 champs prioritaires de transformation
pour les systèmes d’information des organisations qui souhaitent
s’ouvrir au 2.0.
I. LA HIÉRARCHIE, LA COMMUNAUTÉ, L’ÉMERGENT :
TROIS FAUSSES ÉVIDENCES REVISITÉES
Tout d’abord, hiérarchie et communauté ne s’opposent pas :
tout groupe social soucieux d’action se dote, de manière émergente
ou planifiée, d’une structure. Les systèmes communautaires sont
apparemment moins hiérarchisés, mais cela ne signifie pas qu’ils
soient moins structurés : les mécanismes de coordination à l’œuvre
sont seulement différents, et les structures en question sont plus
souples et davantage susceptibles d’évolution et d’adaptation. Là
encore, il serait hasardeux de considérer que ces capacités d’adaptation seraient vertueuses en elles-mêmes : il a été depuis longtemps démontré que l’environnement des organisations n’est pas
un contexte extérieur auquel les structures devraient s’adapter mais
un ensemble d’institutions, d’organisations, de systèmes de normes
118
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
et de règles en interaction. Weick est allé plus loin en proposant de
considérer que les organisations « promulguent » (enact) leur environnement. Si dans la littérature sur le 2.0 les communautés sont
organiques et les hiérarchies plus mécanistes, c’est parce que les
secondes sont présentées comme officielles, rigides et dysfonctionnelles et les premières comme officieuses, souples, et subversives par
rapport aux règles établies. Mais il existe des communautés extrêmement rigides et contraignantes, ainsi que des hiérarchies ouvertes
et qui savent favoriser les initiatives.
Il s’ensuit logiquement que les communautés ne sauraient
être l’alpha et l’oméga de l’organisation 2.0. L’identité communautaire a été depuis longtemps répertoriée par Sainsaulieu (1977, 1995) dans ses études sur l’identité au travail. Orr
(1987) a, nous l’avons dit, étudié la formation et la dynamique
des communautés de réparateurs de photocopieuses chez Rank
Xerox, communautés qui se sont formées relativement spontanément, en opposition ou, tout au moins, en complément
de ce que prévoyaient les procédures en vigueur. L’accent mis
aujourd’hui sur les communautés s’explique par une dynamique
à la fois dialectique (contraste par rapport à un existant – les
structures hiérarchiques – dont on pointe les limites), mimétique (on applique aux organisations un certain nombre d’évolutions de la société, on suit les entreprises pionnières dont on
promeut les exploits) et métaphysique (on réduit l’action collective et sa performance à un acteur unique ou un principe totalisant – ici la communauté et le collaboratif)33. Une rhétorique
classique – et simpliste – apparaît alors : « (1) les technologies
du Web 2.0 permettent de faire un certain nombre de choses
nouvelles et d’appliquer certains schémas d’organisation d’essence communautaire à grande échelle, (2) donc il faut passer
33 Sur les métaphysiques de l’action, voir Hatchuel (2001).
Perspectives pour un management en 2.0
119
à l’entreprise 2.0, et (3) mais le 2.0 n’est pas une question de
technologie, c’est une question d’état d’esprit »34.
Une troisième fausse évidence est liée à la place accordée à l’émergent : nous l’avons dit, la mise en réseau permet à des groupes
de se structurer progressivement, les folksonomies remplacent les
taxonomies et, plus généralement, les relations et les contenus sont
en co-évolution permanente d’une manière et à une échelle sans
précédent. Or l’émergent n’a pas que de bonnes propriétés. Les animateurs de débats, en ligne ou dans des espaces physiques, savent
depuis longtemps que les discussions doivent être structurées et que
les échanges ont besoin de modération. Revenons, à nouveau, aux
fondamentaux : émergent, informel, participatif, « bottom up » ne
sont pas synonymes. Si l’émergent est managé, alors il s’insère dans
un système de gouvernement au même titre que d’autres sources
ou leviers de connaissance et d’action. Il faut donc poser la question de l’émergent au second niveau. On peut, en effet, accepter
l’idée que des communautés « émergent », d’abord avec une structure basique. Cette structure de base correspondrait à une grammaire relationnelle minimale, faite d’ajustements mutuels encadrés
par les normes sociales en vigueur et par les normes d’échanges
imposées par la plateforme en support35. Mais ensuite, des structures plus sophistiquées peuvent être nécessaires : à nouveau, on
peut les penser comme une poursuite des processus émergents qui
ont matérialisé la première structure, mais on peut également supposer qu’en univers gouverné, c’est-à-dire, rappelons-le, dans un
espace non entièrement fait de communautés auto-organisées, une
certaine forme de régulation devra être conçue et mise en œuvre.
34 Sur la rhétorique et le management, voir notamment Laufer (2001).
35 Des grammaires relationnelles peuvent sembler non contraignantes parce que
très proches des formes usuelles de l’échange social au quotidien. Or une liste, un tableau,
un espace sur un écran pour écrire une phrase, des possibilités d’attacher un document
constituent des formes d’organisation de la pensée. À ce sujet, voir par exemple Goody
(1977).
120
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
On retrouve alors le débat classique sur les rapports entre formel
et informel : d’un côté, pour Barnard (1938), le formel a pour terreau l’informel et de l’autre, pour Blau et Scott (1962), l’informel
n’existe que grâce au formel, en tant que sous-produit normal du
fonctionnement des organisations formelles. Nous retiendrons ici
que l’émergent doit être dans un premier temps considéré comme
ce qui est produit par les organisations lorsqu’elles fonctionnent en
plus et à côté des systèmes formels qui sont leur structure officielle.
Si, par ailleurs, on se rend compte qu’il est indispensable de capter beaucoup plus systématiquement la valeur de l’émergent, alors
l’émergent devient objet de gestion et donc cible de rationalisation.
II. LES QUATRE DÉFIS
POUR UN MANAGEMENT ORIENTÉ 2.0
L’analyse que nous avons proposée précédemment permet de
dépasser quelques idées reçues et fausses évidences. Dans cette partie, nous exposerons les principaux défis pour les managers et les
organisations.
ASSOCIER ONE-TO-MANY ET MANY-TO-MANY
Sauf à imaginer des systèmes à la fois consciemment coordonnés et capables d’évoluer sans pilotage identifié36, les actes de
management se font et continueront de se faire en un « lieu de
management » à partir d’informations issues de l’organisation,
souvent dans une logique « remontante » dans les systèmes hiérarchiques traditionnels. La relation classique est une relation One
(le manager) to Many (les acteurs et autres sources d’information).
36 Ceci est à rapprocher de la définition que donne Barnard de l’organisation :
« L’organisation est un système consciemment coordonné des énergies et activités de deux
ou plusieurs personnes » (1938).
Perspectives pour un management en 2.0
121
Les progrès des systèmes de reporting et de feed-back ont permis
d’améliorer la dimension « Many-to-One » du management. Mais,
empruntant la plupart du temps les mêmes canaux que le « Oneto-Many », ils n’ont eu que peu d’impacts structurants sur les pratiques de management : au mieux représentent-ils une boucle de
rétroaction de type adaptatif – la « simple boucle » d’Argyris et
Schön (1978) – et à condition que ces systèmes soient effectivement
utilisés, ce qui n’est pas nécessairement le cas. Les premiers travaux
de Orr (1984), mentionnés plus haut, sur les communautés de pratiques ont, par exemple, montré que les systèmes officiels pouvaient
ne pas être les plus efficaces ni les plus pertinents – en tout cas pas
les plus utilisés – pour transmettre et faire évoluer des savoirs.
Les acteurs de l’entreprise, quant à eux, sont de plus en plus
« connectés » à leur univers professionnel. Les formes de ces interactions sont multiples, mais leur présence est quotidienne : communications interpersonnelles, groupes projets et de pratique,
benchmarks et évaluations croisées, réseaux sociaux internes, communautés de pratiques ou groupe d’innovation ouverte, etc. Les
résultats produits sont tout aussi variés : mutualisation de ressources rares, détections d’opportunités, accélération des pratiques
de résolution de problèmes, intelligence collective et capitalisation
des pratiques, reconnaissance non financière, développement de la
polyvalence, etc. Les processus issus des nouvelles pratiques, transversaux, nombreux, et créant une valeur importante et diffuse, sont
l’objet de dynamiques et de tensions que l’organisation traditionnelle a du mal à canaliser. Parce qu’ils lient des groupes d’acteurs,
ou des groupes d’acteurs à d’autres groupes d’acteurs, on les qualifie
de « many-to-many ». Bien utilisés, ils forment un vecteur puissant
de motivation et de progrès, qui repositionne toutefois l’individu
au sein d’organisations de plus en plus complexes. Maîtriser et stimuler ces formes nouvelles d’énergie organisationnelle, gérer leur
émergence, valoriser leurs acteurs et utiliser leurs productions pour
122
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
le bien de l’organisation est l’impératif central du « management
2.0 ».
MOBILISER LE « COLLECTIF »
Dans les nouvelles organisations, irriguées par le mode projet et
les pratiques 2.0, il ne s’agit plus seulement pour les managers de
mobiliser la structure qu’ils dirigent, mais de contribuer à la mobilisation d’une communauté d’individus engagés dans une multiplicité de groupes. L’efficacité de l’ensemble dépend de l’efficacité de
chaque groupe, mais aussi de la cohérence, de la convergence et de
l’enrichissement des efforts des groupes. Le management 2.0 repose
sur une capacité gestionnaire de coordination et de focalisation,
plus que d’injonction au sens classique du terme.
Nous pouvons faire l’hypothèse que la performance d’un tel management repose :
− sur sa capacité à mettre chaque acteur en aptitude de pouvoir
déterminer seul si l’action à laquelle il contribue est conforme à
la stratégie collective ;
− sur sa capacité à veiller à ce que les groupes variables qui interagissent ainsi se dotent de capacités d’autorégulation, toujours en
conformité avec la stratégie collective ;
− sur sa capacité à tirer profit des connaissances émergentes ainsi
produites pour faire évoluer, en retour, la stratégie.
On voit que se renouvelle ici le débat stratégie/structure déjà instruit
par Chandler (1962) : stratégie et structure s’engendrent toujours
mutuellement, mais selon des modalités – systèmes de relations et
dynamique de la connaissance – différentes. De même, la question
de la vision stratégique et de la façon dont cette vision est conçue
et partagée se trouve-t-elle réinterrogée. De proche en proche c’est
l’ensemble du contrat psychologique entre l’organisation et ses
membres qui est ici en jeu, tant la nature et la dynamique des collaborations sont au cœur de ce qui justifie et motive un collectif.
Perspectives pour un management en 2.0
123
L’une des hypothèses que l’on peut émettre est qu’une piste de
solution se trouve dans le domaine des capacités organisationnelles (Penrose, 1959 ; Ulrich, 1991). En effet, définies comme le
« savoir-agir » des organisations, les capacités organisationnelles
transcendent les structures, pour qualifier l’aptitude d’un ensemble
de ressources – y compris celles que représentent des communautés
complexes – à se mettre au service d’un objectif. Si on accepte cette
hypothèse, il devient stratégiquement intéressant pour une organisation gouvernée de mettre en place un système de pilotage des
capacités organisationnelles (Fall, 2008 ; Blanc et Monomakhoff,
2008 ; Monomakhoff et Blanc, 2010) pour éclairer, pour chaque
acteur, l’efficacité de l’opérationnalisation quotidienne de la stratégie, qu’elle soit le résultat d’action de communautés transverses ou
de divisions organisées.
MAÎTRISER UNE ORGANISATION « MÉTA-DIMENSIONNELLE »
Dans le modèle idéal du 2.0, les organisations ne sont plus hiérarchiques, ni fonctionnelles, ni matricielles, ni territoriales, ni process,
ni projet… elles sont tout à la fois et s’enrichissent de connexion
avec leurs partenaires. Chaque responsable, dans son activité régulière, doit exercer des tâches de nature différente. Il peut être à la
fois technicien, financier, informaticien, juriste, etc. Pour que l’efficacité d’ensemble s’améliore, des structures « métier » transverses
ont été créées et font progresser les autres fonctions, s’enrichissant
elles-mêmes grâce aux autres fonctions. Cette transversalité s’exerce
également au-delà des limites des organisations qui créent des
structures collaboratives diverses avec leurs partenaires, leurs clients
et leurs fournisseurs.
Pour assurer un bon management et un échange d’informations
efficace au sein de cet ensemble au contour incertain, il faut assurer
une représentation puissante et adaptable de l’organisation et de ses
parties prenantes. Cette capacité à modéliser l’entreprise étendue ou
124
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
ce que l’on pourrait appeler « l’organisation méta-dimensionnelle »
est critique.
VALORISER L’INDIVIDU ET LE PROTÉGER
Après le monde de la promotion individuelle par la promotion
hiérarchique, les nouveaux modèles de management des ressources
humaines mettent en évidence les promotions horizontales, porteuses de valeur ajoutée pour l’individu, et pour son environnement. Le Web 2.0 étend à l’ensemble de l’organisation ce qui se
faisait naturellement au sein de petits groupes organisés (Shaw,
1971), rendant ainsi plus visibles des rôles – facilitateurs, communicateurs, experts, etc. – des mécanismes de reconnaissance – par
les pairs – et d’intermédiation. Les communautés 2.0 induisent
de nouveaux modes d’appartenance et de reconnaissance. Facilitateurs, communicateurs, experts, voire gourous : autant de façons de
reconnaître et de valoriser les individus qui retrouveront dans l’entreprise une assise pour mieux exprimer certains de leurs talents.
Ces outils fournissent aussi de quoi établir des critères permettant
d’évaluer ces talents de formation, de synthèse, de communication,
de rassemblement. L’identification de ces ressources parfois méconnues permet enfin de les protéger et éviter qu’elles ne quittent l’entreprise avec leur savoir.
III. COMMENT  PILOTER UN NUAGE  :
QUATRE PRIORITÉS POUR LES SI
ET LEURS MANAGERS
L’entreprise 2.0 ne se réduit pas à une organisation à laquelle on
aurait ajouté un « nuage », et nous ne voudrions pas ici ajouter une
métaphore de plus à l’analyse : le cloud computing est une expression à la mode dans l’univers des systèmes d’information, mais
nous reprenons ici l’expression, parce qu’elle permet, au moins
Perspectives pour un management en 2.0
125
temporairement, d’imager « l’entreprise augmentée » qui résulte de
cette activité 2.0, et de faire comprendre la difficulté qu’il y a à
« harnacher » ce nuage37. Rappelons également que le pilotage de
la performance des processus, et les indicateurs financiers et physiques de réalisation sont des outils indispensables à la prospérité
des organisations gouvernées. C’est en tout cas, majoritairement, la
culture dominante en termes de management.
Ceci posé, les nouvelles pratiques, plus communicantes, plus
ouvertes, plus interopérables, plus globales… seront plus efficaces
si les organisations qui les mettent en place savent maîtriser leur
« cloud » et amener la valeur qui y est produite à enrichir leur
propre proposition de valeur. Mais « harnacher un nuage » et le
mettre à l’ouvrage est une tâche difficile ! Les managers doivent
mettre en place pour cela des démarches à la fois structurantes et
adaptables qui permettent de conduire les opérations et de préparer
les décisions à partir d’une gestion de l’information solide et utile.
En raison de la masse et de la nature des informations échangées,
les systèmes d’information jouent naturellement un rôle essentiel
pour la performance de ces processus de décision et d’échanges.
Vu du spécialiste SI, – nous allons adopter une approche et un
vocabulaire plus spécifiquement « Systèmes d’information » – les
systèmes d’information permettent la captation, le traitement et la
circulation de l’information, sa préservation et sa mise à disposition.
Intégrés et interopérables, les SI assurent la connexion des acteurs
et des organisations et leurs échanges d’information. Le point commun de toutes les innovations 2.0 est leur base technologique. Le SI
est le système nerveux du « nuage ». Le système d’information est
37 L’expression est courante en langue anglaise : à titre indicatif, les mots-clés « harnessing » et « enterprise 2.0 » donnent un peu moins de 300 000 entrées sur Google,
tandis que « harnessing cloud » et « 2.0 » pris ensemble en donnent 127 000. En français,
« maîtriser » et « nuage » ne donnent rien qui ait trait à l’informatique, mais « maîtriser »
et « cloud » donnent 62 800 résultats.
126
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
donc un facteur stratégique critique – encore davantage que dans
le modèle « 1.0 » – et ce quel que soit le secteur d’activité ou la
filière (de la finance à l’industrie, des collectivités territoriales aux
laboratoires de recherche).
Quels sont les défis lancés aux systèmes d’information, issus des
constats faits dans les parties précédentes de ce rapport ? Quels
sont les leviers qui peuvent aider à piloter le nuage ? Nous allons ici
en aborder quatre : le pilotage multidimensionnel et les référentiels
enrichis ; la gestion des communautés ; la gestion de l’organisation,
des droits et de la gouvernance de l’information, et finalement le
pilotage des capacités organisationnelles.
LE PILOTAGE MULTIDIMENSIONNEL ET LES RÉFÉRENTIELS ENRICHIS
La modélisation des organisations repose actuellement majoritairement sur des représentations de deux types.
D’une part, des modélisations à vocation managériale : ces modèles
de haut niveau permettent d’expliciter différentes logiques de management (organisation hiérarchique, organisation matricielle, mode
projet, réseaux, etc.) (Ferrary et al., 2004). Si elles prennent bien en
compte les règles de pouvoir (« qui a autorité sur qui et dans quel
contexte »), elles ne permettent pas une structuration convenable des
mesures, ni des consolidations multiniveaux effectives à l’échelle d’un
groupe. En effet, ces représentations ne garantissent ni la complétude
(les mesures couvrent-elles toute l’entreprise ou seulement quelques
zones ?), ni la non-redondance des mesures (n’a-t-on pas pris en
compte deux fois la même mesure ?). Par exemple, une dépense peut
apparaître dans le cadre d’un projet et d’un service. Les traitements
font encore beaucoup appel à des opérations manuelles (par exemple,
relevés de dépenses sur un projet) et non homogènes (les regroupements peuvent être différents d’un projet à un autre).
D’autre part, des modèles multidimensionnels (Gouarné, 1998) :
ces modèles sont destinés à gérer des quantités d’informations
Perspectives pour un management en 2.0
127
(mesures) très importantes avec des consolidations multiniveaux
automatisées et rapides car très optimisées38.
Des travaux récents privilégient des modèles hybrides (associant
des représentations hiérarchiques issues du monde décisionnel et
représentations relationnelles pour ajouter du sens) (Labrousse,
2007). Ces modèles sont qualifiés de « modèles en paillettes ».
Chaque facette peut être vue comme un axe d’analyse, permettant de prendre en compte les différents modes de management
(hiérarchique, fonctionnel, etc.). Ils ouvrent une piste qui permet
de réconcilier les approches managériales et décisionnelles et de
représenter des réalités plus complexes et plus variables dans leur
structure.
La collaboration à grande échelle nécessite de se mettre d’accord
sur le vocabulaire et sur les références techniques. Il faut partager et
rendre disponible des taxonomies pour les objets de gestion et d’information (les partenaires, les clients, les produits, les ressources,
etc.). Il faut aussi définir des méta-data et des mots-clés pour classer et retrouver les informations. D’abord réalisée à l’échelle d’une
partie de l’organisation, puis étendue à l’organisation, elle gagne le
secteur d’activité, jusqu’à devenir universelle, au fil du développement d’approches transverses. À chaque extension, il y a des risques
de remises en cause, des nécessités de redéfinitions, d’arbitrages et
de résolutions de quiproquo.
Comme on l’a vu plus haut, les coopérations 2.0 ont la capacité
de faire émerger des taxonomies innovantes pour caractériser les
nouveaux objets, mais aussi de créer de la confusion en ne sachant
pas correctement appliquer les taxonomies existantes. Dans un cas
38 Des tentatives visant à réconcilier ces différentes approches existent. On peut citer
par exemple la très intéressante démarche ECOGRAI (Bitton, 1990), qui s’appuie sur des
outils de pilotage (grilles et réseaux GRAI) et met en exergue l’importance de la mesure et
des indicateurs de décision. Mais la méthode ne structure pas suffisamment la consolidation
et l’analyse multi-niveaux des mesures et indicateurs à l’échelle d’un groupe, ce qui tend à
en limiter l’usage à des périmètres plus restreints (par exemple un site donné).
128
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
comme dans l’autre, l’organisation gouvernée se doit de travailler
à optimiser l’engagement des ressources qui lui sont confiées. Elle
cherchera donc à améliorer la maîtrise de ces référentiels émergents, et à les « institutionnaliser » régulièrement, pour enrichir
son référentiel corporate de nouveaux acquis conceptuels et formels.
On mesure bien l’enjeu de cette modélisation complexe, à l’aide de
référentiels enrichis, sans laquelle il y a beaucoup de déperdition de
création de valeur (si on ne sait pas dire, par exemple : quelle part de
marché sur tel nouveau segment, tel taux de satisfaction sur tel territoire,
combien d’utilisateurs de ce nouveau mot sur telle communauté ?).
Intégrée aux outils de gestion intégrée (ERP) et de reporting (BI), elle
garantit une couverture homogène et conforme des actes de gestion ou
de production (Combien ?). À plus grande échelle, elle doit pouvoir
représenter l’organisation et sa gouvernance (Qui ? et où ?). De manière
plus récente et originale, elle doit intégrer la vision et les éléments clés
de l’excellence opérationnelle (Comment ? Et pourquoi ?).
On mesure également la difficulté de cette gestion extrêmement
dynamique (beaucoup de sources et d’occasions de changement)
d’éléments par définition structurants, et les contraintes qu’elle
impose aux systèmes d’information à venir.
LA GESTION DES COMMUNAUTÉS
La façon dont les groupes se constituent et fonctionnent a fait
l’objet de très nombreuses recherches. Parallèlement, les chercheurs
se sont intéressés aux structures organisationnelles, à leur fonctionnement et à leurs évolutions : structures simples, fonctionnelles,
« staff and line », multidivisionnelles, matricielles, de projet, en
réseau, « orientées conception » ont marqué l’évolution de l’organisation des entreprises. Les systèmes de pilotage et de contrôle,
dont les systèmes d’information, ont évolué en conséquence. On
remarquera néanmoins une séparation entre, d’une part, les travaux
sur les groupes, leur dynamique, l’intérêt comparé des démarches
Perspectives pour un management en 2.0
129
autoritaires et participatives et, d’autre part, les travaux portant sur
les grands outils de pilotage et de contrôle comme le management
par objectifs, les démarches qualité, les méthodes et modèles du
management de projet : dans ces derniers, la notion de groupe est
quasi absente des représentations du collectif concerné.
Les problématiques actuelles de dynamique des organisations, tout
en se situant dans le prolongement de ces lignées de recherche,
apportent un certain nombre de renouvellements fondamentaux :
− le « temps réel » et les possibilités de communication instantanée
et de polychronie accroissent la performance de certains processus mais comportent des risques de rupture qualitative dans les
logiques de coordination ;
− la question des équipes virtuelles se pose depuis une quinzaine
d’années, les technologies de communication permettant, dans
une certaine mesure, de pallier les limites de la distance physique ; pour autant, les modes de constitution et de fonctionnement des groupes restent largement à analyser ;
− les entreprises étendues, les structures en réseau, les organisations
orientées conception posent des problèmes de coordination et de
contrôle inédits, tant pour ce qui concerne les processus opérationnels de déploiement des stratégies et d’acquisition des capacités que pour le pilotage et le contrôle des processus d’innovation ;
− les pratiques de coopétition, les partenariats d’exploration, les
consortia d’entreprises et de laboratoires autour de projets de
recherche publics, les groupements d’entreprises qui mutualisent les ressources et les compétences sont autant de situations
qui supposent des outils de pilotage et de contrôle originaux,
renouvelant la question ancienne de l’équilibre entre procédures
bureaucratiques et pratiques corporatives, entre formel et informel, entre centralisation et décentralisation du pilotage.
L’intelligence collective s’ajoute à l’intelligence individuelle et les
communautés sont l’organe fédérateur de l’intelligence collective.
130
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
À ce titre, les organisations gouvernées se doivent d’en assurer un
fonctionnement correspondant à leur éthique et leurs objectifs.
Le premier enjeu est en premier lieu d’en assurer le peuplement
et la contribution spontanée. Il faut donc trouver et entretenir les
moteurs de la motivation individuelle (reconnaissance non financière, confort des pratiques habituelles, dynamique existentielle,
etc.). Une fois cet objectif atteint, la gouvernance des groupes de
travail doit s’adapter à leur nature (groupe projet, groupe d’experts, groupe fonctionnel, etc.), et adopter des règles d’organisation différentes, pour que le groupe soit efficace. Il faut, enfin,
faire en sorte que les contributions produites concourent à la
construction d’un « meilleur », cohérent avec les objectifs stratégiques de l’organisation, en donnant aux contributeurs les repères
nécessaires.
On le voit, la façon dont les groupes devraient, en fonction des
besoins, se constituer, évoluer, se défaire, interagir les uns avec les
autres dans des situations stratégiques et managériales complexes
doit faire l’objet d’analyses et d’inventions scientifiques qui concilient les deux versants de la recherche : celle sur la dynamique des
groupes et celle sur les modèles et outils de pilotage et de contrôle.
LA GESTION DE L’ORGANISATION ET DES DROITS
ET LA GOUVERNANCE DE L’INFORMATION
L’information se multiplie, se dissémine, se parcellise. La désinformation aussi. La protection de l’information devient un enjeu
plus difficile à maîtriser. L’information est à la fois un capital à protéger et à communiquer. Ce dilemme ne peut se résoudre qu’avec
une bonne gestion des flux d’information entre les organisations et
les personnes. Garantir la propriété intellectuelle, la confidentialité
et la diffusion correcte de l’information repose sur des règles de
gestion et des outils techniques précis, ainsi que sur une discipline
collective. Chaque organisation doit formuler sa propre charte et
Perspectives pour un management en 2.0
131
former les collaborateurs à son emploi. À l’intérieur de ces groupes,
les règles de gestion de l’information, ainsi que celles de publication
doivent aussi être adaptées, comprises et respectées.
Il faut piloter l’information que les communautés diffusent vers les
personnes, et celle que les personnes capitalisent dans les communautés. Au cœur de ce pilotage se trouvent les outils de gestion
des droits sur lesquels reposent à la fois la sécurité et l’efficacité.
Pour que ces règles fonctionnent, l’organisation gouvernée doit être
capable de décrire complètement sa gouvernance avec pertinence et
précision dans un annuaire fonctionnel étendu, ce qui demande de
combiner les référentiels enrichis pour décrire les objets de gestion
de l’organisation, de gérer la délégation successive des domaines de
responsabilité et d’affecter les individus participants à cette gouvernance (qu’ils soient ou non dans l’organisation).
Dans une gestion avancée des droits, il faut également être capable,
pour tout accès à une transaction ou information, de cumuler les
droits d’un utilisateur issus de données de contexte local, de droits
issus de ses responsabilités décrites dans la gouvernance de l’organisation et des droits issus de ses affectations à des groupes ou
communautés.
On le voit, la gestion des autorisations, des profils et des communautés va demander de nouveaux outils et de nouvelles approches
d’architecture des S.I. La représentation de la gouvernance, la
mutualisation interapplicative de la gestion des droits, la gestion de
règles complexes d’autorisation et de contrôle d’accès aux données
sont des chantiers complexes et ingrats qui vont se développer en
même temps que les outils et pratiques 2.0. On imagine aisément
les difficultés qui accompagnent la mise en œuvre de telles solutions
entre plusieurs organisations, voire à l’échelle d’une méta-organisation, comme des communautés d’experts travaillant en co-conception confidentielle sur les plateformes de leur organisation dans
une gestion mutualisée des droits.
132
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
LA GESTION DES CAPACITÉS ORGANISATIONNELLES
Dans un programme de recherche récent sur le « pilotage 2.0 »
(ANR 07 TLOG 016-01), ce pilotage est défini comme « le moyen
pour les dirigeants des organisations complexes en mouvement
permanent, dont les composantes sont animées par de nombreux
vecteurs (hiérarchies, réseaux fonctionnels, programmes, plans
d’action), de mesurer en permanence l’état et l’alignement stratégique des entités et le progrès de la performance ».
L’expérience d’organisations pionnières en la matière, mais très
« gouvernées » (Fall, 2008 ; Monomakhoff et Blanc, 2010), montre
que la structuration et la maîtrise des connaissances métiers, traduites en actions de tous les jours et confiées aux acteurs de l’organisation, permettent l’amélioration des performances de cette
organisation, quelle que soit la ressource qui a réalisé l’action et les
modalités pratiques (ou processus) retenues en l’occurrence. Mais la
qualité et la persistance de cette mesure reposent sur une condition
forte : une pleine adhésion des acteurs de terrain, elle-même conditionnée par l’évidence de la pertinence des mesures demandées et
le service rendu à l’utilisateur et aux communautés de pratiques…
Il s’agit donc de définir, au service des communautés concernées,
une méthodologie de mise sous contrôle de l’organisation (description, évaluation, communication), au travers d’un système
de tableaux de bords capable de traiter les horizons stratégiques,
tactiques et opérationnels. Le résultat doit être un outil collectif de motivation individuelle, permettant à chacun d’apporter à
la communauté et de recevoir. Il en découle un pilotage qui rend
facilement compte de la pertinence stratégique des modifications
survenues sur le terrain et qui génère une profonde appropriation
dans la culture locale des différentes communautés par le lien qu’il
produit entre des réalisations quotidiennes et cette pertinence. Lié
aux résultats concrets et non aux structures et processus, ce mode
de pilotage des capacités organisationnelles, redonne du sens à
Perspectives pour un management en 2.0
133
l’exigence qui doit orienter l’action des communautés de l’organisation gouvernée. Il complète le SI de pilotage de l’organisation,
qui se dote ainsi d’un ECP (Entreprise Capacity Planning – Fall,
2008) pour piloter son évolution organisationnelle au même titre
que son ERP (Entreprise Resource Planning) gère la performance de
sa chaîne de production de valeur.
Conclusion générale
Nous avons tenté, dans cet ouvrage, de poser la question de l’impact du « 2.0 » sur les organisations, de façon à intégrer dans une
même conception les dimensions communautaires et de réseaux
sociaux émergents, les ressorts et enjeux de gouvernance des organisations et la dimension pilotage et systèmes d’information.
Le « 2.0 » a été présenté selon quatre points de vue complémentaires
– la plateforme, le many-to-many, le communautaire et l’émergent.
Nous avons ensuite montré comment les « univers gouvernés », s’ils
adoptaient les pratiques du 2.0 au service des objectifs qu’ils visent,
devaient intégrer une « fabrique » différente de l’intelligence collective au travers de groupes émergents, comment ils devaient s’adapter à la coopétition et à l’interopérabilité et maîtriser le langage de
la collaboration étendue, et comment le 2.0 pouvait permettre de
cultiver des champs de création de valeur pour demain.
Des idées reçues et de fausses évidences autour de la hiérarchie, de
la participation, du communautaire et de l’émergent ont été revisitées, et quelques enjeux critiques pour le « passage au 2.0 » identifiés : associer one-to-one et many-to-many, mobiliser le collectif,
valoriser une organisation « méta-dimensionnelle » et valoriser et
protéger l’individu.
Enfin, nous avons vu que pour « piloter le nuage », le système d’information était central et notre réflexion débouche sur l’hypothèse
que l’enjeu pour les DSI était de pouvoir progresser dans la maîtrise
de quatre leviers : le pilotage multidimensionnel et les référentiels
enrichis, la gestion des communautés, la gestion de l’organisation,
des droits et de la gouvernance de l’information, le pilotage des
capacités organisationnelles.
De nombreuses pistes de réflexion s’ouvrent à la suite de notre proposition de formulation du problème.
136
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Validation empirique du niveau d’impact du Web 2.0
sur les organisations
Tout d’abord, le « 2.0 » prend pour cible des pratiques communautaires, des échanges informels, des structures émergentes. Il faudra étudier précisément, notamment à partir d’études empiriques,
mais aussi en référence plus précise à la littérature sur les dispositifs
de gestion, jusqu’à quel point et à quelles conditions les outils du
Web 2.0 font évoluer les pratiques, les restaurent et/ou les étendent,
les revalorisent à grande échelle, décloisonnent et « anarchisent »
les structures, et dans quels cas, au contraire, ils ne constituent
qu’une couche supplémentaire superficielle.
Modélisation de nouvelles formes d’organisation
et des groupes complexes
Ensuite, des recherches en modélisation sont à développer. Nous
l’avons dit, le 2.0 ne se réduit pas aux communautés, et la façon
dont les SI seront capables d’intégrer les nouveaux métabolismes
conditionnera une grande partie de l’effectivité des pratiques collaboratives associées. Si les nouvelles « formes M » (Chandler, 1962)
sont non plus des structures multidivisionnelles mais des structures
multicommunautaires, alors les référentiels, les groupes et leurs
évolutions, leurs droits, leurs accès, tout cela relève de langages et
de modélisations nouveaux : ontologie des communautés, modélisation des groupes complexes39, référentiels enrichis et nouveaux
indicateurs, articulation entre taxonomies et folksonomies, modélisation des capacités organisationnelles.
Le domaine des SI est centralement concerné par ces évolutions
et par les perspectives de recherche qu’elles ouvrent, tant du point
de vue technique que du point de vue de la philosophie de la
39 Voir à ce sujet Mathieu, E. (2010), « Modélisation des groupes complexes »,
mémoire de recherche, master Management de la Technologie et de l’Innovation, Université Paris-Dauphine (en collaboration avec MNM Consulting et Valeo).
Conclusion générale
137
conception et de la mise en œuvre des dispositifs de management
de l’information.
Management 2.0 et risque de « surcharge coordinationnelle »
Certaines questions importantes n’ont pas été traitées dans cet
ouvrage, notamment celle des limites et des risques associés à une
généralisation du 2.0 dans une organisation gouvernée. Au-delà des
risques associés à tout effet de mode et aux applications irréfléchies
qui en découlent, le « manager 2.0 » pourrait bien se retrouver en
« surcharge coordinationnelle » comme le « manager 1.0 » était en
surcharge informationnelle, avec les crises que pourraient engendrer
des excès de temps réel, chacun pouvant se retrouver finalement à
nourrir une machine 2.0 plus contraignante encore que son homologue classique. Un risque voisin est de voir l’activité 2.0 garder son
statut « d’à côté » du 1.0, le collaboratif, le communautaire étant
in fine récupérés par le système bureaucratique traditionnel. Cette
tendance a été repérée historiquement sur de nombreuses évolutions du management, alors même que les managers, chercheurs
ou consultants à l’origine des innovations managériales pensaient
pouvoir, grâce à leur approche, réconcilier les initiatives d’essence
professionnelle et le bureaucratique40.
Gouvernance des communautés
On peut également évoquer la question de la gouvernance des
communautés. Les technologies collaboratives permettent la constitution de très nombreuses communautés, et ceci à grande échelle.
Les organisations doivent maîtriser et valoriser à la fois ces groupes
d’acteurs et l’information qu’ils manipulent. Il est utile et nécessaire de connaître qui communique quoi, vers quel interlocuteur, et
dans quel objectif. La maîtrise des activités collaboratives est depuis
longtemps un enjeu d’efficacité et de sécurité pour l’entreprise. Mais
40 C’était notamment le cas de Peter Drucker avec le management par objectifs et
auto-contrôle. Voir Waring (1991).
138
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
ce qui était facile à contrôler lorsque les équipes étaient voisines
de quelques bureaux, devient complexe dans un monde étendu.
La constitution, la gestion, la confidentialité et la légitimité de ces
ressources et des réseaux qu’elles constituent, leur animation et
l’aptitude à les faire émerger et les entretenir, en résumé leur gouvernance, est un enjeu critique pour les différentes organisations.
Gouvernance du diffus
Plus globalement, la question de la « gouvernance du diffus »
s’impose aux acteurs de « l’entreprise 2.0 ». Dans une organisation
gouvernée, le mandat stratégique et les principes de gouvernance
fondent la légitimité de tout engagement de ressources. La mise en
place dans une organisation gouvernée d’outils de type 2.0 ne peut
pas correspondre à une rupture de contrat, mais au contraire, être
légitimée par un bon emploi des moyens alloués, par renforcement
de l’efficacité stratégique. Le « cloud » mis en place dans l’organisation et les échanges qu’il abrite doit donc être piloté, et des
règles de gouvernance communes doivent s’appliquer en son sein.
Ces règles ne peuvent être trop différentes, et en tout cas pas antagonistes, des règles qui animent l’organisation gouvernée. On voit
ainsi que la gouvernance du diffus doit correspondre à la diffusion
de la gouvernance. On mesure l’impact de cette réalité en termes de
conduite du changement et de transformation des modes de management, mais aussi en termes de lisibilité stratégique.
On voit que le 2.0 demande aux managers d’adapter leurs pratiques
pour pouvoir « piloter le nuage », c’est-à-dire animer des systèmes
relationnels complexes et profiter de la nouvelle dynamique des
connaissances. C’est une nouvelle donne dans la relation entre
identité et régulation, où l’identité (l’individu) s’exprime dans un
substrat technologique où elle peut être à la fois qualifiée et amplifiée, et où la régulation (l’organisation) doit légitimer, soutenir et
développer. Le manager, acteur clef de la régulation, doit dans ce
cadre, développer des formes de compétences inédites.
Conclusion générale
139
Web 2.0, technique et soutenabilité organisationnelle
Ceci pose le problème de l’alignement 2.0 des SI et de l’organisation, celui du développement d’une « congruence » nécessaire
entre les communautés qui vont émerger et l’organisation telle
qu’elle est ou peut être, entre possibilités de connexion et capacités
de l’organisation. En d’autres termes, on ne doit ne pas confondre
la capacité technique de l’architecture SI à mettre en connexion des
acteurs multiples et la soutenabilité organisationnelle de cette capacité (autrement dit, ne pas confondre capacités techniques et capacités organisationnelles) et conduire les transformations nécessaires.
Place des DSI
Ce processus de transformation place le DSI au cœur du management stratégique de l’organisation. Acteur clé de la Direction
Générale, il est à la fois :
− architecte, urbaniste et aménageur des systèmes d’information, au
sein de l’organisation et au-delà ;
− ingénieur des pratiques, en créant les conditions favorables à la
mise en œuvre de nouveaux usages et en assurant la mise en
œuvre de la gouvernance ;
− « éclaireur » sur les nouvelles pratiques, les évolutions de la chaîne
de valeur et les émergences détectées, pour élaborer de nouvelles
réflexions stratégiques.
L’un des impacts du 2.0 sur les organisations est de réaffirmer le
positionnement stratégique du DSI dans les organisations modernes.
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X
et divers
O
Fréry (2010)
Le management 2.0 ou
la fin de l’entreprise ?
X
Données
Business Manage- sur le
InnovaIS
KM
Web 2.0
Model
ment
tion
Web 2.0 Social Networks : Grabner-Kräuter
The role of trust
(2009)
Enders,
Hungenberg,
Denker, Mauch
(2008)
Auteur
The long tail of social
networking. Revenue
models of social
networking sites
Nom
Réseaux OrganiMKG
Sociaux sation
Annexes
161
Représentation de soi et Georges Fanny
identité numérique. Une (2009)
approche sémiotique et
quantitative de l’emprise
culturelle du Web 2.0
X
Malaga Ross A.
(2009)
Web 2.0 Techniques
for search engine
optimization : Two case
studies
O
O
O
Glassey Olivier
(2009)
Exploring the weak
signals of starts-up as a
folksonomic system
X
O
et divers
Gardner (2008)
Auteur
Données
Business Manage- sur le
InnovaIS
KM
Web 2.0
Model
ment
tion
Blogs, wikis and
official statistics: New
perspectives on the use
of Web 2.0 by statistical
offices
Nom
Réseaux OrganiMKG
Sociaux sation
162
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
9
13
Légende * O : classification principale de l’article ; X : thèmes abordés dans l’article
7
7
5
3
3
2
9
O
Ojo Adegboyega,
Estevez Elsa &
Janowski Tomasz
(2010)
Semantic
interoperability
architecture for
Governance 2.0
TOTAL
O
et divers
Gardner Jessica
Auteur
Données
Business Manage- sur le
InnovaIS
KM
Web 2.0
Model
ment
tion
BLOGS, WIKIS AND
OFFICIAL STATISTICS:
New perspectives on
the use of Web 2.0 by
statistical offices
Nom
Réseaux OrganiMKG
Sociaux sation
Annexes
163
164
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Annexe 2 : Guide d’entretien
Date :
Guide d’entretien semi-directif sur
le Web 2.0
Auteur :
Nom entreprise :
Nom du contact :
Coordonnées du contact :
Fonction :
Qu’est le Web 2.0 selon vous ? Avez-vous une définition du Web 2.0 ? Quels sont
les outils/applications concernés selon vous ? (faire réfléchir l’interlocuteur sur
les différences entre le 1.0 et le 2.0 ; le 2.0 hors des TIC et des SI)
Paragraphe sur la définition du Web 2.0
Dans quel cadre utilisez-vous (ou pensez-vous) utiliser le Web 2.0 et pourquoi ?
Quelles sont les motivations sous-jacentes à l’utilisation du Web 2.0 pour vous
et les utilisateurs ? (demander un exemple concret d’utilisation en interne de
l’organisation et de l’histoire de l’application)
Quels enseignements tirez-vous de la mise en place du Web 2.0 (voir les apports/
avantages) ? (structure, communication, management, substitution avec des
technologies…)
Avez-vous identifié des dangers et risques de la diffusion du Web 2.0 dans
l’organisation ? (penser à la typologie d’Albert David sur les risques de surcharge)
Votre organisation/structure/gouvernance a-t-elle changé avec l’introduction
du Web 2.0 ? Pourquoi ?
Quel a été (et quel est maintenant) le rôle du management dans la diffusion/
déploiement du Web 2.0 dans l’entreprise ?
Remarques complémentaires/diverses durant l’entretien
Qu’évoquent les termes suivants (réponses courtes) : Communautés, Many-to-many, Open
innovation, Entreprise 2.0, Web 3.0
Équipe de Recherche
Sonia CHEFFI est actuellement professeur de systèmes d’information et responsable pédagogique du M2 Manager des systèmes
d’information à l’EM Normandie en partenariat avec l’EMSI Grenoble (Grenoble École de Management). Elle détient un Master recherche « Economie et gestion de l’information et des
réseaux » ainsi qu’un Master en finance internationale. Elle a travaillé dans le secteur bancaire et financier en ingénierie titres et en
ingénierie technico-commerciale pour le développement des produits Web. Sonia Cheffi a récemment obtenu une thèse de doctorat
en Sciences de Gestion intitulée : « L’adoption et l’utilisation des
technologies et des systèmes d’information dans le cadre de la relation dirigeants-actionnaires : le cas du vote par Internet dans les
assemblées générales d’actionnaires de sociétés cotées françaises »
soutenue au sein du laboratoire PESOR de l’Université Paris 11.
Ses domaines de recherche concernent l’adoption des nouvelles
technologies, l’évaluation des systèmes d’information ainsi que la
modernisation de la gouvernance d’entreprise actionnariale. Elle est
l’auteur de plusieurs travaux de recherche et de communications
scientifiques liés à l’e-gouvernance d’entreprise, la démocratie électronique et aux pratiques innovantes de responsabilité sociétale des
entreprises.
Sébastien DAMART, titulaire d’un Doctorat en Sciences de
Gestion de l’Université Paris Dauphine, est maître de conférences
au CNAM Paris et chercheur au sein du laboratoire M-Lab
(DRM, UMR CNRS 7088). Il travaille depuis plusieurs années sur
l’innovation managériale en général et les démarches concernant
les outils de facilitation du travail en groupe. Il a publié ses
recherches au sein de revues académiques au niveau national et
international (Gérer et Comprendre, Decision Support System, etc.)
166
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
Il a notamment participé sur 2008-2010 à un projet financé par
l’ANR sur les thèmes de l’entreprise et les mondes virtuels. Plus
précisément, il a animé dans ce projet de recherche un groupe de
travail sur la contribution des mondes virtuels à la conduite de
réunions dans les organisations.
Albert DAVID, diplômé de l’ESSEC en 1982, est actuellement
Professeur des Universités à l’Université Paris Dauphine et dirige
le laboratoire de recherche M-Lab (UMR CNRS 7088) spécialisé
sur le management de l’innovation. Ses thématiques de recherche
portent sur le management de l’innovation et de la conception,
l’innovation en management, la méthodologie et l’épistémologie
de la recherche en Sciences de Gestion. Il est l’auteur de plusieurs
articles de recherche sur ces thématiques au sein de revues académiques et de chapitres d’ouvrage au niveau national et international (RFG, European Journal of Operational Research, Handbook
of collaborative research…). Albert David est également le responsable scientifique de l’ANR « l’entreprise et les formes d’organisation économique face aux mondes virtuels » et est impliqué dans
de nombreux projets de type recherche-action avec des entreprises
sur l’innovation et les TIC (La RATP, Fabernovel…).
Amir HASNAOUI est doctorant en dernière année à TELECOM
& Management SudParis (Ex INT). Il occupe également le poste de
professeur assistant en Systèmes d’Information (SI) et Technologies
de l’Information et de Communication (TIC) à l’ESC La Rochelle.
Ses travaux de recherche portent sur l’impact d’Internet (Web
collaboratif, Web coopératif, etc.) et sur les modèles d’affaires. Il
s’intéresse également à l’intégration des parties prenantes dans le
processus d’appropriation des Systèmes d’Information. Ses travaux
ont été publiés dans des revues à comité de lecture (Journal of
eCommerce in Organizations, Revue Management et Avenir, Journal of Business Ethics, etc.) et des conférences nationales et internationales (AIM 2011, EURAM 2009, etc.). Amir HASNAOUI est un
Équipe de Recherche
167
membre actif de la communauté des enseignants-chercheurs en SI.
Il est membre doctorant du conseil d’administration de l’Association AIM. Il a organisé plusieurs manifestations : ECIG 2007, ECIG
2009 et AIM 2010. Il est également évaluateur pour plusieurs revues
(International Journal of Electronic Business, Revue du financier,
etc.) et colloques (AOM, EURAM, AIM…).
La société MNM Consulting a été créée en 2002 par Nicolas
MONOMAKHOFF, diplômé de Centrale Lyon, pour trouver des
débouchés solvables et financer ses travaux de recherche avancée
sur les modèles de pilotage des processus de création de valeur et
de collaboration en « entreprise étendue ». En 2004, elle a participé
à la définition de la méthode « 5 steps », permettant d’associer, en
mode collaboratif, le terrain au pilotage de la performance organisationnelle. En 2007, elle a remporté un appel à projet ANR autour
du concept de pilotage 2.0. Depuis, elle poursuit ses travaux sur les
conditions d’émergence et d’usage des réseaux sociaux « gouvernés », c’est-à-dire issus d’une taxonomie d’entreprise, ainsi que sur
l’application du processus de management des outils et pratiques
du 2.0. Elle souhaite apporter au projet son expertise technique,
ainsi que son éclairage de consulting et contribuer à l’enrichissement des savoirs autour de l’entreprise 2.0.
Sébastien TRAN, Docteur en Sciences Économiques, est actuellement doyen de la faculté à l’Ecole de Management de Normandie
et enseignant en stratégie et systèmes d’information au sein d’un
Master 2 à l’université Paris Dauphine et à Télécom ParisTech. Il
est chercheur associé à M-Lab, laboratoire de recherche spécialisé
sur le management de l’innovation à l’Université Paris Dauphine
(UMR CNRS 7088) et à l’IMRI, institut de recherche de l’Université Paris Dauphine spécialisé sur l’innovation. Il est l’auteur de
plusieurs dizaines de communications dans différentes communautés académiques (AIM, AIMS, IBIMA…) et de quelques chapitres
au sein d’ouvrages collectifs et d’articles académiques au sein de
168
L’impact du Web 2.0 sur les organisations
revues à comités de lecture (RFG, Sciences et société, RMA, Hermès Lavoisier…) sur différentes thématiques : le rôle des TIC dans
les organisations, leur adoption et appropriation par les utilisateurs en entreprise et leur impact sur la performance. Ses travaux
de recherche se sont appuyés notamment sur plusieurs contrats de
recherche dont récemment deux ANR, une sur les mondes virtuels
de type Second Life dans les entreprises, et une autre sur les outils
de gestion et les systèmes d’information. Il est également le viceprésident du comité d’organisation du colloque annuel de l’AIM à
La Rochelle qui s’est tenu les 20 et 21 mai 2010.
Luisa ZIBARA est docteur en Sciences Économiques et actuellement chargée de recherche au sein de l’IMRI à l’université Paris
Dauphine. Elle est experte dans les communautés de pratique au
sein des organisations. Sa thèse porte sur la communauté de pratique des ergonomes chez Orange et comment celle-ci contribue au
processus d’innovation. Elle a également travaillé auprès de diverses
communautés comme la communauté de consultants en solutions
d’entreprises chez Bell et la communauté Lean chez IBM Québec.
Impression & brochage
- France
Numéro d’impression : 04495130106 - Dépôt légal : février 2013
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