Manifestations inflammatoires associées à la rétinite à CMV et à la restauration immunitaire Revue critique de l'actualité scientifique internationale sur le VIH et les virus des hépatites n°78 - novembre 1999 VIH - CMV Manifestations inflammatoires associées à la rétinite à CMV et à la restauration immunitaire Nathalie Cassoux Service d'ophtalmologie, Hôpital Pitié-Salpétrière (Paris) Incidence of immune recovery vitritis in cytomegalovirus retinitis patients following institution of successful highly active antiretroviral therapy Karavellas M.P., Plummer D.J., Macdonald J.C., Torriani F.J., Shufelt C.L., Azen S.P., Freeman W.R. The Journal of Infectious Diseases, 1999, 179, 697-700 L'une des premières manifestations inflammatoires liées à la reconstruction de la réponse immune sous multithérapie anti-VIH est l'atteinte occulaire: hyalite ou uvéite antéro-postérieure, telle est la question pour le spécialiste. Reste à déterminer les meilleures approches cliniques de cet « aléas » thérapeutique. Depuis la mise la mise en place des traitements antirétroviraux incluant un inhibiteur de protéase, de nouvelles manifestations inflammatoires oculaires (hyalite liée à la reconstitution immunitaire) sont apparues, affectant uniquement les yeux http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/78_1123.htm (1 sur 4) [11/04/2003 17:38:46] Manifestations inflammatoires associées à la rétinite à CMV et à la restauration immunitaire préalablement atteints de rétinite à CMV. Cette inflammation se développe chez des patients répondant au traitement antirétroviral avec une incidence annuelle de 83/100 patients/années. Chez 50% de ces patients, l'inflammation oculaire peut induire des complications retentissant sur la vision. L'utilisation des traitements antirétroviraux incluant un inhibiteur de protéase a permis une amélioration du statut immunitaire des patients. Associée à la baisse de la charge virale VIH plasmatique et à l'augmentation du nombre des lymphocytes CD4+, une amélioration spectaculaire de la plupart des infections opportunistes a été constatée. Chez les patients atteints de rétinite à CMV, l'évolution et le pronostic de cette affection ont profondément changé. Pour les patients répondant au traitement antirétroviral, le délai moyen de rechute de la rétinite à CMV s'est considérablement allongé. Différentes séries de la littérature ont montré que sous réserve d'un bon contrôle de l'infection VIH (charge virale VIH indétectable et CD4+ >100/mm3), le traitement d’entretien anti-CMV pouvait être arrêté sans récidive. Cependant, associées au contrôle de l’infection à CMV, de nouvelles complications inflammatoires sont apparues. Ces manifestations inflammatoires se traduisent par un brouillard visuel, une baisse de l'acuité visuelle liée à une inflammation du vitré (hyalite), une papillite et un œdème maculaire. Cette hyalite ne se rencontre que chez les patients répondeurs au traitement antirétroviral et uniquement dans les yeux atteints de rétinite à CMV. Les auteurs ont décrit préalablement ce phénomène inflammatoire. Cette étude prospective incluant 54 patients de décembre 1996 à avril 1998 était destinée à étudier l'incidence et les conditions d'apparition de cette inflammation oculaire. Le retentissement sur l’acuité visuelle a également été étudié. Les patients inclus étaient considérés comme bons répondeurs au traitement si le nombre de lymphocytes CD4 était supérieur à 60/mm3 pendant au moins deux mois. Dans cette définition, la charge virale –qui est pourtant un marqueur important de l’activité du VIH et de la réponse thérapeutique– n’était pas prise en compte. Les patients ont ensuite été suivis par un examen ophtalmologique complet et par une angiographie à la fluorescéine. Les patients traités par rifabutine ou ayant reçu du cidofovir moins de 2 mois précédant l’inclusion ont été exclus de l’étude. Une hyalite liée à la reconstitution immunitaire était définie par http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/78_1123.htm (2 sur 4) [11/04/2003 17:38:46] Manifestations inflammatoires associées à la rétinite à CMV et à la restauration immunitaire l’apparition d’une hyalite d’au moins une croix (classification internationale) avec une baisse d’une ligne d’acuité visuelle. Un sous-groupe de patients ayant une inflammation plus sévère a été défini par la présence d’un œdème maculaire et/ou une baisse de l’acuité visuelle de plus de 2 lignes de l’échelle d’acuité visuelle. Les résultats montrent que seuls les patients répondeurs au traitement, selon les critères établis par les auteurs, présentaient une hyalite. Il faut cependant noter que les résultats de la charge virale VIH n’ont pas été pris en compte dans l’analyse des résultats. Or ce marqueur d’activité du VIH est au moins aussi important que le nombre des lymphocytes CD4+ dans l’appréciation de la réponse thérapeutique et de la reconstitution immunitaire. Il aurait également été très intéressant de corréler la présence ou l’absence de réaction inflammatoire oculaire avec les résultats des tests de prolifération des lymphocytes avec les antigènes du CMV. Néanmoins, cette étude permet d’apprécier l’incidence annuelle de l’inflammation vitréenne, estimée à 83/100 patients/année. L’incidence annuelle des inflammations plus sévères compliquées d’une baisse plus importante de l’acuité visuelle ou d’un œdème maculaire est estimée à 60/100 patients/année. Cette inflammation apparaît en moyenne 43 semaines après l’inclusion dans l’étude. L’inflammation observée ne s’accompagne jamais d’une rétinite à CMV active. Bien que les différentes combinaisons thérapeutiques antirétrovirales prises par les patients ne soient pas détaillées, aucune antiprotéase particulière ne semble associée aux manifestations inflammatoires. L’étude approfondie des conséquences inflammatoires montre que cette hyalite chronique peut se compliquer d’une inflammation du nerf optique (papillite), d’un œdème maculaire ou d’une membrane épirétinienne. L’étude de l’acuité visuelle est abaissée chez la plupart des patients inflammatoires avec 17 patients présentant une perte d’acuité de plus de deux lignes sur l’échelle internationale. Cette baisse d’acuité visuelle ne s’améliore pas spontanément au bout de 20 semaines de suivi moyen. L’inflammation a été étudiée dans deux sous-groupes de patients : un groupe de patients n’ayant jamais reçu de cidofovir et un groupe ayant reçu du cidofovir mais l’ayant arrêté deux mois plus tôt. Aucune différence significative en termes d’incidence ou de sévérité de l’inflammation n’a été retrouvée entre les deux groupes. Ces résultats sont plutôt inattendus et mériteraient d’être approfondis. On aimerait connaître la durée moyenne de traitement par cidofovir. En effet, les complications http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/78_1123.htm (3 sur 4) [11/04/2003 17:38:46] Manifestations inflammatoires associées à la rétinite à CMV et à la restauration immunitaire inflammatoires liées au cidofovir sont d’autant plus fréquentes que la durée de traitement a été longue. D’autre part, dans cette étude il n’est pas fait mention de l’inflammation de la chambre antérieure et de l’étude de la pression oculaire. Or, le cidofovir induit essentiellement des uvéites antérieures et des hypotonies oculaires. L’évaluation de l’inflammation de la chambre antérieure dans cette étude fait défaut. En effet les patients présentant une hyalite liée à la reconstitution immunitaire ont une inflammation significative dans la chambre antérieure. Lorsque l’inflammation de la chambre antérieure est mesurée au tyndallomètre laser, les chiffres retrouvés sont élevés. Le terme de " hyalite liée à la reconstitution immunitaire " est sans doute impropre car il s’agit plutôt d’une uvéite antérieure et postérieure. Cette uvéite n’est présente que chez les patients répondeurs au traitement antirétroviral et uniquement dans les yeux où la rétinite est cicatricielle. Cette réaction inflammatoire n’avait jamais été notée dans les séries historiques avant 1996. La pathogénie de cette inflammation est encore mal connue mais il s’agit probablement d’une réponse immune des lymphocytes CD4+ reconstitués contre les cellules présentant des antigènes CMV et qui dépasse son but. Cette réaction inflammatoire est à rapprocher des réactions inflammatoires observées chez les greffés d’organe lorsqu’ils présentent une rétinite à CMV qui guérit après réduction de l’immunosuppression. Le traitement de ces patients n’est pas évoqué dans cette étude. Il est proposé actuellement un traitement de l’inflammation par des injections locales périoculaires de corticoïdes retard et un traitement chirurgical des membranes inflammatoires épimaculaires avec de bons résultats. - Nathalie Cassoux 1 - Karavellas MP, Lowder CY, Macdonald C et al. " Immune recovery vitritis associated with inactive cytomegalovirus retinitis: a new syndrome " Arch Ophthalmol, 1998, 116, 169-75 2 - Jabs DA, Bolton SG, Dunn JP, Palestine AG " Discontinuing anticytomegalovirus therapy in patients with immune reconstitution after combination antiretroviral therapy " Am J Ophthalmol, 1998, 126, 817-22 3 - Cassoux N, Lumbroso L, Bodaghi B et al. " Cystoid macular oedema and cytomegalovirus retinitis in patients with HIV disease treated with highly active antiretroviral therapy " Br J Ophthalmol, 1999, 83, 47-9 http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/78_1123.htm (4 sur 4) [11/04/2003 17:38:46]