DESALIMENTS CONTAMINÉS
STÉPHANIE BÉRUBÉ
AuCanada, environ 12millionsde
casd’empoisonnementsalimen-
tairessontdiagnostiqués chaque
année,selonl’Agencecanadienne
d’inspectiondes aliments(ACIA).
Etil risqued’yen avoirplusencore
àl’avenir aveclapopularitécrois-
santedes alimentsprêtsàman-
gerquimultiplientlesrisques de
contamination.
Selon René Cardinal, quitra-
vailleàl’ACIA depuis30 ans,les
casd’empoisonnementalimen-
tairesontdéjàen hausse.
Aux États-Unis,plus de 170
personnesontétémaladesetau
moinsune est morteaprèsavoir
mangé cequ’ellescroyaientêtre
unrepas«santé». Onsaitmain-
tenantquel’épidémie atraversé
lafrontière : l’ACIA confirmait
hierqu’une Ontarienneaétéhos-
pitalisée audébut dumoisaprès
avoirmangé desépinardsaméri-
cains.La patienteadepuisquitté
l’hôpital.
«Ons’attend toujoursàce
qu’il yaitune oudeux épidémies
comme celle-làchaqueannée»,
ditRené Cardinal, responsable
duprogrammede contrôle des
fruits etlégumesàl’ACIA.
Enjuin 2005, plus de 200per-
sonnesavaientétémaladesaprès
avoirmangé dupestoauManoir
Rouville-Campbell, en Monté-
régie.Ilétaitfaitavecdubasilic
mexicain contaminé auCyclospora,
une autrebactérie.Dubasilic
colombienavaitaussicauséune
épidémie en Colombie-Britanni-
que. EnOntario,c’est plutôtdes
poussesde fèvescontaminéesà
lasalmonelle quiontrendudes
centainesde personnesmalades
l’année dernière. Lessemences
venaientde Chine.
Les alimentsmanipulés
comportentplusderisques
Onne saittoujourspaspré-
cisémentquelle est lacausede
l’épidémie d’empoisonnement
aux épinards,maison saitnéan-
moinsquele rappel de produits
touchaitd’abordlesépinardsen
sac etlesmélangesde laituesdéjà
préparés.
«Cen’est pasen mangeantune
laituetoutesale qu’ilsontlavée à
lamaison quecesgens-làontété
malades», lancel’agronome Luc
Brodeur,spécialiste en salubrité
desaliments.
Plusieursconsommateurs
américainssontparticulièrement
choquésd’avoirétémaladesaprès
avoirsuivilesrecommanda-
tionsde leursmédecins:manger
mieux en incluantdeslégumes
dansleur diète. «Lesgensfont
deseffortspour biensenourrir,
maisne fontpasd’effort pour
préparerleur nourriture», ditLuc
Brodeur.Aujourd’hui, plus de la
moitié de lalaitueconsommée en
AmériqueduNordl’est dansune
forme prêteàmanger,rappelle
l’agronome quiest aussidirecteur
exécutif de PRISME,ungroupe
d’encadrementtechniquepour les
maraîchers.
Selon René Cardinal, lapopu-
laritédesaliments préparés
d’avancen’est pasle seulfacteur
quiexpliquecettehaussedescas
de toxi-infections.LesCanadiens
mangentplus de fruits etde légu-
mesqu’avant.Ilslesimportent
davantage de pays oùles
conditionsde production
sontparfoismoinsstrictes.
La populationvieillitetles
personnesâgéessontplus
fragiles.
L’ACIA conseilleàla
populationd’êtretrèspru-
dente en cuisinant.Ellea
aussidiffuséunavisde ne
pasconsommerd’épinardsfrais,
emballésouen vrac,provenant
desÉtats-Unis.
«Peut-êtrequ’on devraiten
profiterpour remettre en question
cemouvementactuel,de man-
gerfraisàlongueur d’année»,
soulèvel’agronome NataliaSt-
Amand,directricegénérale de
Qualiterra,groupe conseilpour
lesagriculteurs.
«Peut-êtrequ’on devraitplu-
tôtacheterlalaitue en saison
etpasseraunavetquand c’est
terminé!»
L’ACIA faitdestestssur10000
produits fraischaqueannée,
principalementpour ydétecter
destaux de pesticidesanorma-
lementélevés.Entre600et700
échantillonssonttestésauhasard
pour savoirs’ilscontiennentdes
bactéries.Leslégumesplus àris-
que, comme lalaituepréparée,est
plus souventpassée àl’examen
qu’une pommede terrequiest
brossée,lavée,peléeetcuiteavant
d’êtremangée.
La règle est simple: plus un
légume est manipulé,plus il ade
risquesd’êtreporteur de bactéries
oude microbes. « Allezàl’épi-
cerie etrestezune heuredevant
le comptoirde fruits etlégumes,
conseilleLucBrodeur.Vous allez
voircombiende personnes y tou-
chent.Enplus,lapetitebruine
quel’on metdanslescomptoirs
de fruits etlégumesparceque
c’est plus joli,c’est parfaitpour
lesbactéries.» L’agronome croit
quesion faisaitdestestssurles
légumesquisetrouventsurces
présentoirs,on trouveraitcertai-
nementdesbactéries.
Maiscertainscasd’empoi-
sonnementalimentairesonttrès
légers etne sontpasdéclarés
de ceux qui en souffrentetqui
croientavoirde simplescram-
pes,attribuablesaux épicesde la
trempetteplutôtqu’aux brocolis
qu’on yatrempés.
LucBrodeur ne conseillepas
pour autantde devenirméfiant
faceaux fruits etlégumes.Au
contraire: «Lerisquede ne pasen
mangerest beaucoupplus grand
quele risqued’en manger.»
SELONDESEXPERTS
LESÉPIDÉMIESALIMENTAIRES
APPELÉES ÀSE MULTIPLIER
«Les gens fontdes efforts
pourbiense nourrir,mais
ne fontpasd’effortpour
préparerleurnourriture. »
STÉPHANIE BÉRUBÉ
Cettehistoired’épinardsconta-
minéstombebienmalpour les
producteursquébécois,quisont
en pleine récolte. ÀlaFédéra-
tiondesproducteursmaraîchers
duQuébec,on est trèsoptimiste
eton croitque, pour l’instant,
laplupart desconsommateurs
semblentbienfairelapart des
chosesetboudentuniquement
lesépinardsaméricains.La Fédé-
rationaquand même reçuquel-
quesappelsde consommateurs
inquiets,maispasassezpour
établirunpland’urgencepour les
producteursquébécois.
Oncroitque, généralement,
lesconsommateursne perdront
pasconfiance envers lesproduits
locaux,maison saitbienqu’il
risqued’y avoirune baissede
consommationd’épinardscet
automne.
Cegenred’épisodefaithabi-
tuellementtrèsmalàl’industrie
alimentaire.
EnCalifornie, l’épidémie est
catastrophiquepour lesproduc-
teursd’épinardsquichiffrent
leursperteséventuellesà100
millionsde dollars silacrise
continuependantseulementun
mois.Plus,sielle seprolonge. Et
c’est sanscompterquecertains
Américainsavouentqu’ilsne
consommerontplus jamaisd’épi-
nardsde leur vie...
Les producteurs québécoissont
épargnés... pourl’instant
PHOTO DAVIDPAUL,GETTY IMAGES
Des travailleurs agricolesdans unchamp delettue, à SanJuanBautista, en Californie.Aveclarécenteépidémie d’E.colipropagée pardes épinards,les
producteurs ontessuyéd’importantes pertes.
QPuis-jemanger des épinardsen
touteconfiance?
RL’épidémie actuelle ne
concerne quelesépinards
fraisde laCalifornie. Lesépi-
nardsquébécoisne sontpasdu
tout touchésni tous lesproduits
transformés,comme lesépinards
congelésouen conserve.
QPuis-jeéliminer lesbactériessi
je lavemeslégumes?
RNon.Leslégumespréparés
sontlavésdanslesusineset
certainesbactériesréussissent
apparemmentàresterbienaccro-
chées.Onconseillenéanmoinsde
bienlaverlesfruits etlégumes,
même ceux destinésàlacuisson,
caril n’y apasquele E.coliqui
seloge surlesproduits frais.Les
bactériesne surviventpasàune
cuisson appropriée.
QQu’estcequelabactérie E.
coli?
RIlyaplusieurstype de bac-
tériesE.colietellesne sont
pastoutesdommageablespour
lasantéhumaine. Celle dontil
est présentementquestionest la
E.coli0157,lamême bactérie
quicauselafameuse «maladie
duhamburger»etquiest res-
ponsable dutristementcélèbre
épisoded’empoisonnementàl’eau
de Walkerton, en Ontario.Elle
setrouvedansl’eauetdansles
intestinsdubétail.Ellepeut donc
aussiseretrouverdanslaviande
hachée, lesfruits etlégumes,le
laitnonpasteurisé(etle fromage
faitde celait), le jus de pom-
mes(oule cidre) nonpasteurisé.
Onpeut l’attraperen consommant
desaliments contaminés.Quel-
qu’unquiest porteur de labacté-
rie peut aussiàson tour infecterde
lanourritureetlaretransmettre.
QQuelssontlessymptômes
d’une intoxication alimentaire?
RFièvres,vomissements,cram-
pesd’estomac,nausée etdiar-
rhée. Plusieurspersonnessouffrent
d’intoxicationalimentairesans
même le savoir.Ilscroientqu’ils
ontune simple «gastro» ouune
grippe,tantl’intensitéde ces
symptômesvarie d’une personne
àl’autre. Ilspeuventapparaître
immédiatementaprèslaconsom-
mationd’unalimentouquelques
heures,joursoumême semaines
plus tard. Lesjeunesenfants,
lesfemmesenceintesetlesper-
sonnesâgéessontplus àrisque.
La bactérie E.coli, dansune forme
virulente, s’attaqueaux reins,
causantdans15%descas,le syn-
drome hémolytiqueeturémique
quipeut êtrefatal.
QCommentme protéger d’une
telle infection?
REnselavantlesmainsàl’eau
chaude avecdusavon,20
secondespendantetaprèslapré-
parationdesrepas.Ondevrait,
parexemple,selaverlesmains
aprèsavoirmanipulé le poulet
cru,surtout sion prépare ensuite
leslégumesquil’accompagneront
ausouper.Nettoyeraussiréguliè-
rementlessurfacesetustensiles
de travail,surtout le bois.Onne
devraitjamaismettreaufrigo,
dansunmême contenant,de la
viande crueetdeslégumes.
Quelques précautions
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PHOTO PAUL MORRIS,GETTY IMAGES
Des épinardsdeCalifornie.Les consommateurs bouderont-ils lesproduitslocaux?
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LA PRESSE MONTRÉALMARDI26 SEPTEMBRE2006 A3