doi: 10.1684/nrp.2009.0042
Pourquoi le neuropsychologue devrait
sintéresser à la mémoire de la douleur ?
Why the neuropsychologist must be
concerned by the memory of pain?
Résumé La mémoire de la douleur nest pas abordée par les neuro-
psychologues, alors quelle représente un modèle de
mémoire somatique et émotionnelle. Les protocoles détudes sont imparfaits, car ils ne tien-
nent pas compte de la modélisation cognitive de la mémoire et ne séparent pas les différentes
composantes, en particulier les échelles dévaluation initiale, verbales ou visuelles, facilement
mémorisables. Le rôle de la mémoire épisodique, sémantique et implicite est discuté. La dou-
leur mémoire, reviviscence dune douleur ancienne oubliée, prouve que toute douleur est
stockée, même si elle nest pas évocable volontairement. La mémoire de la douleur est un bon
modèle pour létude de certains comportements émotionnels et psychosomatiques.
Mots clés : mémoire de la douleur
algohallucinose
douleur-mémoire
composantes mnésiques de
la douleur
Abstract The memory of pain is not described in the textbook of
neuropsychology even if it represents a model of
somatic and emotional memory. The experimental studies are open to criticism because
the cognitive neuropsychology is not integrated and the pain recall mix up different com-
ponents as the somatic one and the verbal or visual recall of the pain scales used at the
onset of the painful event. The role of the episodic, semantic and implicit memories of
pain is discussed. The phantom-pain which may be a rare reappearance of an old forgot-
ten pain demonstrates that the brain conserve all the painful event, even if the bodily evo-
cation is not spontaneously possible. The memory of pain is also a good model pour the
study of some emotional behaviours and psychogenic diseases.
Key words: memory of pain
algohallucinosis
subtypes of pain memories
Les deux termes « mémoire de la douleur » sont souvent associés, mais avec des sens
variables selon le « bagage » de celui qui les emploie. La mémoire douloureuse na
pas la même signification pour un biologiste qui fait allusion aux phénomènes de plas-
ticité du système de transmission et de contrôle, que pour le psychanalyste qui pense à la
résonance des traumatismes affectifs de lenfance, ou que pour le spécialiste de la douleur
chez qui la douleur chronique est souvent présentée comme une mémoire perverse dune
douleur aiguë mal gérée, selon un concept pédagogique qui a eu un grand succès, même
sil recouvre des faits disparates... Tous les spécialistes sont persuadés que la douleur laisse
une trace multidimensionnelle, mais quà la différence dautres fonctions sensorielles
comme la vision ou laudition, lévocation au sens du ressenti physique nest pas possible.
Deux arguments du stockage douloureux sont probants, la reconnaissance dune douleur
déjà expérimentée et les rares « douleurs-mémoire » qui réactualisent une douleur passée
sans stimulus nociceptif, comme une véritable algohallucinose.
Mini-revue
Rev Neuropsychol
2009 ; 1 (4) : 337-42
Correspondance :
B. Laurent
Bernard Laurent
Centre antidouleur, Hôpital Nord,
CHU de Saint-Étienne, Inserm 879,
Membre dIFRESIS
<bernard.laurent@chustetienne.fr>
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Le neuropsychologue est absent de la discussion alors
que les modèles cognitifs sont les seuls qui permettent de
distinguer, dans le récit dune douleur passée, les parts
somatique et contextuelle, les composantes explicites ou
implicites, les versants épisodique ou sémantique de la
mémoire douloureuse. Toutes ces sous-composantes
dune douleur passée sont difficiles à analyser [1]. Le neuro-
psychologue intervient marginalement dans lévaluation
des troubles cognitifs générés par une douleur chronique
pour répondre à une plainte cognitive fréquente du patient.
Dans cette plainte ou ce déficit sil existe, la responsabilité
respective de la douleur, des médicaments et de lenviron-
nement psychologique est difficile à séparer [2].
Spécificité du fait douloureux
La sensation douloureuse est unique, subjective et non
partagée, à la différence dautres expériences sensorielles
qui peuvent être vécues simultanément par plusieurs obser-
vateurs. Ceci complexifie les protocoles expérimentaux
qui, pour la plupart, reposeront sur le rappel verbal, à la
fois utilisé pour décrire la part sensorielle et la richesse sub-
jective de lexpérience. Le discours douloureux mêle
nécessairement des faits somatiques avec des éléments
émotionnels, biographiques ou culturels, ces derniers
étant parfois appris au cours des consultations médicales.
La mémoire épisodique événementielle stocke et rappelle
toutes les informations permettant de décrire à distance
une douleur aiguë. Parmi les composantes explicites, il y a
le contexte spatial et temporel, les caractères spécifiques de
la douleur (siège, qualité, intensité), les mesures prises
(médicaments, chirurgie, hospitalisation), et surtout le
contexte émotionnel avec lanxiété, les réactions végétati-
ves et le stress. On peut revivre la situation contextuelle de
la douleur sans ressentir précisément la sensation physique.
La description sensoridiscriminative est toujours aléatoire,
au point que lon doit parfois réfléchir pour se rappeler le
côté dune fracture ou son irradiation douloureuse, car il
ny a pas possibilité de réexpérience vivide de la douleur,
ce qui est finalement une finalité heureuse. Le stockage
somatique de lévénement nest donc argumenté que par
la reconnaissance en cas de récidive dune nouvelle solli-
citation identique (nouveau stimulus externe ou patholo-
gique), et par les exceptionnelles reviviscences spontanées
des douleurs-mémoire (figure 1).
Approches expérimentales
de la mémoire dune douleur aiguë
Plusieurs travaux ont abordé le souvenir dun événe-
ment douloureux unique (accouchement, extraction den-
taire) de type épisodique, en comparant son rappel à dis-
tance à la description initiale [3, 4]. Porzelius et al. [5] ont
analysé lévaluation de 49 douloureux chroniques avant
puis juste après un bloc anesthésique, ainsi que le rappel
de leffet antalgique deux jours et deux semaines plus
tard : dès le deuxième jour, la moitié des sujets ont un rap-
pel différent de lamélioration déclarée après le bloc, 16 %
majorent le bénéfice et 30 % le diminuent. Le phénomène
de distorsion saccentue à 2 semaines avec une nette ten-
dance à sous-estimer le bénéfice initial. Cette distorsion
nest liée à aucun facteur de sexe, de litige en cours,
danxiété ni à une difficulté générale de mémoire aux tests
classiques de la psychométrie. Le fait que la distorsion aug-
mente avec le temps plaide davantage pour une difficulté
de rappel liée au changement de contexte que pour un
défaut initial denregistrement. Surtout, limprécision est
liée au fait que le souvenir « somatique » est reconstruit à
partir de la mémorisation du contexte et non de la réévoca-
tion corporelle qui est évidemment impossible. Pour éviter
Mes douleurs oculaires anciennes
Rappel du contexte de survenue
Rappel de tous les éléments utiles
en urgence...(MG, cartes SQ...)
Échelles d'Intensité
Dénommer le mal
Évoquer les maladies de l'œil
Évoquer les traitements de la douleur
Revivre la douleur, irradiation
Intensité de désagrément
Comparaison avec d'autres douleurs
Capacité de RECONNAISSANCE
ÉPISODIQUE
Faits personnels
SENSORIELLE
Part implicite
procédurale
SÉMANTIQUE
Savoir
Douleur
oculaire
aiguë
Figure 1. Représentation schématique des différentes composantes mnésiques apparaissant dans le rappel dune douleur oculaire aiguë.
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au maximum le biais linguistique, des auteurs ont travaillé
sur la reconnaissance dune douleur expérimentale : com-
paraison dintensité et de localisation corporelle sur un rap-
pel de quelques minutes à quelques jours lorsque lon
demande au sujet de ne pas coter verbalement la douleur
initiale. Cette mémoire de travail est précise pour des
stimuli nociceptifs répétés même si elle fluctue en fonction
de linterférence et du post-effet de la douleur utilisée. Une
autre possibilité est détudier une douleur expérimentale
comme celle générée par linjection de capsaicine avec
des doses variées chez des sujets sains [6], en comparant
la description initiale avec un recueil électronique de
lEVA tout au long de lépreuve à celle faite à une heure,
24 heures et une semaine : le rappel est fiable pour la
description dintensité et de durée de la douleur, en parti-
culier si lon compare les rappels à 24 heures et une
semaine comme si une certaine « sédimentation » était
utile à un souvenir précis (figure 2).
Physically-
inducted pain
Hypnotically-
inducted pain
00 0224466881051015
Imagined
pain
Overlap
Overlap of HI + PI
activation
Overlap of HI + PI + IM
activation
Figure 2. A) Douleur expérimentale thermique chez sept sujets nouveaux.
B) Douleur suggérée en hypnose.
C) Douleur imaginée chez des sujets habitués à des douleurs chroniques.
D) Recouvrement au niveau de la patrice de la douleur (daprès [10]).
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Biais méthodologiques
et suggestions expérimentales
Les biais de ce type détudes sont nombreux, car les dif-
férentes composantes mnésiques ne sont pas dissociées, et
certains résultats sont prévisibles : les rappels seront fidèles
ou déformés en fonction de la nature de lévénement initial
et de linstrument de mesure ; nul ne sera surpris quun rap-
pel déchelle numérique ou verbale facilement mémori-
sable soit plus précis quun rappel déchelle visuelle analo-
gique sans repère écrit ; que le rappel dune douleur
daccouchement rapidement contrôlée par une péridurale
soit atténué alors que celui dune urgence chirurgicale est
amplifié.
Des progrès méthodologiques seraient possibles dans le
champ neuropsychologique car les douleurs expérimenta-
les bénéficient de protocoles fiables en psychophysique et
en imagerie fonctionnelle avec respect de léthique [7].
Pour le rappel dune douleur ancienne, il serait intéressant
dappliquer des protocoles de mémoire autobiographique
de type TEMPau [8] et dévaluer le niveau dautonoéticité
du rappel des composantes somatiques et contextuelles.
La douleur aiguë étant un modèle démotion intense, une
des questions posées est celle dun « conflit mnésique »
entre les différentes composantes à stocker : ont été décrits
par exemple au cours dune extraction dentaire des ictus
amnésiques, caricature dune amnésie épisodique où lon
peut discuter le rôle de lémotion, de lhyperpnée ou leffet
propre de la douleur [9] ; de façon plus fréquente le souve-
nir dun événement émotionnel intense peut se figer dans
une perception parfaite du contexte comme on le voit dans
les souvenirs flash (flashbulb memories) ou dissocier les
éléments de la scène avec une fixation en puzzle dun
détail qui oblitère le rappel de lensemble. Un tel ne se rap-
pellera que de la mimique du dentiste ou dun détail du
plafond, dautres dune odeur hospitalière. Le contexte est
important comme indice de rappel. Que pourra déclencher
plus tard la rencontre fortuite de ces contextes : lévocation
globale de lévénement, sa part somatique isolée (douleur-
mémoire) ou son accompagnement émotionnel (bouffée
dangoisse) ? La mémoire olfactive a beaucoup de points
communs avec notre sujet par son lien émotionnel, la pos-
sibilité de reconnaissance sans reviviscence sensorielle et
surtout son fort pouvoir dévocation mnésique avec le clas-
sique phénomène proustien de la madeleine. De la même
façon, une douleur-mémoire correspondant à une douleur
physique oubliée peut réapparaître dans un contexte iden-
tique à lencodage initial : quelques exemples de la littéra-
ture rapportent ce type de douleurs-mémoire dans des
contextes reproduisant exactement une expérience doulou-
reuse du passé, sans que le sujet fasse immédiatement le
lien mnésique avec sa biographie.
Une approche expérimentale symétrique serait détu-
dier la douleur comme un élément incident de contexte
dans un apprentissage traditionnel de liste de mots ou
dimages avec lutilisation de la même stimulation au
moment du rappel. La facilitation déjà connue pour une
stimulation somesthésique ou un mouvement serait-elle dif-
férente pour une stimulation douloureuse ? La question
théorique est de comparer leffet facilitateur ou inhibiteur
dune douleur sur le rappel épisodique : les deux phénomè-
nes existent sans doute avec une potentialisation pour une
douleur faible, élément de contexte qui ne crée pas une
interférence négative ; mais à linverse, une douleur aiguë
avec impact émotionnel interfère négativement avec
lapprentissage, comme ceci a été largement démontré
dans des douleurs chroniques [2].
Imagerie mentale de la douleur
La douleur est à la fois somatisation et sémantisation et
ces deux aspects interagissent. Lidée générale est double :
anticiper ou imaginer une douleur connue, cest déjà se
préparer à souffrir : « qui craint la douleur souffre déjà de
ce quil craint » écrivait Montaigne, souffrant de coliques
néphrétiques. Nommer la douleur ou la maladie respon-
sable chez un patient habitué à souffrir dune même dou-
leur répétée, attendre une douleur déjà expérimentée et
annoncée par un signal suffit pour « allumer » la matrice
anatomique de la douleur en imagerie cérébrale. On peut
comparer avec lIRM fonctionnelle la douleur expérimen-
tale ressentie par des sujets normaux, le rappel en imagerie
mentale de cette douleur et lévocation dune douleur habi-
tuelle chez des patients : les réponses sont proches au
niveau de la matrice anatomique de la douleur avec une
visualisation de linsula, du cortex pariétal, du gyrus cingu-
laire postérieur et du cortex frontal prémoteur. Finalement,
puisque seule la première situation est réellement doulou-
reuse, cest lentrée somatique de la matrice (aires SI, SII et
insula postérieure) qui est le corrélat de la douleur perçue,
mais la mise en jeu du circuit émotionnel (insula antérieure,
gyrus cingulaire antérieur) et des systèmes de contrôle (lobe
orbitofrontal, partie haute du tronc cérébral avec la subs-
tance grise périaqueducale) sont identiques [10].
Mémoire sémantique et douleur
Il est donc important de tester le stock sémantique sur la
douleur en demandant par exemple au sujet de classer par
ordre dimportance un certain nombre de situations dou-
loureuses courantes. Lacquisition de ce stock peut être
expérientielle (mémoire autobiographique de mes migrai-
nes) ou culturelle (le cancer du pancréas est le plus dou-
loureux des cancers), et des échelles comme le question-
naire SPQ de Clarke [11] interrogent sur les situations
classiques et expérientielles de la vie quotidienne : piqûres
dinsectes, fractures, brûlures. Cette sémantique de la dou-
leur peut être connue de sujets qui nont jamais éprouvé de
douleur comme ceux atteints dune indifférence congéni-
tale à la douleur qui connaissent toutes les situations à
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risque apprises pour leur protection [12]. Dans la descrip-
tion dune douleur courante comme celles des menstrua-
tions, Brodie [13] a étudié le rôle respectif de la mémoire
autobiographique épisodique pour les femmes qui souffrent
de dysménorrhées et sémantique pour celles qui nen ont
quune connaissance culturelle. Logiquement la descrip-
tion est plus stable pour les femmes qui nont quune
connaissance sémantique et non expérientielle.
Douleur et pathologies de la mémoire
Que devient lexpérience douloureuse dans les patholo-
gies de la mémoire ? Létude en imagerie cérébrale dune
douleur expérimentale thermique dans la maladie dAlzhei-
mer invalide lhypothèse classique dune moindre percep-
tion algique [14]. Les réponses somatiques du réseau parié-
tal (SI, SII) et émotionnel (insulaire et cingulaire) sont
exagérées chez les patients, contrairement aux hypothèses
classiques dune moindre sensibilité à la douleur dans la
démence. Quel est le rôle de lamnésie épisodique ou
sémantique dans cette amplification ? Souffre-t-on davan-
tage lorsquon a oublié sa biographie douloureuse ou la
sémantique de la douleur ? Est-ce une question dattribution
à soi comme cela a pu être proposé dans linterprétation des
comportements à la douleur des malades schizophrènes ?
Mémorisation implicite de la douleur
Le syndrome de Korsakoff, modèle damnésie explicite,
conserve lenregistrement implicite de la douleur et chacun
connaît la classique expérience de Claparède : le patient
piqué par une aiguille lors de la première poignée de
main ne la tend pas la deuxième fois alors quil dit voir le
médecin pour la première fois.
Quels sont la réalité et le rôle de la mémoire implicite
dune douleur ? Plusieurs composantes de lexpérience
douloureuse peuvent relever dun apprentissage implicite :
le conditionnement du stimulus, de la réponse motrice, le
contexte visuel associé, le conditionnement émotionnel
Lexpérience douloureuse qui ne peut être rapportée est
évidemment très étudiée chez lenfant au cours de la clas-
sique amnésie infantile : de très nombreux travaux prouvent
quil existe une mémorisation implicite des événements
douloureux périnataux : une circoncision sans anesthésie
saccompagnera plusieurs mois plus tard dun comporte-
ment douloureux plus intense lors de la première vaccina-
tion [15]. Burloux [16], psychanalyste qui a travaillé avec
des lombalgiques chroniques, sintéresse aux blessures pré-
coces, dues à des situations dabandon, de détresse non
consolée, de séparation et de déréliction. À leur propos, il
parle « de traces amnésiques, liées à lindicible au sens pro-
pre, traces enracinées dans lindifférenciation psychosoma-
tique originaire ». Le langage du neuropsychologue parlant
de mémorisation implicite est différent mais le fond est
identique : les conséquences émotionnelles et comporte-
mentales dun sujet blessé dans lenfance sont évidentes et
il sera doublement victime à lâge adulte de cette douleur-
mémoire résiduelle et de lamnésie explicite du contexte
initial.
Chez ladulte la question dune mémorisation implicite
peut se poser lors dun geste douloureux fait au cours dune
anesthésie générale ou sous benzodiazépine injectable qui
déclenche une amnésie épisodique aussi massive quun
ictus amnésique : labsence denregistrement épisodique
est-il garant dune absence dinscription somatique de la
douleur ? Quelques observations sont publiées de patients
qui ressentent à distance des douleurs peropératoires alors
quils nont rien enregistré consciemment [17]. Le fait est
connu des anesthésistes qui utilisent systématiquement les
morphiniques.
Douleurs-mémoire
La reviviscence douloureuse sans stimulation nocive ou
douleur-mémoire est une possibilité classique des douleurs
fantômes : le patient amputé peut ressentir dans son mem-
bre absent une douleur aiguë oubliée, souvent de lenfance,
sans faire immédiatement le lien avec le contexte autobio-
graphique. Un patient a ressenti plusieurs fois dans des
contextes différents une écharde sous un ongle de son
membre amputé ; cest en parlant de cette sensation avec
ses parents quils lui ont raconté lhistoire dune écharde au
même doigt à lâge de 3 ans [1]. Le fait ne serait quanecdo-
tique sil navait une grande importance théorique pour
démontrer le stockage cortical de toute douleur passée.
Ceci incite à analyser toute douleur en référence avec la
biographie douloureuse ancienne pour autant que laccès
en soit explicite. Reste à comprendre les mécanismes phy-
siologiques qui interdisent à toutes nos douleurs dêtre réac-
tualisées et le pourquoi de cette réactualisation en situation
de privation sensorielle comme dans une amputation.
Dautres privations sensorielles brutales peuvent conduire
àlémergence de souvenirs oubliés : lhallucinose des céci-
tés corticales produit parfois des images de la mémoire épi-
sodique. Dans lépilepsie temporale, la réactualisation de
scènes anciennes nest pas rare mais sur un mode essentiel-
lement visuel sans quil sagisse de douleurs passées. Dans
lépilepsie pariétale (SI ou SII) qui peut se traduire par des
douleurs souvent intenses, la douleur-mémoire nest pas
décrite et pas davantage dans notre expérience des stimu-
lations stéréotaxiques de linsula [18]. Un exemple de
douleur-mémoire est rapporté par léquipe de Tasker au
cours dune stimulation stéréotaxique du thalamus ventro-
postérolatéral : le sujet a ressenti exactement une crise
dangine de poitrine avec la même intensité douloureuse,
les irradiations et le contexte émotionnel mais sans la moin-
dre modification de lélectrocardiogramme [19].
Cette possibilité de réactualisation douloureuse inter-
roge sur un certain nombre de douleurs « sine materia »
dites psychogènes où un stockage implicite dévénements
douloureux, particulièrement de la prime enfance, pourrait
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