dossier FAUST - Compagnie Microsystème

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FAUST
De Christopher Marlowe
Traduction Jean Louis Backes
Mise en scène Victor Gauthier-Martin
Création prévue à l’automne 2010
Recherche de production en cours
© Damien Caille-Perret
Microsystèm e – Metteur en scène Victor Gauthier-Martin
Contact Production – Diffusion : Juliette Roels
Adresse : 19 rue de la Révolution, 94 200 Ivry sur Seine
Tel : 06 76 78 41 90
Mail : [email protected]
Somm aire
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La Matrice
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A propos de la tragédie de Faust
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La capacité diabolique
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Victor Gauthier-Martin
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Microsystème
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Extraits de presse concernant Gênes 01 de Fausto Paravidino,
spectacle créé par Victor Gauthier-Martin en octobre 2007
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La matrice
Le mythe de Faust tel que nous le connaissons, la figure littéraire, est une réinterprétation du
personnage historique. Quel est-il ? Un homme réel, en prise avec une époque de
bouleversements. Un héros de fait divers aussi. Malgré des qualités intellectuelles indéniables,
il y aurait eu chez lui une propension à la tromperie et pas mal de mégalomanie. Aucun
document ne cite ses pouvoirs extraordinaires.
Hâbleur, spectaculaire, usurpateur, telles sont les qualités de la figure historique, et
Christopher Marlowe semble avoir cherché à restituer de cela. Avec cette intuition que
Faustus est surtout ce qu'on en fait, creuset des fantasmes, personnage emblématique de la
passion humaine. Homme sans amour ou aux multiples relations, et consumé dans une quête
obstinée de vérité, il parvient à susciter dans le même temps dédain et compassion.
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A propos de la tragédie de Faustus
Face à la figure si célèbre et emblématique du Docteur Faustus, j'ai tout d'abord essayé de
comprendre comment les multiples transformations du personnage, les diverses versions
littéraires du mythe de Faust pouvaient prendre place et résonner aujourd’hui. Nous
connaissons curieusement davantage le mythe de Goethe que celui de Marlowe, ou imaginons
du moins le connaître. Chez Goethe, il y a - en bref bien sûr - une soif d’absolu, une
projection au-delà du monde connu, de la connaissance, du temps humain, une œuvre
complexe et métaphysique, avec l'idéal amoureux comme viatique pour l'éternité. Aux temps
encore baroques, réputés troubles, aventureux, propices aux inversions, Christopher Marlowe
avait déjà (ré)écrit sa version du Faust, mais à son image, un maître étalon, un alter ego
prompt aux rêves et aux décisions précipitées, aux disputes, un acharné de la vie, un assoiffé
de savoir et de succès. La liste est longue, tant ce personnage porte en lui de possibilités et
s'identifie à la pulsion humaine de découverte et de défi tel Icare, Don Juan, toute la cohorte
des libres penseurs condamnés au nom d'un Dieu ou du pouvoir politique.
Ombre de son auteur, illustration de l'intellectuel aventurier de la Renaissance, ce Faust-là,
Faustus, brûle les étapes, avec l'urgence de ceux qui ont accepté de mourir. Jeune d'esprit
sinon de corps, et ambitieux, il porte atteinte aux lois naturelles, aux codes sociaux, à l’ordre
public et à ses règles. Une quête de la vérité, une exigence d'être soi, dans le ton de la tragicomédie... Il cherche afin d'assouvir ses désirs les outils adéquats, ceux qui sauront effacer
les limites de sa condition d'homme : depuis les jeux d'optique, l'induction psychologique,
jusqu'aux phénomènes d'illusions par la création d'images, les attaques informatiques et la
manipulation du vivant. Faustus, derrière ses machines hyper-sophistiquées, a encore en lui le
sorcier originel.
Il y a un mystère de la fascination pour Faust, des générations d'artistes et de penseurs, un
attachement à son sens de l'à-propos comme à ses errements. J'entrevois aujourd’hui son
reflet dans certaines attitudes de la société face aux avancées scientifiques, de l'ordre de
l'emballement collectif. De son côté la recherche évalue, calcule la courbe de notre évolution
récente, sur les axes progrès à poursuivre / cauchemar à éviter.
Faustus fait l’expérience du surhomme, de l'homme parfait que la science nous donne à rêver
: le pouvoir de se sculpter, de se programmer à l’image de ce que nous voulons être, de vivre
plus longtemps. L’électronique, les médicaments, la chirurgie que nous avons apprivoisés
contribuent "comme par magie" à nous rendre plus intelligents, plus forts, plus rapides, en un
mot plus efficaces.
Aux mains de cette science, le corps devient œuvre d’art, mille fois retouché au scalpel par
des Méphistophélès aux doigts d’or. Il devient machine, dotée d’un cerveau dont on peut
connecter les neurones, ou doté de prothèses, de corps étrangers, de cellules qui ont cessé
de dégénérer. Il devient marchandise, dans les pays pauvres, par le jeu du trafic d’organes. Il
devient modèle reproductible à l'infini.
Victor Gauthier-Martin
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La capacité diabolique
Le personnage de Méphistophélès n'est plus comme chez Goethe l'incarnation de la tentation
venue mettre à l'épreuve la "fine fleur du genre humain" : Faustus chez Marlowe est bien trop
mauvais garçon. Dans Le Maître et Marguerite, autre scénario de damnation, que j'ai eu la
chance d'aborder sous la direction de Kristian Lupa, Mikhaïl Boulgakov avance qu'il faut
apprendre à vivre avec le mal plutôt que l'occulter. Les précédant, Christopher Marlowe,
énonce en Faustus et Méphistophélès deux figures doubles, insatisfaites, idéalistes,
excentriques. Leur relation est quotidienne : Méphistophélès exécute, assouvit les désirs. Je
veux en faire un chœur d'hommes et de femmes programmeurs et techniciens, rivés à leurs
machines, travaillant corps et âmes à la réalisation des ambitions du savant. Ce quatuor est à
son service, jusqu'à la fin, et lui livre la cynique comédie de la conscience, par exemple sous
la forme du bon ange et du mauvais ange. C'est un rapport maître-esclave, qui se lit
froidement, comme un organigramme d'entreprise.
Je pense à Alfred Nobel, à tous les laboratoires privés qu'il possédait un peu partout, aux
désastres occasionnés par la dynamite, et à sa fortune consacrée au soutien à la recherche
et à la paix.
Je pense à Alan Turing précurseur de l'intelligence artificielle, qui après la deuxième guerre
mondiale pose les premières pierres sur l'autonomie des ordinateurs. Il part du principe que
l'on peut éduquer une machine comme on éduque un enfant et fabriquer des machines qui
surpasseront notre niveau de conscience et de réflexion.
Je pense aussi à Johann Caspar Lavater et à sa théorie de la physiognomonie, qui cherchait à
sonder les âmes à travers le dessin du profil des visages, à y déceler "scientifiquement" la
marque du mal visible dans la chair.
Faust se transforme physiquement, moralement, affectivement, et toutes les tentatives
d'écriture qui s'en inspirent alimentent sa légende. Etait-il ce savant génial qu'il prétendait
être ?
N'était-il pas plutôt un habile orateur doté d'une mémoire prodigieuse qui lui permettait de
retenir plutôt que de savoir ? Ou bien un homme de qualité qui n'a pas su trouver sa place ?
Faustus dans mon imaginaire pourrait être ce personnage très charismatique, entre savant et
poète, qui séduit les foules, qui multiplie les projets et provoque le délire dans son sillage,
prêt au pire pour réussir. Faustus est un homme médiatique avant l'heure. Faustus est
également celui qui met sa vie en jeu.
Dans le texte, Méphistophélès fait une présentation des sept péchés capitaux à Faustus, il lui
en livre le catalogue comme autant de clés pour réussir. Faustus se saisit de l'occasion pour
se placer comme le soleil noir de cette cosmogonie et pose ainsi les fondations du cynisme
moderne. Celui dans lequel on valorise l'intolérable pour en faire un argument de vente.
Victor Gauthier-Martin
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Victor Gauthier-Martin
Après deux ans en Angleterre où il intègre le Everyman Theater à Cheltenham , Victor
Gauthier-Martin revient en France. Il suit pendant deux ans les ateliers du soir au Théâtre
National de Chaillot et passe une année l'ERAC (Ecole Régionale d'Acteurs de Cannes), où
il met en scène avec sa promotion « Les amis font le philosophe » de Jacob Lenz.
Victor Gauthier-Martin est ensuite reçu au CNSAD (Conservatoire National Supérieur d'Art
Dramatique) et met en scène « Ambulance » de Grégory Motton en salle Jouvet au
conservatoire et au Théâtre des Ateliers à Aix-en-Provence. En deuxième année, il monte "La
cuisine" d'Arnold Wesker au Théâtre du Conservatoire et au Théâtre du Soleil, invité par
Ariane Mnouchkine. L'année suivante, il repart un an en Angleterre à LAMDA (London
Academy of Music and Dramatic Art) avec une bourse Lavoisière. A son retour, il présente
« Ailleurs tout près » de Françoise Mesnier dans le cadre du Jeune Théâtre National et
travaille en collaboration avec la compagnie du Vis-à-Vis pour monter « Les petites choses »
et « Un baiser dans la tête » de Sonia Willi au Théâtre Universitaire de Nantes.
Il a travaillé à Berlin avec Manfred Karge et avec Krystian Lupa à Cracovie dans le cadre
de l'Unité Nomade de Formation à la Mise en Scène.
A ses débuts en tant que metteur en scène, il est également comédien dans les spectacles
de Sébastien Bournac, Benoît Bradel, Pascal Rambert, Alain Françon et Jean
Liermier.
Depuis 2003, Victor Gauthier-Martin développe tous ses projets de mise en scène au sein de
microsystème (anciennement Théâtre du Troisième Œ il).
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Microsystème
Compagnie dramatique créée en 2003 et dirigée par Victor Gauthier-Martin, microsystème
est actuellement en résidence au Forum de Blanc Mesnil avec le soutien du Conseil
général de la Seine Saint-Denis.
Issus du répertoire ou contemporains, Victor Gauthier-Martin choisit les textes qu’il met en
scène pour la manière dont ceux-ci raisonnent avec l’actualité.
Depuis, la création de microsystème, Victor Gauthier-Martin a mis en scène :
« Le rêve d’un homme ridicule » de Fédor Dostoïevski
Créé en décembre 2004 à la Comédie de Reims dans le cadre du Festival A Scène
Ouverte, ce spectacle a été présenté durant un mois au Théâtre de l’Aquarium à
Paris en juin 2007. Il a par ailleurs été diffusé en juillet 2007 et juillet 2008 dans le
cadre des tournées de la CCAS (Comité d’entreprise d’EDF-GDF).
« La Vie de Timon » d’après Timon d’Athènes de William Shakespeare
Créé en février 2005 à la Comédie de Reims, ce spectacle a été présenté en tournée à
la Comédie de Caen et au Théâtre de l’Aquarium à Paris l’année de sa création.
« Gênes 01 » de Fausto Paravidino
Créé en octobre 2007 à la Comédie de Reims, ce spectacle a été présenté en 20072008 au Théâtre National de la Colline, à la Scène nationale de Mâcon, au
Carré Saint Vincent à l’invitation de l’Atelier Européen de la Traduction / Scène
nationale d’Orléans et au festival Contre Courant à Avignon en juillet 2008.
En 2008-2009, ce spectacle est programmé à Argenteuil, Blanc Mesnil, Chelles,
Mâcon, Verdun et Arras.
« Genoa / Us » d’après Gênes 01
En avril 2008, Victor Gauthier-Martin est invité par Robert Wilson à travailler durant
trois semaines au W atermill Center, centre de création situé dans les Hamptons en
banlieue de New York, sur le texte de « Gênes 01 » avec une équipe franco-amércaine.
Intitulé GENOA / US, une présentation publique de ce travail a eu lieu au Watermill
Center ainsi qu’à New York, Chez Bushwick, lieu dirigé par Jonah Bokaer, ancien danseur
de la compagnie Merce Cunningham.
Genoa / Us est la première étape d’un projet qui devrait conduire Victor GauthierMartin à travailler sur cette pièce dans chacun des pays du G8.
En 2008-2009, Victor Gauthier-Martin mettra en scène au Forum de Blanc Mesnil :
« 109 » création collective de la compagnie
« 109 » est une forme légère pour appartement, une réflexion ludique sur les
manipulations exercées au nom de la médecine, et sans précaution véritable, sur les
corps contemporains.
« 109 « sera créée au Forum et présentée dans des appartements de la ville en
novembre et décembre 2008
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« Le Laveur de visages » de Fabrice Melquiot
« Le Laveur de visages » sera créé au Forum. Il y sera présenté les 5, 6 et 7 février
2009.
Tout d’abord en tant qu’artiste associé à la Comédie de Reims de 2004 à 2007 puis dans le
cadre de la résidence de microsystème au Forum de Blanc Mesnil depuis janvier 2008, Victor
Gauthier-Martin a pris l’habitude d’associer à son activité de création, une activité de
sensibilisation qui repositionne le théâtre au cœur de la cité. A ce titre, il accorde aux stages
qu’il mène et aux ateliers de création en direction des amateurs qu’il développe une place
très importante.
Victor Gauthier-Martin intervient à deux reprises auprès des élèves comédiens de la Comédie
de Reims. Il travaille avec eux sur « La Vie de Timon » d’après Timon d’Athènes de William
Shakespeare en 2004 et sur « Gênes 01 » de Fausto Paravidino en 2007.
Dans le cadre de sa résidence à Blanc Mesnil, microsystème propose plusieurs ateliers en
direction d’un public scolaire et adulte :
« Autonomies en chantier »
En janvier 2008, Victor Gauthier-Martin met en œuvre un projet destiné à des
personnes en recherche d’emploi financé par le Fonds Social Européen. Intitulé
« Autonomies en chantier », ce projet pose la question de l’intégration professionnelle
dans nos sociétés et du rôle qu’y joue la maîtrise de la langue. Durant deux mois, les
participants d’« Autonomies en chantier » se sont interrogés sur leur recherche
d’emploi. Le temps d’enquêtes métiers, menées à Blanc Mesnil et dans ses environs, ils
ont inversé le rôle dans lequel les plaçait leur statut de demandeur d’emploi en passant
d’interviewé à intervieweur. Ces entretiens filmés, enregistrés et retranscrits ont
constitué la matière textuelle et l'expérience artistique d’« Autonomies en chantier ».
« Si j’avais un marteau »
Répondant à l'invitation de trois structures du CCAS et du GRAJAR de Blanc Mesnil,
microsystème proposera à l'automne 2008 un atelier de création auprès de publics
diversifiés, amenés à partager leurs perceptions de leur ville. Il s'agira, au cours de
séances de rédaction de souvenirs, d'improvisations, de promenades, de construire un
projet ensemble, en réunissant des personnes retraitées et des jeunes adultes
accompagnés par des assistantes sociales. Rappeler une émotion liée à un lieu dans la
ville, re-dessiner un parcours ancien, tenter de nouvelles trajectoires, croiser un
inconnu, perdre son chemin, évoquer nos relations à la cité, tracer les contours d'un
Blanc-Mesnil commun, historique, urbanistique, économique...
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Extraits de la revue de presse de Gênes 01 de Fausto
Paravidino
Gênes 01 de Fausto Paravidino, a été mis en scène par Victor Gauthier-Martin en
octobre 2007.
Vous trouverez ci-après quelques articles publiés lors de sa création dans les journaux
suivants :
 Le monde (17 novembre 2007)
 Libération (17 / 18 novembre 2007)
 Politis (22 novembre 2007)
 Mouvement . Net
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COMPTE RENDU paru sur mouvement.net
Le cri d'une gêne
Victor GAUTHIER-MARTIN / Fausto PARADIVINO
date de publication : 13/12/2007 // 11963 signes
Avec Gênes 01 , écrit par Fausto Paradivino suite aux exactions policières
contre les manifestants altermondialistes au G8 de Gênes, en 2001, Victor
Gauthier-Martin met l’accent sur une crise de la représentation. Au Théâtre
National de la Colline du 10 novembre au 6 décembre 2007.
Signée Fausto Paradivino, auteur, acteur et metteur en scène italien fort prolixe malgré son
jeune âge (il est né en 1976), la pièce Gênes 01 pourrait être définie comme un «
documentaire théâtral ». Ou, plus précisément, un matériau documentaire théâtral, qui ne
cesserait d’être remis sur le métier, comme dans une analyse sans fin. Il se rapporte aux
événements survenu en juillet 2001 lors du G8, reçu à Gênes, en grandes pompes policières,
par Silvio Berlusconi, et en marge duquel des centaines d’altermondialistes avaient été
brutalisés et blessés, parfois grièvement, par les forces dite « de l’ordre ». Cependant, Gênes
01 n’est pas seulement un document sur un événement politique trouble, précédant d’à
peine deux mois le 11 Septembre. Cela reste une « pièce de » théâtre, un élément pour faire
théâtre, qui, à partir de ce sujet-là, représente le tremblement qui parcourt aujourd’hui les
principes de représentation du plan politique au plan esthétique, sans savoir lequel des deux
contamine l’autre. C’est ce que montre Victor Gauthier-Martin dans sa mise en scène, créée à
la Comédie de Reims en novembre 2007 : une débandade générale des représentations – et
c’est plus net encore au Théâtre National de la Colline, où la pièce était récemment donnée
dans la petite salle, semblant ici prolonger le Purgatoire de Joris Lacoste (début 2007), qui
déjà se défaussait de tout projet de représentation, en excipant un refus ironique à jouer.
L’analyse de Victor Gauthier-Martin diffère cependant de celle proposée, il y a un an, par
Stanislas Nordey dans le cadre du festival Mettre en Scène, à Rennes. Si Nordey avait bien
présenté Gênes 01 comme une réflexion radicale sur la représentation, que l’opération de
mise en scène devait relaye,. elle s’apparentait chez lui à la critique actuelle des limites de
l’image(2), notamment en se privant de diffuser des archives vidéo. Sa mise en scène
affirmait que le visible est une création du regard ; il ne se confond pas avec le visuel, mais
émerge de l’audible qui porte l’invisible du sens. La question à laquelle Stanislas Nordey
répondait était celle de la représentation d’événements terribles qui, parce qu’ils excèdent le
cours normal de la vie publique, jettent dans un chaos de pensées et provoquent des
réactions passionnelles. Des événements terrorisants, qui traumatisent l’inconscient collectif
et inspirent pour longtemps une terreur paralysante – depuis juillet 2001, les opposants à la
mondialisation façon G8 savent à quoi s’en tenir. Stanislas Nordey ne montrait qu’en
s’appuyant sur le texte de Fausto Paradivino, dans la mesure où celui-ci est écrit comme un
récit public quasi analytique (au sens de la psychanalyse) : un minutieux dossier d’enquête.
C’est d’ailleurs en ce sens que Fausto Paradivino l’a conçu, lui qui met régulièrement en scène
Gênes 01 en Italie, ad hoc, dans les lieux les plus divers (un parvis d’église, par exemple, en
2002). Comme dans la tragédie grecque, l’horrible n’y est pas joué mais rapporté, par des
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acteurs qui ont le rôle de messagers (et c’est le fait de les écouter qui enclenche une
réflexion, c’est-à-dire qui instaure un écart entre l’événement et les émotions « à chaud »).
Tout repose sur les acteurs portant un travail de clarification du passionnel – ici, d’un drame
politique révoltant, que Fausto Paradivino soupçonne d’avoir été monté de toutes pièces par
Berlusconi et ses alter ego du G8… Chez Stanislas Nordey, la mise en scène était mue par
cette volonté de transmettre cette responsabilité, ce désir d’analyse. Les acteurs avaient la
charge immense – donc, la dignité – de cette transmission, et les spectateurs étaient à leur
tour appelés à se saisir de cette charge – de cette dignité – pour, dans le même mouvement,
se ressaisir d’une identité politique confisquée. Lourde charge, dont l’espace scénographique
surélevé, intègre, austère (vide et bleu comme un cosmos) donnait une idée de la grandeur à
laquelle elle permettrait d’atteindre. Presque trop lourde donc, et décourageante, aussi.
C’est à une autre sorte de dignité que Victor Gauthier-Martin appelle les spectateurs. Pour lui,
les limites de l’image ne proviennent pas d’un irreprésentable, mais d’un monde mutant en
une gigantesque foire, en une méga scène visuelle où la représentation politique glisse vers la
mise en scène divertissante d’une politique de pure façade, presque d’une comédie
américaine. Il s’agit alors pour le théâtre de se lancer dans une critique explicite du visuel, où
le spectateur retrouve sa place active et exerce son regard. C’est un mouvement d’activité
qui est transmis par des acteurs sans cesse en mouvement, en action : Victor Gauthier-Martin
utilise ainsi des moyens opposés à ceux de Stanislas Nordey, qui travaillait sur l’hiératisme
des comédiens. Il nous assigne une charge moins lourde, peut-être parce que le sens profond
de Gênes 01 est de nous avertir d’un impossible. Ce qui se joue, entre les chefs d’Etat les
plus louches que nous ayons jamais connus, n’est en effet pas du théâtre, mais bien réel ; et
les chances de se révolter sont quasiment vouées à l’échec, puisque les opposants sont
considérés comme indignes de la protection des droits de l’homme, encore moins des
citoyens (à Gênes, les non Italiens furent traités comme n’importe quel Italien par les forces
de l’ordre). L’analyse proposée par Fausto Paradivino, convaincante, est que ce G8 a été
précisément réuni en ce sens, en mettant à son ordre du jour, de façon sarcastique, les
questions humanitaires. L’analyse effrayante que donne Giorgio Agamben de l’évolution
politique mondiale vers une biopolitique souligne que les droits humanitaires sous-entendent
une définition de l’homme vivant en tant qu’homme, digne de l’homme (qui mérite de vivre).
Sous cet éclairage, Gênes 01 devient une réflexion sur le théâtre, plus que sur l’image, au
point que son sous-titre pourrait être « Ceci n’est pas du théâtre » – au sens où le fameux
tableau de Magritte le disait d’une pipe. On le sait, la méga scène télévisée de la politique
internationale tend à rendre blasé, voire cynique : « Cela s’est-il réellement passé ? », se
demande le téléspectateur figé devant l’écran repassant en boucle l’effondrement des Twin
Towers. Est-il possible que les représentants élus du monde occidental soient complices
d’attentats ou de bavures meurtrières ? L’incrédulité se traduit par un sentiment de perte de
réalité, et une apathie un peu somnambulique, aquoiboniste (« On verra bien », se dit-on). En
entendant ce texte de Fausto Paradivino, le spectateur se pince. « Non, ce n’est pas du
théâtre », doit-il se répéter. Cela s’est bien passé, et l’Italie a bien été accusée, pour cela,
d’avoir violé les droits de l’homme. Le théâtre est ailleurs, et ici, nous regardons l’Histoire en
marche – c’est au théâtre que s’élabore le sentiment du réel, parce que le théâtre est
l’endroit où le regard se travaille, est-il sous-entendu. Victor Gauthier-Martin traduit ce
sentiment d’incrédulité par un panneau lumineux passe-partout, qu’on ne peut pas ne pas
voir dès l’entrée dans la salle, sur lesquels sont inscrits les mots : « Cette salle est sous
vidéosurveillance. » L’incrédulité est le premier mouvement. « Non, ce n’est pas possible », se
dit-on en entrant dans la salle... Et pourquoi pas – puisqu’en même temps, sur un écran, des
images radiographient la salle ?... La logique sécuritaire structurant un monde devenu un
(mauvais) théâtre, ou une scène d’observation et de contrôle, est analysée comme
productrice elle-même du spectacle. Nous sommes le spectacle, nous pouvons figurer dans
les prochains champs de bataille tragiques...
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Victor Gauthier-Martin choisit de déconstruire le principe de toute image médiatique, dans sa
capacité à représenter du réel. D’une part, il fait projeter en prologue les archives des
événements : la pièce vient comme une bande-son ou un commentaire des images. D’autre
part, le vidéaste est un acteur – la régie se trouve sur le plateau – et montre qu’avec
quelques ordinateurs, il peut truquer, trafiquer le visuel. Mais ce qui est aussi mis en scène,
au-delà de ce niveau pédagogique, c’est le caractère enfantin de ces manipulations. Et à
travers elles, leur disproportion avec la tragédie qui frappe le réel. Le monde sombre, mais
sous le coup de machinations grossières, que quelques acteurs sur une scène de théâtre, et
un auteur, peuvent démystifier. C’est une farce grotesque et consternante.
Les acteurs réunis par Victor Gauthier-Martin n’ont rien de « jeunes premiers » (2). Alban
Aumard, Clémence Barbier, Pascale Oudot, Régis Royer ou Marie Dablanc, sont des acteurs
humbles, habités par ce qu’ils font, mais leurs singularités brillent. Ils restent eux-mêmes,
sans avancer d’ego, ils sont dans un désir de parole. La mise en scène repose sur un travail
de répétitions et d’improvisations imaginaires où les scènes se sont montées, sous le regard
du dramaturge rigoureux qu’est Youness Anzane. Avec des accessoires de rien, les scènes
deviennent des reconstitutions, et la représentation, un procès quasi brechtien du réel. Elles
s’enchaînent à un rythme soutenu, tenues par l’humour à bonne distance... Les acteurs ne
cherchent pas à faire croire à un éprouvé, ou à faire éprouver, seulement à faire récit et à
solliciter une méditation. A cet égard, peut-être faut-il retenir la scène de la petite école où
campaient une centaine d’altermondialistes. Trois cents policiers en tenue anti-émeute font
irruption en pleine nuit, et au motif de perquisitionner, tabassent des heures durant...
Symbole de l’affrontement de deux mondes opposés, celui d’un ordre totalitaire, mutique,
cynique (seuls furent saisis des thermos et des médicaments aux plantes), contre un autre
ordre, celui d’un camping, ordre d’un savant désordre qui invente une habitation semipublique, semi-intime, de l’espace. Mais on le voit, les chances du second face au premier
sont quasi nulles. Face à la débandade des principes de représentation politique qui fait
qu’une « ploutocratie » mondiale (c’est la thèse que soutient Fausto Paradivino) se fait
passer pour un club privé de démocrates, les principes de la représentation esthétique sont à
redéfinir, sous peine de participer à l’extension de la mascarade... C’est bien en ce sens que,
pour évoquer les torturés des commissariats génois, une webcam en infrarouge et deux
visages d’acteurs muets et grimaçants montrent, sans le jouer, le cri comme représentation
du cri. Victor Gauthier-Martin avance ici qu’il n’y a pas d’irréprésentable, mais seulement une
délégation entre le réel et la représentation qui préserve le secret du regard et la singularité
irréductible de chacun.
1. Citons là, les réflexions des philosophes Marie-José Mondzain, Jacques Rancière, ou
Georges Didi-Huberman, par exemple. Ou encore les termes de la dispute philosophique entre
Jacques Lanzmann et Georges Didi-Huberman à propos du film Shoah.
2. Le 6 novembre dernier, théâtre de l’Aquarium, sous la direction magnifiante de Julie
Brochen, une soirée de l’Adami en hommage à Jean-Luc Lagarce était destinée à montrer de
« jeunes acteurs talentueux »... et n’a révélé que d’excellents comédiens, capables de tous
les cabotinages pour ravir le public.
Mari-Mai CORBEL
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