Suivi par les médecins libéraux du dépistage des troubles du

Suivi par les médecins
libéraux du dépistage
des troubles du langage
oral par le test ERTL4
À partir de 72 enfants dépistés en maternelle
par les médecins de PMI du département de la
Haute-Garonne
Introduction
LOrganisation Mondiale de la Santé (OMS) nit la santé comme un état
de complet bien-être physique, mental et social, ne consistant pas seulement
en une absence de maladie ou dinrmité [1]. La maîtrise du langage oral, en
conditionnant lépanouissement de la personnalité, la réussite scolaire,
lintégration sociale et linsertion professionnelle future, est un élément
majeur de la santé de lenfant [2]. Des troubles peuvent survenir dans le
développement du langage et affecter 4 à 5 % des enfants dune tranche
dâge, 1 % ayant des troubles sévères [3]. La prévalence et le retentissement
des troubles sur le « bien-être mental et social » des enfants concernés ont
érigé les troubles du langage, et au-delà les troubles des apprentissages, en
problématique de santé publique.
Un plan daction interministériel, réunissant le ministère de la Santé et le
ministère de lÉducation Nationale, a été initié en 2001. Lobjectif est
daméliorer le repérage, le dépistage, le diagnostic, et la prise en charge des
troubles spéciques du langage [4].
Une des actions préconisées, ande«mieuxidentier les enfants ayant un
trouble du langage oral », visait lorganisation dun dépistage par les médecins
des services de Protection Maternelle et Infantile (PMI), dans le cadre des bilans
de santé réalisés en classe de maternelle auprès des enfants âgés de 3-4 ans.
Dans le département de la Haute-Garonne, le dépistage recommandé est
effectif, et les compétences langagières sont évaluées par les équipes de PMI
grâce à un outil validé, lEpreuve de Repérage des Troubles du Langage à 4
ans (ERTL4).
LERTL4 permet de déterminer si lenfant a un niveau de langage satisfaisant
ou non, nécessitant, en cas de suspicion de trouble ou de retard, une
surveillance active, ou un bilan complémentaire immédiat (orthophonique,
ORL, psychologique/psychiatrique, psychomoteur).
La procédure de dépistage ne pourra savérer pertinente que si elle amène
aux actions capables de limiter les conséquences du trouble à moyen et long
terme.
En 2014, lobservance des recommandations émises par les médecins de PMI
de Haute-Garonne navait pas toujours pas été évaluée.
Quel est le devenir des enfants diagnostiqués lors de ces bilans après leur
orientation vers le médecin libéral ? Ont-ils tous des orientations pro-
posées ? Existe-t-il des échecs de prise en charge et si oui, quels en sont les
motifs ? Quelle est la portée de ce dépistage ? Combien denfants
nécessitant un bilan orthophonique vont avoir ce bilan ? Combien denfants
vont faire lobjet dune surveillance active et dune réévaluation lorsquun
Recherche en soins primaires
Résumé
Les bilans de santé des enfants de 3-4
ans réalisés en école maternelle par les
médecins de la Protection Maternelle
et Infantile (PMI) permettent chaque
année le dépistage précoce de troubles
du langage oral, dans des pourcenta-
ges signicatifs grâce au test ERTL4.
Le devenir des orientations proposées
par les médecins de PMI est peu
documenté. Nous avons cherché par ce
travail à évaluer la prise en charge des
enfants à distance du dépistage ainsi
que les causes de dysfonctionnement
éventuel du suivi de ces enfants.
Mots clés : dépistage ; troubles du
développement du langage ;
protection maternelle et infantile-
études de suivi.
Abstract
Checkups every year on 3-4 years old
children in kindergarten, undertaken
by doctors of the Mother and Child
Protection (PMI), provide the early
detection of oral language disorders, in
signicant percentages thanks to the
ERTL4 test.
The future of the guidelines proposed
by the PMI doctors is poorly docu-
mented. Through this work we inten-
ded to evaluate the remote monitoring
of child care and the causes of possible
malfunction when monitoring these
children.
Key words: screening; language
development disorders; maternal-child
health; follow-up studies.
DOI: 10.1684/med.2016.7
Michel Bismuth, Leila Latrous, Anne
Freyens, Motoko Delahaye, Claire
Puech, Brigitte Escourrou, Stéphane
Oustric
Département universitaire de médecine
générale, Toulouse
Tirés à part : M. Bismuth
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trouble mineur aura été dépisté ? Quelles sont les causes
dabsence de prise en charge : défaillance des parents ou
attitude passive du médecin traitant face aux résultats du
dépistage ? La coordination médecin de PMI-médecin
traitant est-elle efciente ?
Nous avons évalué les suites données parlesparentsetpar
les médecins libéraux ayant en charge le suivi régulier de
lenfant aux orientations proposées par les médecins de
PMI à lissue du dépistage par ERTL4. Nous avons évalué des
bilans en école maternelle auprès des enfants de 3-4 ans.
LERTL4 dans sa version III (1999) utilisée
1
permet
dexplorer rapidement (5 à 10 minutes), et de
manière ludique, la parole, le langage et la voix de
lenfant de 3 ans 9 mois à 4 ans 6 mois. Lobjectif du
test est de permettre dorienter les enfants à risque.
Il comprend trois épreuves obligatoires, avec un
système de cotation en couleur qui distingue trois
degrés de performance pour chaque épreuve : vert
pour une épreuve réussie, orange pour une
épreuve modérément échouée et rouge épreuve
sévèrement échouée. La synthèse seffectue en
tenant compte du nombre dépreuves orange ou
rouges du bilan clinique et de lanamnèse.
Méthode
Faisabilité
Le protocole de cette étude a été proposé initialement
par courrier électronique aux équipes de PMI des 23
maisons de solidarité (MDS) de Haute-Garonne puis
présenté oralement en assemblée générale le 12/03/2012.
Les médecins pratiquant ces bilans ont été contactés par
téléphone pour valider leur participation. La faisabilité de
létude et les modalités dinclusion des enfants dépistés
avaient été testées au préalable par 3 médecins de PMI de
lagglomération toulousaine. Ces tests ont permis des
améliorations sur le contenu et la présentation du
formulaire de consentement proposé aux parents à partir
dun protocole établi par deux médecins généralistes un
junior et un senior.
Notre étude était de type longitudinal
avec deux temps
1) Réalisation des bilans de santé en école maternelle par
les médecins de PMI permettant didentier les enfants
ayant un prol ERTL4 pathologique orange ou rouge an
de les inclure après laccord des parents.
2) Enquête téléphonique auprès des familles et du
médecin libéral référent des enfants dépistés à partir
de 2 questionnaires légèrement différents, lun à
destination des parents, lautre à destination du médecin
référent de lenfant, (pédiatre ou médecin généraliste).
Ces questionnaires avaient été élaborés par un médecin
junior et un médecin senior et testés par deux médecins
généralistes et 3 médecins de PMI (les questionnaires sont
disponibles auprès des auteurs).
Items explorés par les questionnaires
Linformation retenue par les parents concernant les
résultats du dépistage et la prise en charge proposée.
Lobservance des orientations recommandées par les
médecins de PMI.
Les causes dabsence de suivi.
La coordination médecin de PMI-médecin traitant
libéral.
Limplication du médecin libéral traitant dans la prise
en charge des troubles du langage oral à 3 mois ou a 6
mois en fonction du trouble diagnostiqué.
Les questionnaires ont été soumis à deux périodes en
fonction de lorientation de lenfant :
Si le bilan réalisé par les médecins de PMI révélait des
troubles importants (couleur rouge), les enfants étaient
orientés immédiatement avec une proposition de réponse
au questionnaire parent et médecin traitant à 3 mois. Ce
délai nous est apparu raisonnable car il permettait aux
familles damorcer une démarche active de soins et
dobtenir un rendez-vous avec les spécialistes concernés,
sans que ce délai soit préjudiciable pour lenfant.
Pour les enfants à surveiller et à réévaluer, le
questionnaire était soumis à 6 mois. Le critère temporel
de six mois pour la réévaluation a été choisi car il est
recommandé par les concepteurs du test ERTL4.
Les critères dinclusion
Réalisation du test ERTL4 au sein des 23 MDS du
département.
Âge de lenfant compris entre 3 ans 9 mois et 4 ans 6
mois (classe dâge ciblée par lERTL4).
Découverte dun prol « pathologique » à lERTL4 en
fonction des résultats de couleur : rouge (proposition de
bilan complémentaire) ou orange (réévaluation à dis-
tance du langage).
Recueil du consentement écrit des parents nous auto-
risant à les contacter par téléphone et nous indiquant le
médecin référent de leur enfant dans le cadre du suivi du
trouble dépisté.
Recueil du numéro de téléphone des parents et du nom
du médecin référent.
Pour les enfants évalués dans le cadre des bilans sans les
parents, nous avons choisi dadresser le formulaire aux
parents avec le courrier explicatif sur les troubles dépistés
et des démarches à entreprendre.
Le retour des formulaires de consentement se faisait soit
par envoi direct par les parents au médecin de PMI à la
maison de solidarité, soit par remise en mains propres au
1
Le test ERTL4 en pratique (daprès « ROY-MAEDER. Livret de passation
ERTL4. Com-Médic 1999 »).
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professeur des écoles de lenfant préalablement mis au
courant.
Les critères dexclusion
Les enfants pour lesquels un trouble était déjà connu
avec ou sans prise en charge.
Le refus de consentement des parents.
Composition du dossier de lenfant
inclus dans létude et contribution
des médecins de PMI
Pour chaque enfant le dossier qui nous est retourné
comprenait :
Une copie du dossier médical de liaison destiné au
service de promotion de la santé en faveur des élèves
précisant soit le type de trouble du langage oral dépisté
(retard de langage et/ou défaut darticulation), soit le
degré de sévérité du trouble (majeur ou mineur), soit la
couleur du prol déterminé à lERTL4 (rouge ou orange),
ainsi que les démarches proposées (bilan orthophonique,
consultation ORL, réévaluation à distance...).
Le formulaire de consentement daté et signé par les
parents.
Les médecins de PMI étaient invités à remplir un tableau
récapitulatif comptabilisant pour chaque école le nombre
denfants évalués, le nombre de troubles du langage oral
dépistés et inclus dans létude, les motifs dexclusion.
Lanalyse des données anonymisées a été traitée informa-
tiquement grâce au tableur EXCEL
1
. Pour tester le lien
entre deux variables qualitatives, nous avons utilisé le test
du Chi-2, ou à défaut le test exact de Fisher lorsque la
condition dapplication du Chi-2 nétait pas respectée
(effectifs inférieurs ou égaux à 5), grâce à loutil BiostaTGV.
Résultats
Létude a été menée du 1
er
mars 2012 au 31 mars 2013.
Lentretien téléphonique na pas excédé cinq minutes aussi
bien pour les parents que pour les médecins (tableau 1).
15 médecins de PMI répartis sur 11 MDS, ont participé à
létude.
1 922 tests ERTL4 ont été réalisés pour 2 055 enfants
vus en bilan de santé.
78 dossiers ayant une réponse rouge ou orange ont été
identiés ; 72 ont pu être exploités (92,3 %) et 6 enfants
ont été perdus de vue (7,7 %).
Parmi ces 72 dossiers, 53 concernaient des enfants
orientés immédiatement vers lorthophoniste, 19 des
enfants dont le langage était à surveiller et à réévaluer
(tableaux 2, 3, 4).
Discussion
Les forces de cette étude
Notre travail montre que la prévalence des troubles du
langage oral découverts par les médecins de PMI sur la
période dinclusion de notre étude conrme la légitimité
et lintérêt des évaluations du langage oral effectuées
lors des bilans de santé en école maternelle. Ces résultats
sont conformes à lobjectif de lERTL4, qui est de
discriminer 10 à 15 % de la population selon ses auteurs
Mæder et Roy [5], et soulignent la performance des
médecins de PMI de Haute-Garonne dans lutilisation du
test.
Ce travail est original car, à notre connaissance, il ny avait
jamais eu dans le département dévaluation des suites
données au dépistage des troubles du langage oral après
leur orientation vers le milieu libéral.
Les résultats sont comparables à ceux des études portant
sur les résultats des bilans de santé en faveur des enfants
de 3-4 ans utilisant lERTL4 pour le dépistage des troubles
du langage. En 1999, dans létude de S. Petit-Carrié et al.
en Gironde [6], sur les 12 413 enfants ayant pu bénécier
dune exploration du langage oral par lERTL4 inter-
prétable lors des bilans en école maternelle, 1 sur 6
(17,3 %, n = 2 144) présentait un trouble du langage (sans
distinction des troubles « à surveiller » ou « à adresser »),
et parmi eux, un sur sept seulement était diagnostiqué
comme porteur dun trouble au moment du bilan.
Tableau 1. Répartition des dossiers inclus et exploités en
fonction des orientations.
Troubles dépistés
Orientation immédiate 73,6 % (n = 53)
Réévaluation à distance 26,4 % (n = 19)
Total 100 % (72)
Tableau 2. Nombre de troubles dépistés découverts par les médecins de PMI à loccasion du bilan, et qui ont fait lobjet dune
orientation immédiate ou dune réévaluation à distance, et leur fréquence par rapport à leffectif initial.
Délai de Contact nERTL4 ntroubles dépistés norientation immédiate nréévaluation à distance
3 mois 1 103 131 82 49
6 mois 878 139 81 58
Total 1 981 (100 %) 270 (13,6 %) 163 (8,2 %) 107 (5,4 %)
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Tableau 3. Conclusions des évaluations du langage oral des 72 enfants en fonction des informations recueillies dans les dossiers de liaison (prol de couleur à lERTL4, trouble du
langage suspecté, et orientations).
Prol de couleur
àlERTL4 Nombre denfants
Trouble du langage dépisté Orientation
Défaut
darticulation
Retard
de langage
Défaut darticulation + retard
de langage
Autres Non
précisé
Bilan
orthophonique
Réévaluation
à distance
Rouge 42 9 4 22 1 6 38 4
Orange 20 13 1 1 2 3 7 13
Non précisé 10 5 2 2 0 1 8 2
Tableau 4. Les causes déchec de suivi.
Groupe « orientation immédiate » Réévaluation à distance Groupe
Causes déchec de suivi 1) liées aux parents :
manque de disponibilité 45,8 % (n = 11)
défaut dadhésion aux soins 8,3 % (n = 2)
interprétation inexacte des résultats du dépistage : 8,3 % (n = 2)
2) facteurs dordre socioéconomique 16, % (n = 4) (coût des soins dorthophonie,
contrainte de mobilités).
1) oubli de reconsulter 50 % (n = 5)
3) délais trop longs pour lobtention dun rendez-vous 16,7 % (n = 4) 2) absence de difcultés signalées par
le professeur des écoles 40 % (n = 4)
4) liées au MT : (« minoration » des troubles dépistés 8,3 % (n = 2) / choix dune
autre orientation) : 4,2 (n = 1)
3) défaut de compréhension des résul-
tats du bilan 30 % (n = 3)
La coordination médecin de PMI/MT
Linformation du MT par les parents
Absence dinformation dans 45,3 % (n = 24) des cas daprès
les parents/60,4 % (n = 32) daprès les
MT dans le groupe orientation immé-
diate.
dans 42,1 % (n = 8) daprès les
parents/57,9 % (n = 11) daprès les MT
dans le groupe « RAD »
Motifs : oubli 43,8 % (n = 14)
MT non revu 34,4 % (n = 11)
MT pas concerné 28,1 % (n = 9)
défaut de compréhension des résultats du bilan 12,5 % (n = 4)
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En 2001, dans les Hauts-de-Seine, sur les 1 102 enfants
évalués par lERTL4 dans le contexte dun bilan de santé
réalisé au Centre de bilans de santé de lenfant de Clichy,
géré par la Caisse Primaire dAssurance-Maladie (CPAM)
du département, 6,8 % requéraient lintervention dun
orthophoniste [7]. Les pourcentages denfants adressés
vers lorthophoniste et à réévaluer étaient respective-
ment de 9,19 % et 6,15 % en Meurthe-et-Moselle pour
8 108 enfants testés à lécole par lERTL4 en 2005 [8].
*Les troubles dépistés ont été conrmés
Dans notre travail, les troubles dépistés ont été conrmés
et une rééducation débutée pour près de 9 enfants sur 10
ayant consulté lorthophoniste. LERTL4 est en effet un
test possédant une bonne valeur diagnostique, ayant fait
lobjet en 1996 dune étude de validation par lÉcole de
Santé Publique de Nancy et le service de PMI de Meurthe-
et-Moselle auprès dune population pédiatrique de 325
enfants, par comparaison à un bilan orthophonique de
référence. La redénition de ses seuils diagnostiques suite
àlétude avait permis dobtenir une sensibilité de 72,9 %
et une spécicité de 91 %, et des valeurs prédictives
positive de 78,7 % et négative de 88,1 % [9]. Pourtant les
suites données aux orientations qui font intervenir les
parents, le médecin de PMI et le médecin en charge de la
santé de lenfant offrent un bilan en demi-teinte car nous
avons :
dun côté, un test validé, performant dans lidentica-
tion des « malades », avec des enfants atteints de
troubles passés jusqualors « entre les mailles du let »
qui ont bénécié dun diagnostic et dun traitement grâce
àlERTL4 et aux bilans de santé en école maternelle ;
et dun autre, des propositions dorientations qui
naboutissent globalement que dans un cas sur deux.
*Quel est le regard porté par les parents sur les
troubles du langage dépistés ?
Lanalyse des carences de prise en charge a révélé quelles
étaient en grande partie dorigine parentale car les
parents des enfants orientés ne paraissent pas mesurer
lurgence dun diagnostic et dun traitement malgré une
information éclairée de la part du médecin de PMI auprès
des familles. La prise en charge orthophonique des
troubles du langage oral est pourtant une urgence
fonctionnelle du fait en particulier de répercussions
multiples sur lavenir scolaire, professionnel, psychique et
social des sujets concernés en labsence de traitement.
Daprès C. Billard, une procédure de dépistage, pour être
valable, doit obéir à certaines règles dont celles de révéler
précocement un décit qui nécessite une action « an
den limiter les conséquences néfastes »edaboutir à
une action spécique immédiate consécutive aux résul-
tats du dépistage »[10].
Pour Delahaie [2], deux raisons principales justient un
dépistage et une prise en charge précoce à lâge de 3-4 ans :
il sagit dune période-clé particulièrement dynamique
sur le plan du développement linguistique ;
on dispose de deux ans pour aider lenfant à surmonter
ses difcultés et lui permettre daccéder aux apprentis-
sages ultérieurs lors de lentrée au Cours Préparatoire
(CP).
Pour les auteurs de lERTL4, lorsque laide apportée est
plus tardive, les améliorations sont « laborieuses et non
stables »[11].
*Il faut donc obtenir ladhésion des familles
et lannonce du trouble aux parents est un
moment important
Peyronnet et Garnier [12] échissaient ainsi dans leur
enquête aux modalités dune annonce en deux temps :
«un temps pour comprendre, un temps pour agir », et
proposaient limplication du médecin libéral de lenfant
dans laccompagnement des familles vers le soin, an que
les bilans de santé dépassent le statut dinterventions
médicales ponctuelles pour devenir des actions de santé
au long cours [13].
Pourtant même lorsque lannonce est bien faite et
comprise, des parents conscients des troubles dépistés,
en accord avec les orientations proposées, ont des
difcultés pour prévoir un temps pour la réalisation du
bilan en raison de contraintes familiales, professionnelles,
socio-économiques ou de mobilité.
En France, ce sont les orthophonistes libéraux qui
prennent en charge en ambulatoire la majorité des
enfants atteints dun trouble spécique du langage, selon
le constat établi en 2002 par les Inspections générales de
lÉducation nationale (IGEN) et des Affaires Sociales
(IGAS) dans leur enquête sur le rôle des dispositifs médico-
social, sanitaire et pédagogique dans la prise en charge
des troubles complexes du langage [14], et les consulta-
tions se programment généralement en dehors des
horaires scolaires et donc sont accessibles. La situation
est différente en Europe où les orthophonistes peuvent
exercer en milieu scolaire dans de nombreux pays, comme
lAllemagne, la Belgique, le Danemark, lEspagne, la
Finlande, et la Norvège, avec des débouchés salariés au
sein de lÉducation Nationale [15].
En dehors de la difculté liée à une prise en charge
périscolaire, les fortes disparités géographiques de
répartition des orthophonistes dans notre région et de
façon plus générale sur lensemble du territoire français
avec une profession majoritairement citadine (8,1 % des
orthophonistes seulement travaillaient en zone rurale au
1
er
janvier 2013) [16] peuvent être à lorigine de certaines
difcultés de prise en charge et donc révèlent la notion
dinégalités dans laccès aux soins.
*Améliorer laccès aux soins en orthophonie
Lamélioration de laccès aux soins en orthophonie des
assurés a ainsi fait lobjet dune réexion commune de
lUnion Nationale des Caisses dAssurance-Maladie et de
la Fédération Nationale des Orthophonistes, ayant abouti
àlavenant n°13 à la convention nationale des ortho-
phonistes publié au JO du 5 mai 2012 [17]. Un dispositif
expérimental visant à rééquilibrer loffre de soins à
léchelon national est créé avec le « contrat incitatif
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