En 2001, dans les Hauts-de-Seine, sur les 1 102 enfants
évalués par l’ERTL4 dans le contexte d’un bilan de santé
réalisé au Centre de bilans de santé de l’enfant de Clichy,
géré par la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie (CPAM)
du département, 6,8 % requéraient l’intervention d’un
orthophoniste [7]. Les pourcentages d’enfants adressés
vers l’orthophoniste et à réévaluer étaient respective-
ment de 9,19 % et 6,15 % en Meurthe-et-Moselle pour
8 108 enfants testés à l’école par l’ERTL4 en 2005 [8].
*Les troubles dépistés ont été confirmés
Dans notre travail, les troubles dépistés ont été confirmés
et une rééducation débutée pour près de 9 enfants sur 10
ayant consulté l’orthophoniste. L’ERTL4 est en effet un
test possédant une bonne valeur diagnostique, ayant fait
l’objet en 1996 d’une étude de validation par l’École de
Santé Publique de Nancy et le service de PMI de Meurthe-
et-Moselle auprès d’une population pédiatrique de 325
enfants, par comparaison à un bilan orthophonique de
référence. La redéfinition de ses seuils diagnostiques suite
àl’étude avait permis d’obtenir une sensibilité de 72,9 %
et une spécificité de 91 %, et des valeurs prédictives
positive de 78,7 % et négative de 88,1 % [9]. Pourtant les
suites données aux orientations qui font intervenir les
parents, le médecin de PMI et le médecin en charge de la
santé de l’enfant offrent un bilan en demi-teinte car nous
avons :
–d’un côté, un test validé, performant dans l’identifica-
tion des « malades », avec des enfants atteints de
troubles passés jusqu’alors « entre les mailles du filet »
qui ont bénéficié d’un diagnostic et d’un traitement grâce
àl’ERTL4 et aux bilans de santé en école maternelle ;
–et d’un autre, des propositions d’orientations qui
n’aboutissent globalement que dans un cas sur deux.
*Quel est le regard porté par les parents sur les
troubles du langage dépistés ?
L’analyse des carences de prise en charge a révélé qu’elles
étaient en grande partie d’origine parentale car les
parents des enfants orientés ne paraissent pas mesurer
l’urgence d’un diagnostic et d’un traitement malgré une
information éclairée de la part du médecin de PMI auprès
des familles. La prise en charge orthophonique des
troubles du langage oral est pourtant une urgence
fonctionnelle du fait en particulier de répercussions
multiples sur l’avenir scolaire, professionnel, psychique et
social des sujets concernés en l’absence de traitement.
D’après C. Billard, une procédure de dépistage, pour être
valable, doit obéir à certaines règles dont celles de révéler
précocement un déficit qui nécessite une action « afin
d’en limiter les conséquences néfastes »et«d’aboutir à
une action spécifique immédiate consécutive aux résul-
tats du dépistage »[10].
Pour Delahaie [2], deux raisons principales justifient un
dépistage et une prise en charge précoce à l’âge de 3-4 ans :
–il s’agit d’une période-clé particulièrement dynamique
sur le plan du développement linguistique ;
–on dispose de deux ans pour aider l’enfant à surmonter
ses difficultés et lui permettre d’accéder aux apprentis-
sages ultérieurs lors de l’entrée au Cours Préparatoire
(CP).
Pour les auteurs de l’ERTL4, lorsque l’aide apportée est
plus tardive, les améliorations sont « laborieuses et non
stables »[11].
*Il faut donc obtenir l’adhésion des familles
et l’annonce du trouble aux parents est un
moment important
Peyronnet et Garnier [12] réfléchissaient ainsi dans leur
enquête aux modalités d’une annonce en deux temps :
«un temps pour comprendre, un temps pour agir », et
proposaient l’implication du médecin libéral de l’enfant
dans l’accompagnement des familles vers le soin, afin que
les bilans de santé dépassent le statut d’interventions
médicales ponctuelles pour devenir des actions de santé
au long cours [13].
Pourtant même lorsque l’annonce est bien faite et
comprise, des parents conscients des troubles dépistés,
en accord avec les orientations proposées, ont des
difficultés pour prévoir un temps pour la réalisation du
bilan en raison de contraintes familiales, professionnelles,
socio-économiques ou de mobilité.
En France, ce sont les orthophonistes libéraux qui
prennent en charge en ambulatoire la majorité des
enfants atteints d’un trouble spécifique du langage, selon
le constat établi en 2002 par les Inspections générales de
l’Éducation nationale (IGEN) et des Affaires Sociales
(IGAS) dans leur enquête sur le rôle des dispositifs médico-
social, sanitaire et pédagogique dans la prise en charge
des troubles complexes du langage [14], et les consulta-
tions se programment généralement en dehors des
horaires scolaires et donc sont accessibles. La situation
est différente en Europe où les orthophonistes peuvent
exercer en milieu scolaire dans de nombreux pays, comme
l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la
Finlande, et la Norvège, avec des débouchés salariés au
sein de l’Éducation Nationale [15].
En dehors de la difficulté liée à une prise en charge
périscolaire, les fortes disparités géographiques de
répartition des orthophonistes dans notre région et de
façon plus générale sur l’ensemble du territoire français
avec une profession majoritairement citadine (8,1 % des
orthophonistes seulement travaillaient en zone rurale au
1
er
janvier 2013) [16] peuvent être à l’origine de certaines
difficultés de prise en charge et donc révèlent la notion
d’inégalités dans l’accès aux soins.
*Améliorer l’accès aux soins en orthophonie
L’amélioration de l’accès aux soins en orthophonie des
assurés a ainsi fait l’objet d’une réflexion commune de
l’Union Nationale des Caisses d’Assurance-Maladie et de
la Fédération Nationale des Orthophonistes, ayant abouti
àl’avenant n°13 à la convention nationale des ortho-
phonistes publié au JO du 5 mai 2012 [17]. Un dispositif
expérimental visant à rééquilibrer l’offre de soins à
l’échelon national est créé avec le « contrat incitatif
Recherche en soins primaires Suivi par les médecins libéraux du dépistage des troubles du langage oral par le test ERTL4
MÉDECINE Mars 2016 139
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