Hebdomadaire – N°2014/23 – 20 juin 2014 L'actualité des pays émergents Éditorial – L’Argentine : « bis repetita » ? La Cour suprême américaine vient de confirmer le jugement de la Cour d’appel de New-York rendu en août 2013 relatif au paiement par l’Argentine de sa dette à l’égard des fonds spéculatifs dits fonds « vautours ». Bref retour en arrière. Ces fonds ont acheté la dette au plus bas prix après le défaut argentin en 2001 et ont refusé les accords de restructuration acceptés par la majorité des créanciers en 2005 et 2010. Plus de 90% des créanciers ont ainsi consenti un abandon de créances de 70%. Les fonds « vautours », quant à eux, ont obtenu d’être remboursés intégralement. Il s’agit d’un « casse-tête » juridique. En effet, si l’Argentine règle les fonds « vautours » comme l’y oblige la justice américaine, compte tenu de la clause de « réciprocité » (qui viendra à terme à la fin de l’année 2014), les autres créanciers peuvent prétendre au même traitement. Ce que souhaitait l’Argentine : continuer d’honorer sa dette restructurée et ne pas régler les fameux « vautours ». Or, ceci est impossible, car la décision de justice impose de régler l’intégralité des créanciers. Sinon, le paiement « sélectif » que souhaite l’Argentine, transitant par une chambre de compensation de droit américain, pourrait être bloqué. Concrètement, la prochaine échéance de paiement (le 30 juin) s’élève, au sens de l’Argentine, à 9 Mds USD. C’est ce qu’elle entend et peut payer. En revanche, si elle est contrainte de payer les fonds « vautours » (1,3 Md USD), les autres créanciers pourraient exiger un remboursement dans les mêmes conditions : une facture pouvant s’élever jusqu’à 40 Mds USD, si tout le monde prétend au même traitement. À rapprocher des réserves de change argentines s’élevant à 28 Mds USD… Faute de négociations, l’Argentine va donc probablement être contrainte au défaut. En poursuivant sa stratégie, il s’agira d’un défaut technique. En se pliant aux conditions extrêmes imposées par la décision américaine, elle ne peut de toute façon pas payer. Or, le pays est de nouveau en récession et avait multiplié les efforts dans l’optique d’un retour sur les marchés financiers avant la fin de l’année. Au-delà de ses conséquences économiques immédiates, la décision de la Cour Suprême est extrême et lourde de conséquences. Elle fait abstraction des soutiens qu’a pu obtenir l’Argentine dans ce conflit (jusqu’à l’administration Obama) et ignore les accords signés avec les Clubs de Londres et Paris, instances reconnues en termes de restructuration de dettes. Le FMI, lui-même, pourtant peu connu pour sa sympathie envers l’Argentine, s’est déclaré inquiet. Cet imbroglio juridique crée un précédent. Il peut à l’avenir décourager les négociations permettant une restructuration de dette économiquement « raisonnable » et viable : les prêteurs inflexibles adopteraient systématiquement la voie juridique en espérant obtenir un gain supérieur. Vaine surenchère ouvrant la voie à une spirale dangereuse : après tout, pourquoi négocier et tenter de faire des concessions ? Les faits marquants de la semaine Chypre : Retour sur les marchés. Dubaï : L’immobilier en forte progression inquiète la Banque centrale. Kenya : L'émission du premier Eurobond remporte un franc succès. Chine : Nouveau ralentissement de la croissance des prix de l’immobilier en mai. Colombie : Juan Manuel Santos, élu pour un deuxième mandat présidentiel. Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com Edition du 20 juin 2014 Europe centrale et orientale, Asie centrale Bulgarie – Rating dégradé par S&P. La Bulgarie avait été dégradée au deuxième cran de l’investment grade en 2008, peu de temps après le déclenchement de la crise. Six années après cette diminution, l’agence de rating vient à nouveau de dégrader d’un cran la note du pays de BBB à BBB-. Au cœur de cette décision, une instabilité politique qui freine les réformes nécessaires pour relancer une croissance atone et l’absence d’avancées notables dans les secteurs de l’énergie et de la santé. La croissance du PIB a beaucoup chuté en Bulgarie. Elle n’a atteint que 0,8% en 2012 et 0,9% en 2013. Au premier trimestre 2014, elle s’élève à 1,1%. Une performance médiocre malgré un meilleur équilibre des composantes de cette croissance entre la consommation des ménages et les exportations. Les perspectives de l’année sont effectivement modérées, compte tenu de la hausse du chômage et de la déflation en cours. La croissance devrait s’établir à 1,7%. Chypre – Retour sur les marchés. Le souverain chypriote vient d’émettre 750 millions € de d’obligations à cinq ans au taux de 4,85%. C’est la première fois depuis l’été 2011 que l’État chypriote est en mesure de solliciter les marchés de capitaux internationaux pour se financer. Cette émission intervient un peu plus d’un an après la mise en place du plan de sauvetage de l’île méditerranéenne et la relative stabilisation de son économie. Les investisseurs internationaux, dont une bonne part de fonds spéculatifs, ont acheté 80% de l’émission, le reste étant souscrit par les banques locales. Chypre : prix des CDS sur titres d'Etat à 5 ans 1800 1600 pdb 1400 1200 1000 Le président Plevneliev a, par ailleurs, annoncé que des élections législatives anticipées auraient lieu fin septembre. Les partis politiques se sont mis d’accord sur cette échéance, suite aux mauvais résultats du parti socialiste aux élections européennes qui ont vu le parti d’opposition GERB de centre-droit terminer en tête du scrutin. Bulgarie : dette publique et solde budgétaire 60 % 50 4 % 2 40 0 30 -2 20 10 -4 0 -6 Source : Min. Finances Bulgarie, FMI, CA S.A. Dette publique/PIB Solde budgétaire/PIB (éch. dr.) Commentaire – La dette publique bulgare reste l’une des plus faibles de l’UE, puisqu’elle ne dépasse pas 20% du PIB. Elle a beaucoup chuté depuis le début des années 2000. Elle devrait rester stable en 2014, puisque le déficit budgétaire ne devrait pas excéder 1,8% du PIB cette année. Mais c’est surtout la dette externe qui reste encore excessive, héritage des années de bulle financière du début des années 2000 et des financements aisés en devises fortes. Elle s’élève à fin 2013 à encore 168% des recettes d’exportations. Un chiffre qui reste excessif, malgré sa forte diminution depuis le pic de 312% atteint fin 2009. 800 600 400 200 0 oct.-09 juil.-10 avr.-11 janv.-12 oct.-12 juil.-13 avr.-14 Sources : Reuters, Crédit Agricole SA Commentaire – Cette émission illustre le retour en grâce de l’État chypriote et l’apaisement des tensions financières au sein de la zone euro. Elle témoigne également du succès du plan de sauvetage sans précédent de ce pays, dont la dette publique s’établit à 112% du PIB à fin 2013. Chypre a évité un défaut souverain et une sortie de la zone euro au printemps 2013, grâce à la saisie des dépôts dans le système bancaire et par la mise en place d’un plan de sauvetage de 10 Mds € de l’UE et du FMI. Les perspectives pour l’année 2014 sont plus favorables et après trois années de contraction du PIB, une sortie de récession est envisageable en 2015. Hongrie – Les prêts en devises devront être recalculés. La Cour suprême hongroise vient de rendre un avis très attendu par tous les acteurs économiques et le gouvernement concernant le sujet très délicat des prêts en devises contractés par les particuliers hongrois. La chute du forint a fortement renchéri les charges de remboursement de ces prêts et l’avis de la Cour suprême confirme que les changements de parité au cours de la vie du prêt n’ont pas été réalisés selon toute la transparence et l’information due envers les consommateurs. La Cour ne remet pas en cause la légalité de ces prêts. Ces derniers devront donc être recalculés et le gouvernement prépare un projet de loi en ce sens pour -2 - Edition du 20 juin 2014 l’automne. La Cour ne s’est pas prononcée sur l’étendue des compensations à offrir aux emprunteurs Commentaire – Selon les spécialistes, l’impact sur la diminution des charges pour les emprunteurs et le coût final pour les établissements financiers devrait donc rester modéré. Russie, Ukraine – Le point sur la crise. Après l’accalmie qui semblait se dessiner la semaine dernière, les tensions ont repris. Sur place d’abord, où la situation reste aussi violente que confuse. Seule certitude : P. Poroshenko essaie de reprendre le contrôle des frontières. De plus, il a aussi annoncé qu’il enclencherait un plan de paix en quatorze points d’ici quelques jours, sur la base d’un cessez le feu unilatéral des soldats fidèles à Kiev, mais proposant également une amnistie pour les rebelles prêts à déposer les armes. Il faut aussi noter un point assez étonnant cette semaine, qui tranche avec les évènements des derniers mois : malgré la violence des affrontements locaux, il y a peu de déclarations (à ce jour !) des Russes, des Américains ou des Européens. Cela pourrait donner l’impression que les grandes puissances laissent une fenêtre d’opportunité au nouveau président ukrainien pour régler lui-même le problème local. Cette sensation est renforcée par le fait que P. Poroshenko et V. Poutine se sont parlé au téléphone après la rencontre en France. Également, le président ukrainien a nommé un nouveau ministre des Affaires étrangères, beaucoup plus pondéré vis-à-vis des Russes que le précédent (mais c’est un europhile convaincu). Notons enfin que la nomination d’une nouvelle présidente de la Banque centrale ukrainienne vise clairement à séduire les marchés et les investisseurs – car sa compétence tranche avec les nominations des années Yanoukovitch. En revanche, la relation russo-ukrainienne ne s’est pas arrangée sur le front des négociations gazières, interrompues pour l’instant sans succès, ce qui a déclenché une coupure du gaz russe à destination de l’Ukraine (Moscou réclamant à la fois le paiement des arriérés gaziers et le pré-paiement des livraisons de juin). Le gouvernement ukrainien ainsi que Gazprom ont garanti – pour l’instant – que cette coupure n’aurait aucune incidence (comme cela avait été le cas en 2006 et 2009) sur les livraisons à l’Europe. Commentaire – Plus le conflit se prolonge localement, plus il va impacter l’économie ukrainienne, notamment à travers les filières de l’acier, ellesmêmes très importantes pour les exportations (composées à 30% d’acier). D’ores et déjà, les témoignages de nombreux réfugiés affluant vers la Russie ou vers Kiev laissent penser qu’un scénario d’enlisement et de paralysie régionale durable existe. Pour l’instant, les estimations de baisse du PIB ukrainien pour 2014 sont de l’ordre de -5%. De même, le déficit courant devrait se réduire, surtout sous l’impact d’une contraction des importations (à noter un excédent courant en avril pour la première fois depuis 2011). Moyen-Orient Dubaï – L’immobilier en forte progression inquiète la Banque centrale. Sur les trois premiers mois de l’année 2014, la hausse des prix immobiliers enregistrée à Dubaï a été la plus forte au niveau mondial au sein des grands marchés. La hausse des prix y a atteint 27,7% a/a en mars, alors que les loyers progressaient de 30%. Le nombre de transactions immobilières a enregistré un bond de 38% et le crédit immobilier s’envole (+40,1% a/a en décembre dernier, contre seulement +8,8% pour l’ensemble des crédits bancaires à l’économie). L’Émirat connait-il une nouvelle bulle immobilière ? Non. Certains éléments permettent de modérer cette crainte. Dubaï enregistre une croissance annuelle de son économie de 5% et la population active, majoritairement immigrée, croît au rythme de l’économie. C’est là le principal argument du Dubaï Land Department en réponse aux craintes exprimées récemment par la Banque centrale. On pourra enfin citer les mesures prises par l’État pour empêcher un retour aux pratiques spéculatives d’avant crise, telles que la hausse de 100% de la taxe imposée sur les transactions immobilières (passée de 2 à 4%). Enfin, les grands constructeurs de l’Émirat se coordonnent désormais davantage, ce qui limite les risques de surproduction. Le retour des prix immobiliers au niveau de ceux de 2010 (pour certains quartiers) traduit simplement le rebond économique de l’Émirat. D’ailleurs, les prix au mètre carré (7 000 USD) restent, par ailleurs, très loin des records de villes telles que Singapour (30 000 USD)... -3 - Edition du 20 juin 2014 Dubaï : CDS souverain et prix immobiliers 350 104 300 102 250 100 200 98 150 100 50 96 94 0 92 juin-12 oct.-12 févr.-13 juin-13 oct.-13 févr.-14 Spread sur CDS souverains 3a Source : CA S.A. Indice des prix immobiliers (éch. dr.) Oui. D’autres éléments inquiètent. Le rythme de hausse des crédits bancaires pourrait rester soutenu, en raison de la mise en chantier de divers méga-projets financés à crédit, ainsi que le retour attendu de davantage de particuliers (étrangers ou locaux) sur ce marché. L’emballement pourrait donc rapidement reprendre les proportions d’avant 2008 ; alors que les règles prudentielles mises en place paraissent insuffisantes (l’inquiétude de la Banque centrale tranche avec la confiance des autorités et se rapproche de la position du FMI qui suggère la mise en place d’outils plus contraignants, tels qu’une taxe de 30% en cas de revente rapide d’un bien immobilier) et rien n’indique, au contraire, qu’elles seront renforcées. Selon certaines sources citées par Reuters, les conditions de crédit sont de plus en plus relâchées en faveur de certaines grandes entreprises immobilières. On peut enfin arguer que le niveau de croissance des crédits est là encore encouragé par des taux d’intérêts bas, peu compatibles avec le niveau d’activité économique. Ainsi, un choc externe (guerre régionale, crise économique de type 2008), pourrait à nouveau provoquer une baisse drastique des prix et impacter les grandes entreprises immobilières de Dubaï et les banques qui les financent. Commentaire – En réalité, on n’en sait pas grandchose… L’inquiétude de la Banque centrale doit interpeller les investisseurs et créanciers de Dubaï... Au moins autant que les messages rassurants des autorités. Dans un marché peu documenté et composé de multiples compartiments forts différents, l’information est insuffisante pour juger de l’état du marché. Cela dépendra beaucoup de deux éléments majeurs : le rythme d’exécution des nouveaux mégaprojets – 50 milliards USD ont été annoncés pour exécution d’ici 2020 – qui peuvent être annulés par les développeurs, ainsi que les chances, au cours des prochaines années, d’une nouvelles chute de confiance similaire à celle de 2008. Égypte – Le roi d’Arabie saoudite rencontre al Sissi. La visite du roi saoudien en Égypte a lieu vendredi 20 juin. La visite se veut en soutien au président Sissi (élu à 96% des voix) et au peuple égyptien à qui le roi conseille de s’écarter de « l’étrange chaos » qui secoue les pays arabes depuis trois ans Commentaire – Les marchés font état de rumeurs persistantes sur l’annonce, au lendemain de l’élection d’al Sissi, d’un plan de soutien financier en faveur de l’Égypte d’un montant de 20 milliards USD financé conjointement avec les E.A.U.. Iran – Renault à l’offensive. La firme automobile française a indiqué être en discussion avec les gouvernements américain et français au sujet de la reprise de ses opérations en Iran. Renault disposait d’une part de marché estimée à 10% en 2012 – sur un total de plus de 1,5 million de véhicules produits par an en Iran, une exception dans la région – avant que le renforcement des sanctions en 2013 ne pousse l’entreprise à quitter le pays. Depuis la levée partielle de certaines sanctions, Renault a repris en janvier dernier ses exportations de pièces automobiles vers l’Iran en direction de son partenaire local. Commentaire – Renault est actuellement à la recherche d’un partenaire financier pour relancer ses opérations en Iran. Selon l’entreprise, des « banques turques et internationales » l’ont approché. -4 - Edition du 20 juin 2014 Afrique sub-saharienne Afrique du Sud – Fitch et S&P abaissent leur notation. La semaine passée, l'Afrique du Sud a été sanctionnée par les agences de rating pour ses performances économiques médiocres. En effet, Fitch a confirmé sa notation à BBB, mais a revu sa perspective de stable à négative. Standard & Poor’s a abaissé la note à BBB-, perspective stable. Les agences justifient ces dégradations par une croissance en ralentissement depuis maintenant deux ans, ainsi qu'une prévision de croissance pour 2014 sous la barre des 2%. L'augmentation de la dette publique, et du déficit courant au cours des dernières années ont également pesé sur leur décision. Nous partageons l'avis des agences de notation, selon lequel la croissance n'excèdera pas 2% cette année. Kenya – L'émission du premier Eurobond remporte un franc succès. L'État kényan a finalement réussi à lever 2 milliards USD en émettant son premier Eurobond, composé de deux tranches. La première de 500 millions USD, à une maturité de cinq ans et rémunérée à un taux d'intérêt de 5,9%. La seconde de 1,5 milliard USD, à une maturité de dix ans pour un taux d'intérêt à 6,9%. Les liquidités ainsi acquises serviront à financer le développement des infrastructures. Elles permettront également de rembourser un prêt syndiqué de 600 millions d'euros. Afrique du Sud : croissance trimestrielle du PIB 1,2 de réformes structurelles. Les inégalités de revenus et le chômage de masse représentent, en effet, des contraintes structurelles à la croissance de l'économie, source d'agitation sociale chronique. Des contraintes pèsent également sur l'offre : la faiblesse des infrastructures électriques et le décalage entre la demande des entreprises et l'offre de la main d'œuvre, en termes de qualifications, freinent l'investissement. t/t, % 1,0 0,8 0,6 0,4 0,2 0,0 -0,2 -0,4 T1 12 T3 12 T1 13 T3 12 Source : Statistic South Africa , Crédit Agricole S.A. T1 14 Commentaire – Ces dégradations de note ont aussitôt été actées par les marchés et se sont traduites par une chute du rand face au dollar. Le gouvernement sud-africain a également réagi en réaffirmant son engagement à maîtriser son déficit budgétaire, mais la trop faible croissance attendue cette année risque fort de remettre en cause cet objectif, du fait de recettes fiscales en dessous des attentes. En effet, l'économie s'est contractée au premier trimestre et l'activité devrait rester atone au second, principalement du fait de la grève dans le secteur du platine mais aussi à cause d'une demande (domestique et extérieure) déprimée. Les agences estiment également que la croissance potentielle, auparavant évaluée à 3,5%, pourrait s'établir aujourd'hui à un niveau de 2,5% en l'absence Commentaire – Cette émission réussie traduit un appétit grandissant des investisseurs pour les obligations souveraines des États africains qui proposent des taux de rendements intéressants : les ordres de souscription à cet Eurobond ont atteint quatre fois le montant finalement emprunté par le gouvernement kényan. Les taux d'intérêt relativement faibles (pour un emprunteur d'Afrique sub-saharienne), témoignent également de l'attractivité de la dette kenyane. Pour comparaison, l'Eurobond zambien d'un milliard de dollar émis en avril, avait connu des taux autrement plus élevés, à 8,6% pour une maturité de dix ans (du fait d'un risque jugé également plus élevé). Les prochaines émissions obligataires africaines sur les marchés internationaux devraient être le fait du Ghana et de la Côte d'Ivoire. Leur succès sera probablement moindre, du fait des importants déséquilibres externe et fiscal pour le premier, et d'un récent défaut sur la dette publique pour le second (2011). -5 - Edition du 20 juin 2014 Asie Chine – Nouveau ralentissement de la croissance des prix de l’immobilier en mai. À Pékin, elle a fléchi de 8,9% a/a le mois précédent à 7,7% ; à Shanghai, de 11,5% à 9,6% ; à Guangzhou, de 11,1% à 9,5% ; à Shenzhen, de 11% à 8,7% ; et dans les dix-huit plus grandes villes du pays, de 7,6% à 6,3% (en moyenne). À noter, en outre, qu’en variation mensuelle, les prix (en mai) ont reculé à Shanghai, à Shenzhen et dans les dix-huit premières villes chinoises (en moyenne) pour la première fois depuis deux ans. Chine : prix de l'immobilier 5 m/m, % 4 3 2 1 0 -1 -2 juin-09 juin-10 juin-11 Shanghai Guangzhou moy 18 premières villes juin-12 juin-13 juin-14 Pékin Shenzhen Source : NBS Commentaire – Cette évolution (des prix de l’immobilier) était attendue… Donc pas de quoi s’inquiéter ? Nombre d’analystes se veulent, en tout cas, plutôt rassurants. Pékin et les collectivités locales ont commencé à prendre des mesures pour soutenir l’immobilier/la construction et, plus généralement, l’économie (cf. Perspectives Émergents du 6 juin 2014). Puis : Les grands développeurs (ceux côtés en Bourse) paraissent convenablement capitalisés et liquides, lorsque les crédits (bancaires) à l’ensemble de la profession représentent seulement 7% du portefeuille de crédits des banques ; Le secteur (de l’immobilier) est peu « leveragé » du côté de la demande ; l’endettement total des ménages est modéré, tout juste supérieur à 50% de leurs revenus disponibles annuels ; et les crédits hypothécaires s’élèvent à environ 13% des crédits bancaires totaux ; Les salaires ont évolué de concert avec les prix à l’achat des logements au cours des dernières années ; Les possibilités d’investissement des ménages sont très restreintes, en dehors du foncier (en raison notamment des contrôles de capitaux) ; (Et) l’urbanisation est au cœur de la politique (de développement) de Pékin pour les cinq prochaines années (et sans doute au-delà). Bref, autant d’éléments (et cette liste n’est pas exhaustive) qui conduisent à amoindrir le risque d’un effondrement du secteur (et des prix) et ceux liés à un tel évènement (notamment les risques de crise financière et de hard landing). Autant d’éléments qui laissent aussi entrevoir une réelle capacité de rebond de l’immobilier (en cas de choc). Il n’empêche que les stocks d’invendus ont augmenté au cours du passé récent. Selon certaines sources, celui des logements serait passé d’une dizaine de mois de ventes à presque dix-huit mois de ventes en l’espace d’un ou deux trimestres. Les surfaces habitables en cours de construction représenteraient, quant à elles, quatre fois les ventes annuelles, comparé à un ratio historiquement plus proche de 3,4. Cette réalité est de nature à (continuer d’) exercer une pression baissière sur les prix de l’immobilier et une correction forte (de 10%, voire plus) ne peut être exclue. En particulier dans les villes de deuxième et troisième rangs. Dans ce cas, les petits développeurs (notamment ceux très engagés sur ces agglomérations de moindre importance) seraient les plus affectés, jusqu’à faire défaut en nombre. A priori rien vraiment à même de détériorer significativement le portefeuille de crédits des banques (compte tenu de leur engagement limité sur ces acteurs, comme évoqué plus haut) ; de plus, les promoteurs les plus solides pourraient profiter de l’occasion pour mettre la main sur des terrains à des prix inférieurs à ceux du marché. Mais ce serait sans compter sur le fait que ces petits promoteurs se sont aussi largement refinancés en dehors des circuits bancaires classiques ces derniers temps. Quid, en outre, de l’impact (d’une baisse marquée des prix de l’immobilier) sur : (La solidité de) tous ces financements (souvent fournis par le shadow banking) ayant un bien immobilier pour collatéral ? Les collectivités locales (dont une part importante des revenus provient des ventes de terrain) et leur capacité à honorer leur dette (qui s’élève à environ 33% du PIB, en forte hausse depuis 2010, et dont presque 40% arrive à maturité cette année et l’an prochain) ? (Ou encore) la confiance des ménages, qui endureraient un effet de richesse négatif marqué ? Sans les exagérer, il y a là des points sur lesquels existe une part non négligeable d’incertitude et susceptibles d’amplifier de façon assez inattendue l’impact économique et financier d’une forte baisse (éventuelle) des prix de l’immobilier et, plus simplement, du ralentissement en cours dans le secteur. À suivre attentivement… -6 - Edition du 20 juin 2014 Amérique latine Brésil – Augmentation de l’inflation liée à la Coupe du monde. Mi-juin, l’indice des prix indiquait une hausse de 6,4% en glissement annuel, en augmentation par rapport au mois dernier (6,3% a/a) et donc très proche de la limite supérieure de la cible d’inflation officielle (6,5%). L’augmentation de l’inflation est en partie liée au contexte de la Coupe du monde de football : la hausse des prix des transports et des biens d’équipement ménagers et le maintien d’un indice des prix des services élevé expliquent cette hausse générale des prix. Brésil : activité économique et inflation 12 10 8 6 4 2 0 -2 -4 2009 2010 IPCA 2011 2012 IPCA services 2013 2014 IPCA core IBCR Source : IBGE, BCdoBrasil, CA SA Commentaire – L’inflation dépassera sans doute le seuil de 6,5% fixé par la Banque centrale à la fin de l’année, mais la marge d’action de l’autorité monétaire est limitée : les taux d’intérêts directeurs ont déjà été relevés jusqu’à atteindre 11% et il sera difficile pour la Banque centrale brésilienne de justifier une nouvelle hausse, étant donné la faible activité économique. En revanche, l’impact de la Coupe du monde sur la croissance sera faible selon les spécialistes, de l’ordre de 0,2 point de PIB supplémentaire pour 2014, un effet de levier très faible au regard des sommes investies dans la préparation de l’événement sportif (évaluées à environ 11 Mds USD). Le gouvernement attend de l’organisation de la Coupe un revenu équivalent à 13 Mds USD. À court terme, l’impact le plus évident sur l’économie brésilienne sera l’augmentation de la consommation, liée à l’arrivée de touristes étrangers et l’enthousiasme généré par l’événement au sein de la population locale. À moyen terme, l’impact économique sera lié à la modernisation d’infrastructures et de services liés au secteur touristique (hôtellerie-restauration, transports internationaux, télécommunication). Mais, il est peu probable que la Coupe du monde parvienne à rétablir la confiance et l’environnement dont le pays a besoin pour renouer avec le dynamisme des années précédentes (même en cas de victoire brésilienne à la Coupe du monde !). Après un premier trimestre médiocre en terme de croissance du PIB (+1,9% a/a), les prévisions pour 2014 sont autour de 1,8% (à peine 1,5% selon le dernier rapport Global Economic Prospects de la Banque mondiale, publié le 10 juin 2014). Colombie – Juan Manuel Santos, élu pour un deuxième mandat présidentiel. Le président sortant a réuni 50,9% des voix face au candidat uribiste Óscar Ivan Zuluaga, qui était pourtant arrivé en tête au premier tour de l’élection présidentielle. Le deuxième tour de l’élection a mobilisé davantage de Colombiens (taux de participation de 47%) que lors du premier tour (40%), en raison de la forte polarisation autour de la poursuite des négociations avec les FARCs. L’élection de Santos confirme donc la poursuite du processus de paix avec le mouvement guérillero. Des négociations seront également menées avec le mouvement de guérilla ELN, avec lequel le gouvernement a récemment amorcé des discussions. Commentaire – Le mandat de Juan Manuel Santos est au moins clair sur un point : les Colombiens ont voté en faveur de la paix avec les FARCs. Mais Santos est également attendu sur le plan économique et social. L’éducation, la santé ou l’emploi sont autant de thématiques peu abordées durant la campagne électorale, qui sont pourtant considérées comme prioritaires par la population. Les quatre années de mandat de Santos ont été positives sur le plan économique, avec une croissance parmi les plus élevées de la région et des finances publiques sous contrôle. Cependant, la réduction des prix de certaines matières premières exportées, comme le pétrole ou le charbon, affecte l’économie colombienne, encore très dépendante de celles-ci (elles constituent plus de 70% des exportations colombiennes). Les IDE dans les secteurs pétrolier et minier ont également chuté de 8,1% a/a depuis le début de l’année 2014. Sans surprise, cela pèsera sur la croissance en 2014, attendue autour de 4,7% en 2014. Un accord de paix avec les mouvements guérilleros aura un impact positif évident sur l’économie colombienne en termes d’amélioration du climat des affaires et de réorganisation de l’activité économique et sociale dans les zones touchées par le conflit. -7 - Edition du 20 juin 2014 La perspective de croissance à moyen terme est donc positive, mais entraînera sans doute une pression sur les finances publiques. Le gouvernement a d’ailleurs annoncé une réforme fiscale en 2015, prévoyant l’augmentation des taxes pour maintenir sous contrôle le déficit budgétaire, à 2,4% du PIB. de sa première présidence ; il devra compter avec une opposition plus large au Congrès : le Polo Demócratico Alternativo (PDA) de Clara López ou le parti des verts représenté par Enrique Peñalosa ont soutenu Santos au second tour dans la seule optique d’appuyer le processus de paix. Ni l’un ni l’autre, encore moins la droite dure, ne soutiendront pour autant le projet politique de Juan Manuel Santos. Pour son deuxième mandat, Santos ne disposera pas d’une marge de manœuvre aussi ample que lors -8 - Edition du 20 juin 2014 Scénario économique du Groupe Crédit Agricole S.A. Date de MAJ : 27/05/2014 Etats-Unis Japon Zone euro Asie Chine Hong Kong Inde Indonésie Corée Malaisie Philippines Singapour Taiw an Thaïlande Vietnam Am érique latine Argentine Brésil Mexique Europe - ém ergents République tchèque Hongrie Pologne Russie Roum anie Turquie Afrique & Moyen-Orient Algérie Egypte Kow eït Liban Maroc Qatar Arabie saoudite Afrique du Sud Em irats arabes unis Tunisie Total Pays industrialisés Pays ém ergents PIB (a/a, %) 2013 1,8 1,5 -0,4 6,0 7,7 2,9 4,7 5,8 2,8 4,7 7,2 3,0 2,4 2,9 5,3 2,3 4,0 2,4 1,4 1,8 -1,1 1,1 1,6 1,3 2,6 4,0 3,0 3,0 2,1 2,7 1,3 4,0 5,5 3,7 1,8 4,3 2,8 2,7 1,1 4,6 2014 2,7 1,6 1,1 6,0 7,4 3,5 5,1 5,5 3,6 5,4 6,4 3,8 3,0 2,8 5,7 2,4 3,0 1,8 3,1 1,6 2,2 2,2 3,5 0,6 3,3 1,7 3,4 3,6 2,0 3,1 2,6 4,1 5,5 4,5 2,4 4,5 3,0 3,3 2,1 4,6 Inflation (a/a, %) 2015 3,0 1,2 1,4 6,1 7,0 3,6 5,6 6,0 3,9 5,2 7,3 3,9 3,3 4,8 6,0 2,6 1,8 2,2 3,5 2,7 2,5 2,4 4,0 1,8 3,6 3,5 4,0 3,1 3,3 4,0 4,4 4,7 5,3 4,9 3,0 4,9 4,2 3,4 2,2 4,9 2013 1,5 0,4 1,4 4,2 2,6 4,3 9,6 7,0 1,7 2,1 2,9 2,4 0,8 2,4 6,6 7,9 27,0 5,9 3,4 5,3 1,4 1,7 0,9 6,8 4,0 7,5 5,0 3,9 9,4 3,1 6,7 2,1 3,7 3,7 5,5 1,3 6,1 3,0 1,4 5,0 2014 1,5 2,5 0,9 4,2 2,7 4,0 8,4 6,9 3,0 2,9 3,2 3,2 1,5 3,0 6,1 7,7 24,0 6,3 3,5 5,0 1,3 1,3 0,4 6,2 2,5 8,0 5,2 4,1 9,2 3,5 7,5 2,5 4,4 3,5 6,1 2,5 5,5 3,1 1,5 4,9 2015 1,9 1,8 1,3 4,7 3,8 4,5 8,5 5,6 3,0 2,2 3,0 3,3 2,8 3,2 6,5 6,6 17,0 6,2 3,1 4,8 1,8 3,0 1,6 5,3 3,3 7,5 5,3 4,3 9,2 3,9 6,2 2,9 4,8 4,5 5,4 2,7 4,5 3,3 1,7 5,0 Balance courante (en % du PIB) 2013 2014 2015 -2,3 -2,1 -2,3 0,7 0,7 1,2 1,3 2,6 2,7 1,7 1,0 0,7 2,0 1,4 1,1 2,0 2,8 3,0 -1,7 -3,5 -4,0 -3,3 -3,5 -3,5 4,7 4,8 4,8 3,8 2,7 2,1 4,1 2,8 2,1 16,0 18,0 18,0 11,0 10,0 10,0 -1,1 0,4 1,0 2,2 -0,1 -2,0 -2,3 -2,1 -2,1 -0,8 -1,0 -1,2 -3,2 -2,8 -2,8 -1,5 -1,6 -1,6 -0,9 -0,7 -1,3 -1,8 -2,4 -2,8 2,6 2,0 0,5 -1,3 -1,8 -2,2 1,6 2,0 1,4 -1,1 -1,9 -2,8 -6,9 -6,0 -6,5 6,3 4,4 3,9 3,2 1,1 1,7 -2,4 -2,4 -2,1 40,2 37,8 36,5 -9,1 -7,9 -6,4 -9,1 -8,0 -6,5 23,5 17,5 14,0 18,0 13,0 11,0 -5,5 -5,7 -5,0 13,1 10,5 8,5 -9,7 -9,0 -8,8 0,2 0,2 0,0 -0,7 -0,2 -0,2 1,2 0,6 0,3 Notes: (1) Royaume-Uni : HICP ; Inde : prix de gros ; Chine, index prix de détail ; Brésil : IPCA, Afrique du Sud : CPI-X (2) Inde : fin de l'année fiscale en mars. Achevé de rédiger le 20 juin 2014 Études Économiques Groupe – Crédit Agricole S.A. 12, place des États-Unis – 92127 Montrouge Cedex Directeur de la publication : Isabelle JOB-BAZILLE Rédacteur en chef : Jean-Louis MARTIN Réalisation et Secrétariat de rédaction : Fabienne PESTY Europe centrale et orientale, Asie centrale : Tania SOLLOGOUB - [email protected] – Olivier LE CABELLEC - [email protected] Moyen-Orient Riadh EL-HAFDHI - [email protected] Asie : Sylvain LACLIAS - [email protected] Afrique : Madine BA - [email protected] Amérique latine : Jean-Louis MARTIN - [email protected] – Céline RIPOLL - [email protected] Pétrole et gaz : Stéphane FERDRIN - [email protected] Agriculture & agro-business : Catherine MOLLIERE – [email protected] Documentation : Elisabeth SERREAU – Delphine CHARLEROI Contact : [email protected] Consultez les Études Économiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur : Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com iPad : application Etudes ECO disponible sur l’App store Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinion est susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. Ni l’information contenue, ni les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de vente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient engager la responsabilité du Crédit Agricole S.A. ou de l’une de ses filiales ou d’une Caisse Régionale. Crédit Agricole S.A. ne garantit ni l’exactitude, ni l’exhaustivité de ces opinions comme des sources d’informations à partir desquelles elles ont été obtenues, bien que ces sources d’informations soient réputées fiables. Ni Crédit Agricole S.A., ni une de ses filiales ou une Caisse Régionale, ne sauraient donc engager sa responsabilité au titre de la divulgation ou de l’utilisation des informations contenues dans cette publication. -9 -