HEMORRAGIE ORL Elsa DUBOIS PH SAU-SAMU-SMUR CHRU de Nancy Plan • EPISTAXIS • POST-AMYGDALECTOMIE • CANCERS ORL EPISTAXIS Mort d’Attila en 453 Epidémiologie Âge Sexe • En France, 27 décès déclarés en 2004 sur données du PMSI • 60% de la population générale sera victime d’un épistaxis au cours de sa vie • 6% relèvera d’une prise en charge médicale • 0,2% sera hospitalisée pour épistaxis Epidémiologie • 90 % épistaxis antérieures - Extériorisation nasale - Localisation quasi exclusive au septum nasal - Pronostic classiquement plus favorable - Accès plus facile à la lésion hémorragique - Possibilité de compression extrinsèque • 10 % épistaxis postérieures - Extériorisation nasale ET pharyngée - Lésion située en arrière de l’ostium du sinus maxillaire Anatomie Vascularisation artérielle via un réseau anastomotique complexe issu des carotides interne et externe o Artères ethmoïdales Issue de l’artère ophtalmique, branche de la carotide interne o Artère sphénopalatine Branche terminale de l’art. maxillaire interne, branche de la carotide externe o Artère faciale Branche terminale de l’artère maxillaire interne Anatomie Tâche vasculaire ou zone de KIESSELBACH – Anastomose des artères : • Sphénopalatine • Ethmoïdale antérieure • Faciale – Zone de FRAGILITE : • Exposée sur la partie antérieure du septum nasal • Recouverte par une muqueuse fine Etiologies 70 % de survenue spontanée ou idiopathique Facteurs favorisants - Mécaniques : grattage... - Climatiques : T°C élevées, hydrométrie basse... - Endocriniens : puberté, période pré-menstruelle, grossesse... - Dégénératifs : artériosclérose... Etiologies ✓ Etiologies ORL - Traumatiques : - Traumatismes directes : rechercher hématome de la cloison - Corps étrangers - Usage de drogue intra-nasale - Tumorales : - Bénignes : fibromes nasopharyngiens, angiomes - Malignes : carcinomes épidermoïdes du cavum, du nasopharynx, lymphomes Etiologies ✓ Etiologies systémiques - Hypertension artérielle - Coagulopathie - Innées : hémophilies, thrombopénie et thrombopathie… - Acquises : anticoagulants, insuffisance hépatique… - Maladies vasculaires - Innées : Rendu-Osler, malformation artério-veineuse… - Acquises : capillarites autoimmunes Classification EPISTAXIS BENIGNES EPISTAXIS GRAVES Caractéristiques hémorragiques Caractéristiques hémorragiques ➢ Peu abondantes ➢ Abondantes ➢ Prolongées ou répétées ➢ +/- Bilatérales ➢ +/- unilatérales AUCUN retentissement sur l’état général Pas de terrain à risque Retentissement sur l’état général Terrain à risque ➢ Coronaropathie ➢ Sténose carotidienne ➢ Coagulopathie (innée ou Evaluation clinique • Interrogatoire +++ • Signe de gravité immédiate – Présence d’une gêne respiratoire – Durée et abondance du saignement • Terrains à risques d’aggravation potentielle – Antécédents et traitement – Mécanisme lésionnel Evaluation clinique • Examen clinique +++, TA, FC • Recherche de l’origine de l’hémorragie – Epistaxis antérieure ou postérieure – Epistaxis uni ou bi-latérale méchage transitoire avec Xylocaïne Naphazoline® pendant 10 min (anesthésie locale + rétraction des muqueuses (CI chez l’enfant) Examens complémentaires Indications NON SYTEMATIQUES ➢ Si présence de signe de gravité ➢ Si présence d’un terrain à risque ➢ Si incertitude diagnostique Examens biologiques ➢ Groupage et RAI ➢ NFP ➢ Bilan de coagulation` Examens spécialisés selon orientation étiologique Traitement OBJECTIFS ➢ STOPPER l’hémorragie ➢ Identifier et prendre en charge les complications de la déplétion sanguine ➢ Limiter le risque de récidive ➢ Identifier l’étiologie STOPPER L’HEMORRAGIE Techniques d’hémostase ✓ La compression digitale externe des ailes nasales ➢ Installation du patient assis en position proclive ➢ Réalisation préalable d’un mouchage PRUDENT mais énergique +/- lavage des fosses ➢ Durée entre 10 et 15 minutes EN CONTINU Nikoyan L., Oral Maxillofac Surg Clin North Am. 2012 Techniques d’hémostase ✓ PACKING par tamponnement ANTERIEUR ➢ Installation assise et proclive du patient ➢ Mouchage libératoire +/- lavage des fosses nasale ➢ Pulvérisation anesthésique (XYLOCAINE 5%) +/vasocontricteur (NAPHAZOLINE) chez l’adulte ➢ Introduction d’une mèche ou tampon ▪ Mèches iodoforme (ERCEMECHE®) ou alginate de Calcium (ALGOSTERIL®) ▪ Tampon non résorbable (MEROCEL®) ▪ Mèche résorbable (SURGICEL®) Techniques d’hémostase ✓ PACKING par tamponnement ANTERO-POSTERIEUR ➢ Geste algique souvent réalisé par l’ORL ➢ Introduction d’un guide souple jusque dans le pharynx ➢ Fixation du tampon postérieur tracté jusque dans une choane ➢ Réalisation d’un tamponnement antérieur avec maintien de traction du tampon postérieur ➢ Fixation en avant de l’orifice nasal Techniques d’hémostase ✓ PACKING par ballonnet hémostatique ➢ Mise en place plus facile et meilleure tolérance - faire essai gonflage lent des ballonnets (eau sterile) - lubrifier la sonde avec lubrifiant hydrosoluble - sonde introduite jusqu’à la garde, puis gonflement du ballonnet postérieur (4 à 8 ml), bloqué dans la choane - puis gonflement du ballonnet antérieur dans le vestibule narinaire (10-25 ml) - noter le volume injecté dans les ballonnets et l’heure de la pose - dégonfler progressivement les ballonnets toutes les 6 heures pour éviter la nécrose de la muqueuse ➢ Antibioprophylaxie + antalgiques ➢ À défaut, sonde de Foley (sonde urinaire à ballonnet) avec clampage de la sonde au ras de l’orifice narinaire + tamponnement antérieur systématique Techniques d’hémostase Le taux de réussite des packing en cas d’épistaxis postérieur est compris entre 48 et 83% Techniques d’hémostase spécialisées ✓ Cautérisation de la tâche vasculaire ➢ En 1ère intention pour les ORL ➢ Différentes techniques ▪ Chimique (nitrate d’argent, ...) ▪ Electrique (pince bipolaire) ▪ Laser ➢ Technique laser préférée en cas de Rendu-Osler, MAV ou coagulopathie ▪ Agressivité moindre sur la muqueuse nasale ▪ Diminution du risque de perforation septale Techniques d’hémostase spécialisées ✓Embolisation (Taux de succès entre 71 et 100 %) ➢ Geste spécialisé radio-interventionnel ➢ Différentes techniques ▪ Par voie endonasale ▪ Par voie percutanée ▪ Par largage de coil endovasculaire ▪ Par injection de procoagulant CONTRE INDIQUE en cas d’épistaxis ETHMOIDALE ▪ Branche terminale de l’artère ophtalmique issue de la carotide interne ▪ Risque d’embolisation rétrograde avec Cécité et AVC ischémique Krajina A, Cardiovasc Intervent Radiol. 2014 Techniques d’hémostase spécialisées ✓ Ligature chirurgicale (Taux de succès de 97%) ➢ Geste spécialisé ORL ➢ Différentes voies d’abords ➢ INDICATION +++ en cas d’épistaxis ETHMOIDALE Prises en charge adjuvantes ✓ Epistaxis sous AVK (Reco HAS de 2008) - En l’absence de critère de gravité de l’épistaxis * Hémostase par les techniques usuelles * Dosage de l’INR - En cas de critère d’hémorragie grave (échec d’hémostase) * Recours à l’antagonisation selon recommandations Prises en charge adjuvantes ✓ Epistaxis sous anticoagulant direct (AOD) - En l’absence de critère de gravité de l’épistaxis * Hémostase par les techniques usuelles * Bilan de coagulation +/- dosage spécifiques - En cas d’hémorragie grave * Si dabigatran (PRADAXA®) => Idarucizumab (PRAXBIND®), à défaut CCP double dose 50 UI/kg IVD * Si apixaban ou rivaroxaban => CCP double dose (soit 50 UI/ Kg) en IVD Prises en charge adjuvantes ✓ Antibiothérapie prophylactique ➢ NON RECOMMANDEE en cas de packing par méchage antérieur < 48H ➢ Recommandée en cas de parking par méchage postérieure ➢ Recommandée en cas de packing par méchage > 48H ➢ Amoxicilline 1 g / 12H ou Pristinamycine 1g / 12h si allergie ✓ Traitement de l’HTA ➢ Traitement avec délai d’action rapide (ex : nicardipine) Cohn B. Ann Emerg Med. 2015. Thérapeutiques systémiques ✓Acide tranexamique (Exacyl®) ➢ Intérêt démontré dans les hémorragies graves ➢ Pas d’intérêt en remplacement des thérapeutiques hémostatiques locales Orientation HEMOSTASE EFFICACE SIGNE DE GRAVITE RAD HOSPITALISATION • Soins intensifs ou réanimation si défaillance systémique • ORL si échec d’hémostase sans retentissement HD • Médecine si terrain à risque HEMORRAGIE POSTAMYGDALECTOMIE Epidémiologie • 75 000 amygdalectomies/an en France (Manach Y. et coll, 2008) • En 10 ans, 14 décès dont 7 par hémorragie (5 enfants, 2 adultes) • Mortalité par saignement serait donc d’environ 1 cas pour 50 000 interventions. • Quelques cas d’hémostase salvatrice par ligature de la carotide externe sont rapportés (0,2 à 1/1 000 amygdalectomies) (Windfuhr 2002) Complications hémorragiques de l’amygdalectomie • Immédiates – Complication la plus fréquente et la plus redoutable – Le saignement provient le plus souvent des pédicules vasculaires de l’amygdale saignement en jet – Parfois provient des tranches muqueuses de section muqueuse saignement en nappe – Dans les 2 cas : reprise chirurgicale pour hémostase Complications hémorragiques de l’amygdalectomie • Secondaires – En postopératoire immédiat (24 premières heures) • Caillot comblant la loge amygdalienne doit être retiré • Hémostase incomplète reprise chirurgicale rapide • 2 % des cas (0,4-6,7 %) mais ne nécessitent une reprise chirurgicale que dans 0,5% des amygdalectomies (0,1 à 0,7 %) [HAS 2006] • 80 % de ces saignements surviennent dans les 6 premières heures = délai de surveillance recommandé par la SFAR (Kendrick et al. 1993; Windfuhr et al. 2003) – À distance, entre J5 et J15 • Correspond à la chute d’escarres • Justifient d’une consultation à la recherche d’un caillot Facteurs de risque d’hémorragie • Troubles de coagulation • Saignements secondaires : chute d’une escarre, infection des loges d’amygdalectomie, prise d’AINS • Âge supérieur à 15 ans • Amygdalectomie à chaud pour un abcès péri-amygdalien, en dehors de toute prise d’acide acétyl salicylique, n’est pas considérée comme un facteur de risque de saignement (Collison et al. 2000 ; Giger et al. 2005) • Amygdalectomie à chaud pour restaurer une ventilation normale au cours d’une mononucléose infectieuse est un facteur de risque avec une incidence estimée à 20 % (Windfuhr et al. 2005) HEMORRAGIES DES CANCERS ORL • Hémorragies = 3e cause de décès par cancer (après les conséquences de l'invasion tumorale sur la fonction des organes, et l'infection) • Causes multiples : – Atteinte des vaisseaux sanguins (capillaires ou plus gros vaisseaux) – Saignements en nappe ou petits vaisseaux favorisés par une thrombopénie (iatrogène ou non), surtout en cas d'infection associée – Saignements favorisés par un taux anormalement bas des facteurs de coagulation (coagulation intravasculaire) Hémorragies des cancers ORL • Rupture de carotide interne – Complication plus rare avec les progrès de la chirurgie et de la radiothérapie – Causes principales : • • • • infection post-chirurgicale rupture des ligatures nécrose post-radiothérapie invasion tumorale directe – Ne survient jamais sur une muqueuse ou une peau intacte. Infection de la plaie ou de la tumeur, exposition ou nécrose d'un vaisseau avec de petites hémorragies sentinelles – Ligature prophylactique de la carotide • • permet d'éviter une hémorragie massive risque éventuel d'ischémie cérébrale sous-jacente – Hémorragie cataclysmique : • • événement terrifiant pour le malade, pour sa famille, pour un soignant non préparé Traitement : compression du vaisseau qui saigne et sédation du malade Hémorragies des cancers ORL • Hémorragies buccales massives – Tumeurs de la base de langue >> branches de l'artère carotide externe – Ligature de la ou des carotides externes – En attendant le chirurgien, nécessité de maintenir une liberté des voies respiratoires – Parfois, il s'agit d'un événement terminal : sédation du malade TAKE HOME MESSAGES • EPISTAXIS – Évaluation de la gravité +++, terrain – Pas d’examens complémentaires systématiques – Prise en charge conjointe entre urgentistes et ORL • POST-AMYGDALECTOMIE – Hémorragie immédiates/secondaires (chute d’escarre) • CANCERS ORL – Fréquence en baisse – Prise en charge chirurgicale – Protocole de sédation