Situation et enjeux du marché de l’or Juillet 2013 Adrienne Horel-Pagès Pour l’acheteur stratégique d’or à long terme, les mouvements récents constituent indéniablement une opportunité. Le marché s’est assaini, alors que les facteurs structurels de la demande d’or sont toujours présents : poursuite des politiques publiques de reflation ; inquiétude sur les risques du système de crédit chinois ; course à la dévaluation entre les grandes zones monétaires. La détention d’or, soit sous forme d’or alloué, hors du bilan des banques, soit au travers de mines d’or soigneusement sélectionnées, demeure une protection stratégique à long terme. +33(0)1 5393 3835 [email protected] Nicolas Montel +33(0)1 5393 3840 [email protected] Emmanuel Sales +33(0)1 5393 3825 [email protected] Tel: +331 5393 3830 Fax: +331 5393 9991 [email protected] financieredelacite.eu Page |1 Sommaire 1. La baisse du prix de l’or renforce le poids des facteurs structurels. 2. La demande d’or demeure soutenue par des tendances lourdes. 3. Un équilibre tendu entre la production et la demande. 4. Un marché déconnecté des stocks d’or physique ? 5. Comment investir en or. Avertissement: ce document est remis à titre d’information et ne saurait constituer une offre de souscription d’instruments financiers ou une incitation à conclure tel ou tel type de transaction. Les performances passées ne préjugent pas des résultats futurs et ne sont pas constantes dans le temps. Toute reproduction totale ou partielle de ce document, des logos, des marques ou de tout élément figurant sur ce document est interdite sans autorisation préalable de la Financière de la Cité. De même, tout droit de traduction, d’adaptation et de reproduction partielle ou totale est interdit sans son consentement. 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L’or n’échappe pas à la règle. Dans ces conditions, pour l’acheteur stratégique d’or à long terme, les mouvements récents constituent indéniablement une opportunité. Le marché s’est assaini, alors que les facteurs structurels de la demande d’or sont plus que jamais actifs : poursuite des politiques de reflation ; risques pesant sur le système de crédit chinois ; course à la dévaluation entre les grandes zones monétaires. Dans cette perspective, cette note a pour objectif de présenter la situation et les tendances du marché de l’or dans une logique de long terme. La baisse du prix de l’or renforce le poids de facteurs structurels ; elle a également mis au jour les risques d’une approche de court terme sur le métal jaune : l’or n’est pas un investissement (il ne dégage aucun revenu), c’est une réserve de valeur, un actif stratégique, qu’il faut détenir en tant que tel et non au travers de produits financiers comportant un risque de crédit. 1. La baisse du prix de l’or renforce le poids des facteurs structurels. 1.1 La demande d’or physique reste soutenue. La plupart des opérateurs de marché ont vu dans la baisse du prix de l’or la confirmation des analyses de grandes banques d’investissement sur la fin 1 d’un cycle haussier . Notre interprétation est plus nuancée. La baisse des cours a été le fait de dégagements importants de la part des ETF et des ETC. Depuis la fin de l’année 2012, les cours de l’or ont largement corrigé du fait de la sortie d’investisseurs financiers. Près de 75% de ce reflux provient du marché américain et plus particulièrement des gestionnaires de fonds et de 2 hedge funds qui investissent au travers de produits indexés (ETF, ETC) . Cependant, la chute des cours sur les marchés financiers ne s’est pas accompagnée d’une contraction de la demande d’or physique, bien au contraire : en Europe et aux Etats-Unis, les délais de livraison et les primes de conversion de l’or papier en or métal se sont tendus, alors qu’en Asie les détaillants ont dû faire face à une forte baisse de leurs stocks. A la différence de ce qui se passe sur les actifs financiers, la baisse des cours de 1 Cf. Notamment la note de la Société Générale d’avril 2013, « The end of the gold era ». Les ETC (Exchange Traded Commodities) sont des titres de dette indexés sur le prix de l’or. Les ETF (Exchange Traded Fund) sont des organismes de placement cotés exposés au marché de l’or au travers d’une position en or physique gérée par un trust. Ces deux produits comportent directement ou indirectement un risque de crédit par rapport à la détention d’or physique. Ils gèrent leur exposition en or par des achats fermes de métal ou des opérations de prêt-emprunt auprès des banques centrales. Page |3 2 A la différence de ce qui se passe sur les actifs financiers, la chute du prix de l’or a plutôt été perçue comme une opportunité par les acheteurs structurels à long terme. l’or a plutôt été perçue par les épargnants comme une opportunité, notamment en Chine et en Inde, qui représentent 31% et 30% de la 3 demande mondiale en 2012 . De même, les banques centrales émergentes ont poursuivi leurs achats à un rythme soutenu, tandis que la Bundesbank prenait la décision de rapatrier son or en dépôt à la réserve fédérale de New York et à Paris. Ce contraste entre la chute du cours de l’or et le maintien d’une demande structurelle de long terme a donné lieu à de nombreuses interprétations. La progression des emprunts d’or physique auprès des banques centrales a relancé les interrogations sur l’adossement des produits indexés et les risques d’engorgement (run) résultant d’une forte augmentation des demandes de livraison d’or physique sur certains opérateurs d’importance systémique. Dans ce contexte, les banques centrales ont été suspectées d’intervenir pour peser sur les cours et faciliter l’alimentation des demandes de rachat d’ETF-ETC. Ces mouvements illustrent la dichotomie qui règne sur le marché de l’or, entre une demande spéculative et une demande d’épargne de long terme. Avec l’accélération de la hausse des cours, certains intervenants ont acheté des ETF-ETC pour suivre la tendance, sans réflexion fondamentale sur la place de l’or dans une allocation d’actifs. En sens inverse, ce sont eux qui ont également contribué à la chute des prix. Cependant, le marché bénéficie toujours du support structurel des acheteurs de long terme, qui sont soutenus par des tendances de fond. Ainsi l’accroissement de la volatilité induite par la présence de positions tactiques sur les ETF, ne remet pas en cause la trajectoire à long terme du métal jaune. 1.2 Les sociétés aurifères font face à une recomposition du secteur. Les entreprises aurifères sont contraintes de revoir leurs capacités de production à la baisse. La baisse du prix de l’or accélère la recomposition du secteur des sociétés aurifères. Les producteurs ayant des coûts d’exploitation élevés ou engagés dans des stratégies de croissance mal maîtrisées devront différer leurs investissements, fermer des sites d’extraction ou vendre certains pans d’activité. Les acteurs les plus flexibles bénéficieront d’un avantage compétitif déterminant pour répondre à la demande. 1.2.1 Les producteurs ajustent leur stratégie à la baisse du métal. La plupart des sociétés minières ne sont pas affectées par la baisse des cours de l’or, dans la mesure où leur coût moyen de production demeure inférieur au prix de l’or (Tableau 1). Cependant les coûts marginaux d’extraction, qui intègrent les frais d’exploration et les nouveaux investissements, sont nettement plus élevés. De ce fait, si les cours de l’or devaient se maintenir durablement aux niveaux actuels, certains producteurs seront obligés de redimensionner à la baisse leur appareil de production. Les coûts opérationnels étant 3 Source : World Gold Council Page |4 Les sociétés minières diffèrent leurs investissements et révisent leurs projets d’expansion. difficilement compressibles, on devrait assister à un report des projets d’investissement pour 2014 de la part des producteurs enregistrant les coûts marginaux les plus élevés. Dans cette logique, un certain nombre de sociétés minières ont ajusté leur politique de communication financière aux attentes des analystes : Agnico Eagle-Mines a par exemple annoncé que 60% des projets d’investissement pour 2014 n’étaient pas encore acceptés. De son côté, Goldcorp conditionne la poursuite de ses projets au maintien des cours dans différentes fourchettes de prix. La baisse du prix de l’or va également pénaliser les acteurs qui s’étaient engagés dans des stratégies de croissance mal maîtrisées, financées par endettement. Le report ou l’annulation des projets d’expansion n’allège pas la pression sur des bilans fortement endettés. Pour certaines sociétés ayant des ratios dette/EBITDA élevés, cette situation apparaît difficilement durable et devrait entraîner une recomposition du secteur. Tableau 1 : Production et coûts de production Société Top 3 mondial Barrick Newmont Mining Anglo Gold Ashanti Production Coûts totaux en Moz cash en $/oz* 7,4 5,0 3,9 Autres sociétés de taille importante Goldcorp 2,4 Kinross Gold 2,6 Goldfileds 1,8 Harmony 1,3 IamGold 0,8 Sustaining cash costs en CA 2012 en M$ $/oz* EBITDA 2012 EBIT 2012 Capitalisation boursière en M$ au 12/07/13 584 636 862 945 1149 1280 14547 9868 6353 51% 42% 37% 39% 32% 24% 14957 13685 4932 530 706 860 1001 715 874 1105 nd nd nd 5435 4311 3530 1953 1670 51% 46% 49% 28% 43% 39% 30% 35% 15% 33% 20879 5534 3922 1509 1630 * Les coûts totaux cash sont la somme des coûts de production hors amortissement, coûts d'exploration, administratifs et de structure. ** Les sustaining cash cost sont les coûts totaux cash plus les coûts d'exploration, administratifs et de structure et les dépenses d'investissement. Source : Bloomberg, rapports annuels 1.2.2 Certains acteurs vont tirer parti de la contraction en cours. La contraction des marges profite aux sociétés peu endettées et ayant un coût de production faible. Un petit nombre d’acteurs spécialisés apparaît en mesure de profiter de la baisse des prix, en continuant à écouler leur production tout en jouant le rôle de consolidateurs dans l’industrie. C’est le cas notamment de sociétés produisant de l’or à faible coût, peu endettées et ayant un outil de production largement amorti. Beaucoup de sociétés aurifères restées à l’écart de la vague de fusions-acquisitions qui a animé le secteur au cours des dernières années, ont des bilans sains et sont en mesure de secréter des flux de trésorerie nets réguliers même si l’or devait durablement rester aux prix actuels. A long terme la contraction des marges va ainsi conduire à une optimisation des processus de production qui profitera aux acteurs les plus diversifiés et les plus flexibles. A court terme, en revanche, la contraction de l’offre pourrait notamment annoncer des tensions sur les prix, d’autant que les facteurs structurels de la demande sont toujours actifs. Page |5 2. L’investissement en or demeure soutenu par des tendances lourdes. 2.1 Les grandes démocraties avancées durablement engagées dans des politiques monétaires expansionnistes. Les bénéfices à long terme de la sortie des politiques expansionnistes pèsent peu par rapport aux gains immédiats et tangibles qu’elles procurent. Si la perspective d’une fin des mesures monétaires expansionnistes a occupé l’actualité des marchés financiers au cours des dernières semaines, les banques centrales et les autorités sont particulièrement attentives aux dangers d’une sortie prématurée des politiques « non conventionnelles », en raison des risques qu’elle fait peser sur les marchés de taux et de change. Dans les grandes démocraties d’opinion, les bénéfices à long terme qu’entraînerait l’abandon des politiques de création monétaire pèsent peu par rapport aux gains immédiats et tangibles qu’elles procurent, même si l’efficacité marginale des décisions va décroissant. Les grandes banques centrales demeurent ainsi durablement engagées dans des programmes de soutien, adaptés à leur culture et à leur zone monétaire. Dans les pays ayant connu une phase d’expansion financière et une bulle immobilière (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Japon des années 1990), elles poursuivent de vastes programmes d’achat de titres de dette à long terme des secteurs public et privé, dans l’espoir de susciter une stimulation de la consommation et une transmission du crédit à l’économie réelle, tandis qu’en zone euro, la Banque Centrale Européenne (BCE) s’est essentiellement consacrée à préserver la solvabilité des banques et à soutenir la liquidité des marchés de la dette souveraine. Une contraction massive des effets de levier n’est envisageable que dans des petites économies. Il est peu probable que les autorités monétaires procèdent à une révision majeure de leurs politiques. Une contraction massive des effets de levier et de la dette est envisageable dans des petites économies (Suède, Danemark dans les années 1990) ou dans des grandes économies faiblement endettées. Vu les niveaux actuels d’endettement public et privé, elle est politiquement impossible aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en France. Dans ces conditions, les politiques visant à alléger le poids de la dette par l’inflation devraient se poursuivre, sous différentes formes d’interventionnisme financier : suppression de l’indexation des pensions et des barèmes, ancrage des taux administrés à un niveau inférieur à l’inflation, incitation à la détention d’obligations d’Etat à taux fixe, fixation d’objectif de PIB en valeur nominale, etc. D’autres pistes encore plus radicales ont été évoquées, comme la monétisation de toutes les dettes bancaires. Cet environnement est particulièrement favorable à l’or. Dans une collectivité où l’Etat obtient toutes ses ressources nécessaires par escompte de bons du Trésor à l’institut d’émission, les apparences monétaires prennent la place des réalités économiques. Inéluctablement, le financement du déficit par la création monétaire conduit à l’inflation de la dette : la monnaie perd de sa valeur par rapport aux autres devises et toutes se déprécient par rapport à l’or, qui est la devise ultime, la seule monnaie qui ne dépend d’aucun Etat, qui n’est portée par aucune opinion publique. Page |6 2.2 Les déséquilibres financiers se creusent. Le risque de nouvelles crises bancaires ne peut être écarté d’emblée, entraînant une contribution directe des plus gros déposants, suivant le modèle du « bail-in » imposé en zone euro. Les actifs financiers dont les prix ont été gonflés par les politiques monétaires sont les plus sensibles aux retournements. Les banques centrales émergentes poursuivent leurs achats. Les politiques d’achat de titres publics, couplés avec le maintien des taux directeurs au plancher et le reflux des capitaux vers des places réputées sûres, ont entraîné une forte appréciation des obligations, des actions et de l’immobilier. Comme dans les années qui ont précédé la crise financière, les grandes banques centrales ajustent leur politique de communication aux attentes des marchés financiers. Le caractère autoréférentiel du système conduit à une mauvaise allocation de capital vers certains actifs et une nouvelle expansion de la titrisation, notamment sur le marché de l’immobilier. En cas de retournement de la tendance, les actifs financiers seront les plus vulnérables. Compte tenu des effets de levier accumulés dans le système financier et de l’exposition des principaux acteurs à la dette souveraine (particulièrement en Europe), le risque de nouvelles crises bancaires ne peut être écarté d’emblée, entraînant une contribution directe des plus gros déposants, suivant le modèle du « bail-in » imposé en zone euro. Dans cette situation, il convient d’avoir des actifs qui ne sont pas dans le système bancaire, qui ne comportent aucun risque de crédit. L’or alloué, conservé sous dossier hors du bilan des banques, constitue par nature le seul actif financier qui remplit toutes ces qualités. 2.3 Les banques centrales émergentes diversifient leurs réserves. Face aux politiques monétaires expansionnistes des grandes économies avancées, les banques centrales des pays émergents poursuivent une politique d’accumulation Tableau 2 : réserves en or des banques centrales de réserves pour lutter Tonnes % des réserves contre l’appréciation de 1 Etats-Unis 8 133,5 76% leur monnaie. Le total des 2 Allemagne 3 391,3 72% réserves a atteint ainsi en 3 FMI 2 814,0 n.a. décembre 2012 le niveau 4 Italie 2 451,8 72% record de 7335 milliards 5 France 2435,4 70% de dollars, soit 67% des 6 Chine 1 054,1 2% réserves mondiales. 7 Suisse 1 040,1 10% 8 Russie 981,6 9 Japon 765,2 10 Pays-Bas 612,5 11 Inde 557,7 12 BCE 502,1 13 Taiwan 423,6 14 Turquie 408,9 15 Portugal 382,5 Source : World Gold Council 10% 3% 59% 10% 33% 5% 17% 90% L’or ne représente encore qu’une petite fraction des réserves des banques centrales émergentes, à l’aune des quantités d’or détenues par les banques centrales des pays développés. Pour des raisons historiques, les banques centrales émergentes, de création récente, ont en priorité constitué des réserves de change en devises. Ce n’est que récemment qu’elles ont entrepris une stratégie de diversification de leurs réserves. Les pays émergents ont ainsi mis à profit la baisse récente de l’or pour réaliser de nouveaux achats. Page |7 3. Un équilibre tendu entre la production et la demande. 3.1 L’offre. Une grande partie de l’or est déjà en circulation. Le prix de l’or est moins sensible à la production minière que d’autres types de marchandises. 4 Depuis que l’or n’a plus de prix officiel , son prix se forme librement sur le marché ou les possesseurs du métal cherchent à en tirer le meilleur parti possible. Les variations de prix du métal jaune résultent ainsi de différents facteurs : ses usages industriels, son usage monétaire et sa capacité à constituer une réserve de pouvoir d’achat pour les agents économiques. Dans la mesure où l’or est recherché par lui-même en tant qu’instrument général d’acquisition et de réserve, l’analyse de l’offre doit prendre en compte le fait qu’une grande partie de l’or existant est déjà en circulation, essentiellement sous forme de barres ou de lingots. Du fait de son usage monétaire et de sa capacité de constituer une réserve de pouvoir d’achat, le prix de l’or est ainsi moins sensible que d’autres marchandises aux mouvements qui affectent la production minière. La quantité d'or extraite depuis les origines est estimée, fin 2010, à 166 kt, ce qui correspond à un volume représenté par un cube d'environ vingt mètres d'arête. En comparaison, les réserves minières estimées en 2012 (tableau 3) s'établissaient à 51 820 tonnes d’or. Tableau 3 : réserves minières d'or par pays en tonnes Pays 2012 en % Australie 7 400 14% Afrique du Sud 6 000 12% Russie 5 000 10% Chili 3 900 8% Etats-Unis L Indonésie e s Brésil 3 000 6% 3 000 6% 2 600 5% Pérou 2 200 4% d Chine 1 900 4% é Ouzbékistan 1 700 3% s Ghana 1 600 3% é q Mexique 1 400 3% u Papouasie-Nouvelle-Guinée 1 200 2% i Canada 920 2% l Autres pays 10 000 19% i b Total Monde 51 820 100% r e s Compte tenu de la taille des réserves en or monétaire et de l’or thésaurisé par les particuliers, la part de la production minière (tableau 4) dans la f formation des prix de l’or doit être relativisée. i n 4 Sous le régime de Bretton-Woods,ajusqu’en août 1971, la stabilité de l’or résultait de sa convertibilité dollar. n c i e r s Page |8 Tableau 4 : production minière d'or par pays en tonnes La production minière a moins d’incidence sur la formation des prix que par le passé. Pays 2011 2012 en % Chine 362 370 14% Australie 258 250 9% Etats-Unis 234 230 9% Russie 200 205 8% Afrique du Sud 181 170 6% Pérou 164 165 6% Canada 97 102 4% Indonésie 96 95 4% Ouzbékistan 91 90 3% Ghana 80 89 3% Mexique 84 87 3% Papouasie-NouvelleGuinée 66 60 2% Brésil 62 56 2% Chili 45 45 2% Autres pays 640 645 24% 2 660 2 659 5% Total Monde Longtemps premier producteur mondial d'or, l'Afrique du Sud a été détrônée en 2007 par la Chine, qui conforte depuis lors sa première place par la découverte de filons importants, assurant 14 % de la production mondiale en 2012, devant l'Australie, les ÉtatsUnis, la Russie, l’Afrique du Sud et le Pérou. Source : USGS Même si la production minière représente une part importante de l’offre, à côté du recyclage (tableau 5), elle a aujourd’hui peu d’impact sur la 5 formation des prix . Tableau 5 : offre d'or en tonnes Production minière 2011 2 849 2012 2 817 en % du total 2012 64% Or recyclé Total offre 1 649 4 498 1 591 4 408 36% 100% Source : World Gold Council. Les chiffres du World Gold Council diffèrent de ceux de l’USGS sur le niveau de la production minière. 3.2 La demande. La demande d’or investissement demeure minoritaire. L’analyse de la demande d’or, telle qu’elle ressort des chiffres officiels, apporte également peu d’informations sur les facteurs profonds du marché : s’il existe une demande permanente de métal jaune pour ses usages industriels, le principal soutien de la demande n’est pas la joaillerie, la dentisterie ou l’électronique. A la différence des autres matières premières l’or est une devise. Par ses qualités naturelles (acceptabilité indéfinie dans l’espace, inaltérabilité dans le temps, fongibilité), il remplit 5 Il n’en a pas été de même dans le passé où les découvertes et l’exploitation de nouvelles mines ont influé profondément sur la valeur de l’or. Ainsi, l’accroissement imprévu de la production d’or dans les mines de Californie (à partir de 1849) a conduit à la généralisation de l’étalon – or au XIXème siècle. De même, l’exploitation des mines du Transvaal (à partir de 1890) a pallié les effets de la baisse des prix mondiaux entre 1873 et 1895 et a conduit à une nouvelle phase d’extension de l’étalon-or. Les effets des découvertes d’or sur les variations des prix et l’évolution des systèmes monétaires sont bien décrits dans le Précis des Mécanismes Economiques Elémentaires de C. Rist. Page |9 L toutes les conditions d’un moyen de paiement en dernier recours. Partant, l’analyse des chiffres de la demande d’or (tableau 6) offrent en soi un intérêt limité, même si on remarque le poids important de la demande dite « d’investissement », qui est vraisemblablement sous-estimé dans la mesure où les emplois en bijouterie / joaillerie répondent également à des soucis de protection financière. Tableau 6 : demande d'or en tonnes Secteurs 2011 2012 en % du total 2012 Bijouterie 1 975 1 895 43% 452 408 9% - Electronique 320 285 7% - Autre industrieL 89 84 2% e Investissement s 43 39 1% 1 699 1 526 35% Technologie - Dentisterie - Demande total d'or en barres et en pièces 1 513 1 247 29% - ETF et autres produits similaires 185 279 6% Achats net des banques centrales 457 533 12% 4 582 4 362 100% -84 46 4 498 4 408 . Demande d'or Investissements OTC et flow de stock* Total demande Source : USGS Page |10 4. Un marché déconnecté des stocks d’or physique ? 4.1 Un marché concentré dans un petit nombre d’acteurs. Comme au temps de l’étalon-or, Londres demeure la première place financière pour le négoce du métal jaune. Trois acteurs jouent un rôle déterminant dans l’organisation du marché : la London Bullion Market Association (LBMA), les bullion banks, principales banques privées actives sur le marché de l’or, et les banques centrales. 4.1.1 La LBMA. Depuis le XIXème siècle, la place de Londres demeure le centre des transactions sur l’or. La London Bullion Market Association est un organisme professionnel chargé de représenter les intervenants du marché de gros pour l’or. Créée en 1897 sous l’impulsion de la Banque d’Angleterre, elle rassemble les principales parties-prenantes: banques, fondeurs-affineurs, transporteurs, courtiers, négociants. La LBMA édicte en particulier les normes professionnelles suivant lesquelles l’or peut être négocié sur le marché international (poids, teneur, volume, origine, modalités de transport et de conservation des matières d’or). Elle établit une liste des fondeurs-affineurs labellisés (good delivery list – GDL) et tient à jour une sélection d’intermédiaires (banques, courtiers, conservateurs, transporteurs de fonds), habilités à intervenir sur le marché de l’or. Le marché physique fonctionne ainsi en vase clos : lorsqu’une barre sort de la « chaine d’intégrité » constituée par les membres de la communauté LBMA (en étant livrée par exemple à un particulier), elle perd l’accréditation « good delivery » et se négocie à un prix inférieur au cours officiel. La barre ne peut retourner sur le marché professionnel qu’à la condition de faire l’objet d’une nouvelle procédure de certification, coûteuse, et à l’entière charge du propriétaire. 6 Parmi les banques membres de la LBMA, un petit groupe compose la London Gold Market Fixing, chargée de fixer quotidiennement le cours officiel de l’or. 4.1.2 Les bullion banks. Les bullion banks et les banques centrales ont un poids déterminant. Les bullion banks sont les principales banques actives sur le marché de gros de l’or : Barclays Bank PLC, Scotia Bank, Deutsche Bank, HSBC, JP Morgan Chase, UBS AG. Elles agissent comme intermédiaires et commercialisent également des produits indexés sur le prix de l’or (ETF, ETC). HSBC Bank (USA) et JP Morgan Chase assurent ainsi la garde et la gestion des plus gros trackers de métaux précieux dans le monde (SPDR Gold Shares, iShares Silver Trust). Les bullion banks disposent de relations privilégiées avec les banques centrales qui mettent à leur disposition leurs stocks d’or. Elles interviennent 6 Barclays Capital, Scotia Bank, HSBC, Deutsche Bank, SGCIB. Page |11 sur le marché à terme du CME et entrent dans des contrats de swap avec les banques commerciales en quête de sûretés pour obtenir de la liquidité sur le marché. 4.1.3 Les banques centrales. e manque de transparence sur les prêts d’or par les banques centrales et les conflits d’intérêt auxquels sont exposés les bullion banks ont donné lieu à de multiples critiques. Les banques centrales sont un acteur majeur du marché de l’or. Principaux détenteurs des réserves d’or (et dépositaires d’or pour compte d’Etat tiers), elles consentent des prêts d’or aux bullion banks dans le cadre de contrat de prêts bilatéraux, en échange de garanties. Tout au long des années 1990, elles ont ainsi prêté leurs stocks d’or pour dégager du rendement et couvrir les frais inhérents à la conservation du métal. Les banques centrales, et en particulier le système fédéral de réserve américain, disposent donc de puissants leviers pour participer indirectement à l’élaboration des prix de marché et, en particulier, freiner une appréciation trop rapide du prix de l’or en mettant leur stock de métal à la disposition des bullion banks. 4.2 Un marché dirigé par les ordres. Les transactions sur or se font de gré à gré (OTC) et se traitent en once d’or 7 fin, unité de poids historique du métal jaune . Le marché est dirigé par les 8 ordres et, en pratique, seule une très faible quantité des onces d’or acquises donne lieu à une conversion en métal, sous la forme de barres ou 9 de lingots . L’absence d’information sur les prêts d’or consentis par les banques centrales, la relation privilégiée entre ces dernières et les bullion banks qui cumulent des fonctions de garde, d’intermédiation et de commercialisation (via les ETF) ont donné lieu à de nombreuses critiques portant sur le manque de transparence du marché. 7 L'once de Troyes (symbole oz, troy ounce en anglais) est l’unité de mesure traditionnellement utilisée dans les pays anglosaxons pour les métaux précieux comme l'or ou l'argent, ou pour les pierres précieuses. Une once est équivalente à 31,1034768 grammes. 8 Les membres de la London Gold Market Fixing se réunissent deux fois par jour via une conférence téléphonique pour fixer le cours de l’or. Au début de chaque fixation, le président annonce un prix. Les membres transmettent ce prix à leurs clients, et, sur la base des ordres qu’ils reçoivent, doivent se déclarer acheteur ou vendeur. S’il y a des contreparties acheteuses et vendeuses au prix indiqué, les clients doivent préciser le nombre de barres pour lesquelles ils se portent acquéreurs. Les clients peuvent passer des ordres avant l’ouverture de la séance ou pendant la séance, durant laquelle ils sont tenus informés des évolutions du cours et peuvent modifier leurs ordres en conséquence. Le cours varie au gré de la rencontre de l’offre et de la demande jusqu’à ce que l’équilibre soit atteint. Le président déclare l’équilibre réalisé et la session close lorsque la différence entre les positions acheteuses et les positions vendeuses qui se rencontrent est inférieure à 50 barres. Le prix convenu à l’équilibre devient le cours officiel. 9 A côté des places traditionnelles du marché de l’or (Londres, New-York), il existe également une bourse spécialisée sur l’or à Shanghai (Shanghai Gold Exhange, SGE). Le marché est dirigé par les prix, les transactions portent sur des barres ou des lingots individualisé par leur teneur et leur poids et donnent fréquemment lieu à une livraison sous forme physique. Le prix de l’or à Shanghai incorpore donc une prime de conversion (environ 1,5%) par rapport à l’or « notionnel » traité à Londres ou sur le COMEX. Toutefois, le SGE ne représente que 4% (avril 2013) des volumes traités sur le COMEX. Page |12 4.3 Un risque de dislocation entre l’or papier et l’or physique. Sur les marchés de gros, seule une petite partie des onces sont converties en or physique livré sous dossier. L’évolution des taux d’emprunt de l’or physique auprès des banques centrales reflète une tension sur le marché. La détention directe d’or alloué sous dossier constitue la solution la plus protectrice pour l’investisseur à long terme. Sur les grands marchés de gros, les onces d’or ne donnent que rarement lieu à une opération de conversion en métal, sous formes de barres ou de lingots. En pratique, seule une faible partie des transactions se traduit par 10 le transfert et la remise d’un stock d’or physique alloué sous dossier . Comme dans le système de réserves fractionnaires, les bullion banks auprès desquelles sont ouverts des comptes d’or non alloué n’ont pas l’obligation de conserver dans leurs livres la quantité d’or fin correspondant aux dépôts effectués dans les comptes non alloués. Il existe donc un risque que l’or physique détenu en représentation des comptes non alloués ne soit pas suffisant pour que les banques honorent leurs engagements. Pour faire face à cette difficulté, les bullion banks peuvent emprunter des stocks d’or auprès des banques centrales, dans le cadre de contrats de 11 prêts collatéralisés . Le nombre d’onces d’or traitées est ainsi vraisemblablement très supérieur au stock d’or effectivement disponible dans les bullion banks. En outre, le même stock d’or peut avoir été prêté plusieurs fois et servir de base à l’émission de différentes promesses sous forme de titres indexés. Dans les périodes normales, ce décalage ne soulève pas de difficultés et les bullion banks gèrent leurs positions en fonction des demandes probables de conversion en or physique. Cependant, en cas de pic des demandes de conversion, les bullion banks se retournent vers les banques centrales pour obtenir les quantités additionnelles d’or physique, entraînant un effet d’engorgement. Différents opérateurs de marché ont ainsi observé que les taux d’emprunt de l’or auprès des banques centrales sont passés en territoire négatif au cours de la période récente ce qui implique que les bullion banks sont prêts à payer une prime pour obtenir de l’or physique. Ces mécanismes de prêts, qui sont vraisemblablement régulièrement renouvelés du fait du caractère systémique des bullion banks, nourrissent également une inquiétude sur la réalité des stocks d’or physique des banques centrales. Ainsi, le délai de trois ans fixé pour transférer 300 tonnes d’or de la Réserve fédérale de New-York aux coffres de la Bundesbank à Francfort a donné lieu à de nombreuses interrogations. L’importance des opérations ne donnant pas lieu au transfert effectif d’or physique (ventes d’onces non allouées, prêts, swap, achats et ventes à 10 Les onces d’or peuvent s’acheter via des comptes alloué ou non-alloué. L’or non-alloué constitue une créance exigible sur le bilan d’un tiers (généralement une banque), prenant la forme d’une écriture comptable suite à l’ouverture d’un compte. L’investisseur n’est pas propriétaire d’or physique, mais titulaire d’une créance, reconnue par un solde créditeur dans les livres de la banque. L’or non alloué comporte donc un risque de crédit sur le bilan de la banque. L’or alloué, ou sous dossier, se présente sous la forme de barres identifiées ou de lingots dont la propriété effective est reconnue à l’investisseur. Lorsqu’il est inscrit sous dossier en conservation dans une banque (comme c’est le cas général), cet or est exclu du bilan de la banque, selon le principe de la ségrégation des avoirs. La détention d’or alloué sous dossier offre donc un niveau de protection supplémentaire par rapport à la détention d’or non alloué ; elle implique également des frais supplémentaires (stockage, assurance, manutention), qui se traduisent par une prime de conversion (environ 1 USD par once d’or). 11 Les banques centrales prêtent leur or aux bullion banks en échange d’un dépôt sur lequel elles payent un intérêt aux bullions banks, le Gold Forward Offered Rates (GOFO). La banque centrale prête sur le marché les liquidités reçues en garantie et dégage généralement un profit égal au taux du marché, minoré du GOFO, le lease rate. Page |13 terme) plaident donc fortement en faveur de la détention directe d’or alloué sous dossier. 5. Comment investir en or. En pratique, il n’y a que deux façons d’avoir un droit de propriété sur un stock d’or : acheter directement de l’or ou investir en sociétés aurifères. Toutes les autres solutions (trackers, ETC, comptes d’or non alloué) comportent un risque de liquidité et de crédit sur un émetteur bancaire. 5.1 La détention en direct. Les particularités du marché de l’or plaident pour une détention en direct, sous la forme de barres de bonne livraison au sens de la LBMA ou de lingots dont les fondeurs – affineurs sont agréés par la LBMA. Pour garder toute leur valeur de négociation, ces matières d’or devront être conservées par des acteurs habilités, ce qui exclut en pratique leur maniement en direct. Au-delà de certains montants, il est opportun de passer par les marchés de gros, où les coûts d’intermédiation sont plus faibles. L’intervention d’un établissement dépositaire, responsable de la conservation et de la restitution des avoirs, apparaît également indispensable. 5.2 L’investissement en actions aurifères. Le placement en valeurs aurifères permet de disposer de la propriété de réserves d’or, dans une logique d’investisseur à long terme, en étant associé à une stratégie de management (recherche de gains de productivité, croissance externe, politique financière, etc.). Un tel investissement nécessite une expertise qualifiée. En plus des problématiques financières, de l’analyse de la gestion de la société et de ses choix stratégiques, viennent s’ajouter la compréhension de procédés technologiques toujours plus complexes, de leur valeur ajoutée, des enjeux géopolitiques et sociaux, de la demande pour ces matières à l’échelle mondiale. L’investissement en actions nécessite un processus de gestion rigoureux qui envisage toutes ces problématiques. Page |14 Page |15