L’immunothérapie, nouvel espoir contre le cancer
L’immunothérapie cherche à mobiliser notre système immunitaire pour lutter contre les tumeurs.
Selon plusieurs spécialistes, cette stratégie pourrait demain bouleverser les traitements anticancéreux.
Elle a déjà changé celui du mélanome métastatique, un cancer redoutable contre lequel les médecins
étaient totalement désarmés, il y a encore quelques années.
L'immunothérapie pourrait changer le pronostic du mélanome.
L’immunothérapie contre le cancer
L’immunothérapie contre le cancer vise à mobiliser le système immunitaire pour qu’il détruise les cellules
tumorales. On peut schématiquement distinguer trois stratégies :
- Stimuler la réponse immunitaire immédiate. Le rôle de l'immunité innée est de détecter et de s’attaquer
aux menaces, même si l’organisme n'a encore jamais eu à y faire face, à la différence de l’immunité
adaptative qui confère une protection plus tardive mais plus durable. Cette technique a quelques rares
applications en cancérologie (comme les instillations intravésicales de BCG pour des formes superficielles
de cancer de la vessie) et des études en cours (comme contre le cancer de la plèvre ou contre le cancer du col
de l'utérus au stade métastatique comme l'a montré une étude présenté lors du congrès américain sur le
cancer ASCO 2014)1.
- Eduquer le système immunitaire. C’est le principe du vaccin thérapeutique, qui consiste en
l’administration d’une préparation d’antigènes tumoraux associés à un adjuvant, avec pour objectif le
développement d’une réponse immunitaire spécifique contre les cellules tumorales porteuses de l’antigène
ciblé. Certains vaccins ont obtenus des autorisations de mise sur le marché (comme Provenge ® pour des
formes métastatiques de cancers de la prostate résistants au traitement hormonal). Pour en savoir plus sur
cette approche, découvrez la vidéo très bien vulgarisée de l’Institut Curie : "Un vaccin contre le cancer, est-
ce possible ?".
- Déverouiller la réponse immunitaire. L’immunomodulation anti-tumorale est la stratégie qui est
aujourd’hui la plus prometteuse. En schématisant, la cellule tumorale est capable d’échapper à la vigilance
du système immunitaire notamment en inhibant l’activation des lymphocytes T (soldats de l’immunité). De
nouvelles immunothérapies anticancéreuses peuvent aujourd’hui cibler ces modulateurs-clés de l’immunité
(on parle aussi de "checkpoints immunologiques"). Aujourd’hui, deux catégories de médicaments sont
principalement étudiées : les anti-CTLA-4 et les anti-PD-1/anti-PD-L1.
L’immunothérapie fait reculer le mélanome
En France, près de 9700 nouveaux cas de mélanomes sont recensés par an, et 1600 personnes en décèdent.
C’est face à ce terrible cancer de la peau que l’immunothérapie a donné les résultats les plus remarquables
depuis maintenant quelques années. "Le domaine de l'immunothérapie a explosé durant la dernière
décennie, et de plus en plus de patients en bénéficient. Le génie de cette approche est qu’elle est plus
sélective et qu’elle produit des rémissions durables chez un grand nombre de patients souffrant de
mélanome métastasés", a déclaré Steven O'Day de l'Université de Californie du Sud lors du congrès de
l'ASCO 20142. Trois études ont retenu l’attention des organisateurs.
- La première étude3 a testé sur 951 patients atteints d’un mélanome avancé mais qui ont pu être opérés,
l’efficacité de l’ipilimumab (Yervoy ®) sur la réduction du risque de récidive. Ce médicament est
aujourd’hui uniquement autorisé pour les formes métastatiques inopérables. Les résultats présentés par
Alexander Eggermont de l’Institut Gustave Roussy montrent une réduction de 25 % du risque de récidive
(réapparition de la maladie à deux ans chez 51,5 % des patients avec le traitement contre 43,8 % sous
placebo à deux ans, et respectivement 46,5 % et 34,8 % à trois ans). C’est la première fois que l’on démontre
efficacité de ce médicament face à des mélanomes à des stades moins avancés. Cela se fait néanmoins au
prix d’une toxicité très importante (rash, colite, problème endocrinien, hépatique…) : 52 % des patients ont
arrêté le traitement à cause des effets secondaires et 5 décès sont directement imputables au traitement (sur
471 patients).
- La seconde étude4 portant sur 411 patients atteints d’un mélanome avancé a étudié un nouvel anticorps
baptisé MK-3475 ou pembrolizumab. La proportion des patients encore en vie après un an était de 69 %
avec une réponse de la tumeur au traitement de 34 %, une réponse durable y compris chez les patients déjà
traités par ipilimumab. Près de 8 % des participants ont eu des effets secondaires sévères, mais que
seulement 4 % ont arrêté le traitement. Bien que préliminaires, ces résultats sont si concluants que l’agence
américaine du médicament (FDA) pourrait accorder à ce médicament le statut d’"innovation thérapeutique",
une procédure particulière qui pourrait accélérer sa mise sur le marché.
- Un troisième essai5 conduit sur un petit nombre de malades (94) atteints d’un mélanome inopérable a
évalué l’association de deux anticorps :l’ipilimumab agissant sur le CTLA-4 et le novolimab, un anti-PD-1.
Cette association a permis une survie moyenne (durée pendant laquelle plus de la moitié des patients est
encore en vie) jusqu’alors inédite de près de 3,5 ans (40 mois) ! Au bout d’un an, 85 % des patients étaient
en vie et 79 % au bout de deux ans. Les effets secondaires graves ont néanmoins concerné 62 % des patients,
et ont été à l’origine d’un décès (1 %). Rappelant qu’il s’agit d’une étude portant sur un effectif très réduit, le
Dr Mario Sznol a cependant rappelé qu’il y a quelques années, la survie pour ces cancers était de moins d’un
an…
Un réel espoir thérapeutique, une réelle bataille économique
Au-delà de ces résultats contre le mélanome, l’immunothérapie témoigne d’une efficacité dans un très grand
nombre de tumeurs, comme les cancers du poumon, de la prostate, de lavessie, du rein… Néanmoins,
plusieurs questions restent en suspens : pourquoi certains patients répondent à ces traitements et d’autres non
? Comment gérer les phénomènes de résistances qui apparaissent immanquablement après un certain délai ?
Comment gérer au mieux la toxicité de ces molécules ? Faut-il les associer ou les donner les unes à la suite
des autres ? Peut-on les associer à des thérapies ciblées ou des chimiothérapies ? Comment évaluer la
réponse de ces molécules qui dans un premier temps peuvent conduire à un grossissement de la tumeur,
témoin de la mobilisation du système immunitaire contre elle ?6...
La recherche va s’atteler à répondre à ces questions durant les prochaines années. Ce domaine thérapeutique
fait déjà l’objet d’une concurrence féroce, mobilisant de nombreux laboratoires.
David Bême
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