Rédaction Mathieu Souyris, professeur
d’histoire et de géographie
Crédit photo Seppia / Néon rouge
Édition Émilie Nicot et Anne Peeters
Maquette Annik Guéry
Ce dossier est en ligne sur le site
deTélédoc.
www..cndp.fr/tice/teledoc/
Dualité du plan Marshall
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Analyser le double objectif de ce plan en 1947.
On s’appuiera préalablement sur le film d’archives
qui entame le film, qu’on opposera à celui qui fustige
le régime stalinien: quels messages ces films cher-
chent-ils à faire passer?
•La solidarité atlantique. Le premier aspect du plan
Marshall est économique et affiche sa volonté de
solidarité. De 1947 à 1951, les États-Unis injectent
l’équivalent de 4 à 5% du PNB européen dans les
seize pays qui acceptent le plan. Parmi eux, la France
et le Royaume-Uni en sont les principaux bénéfi-
ciaires. Chose compréhensible pour la France qui se
relève de ses ruines (un PIB de 54 en 1947 par rap-
port à un indice 100 en 1938), moins évidente pour
le Royaume-Uni (PIB d’indice 108) qui utilise les
fonds essentiellement pour rembourser ses dettes.
Le 5 juin 1947, le général George Marshall, alors
secrétaire d’État, annonce à Harvard la mise en place
de l’European Recovery Program, appellation offi-
cielle du plan. Les fonds sont issus de dons, de déblo-
cages de sommes du Trésor américain, mais aussi du
produit de la vente de marchandises en provenance
des États-Unis et vendues au plus offrant, produit
réinvesti ensuite dans le plan dont les accords pré-
voyaient l’achat obligatoire de matériel américain.
C’est néanmoins un formidable coup de pouce à l’é-
conomie européenne, et les intervenants allemands
du documentaire insistent sur la dimension solidaire
de l’aide. Ce n’était pourtant pas l’idée première: le
plan Marshall remplace le plan Morgenthau de 1944
qui prévoyait de faire payer l’Allemagne, comme en
1919. Il fut abandonné, d’une part parce qu’il renou-
velait les conditions d’un mécontentement germa-
nique, d’autre part parce qu’entre 1944 et 1947,
l’Allemagne était passée du statut d’ennemi à abat-
tre à celui de pays allié nécessaire à la lutte contre
l’URSS. On fera noter que, tandis que le nom originel
du plan est tombé dans l’oubli, la dénomination
«plan Marshall» est devenue une façon courante de
désigner les plans d’aide d’urgence, comme le récent
«plan Marshall pour la Wallonie» en Belgique.
•Une visée politique. La seconde dimension du plan
Marshall est politique: il faut soutenir l’effort de
reconstruction de l’Europe afin d’en faire une alliée et
un partenaire commercial stable, mais aussi un rem-
part contre le communisme. Staline ne s’y était
d’ailleurs pas trompé en obligeant les pays de l’Est à
refuser l’aide américaine, qu’il voyait comme un che-
val de Troie de l’impérialisme. Cet aspect est bien
évoqué par le documentaire, où l’aide financière s’ac-
compagne d’injonctions politiques claires: adhésion
à la société de consommation, réduction du pouvoir
Europe/États-Unis: je t’aime, moi non plus
Histoire et anglais, troisième-lycée
Comment ont évolué les
rapports entre l’Europe et
les États-Unis depuis la fin
de la seconde guerre
mondiale? En prenant
comme élément fondateur
le plan Marshall, les auteurs
du film abordent l’aspect
séduisant de la puissance
américaine tout en
évoquant la défiance
croissante qu’inspire le
modèle américain en
Europe. Car si l’Europe
d’aujourd’hui s’est
largement construite sous
influence américaine dans
de nombreux domaines
(loisirs, style de vie,
politique, arts, sciences…),
l’american way of life est,
depuis la guerre du
Viêtnam, de plus en plus
remise en cause. Rehaussé
par les témoignages de
différentes personnalités
(Wim Wenders, Philippe
Labro, Daniel Cohn-Bendit,
Hubert Védrine, Étienne
Davignon…), des images
d’archives et des extraits de
films de fiction, le
documentaire tente de
comprendre pourquoi
prévaut en Europe ce double
mouvement
d’antiaméricanisme et de
fascination pour les États-
Unis.
des syndicats, valorisation des valeurs américaines à
travers la propagande mais aussi le cinéma (cf.
extraits du film One, Two, Three de Bill Wilder). Dans
cette perspective, les témoignages de Michael
Nauman (directeur du quotidien allemand Die Zeit) et
Philippe Labro sont intéressants: ils formeront une
nouvelle élite de journalistes, formée aux États-Unis,
apte à promouvoir des modes de vie et de pensée
américains, allant ainsi dans le sens d’une conquête
douce des mentalités (cf. encadré sur le soft power)
qui se traduira ensuite par des votes en faveur des
démocrates chrétiens ou des sociaux-démocrates
partisans du libre-échange.
Un antiaméricanisme «à l’européenne»?
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Reconstituer en l’explicitant la chronologie de
la perte de légitimité des États-Unis en Europe.
•On repérera dans le film les différentes étapes de
la montée de l’antiaméricanisme en Europe, ou tout
au moins de la défiance envers les États-Unis. On
rappellera que, dès l’instigation du plan Marshall,
des dissonances se firent entendre: les Anglais firent
des pieds et des mains pour résister à l’intégration
économique immédiate qu’exigeait le plan; les
Néerlandais résistèrent à la pression en faveur du
démantèlement de leur Empire au nom du libre-
échange et les Autrichiens refusèrent tout net de
réformer leur système bancaire et ferroviaire. Mais
ce qui est le plus évident, à travers les images, c’est
de voir comment les États-Unis sont passés du sta-
tut de défenseurs de la liberté (on analysera le dis-
cours de Kennedy à Berlin) à celui de promoteurs
d’une hégémonie libérale et culturelle mal acceptée.
•On notera ainsi plusieurs événements majeurs qui
induisent une vision plus critique de la part des
Européens: l’intervention au Viêtnam, la course aux
armements dans les années 1980, l’inégalité de la
société américaine découverte à travers les combats
des militants pour les droits civiques et enfin le fait
que, à partir de 1991 et l’écroulement du bloc com-
muniste, les États-Unis se retrouvent sans ennemi
identifiable, ce qui les «réduit» au statut de grande
puissance unique. Comme le souligne Michael
Nauman dans le documentaire, ce qui mène presque
naturellement les populations à se défier de cette
puissance se résume ainsi: tout pouvoir suscite oppo-
sition, surtout s’il est omnipotent. On montrera aussi
comment, dans les années 1970, les jeunes
Allemands lient la présence d’anciens nazis dans les
universités à la politique étrangère américaine, incar-
née par la doctrine Kirkpatrick, qui légitime dans les
années 1980 le soutien de régimes d’extrême droite
au nom du combat contre le communisme. Le fossé