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DOSSIER PEDAGOGIQUE
Les Gens bien n’osent plus sortir le soir
Jean-Claude Grumberg
Distribution
Mise en scène : Eric De Staercke
Avec
Caroline Lambert,
Corentin Lobet,
Dominique Rongvaux et
Stéphanie Van Vyve
Une coproduction de la Fabuleuse Troupe, du Théâtre Loyal du Trac et des Riches-Claires.
Dates : du 27 au 30 novembre 2012
Lieu : Théâtre Jean Vilar
Durée du spectacle : 1h30 sans entracte
Réservations : 0800/25 325
Contact écoles : Adrienne Gérard - 010/47.07.11 adrienne.gerard@atjv.be
N’oubliez pas de distribuer les tickets avant d’arriver au Théâtre
Soyez présents au moins 15 minutes avant le début de la
représentation, le placement de tous les groupes ne peut se faire en 5
minutes !
N.B : - les places sont numérotées, nous insistons pour que
chacun occupe la place dont le numéro figure sur le billet.
- la salle est organisée avec un côté pair et impair (B5 n’est
pas à côté de B6 mais de B7), tenez-en éventuellement compte lors de
la distribution des billets.
En salle, nous demandons aux professeurs d’avoir l’amabilité de se
disperser dans leur groupe de manière à encadrer leurs élèves et à
assurer le bon déroulement de la représentation.
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1 L’auteur, Jean-Claude Grumberg
Jean-Claude Grumberg est en 1939. Avant de se lancer dans l’écriture, il exerce
plusieurs métiers, dont celui de tailleur, milieu qu'il prend pour cadre de sa pièce L'Atelier. Il
devient écrivain en signant en 1968 Demain, une fenêtre sur rue, puis des textes courts,
comme Rixe, qui sera joué à la Comédie-Française. Toute son œuvre est marquée par la
mort de son père dans les camps nazis.
Auteur de théâtre, de littérature de jeunesse et scénariste, Jean-Claude Grumberg se voit
récompensé à plusieurs reprises. En 1991, il reçoit le Grand Prix de l’Académie française et,
en 1999, le Grand Prix de la SACD pour l’ensemble de son œuvre. Le Molière du Meilleur
auteur dramatique lui est décerné en 1991 pour Zone libre et en 1999 pour L’Atelier. Dix ans
plus tard, il obtient le Molière de l’Auteur francophone vivant et le Prix du Syndicat de la
critique pour Vers Toi Terre promise.
En 1989, il se lance dans l’écriture de pièces pour enfants. Lors de la première du Petit
violon, il couvre un public d’enfants de toutes les nationalités. « Le monde était
représenté. Je me suis senti utile » assure l’auteur. « Il y a une grande liberté dans cette
écriture. Je n’ai pas peur des critiques. Les enfants jouent ces pièces, je vais les voir dans
les écoles. Je suis devenu un auteur un peu gaga »
Au cinéma, il travaille avec François Truffaut (Le Dernier Métro), Marcel Bluwal (Le Plus
Beau Pays du monde) ou Pierre Boutron (Les Années sandwiches). A trois reprises, il
collabore avec le réalisateur Costa-Gavras : en 1993, il écrit les dialogues de La Petite
Apocalypse ; en 2003, il reçoit le César du Meilleur scénariste pour Amen et en 2005, il est
coscénariste du film Le Couperet.
Pour la télévision, il écrit les scénarios de Thérèse Humbert et Music Hall de Marcel Bluwal ;
Les Lendemains qui chantent de Jacques Fansten et Julien l'apprenti de Jacques
Otmezguine.
Le théâtre reste sa passion première. Ses textes sont montés à la Comédie-Française. Il est
l'un des rares auteurs dramatiques français vivants à être étudié à l'école.
C’est donc au fil de la petite Histoire, celle du quotidien avec ses vicissitudes, ses peines et
ses joies, souvent dérisoires au regard du destin du monde, que Grumberg nous raconte la
grande Histoire, partant du particulier pour arriver au général et de l’individu pour analyser la
conduite de tout un peuple. Cette démarche a l’avantage de restituer au théâtre la vie et le
souffle qui lui manquaient. Ce ne sont pas des zombies ou des schémas qui nous sont
présentés. Mais de vrais personnages qui vibrent, avec leurs angoisses, leurs doutes, leurs
petitesses et leur grandeur, leur médiocrité et leur errance, leur égoïsme et leurs peurs. Des
gens de tous les jours qui font l’Histoire tout en la subissant. C’est ce qui fait le prix des
pièces de Grumberg, outre une rigueur de construction et d’analyse d’autant plus étonnante
qu’elle n’exclut jamais l’émotion ni l’humour. Il possède, à sa manière, la « patte » de
Tchékhov, cette façon de pénétrer l’âme humaine et son ambiguïté et, à travers plusieurs
personnages complémentaires, de nous donner un état, sur les plans à la fois collectif et
individuel, de toute une société. C’est certainement ce qu’il y a de plus difficile à faire et
Grumberg le fait magnifiquement.
Alain Leblanc in Théâtre-Revue programme N°11, 1981, Centre Dramatique national de Reims.
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2 L’urgence de monter du Grumberg
« Il n'est passion contagieuse comme celle de la peur. » (Montaigne)
La question de la peur, centrale dans de l’œuvre de Grumberg, se pose aujourd’hui à nos
démocraties avec une acuité renouvelée. Nous vivons la deuxième crise de la
mondialisation. Comme lors de la première, dans les années 1890-1900, les principes
réactionnaires se renforcent, le nationalisme, le protectionnisme, la xénophobie.
« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à paraître,
et dans ce clair-obscur les monstres surgissent. » (Antonio Gramsci)
Les monstres sont aujourd’hui la montée des logiques autoritaires, les phénomènes de
sauve-qui-peut, ce que Wilhelm Reich appelait1 la montée de la peste émotionnelle.
Depuis Hiroshima, l’humanité sait qu’elle a la capacité à s’autodétruire. Il est temps
aujourd’hui que l’humanité croie à nouveau en elle-même, il est temps que nous puissions
croire à nouveau en l’humanité de chacun de nous. Pour cela, comme le dit l’historien Pierre
Rosanvallon, il faut nous réapproprier le monde, c’est-à-dire le rendre plus lisible, être plus
lucide, mieux le comprendre, en parler, l’analyser.
Que peut le théâtre ?
« Face à la peur, quelle est l’autre grande émotion ? La joie de vivre. » (Spinoza)
Avec Les Autres de Jean-Claude Grumberg, nous plongeons au cœur de cette question de
la peur. La bêtise et la méchanceté sont autour de nous, voire en nous. Comment lutter ?
Comment faire changer les choses ? Le théâtre est-il capable de cela ?
Le théâtre peut faire franchir la première marche, aider à la première étape du changement :
la prise de conscience. Le théâtre peut nous dire : voilà ce que nous sommes, voilà ce que
nous risquons de devenir, ou de redevenir. Le théâtre peut engueuler, fustiger, exhorter. Il
peut également faire rire, de soi-même d’abord.
Jean-Claude Grumberg, tout en évitant de donner des leçons, dénonce des situations où des
personnages faibles et parfois monstrueux se débattent avec leurs peurs. Leur faiblesse est
justement le point de rattachement à l’humanité. Grumberg écrit des pièces audacieuses, qui
font effet de miroir à peine déformant.
Avec Les Autres, nous sommes pris au piège. On rit, gênés parfois, ou inquiets, on croit
reconnaître des gens, et puis très vite, on s’interroge sur nous-mêmes. Qui sont ces autres ?
Qui peut prétendre être à l’abri d’un acte ou d’un propos raciste, que la peur de l’autre et de
soi peut révéler ?
Stéphanie Van Vyve et Dominique Rongvaux
1 dans son livre « La psychologie de masse du fascisme »
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3 Quelles pièces, quels thèmes, quel but ?
Les gens bien n’osent plus sortir le soir est un montage de différents textes de Jean-Claude
Grumberg. Le spectacle s’articule donc en morceaux brefs, denses, en un rythme rapide et
d’une efficacité comique redoutable. La démultiplication des situations à jouer (6 courtes
pièces et 4 à 7 extraits de Ça va ?) permet l’écho, la confrontation des points de vue, la
réflexion et la mise en abyme.
Les thèmes récurrents de l’œuvre de Grumberg sont l’aveuglement, le repli sur soi, la peur
de l’autre, la cruauté, l’absurde, la banalité du mal. La forme courte des textes Les Autres
(recueil de différents textes), Ça va et Sortie de théâtre, permet d’aborder tous ces sujets en
allant à l’essentiel.
Le spectacle questionne les raisons de ces peurs génératrices de xénophobie, de lâcheté et
de bêtise, en décortique les mécanismes et explore la misère et le désespoir des
personnages.
Pour mettre cela en exergue, la sphère choisie est celle de la cellule familiale. Grumberg fait
le choix de petits faits intimistes, confidentiels pour représenter des événements historiques
comme les génocides, l’apartheid,
D’une situation quotidienne, familiale, le propos se fait l’écho des « fléaux de ce siècle », tout
en permettant une « indentification ».
3.1 Les Autres2
Les Autres, publié auparavant sous le titre Les Courtes est un recueil des pièces suivantes
LES GNOUFS, LES ROUQUINS, RIXE, MICHU, LES VACANCES.
LES GNOUFS (1985)
Un couple organise une soirée à thème. Les musiciens engagés n’ont pas le « type »
attendu. Le couple s’emploie à les modeler. Débordements et déshumanisation des faibles
comme des forts.
LES ROUQUINS (1984)
La persécution d’une minorité pour ses caractères physiques vrais ou supposés. Face à la
montée des tracasseries policières, chacun songe d’abord à sauver sa peau, en se
réjouissant de ne pas correspondre aux critères fatals. On pense à ce poème écrit à Dachau:
Lorsqu’ils sont venus chercher les communistes
Je me suis tu, je n’étais pas communiste.
Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes
Je me suis tu, je n’étais pas syndicaliste.
Lorsqu’ils sont venus chercher les sociaux-démocrates
Je me suis tu, je n’étais pas social-démocrate.
Lorsqu’ils sont venus chercher les Juifs
Je me suis tu, je n’étais pas Juif.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait plus personne pour protester
2 Les Autres, Ed. Actes Sud, 1992, Coll. Actes Sud Papiers, ISBN-10: 2869430140
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RIXE (1967)
Suite à une altercation, un homme se croit poursuivi par un « bougnoul » qu’il suppose
vouloir l’égorger. Racisme, paranoïa et auto-conviction. C’est de cette pièce qu’est extrait le
titre Les Gens bien n’osent plus sortir le soir.
MICHU (1966)
Le regard des autres. Un personnage va de surprises en surprises. Comme il trouve son
chef de bureau plutôt bel homme, son collègue Michu lui révèle qu’il est pédéraste. Comme il
a pitié d’un mendiant, le même Michu lui apprend qu’il est communiste. Comme il offre du
chocolat à Schmoll, le sous-chef de bureau, Michu conclut : « C’est normal entre juifs »
LES VACANCES (1980)
Une famille en vacances à l’étranger. Leur sentiment de supérioriet leur mépris pour les
natifs. Leur crainte permanente d’être floués, victimes de la supposée malice de leurs hôtes.
Ou comment la méconnaissance de l’autre, le refus d’apprendre à le connaître créent de
celui-ci une image tronquée qui le fait craindre et mépriser. Image tronquée dont ne peuvent
venir à bout même les faits objectifs qui la contredisent. Le mépris et la haine jouent
également à l’intérieur de la famille, du mari vers sa femme, du père vers ses fils. L’un des
fils, différent, est écrasé.
Texte d’une extrême cruauté. Le personnage du père, qui est le pire de tous, est également
celui qui a le plus de verve.
LE PERE. -Je veux qu’il ait un métier, je veux qu’il fasse quelque chose de bien de sa
vie
LA MERE. -Si tout est bouché, c’est pas de sa faute
LE PERE. -Comment font les autres ?
LA MERE. -Justement, ils y arrivent pas non plus
LE PERE. -Alors on se fait tout petit, on apprend à fermer sa gueule, à recevoir des coups
de pied au cul et à dire merci Comment j’ai fait moi, comment j’ai fait ?
3.2 Sortie de théâtre, un soir de pluie (2000)3
Les répliques de la pièces ont été glanées par l’auteur en écoutant les spectateurs sortant du
Vieux-Colombier après avoir assisté à leur corps défendant, semble-t-il à une
représentation de « Maman revient pauvre orphelin ».
Ce texte clora le spectacle par une mise en perspective.
Qui sont les personnages de Michu, Rixe ou les Gnoufs? Où sont-ils ? ne sont-ils que des
personnages incarnés sur une scène, le temps d’un spectacle divertissant ? Ne seraient-ils
pas plutôt ici, dans la salle ? En train de regarder le spectacle ?
3.3 Ça va (2008) 4
Minimalistes, les dialogues sont à peine extrapolés du quotidien dans lequel ils nous
replongent. Ces saynètes tirées d’un trottoir, entre deux personnes asexuées fixent des
moments anodins et les changent en événements. C’est presque du Beckett.
-Ca va?
-Pas des masses, figure-toi que...
-Stop attention, je te signale que tu t'apprêtes à franchir la ligne jaune.
3 Sortie de théâtre, Ed. Actes Sud, 2000, Coll. Actes Sud Papiers, ISBN-10: 2742725547
4 Ça va ?, Ed. Actes Sud, 2008, Coll. Un endroit où aller, ISBN-10: 27427-7520-0
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