1 L’auteur, Jean-Claude Grumberg
Jean-Claude Grumberg est né en 1939. Avant de se lancer dans l’écriture, il exerce
plusieurs métiers, dont celui de tailleur, milieu qu'il prend pour cadre de sa pièce L'Atelier. Il
devient écrivain en signant en 1968 Demain, une fenêtre sur rue, puis des textes courts,
comme Rixe, qui sera joué à la Comédie-Française. Toute son œuvre est marquée par la
mort de son père dans les camps nazis.
Auteur de théâtre, de littérature de jeunesse et scénariste, Jean-Claude Grumberg se voit
récompensé à plusieurs reprises. En 1991, il reçoit le Grand Prix de l’Académie française et,
en 1999, le Grand Prix de la SACD pour l’ensemble de son œuvre. Le Molière du Meilleur
auteur dramatique lui est décerné en 1991 pour Zone libre et en 1999 pour L’Atelier. Dix ans
plus tard, il obtient le Molière de l’Auteur francophone vivant et le Prix du Syndicat de la
critique pour Vers Toi Terre promise.
En 1989, il se lance dans l’écriture de pièces pour enfants. Lors de la première du Petit
violon, il découvre un public d’enfants de toutes les nationalités. « Le monde était
représenté. Je me suis senti utile » assure l’auteur. « Il y a une grande liberté dans cette
écriture. Je n’ai pas peur des critiques. Les enfants jouent ces pièces, je vais les voir dans
les écoles. Je suis devenu un auteur un peu gaga… »
Au cinéma, il travaille avec François Truffaut (Le Dernier Métro), Marcel Bluwal (Le Plus
Beau Pays du monde) ou Pierre Boutron (Les Années sandwiches). A trois reprises, il
collabore avec le réalisateur Costa-Gavras : en 1993, il écrit les dialogues de La Petite
Apocalypse ; en 2003, il reçoit le César du Meilleur scénariste pour Amen et en 2005, il est
coscénariste du film Le Couperet.
Pour la télévision, il écrit les scénarios de Thérèse Humbert et Music Hall de Marcel Bluwal ;
Les Lendemains qui chantent de Jacques Fansten et Julien l'apprenti de Jacques
Otmezguine.
Le théâtre reste sa passion première. Ses textes sont montés à la Comédie-Française. Il est
l'un des rares auteurs dramatiques français vivants à être étudié à l'école.
C’est donc au fil de la petite Histoire, celle du quotidien avec ses vicissitudes, ses peines et
ses joies, souvent dérisoires au regard du destin du monde, que Grumberg nous raconte la
grande Histoire, partant du particulier pour arriver au général et de l’individu pour analyser la
conduite de tout un peuple. Cette démarche a l’avantage de restituer au théâtre la vie et le
souffle qui lui manquaient. Ce ne sont pas des zombies ou des schémas qui nous sont
présentés. Mais de vrais personnages qui vibrent, avec leurs angoisses, leurs doutes, leurs
petitesses et leur grandeur, leur médiocrité et leur errance, leur égoïsme et leurs peurs. Des
gens de tous les jours qui font l’Histoire tout en la subissant. C’est ce qui fait le prix des
pièces de Grumberg, outre une rigueur de construction et d’analyse d’autant plus étonnante
qu’elle n’exclut jamais l’émotion ni l’humour. Il possède, à sa manière, la « patte » de
Tchékhov, cette façon de pénétrer l’âme humaine et son ambiguïté et, à travers plusieurs
personnages complémentaires, de nous donner un état, sur les plans à la fois collectif et
individuel, de toute une société. C’est certainement ce qu’il y a de plus difficile à faire et
Grumberg le fait magnifiquement.
Alain Leblanc in Théâtre-Revue programme N°11, 1981, Centre Dramatique national de Reims.