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Dans ce numéro, Mains Libres publie, en première franco-
phone, la liste d’items TIDIeR qui vise à améliorer la descrip-
tion des traitements dans les articles scientifiques. Notre revue 
ayant de tout temps été attachée à servir les praticiens, nos 
fidèles lecteurs ne seront pas surpris qu’elle s’engage pour que 
les traitements évalués dans les études soient plus aisément 
transférables en pratique.     
Plus surprenant, Mains Libres publie pour la première fois un 
article sur les méthodes statistiques. Paul Vaucher y explique 
de manière didactique quel est le sens de la valeur P dans la 
différence entre deux groupes. Pourquoi cette nouvelle ouverture 
à une thématique qui n’a pas d’emblée les faveurs de la cote 
auprès des cliniciens ? Pour deux raisons essentiellement.
Premièrement, pour aider nos lecteurs à mieux comprendre le 
contenu des articles qu’ils lisent. En effet, l’abord des notions 
statistiques est parfois difficile, surtout si l’on n’a pas de pré-
dispositions particulières pour les mathématiques. Pourtant, si 
les subtilités du calcul ne sont accessibles qu’à une minorité 
des professionnels de santé, les principes qui régissent les sta-
tistiques courantes sont finalement assez simples, et tout à 
fait à la portée de tous. Si le chercheur et le réviseur d’article 
doivent être capables d’évaluer le bienfondé des statistiques 
utilisées, le lecteur a avant tout besoin d’en saisir l’objectif et 
le sens général. 
Deuxièmement, nous souhaiterions améliorer par ces tutoriels 
le regard critique que nos lecteurs peuvent porter sur les articles 
que nous publions, et ceux des autres revues par la même oc-
casion. On entend et ré-entend qu’« on fait dire aux statistiques 
ce qu’on veut bien leur faire dire ». Ceci peut être vrai… à deux 
conditions. Tout d’abord, il faut que celui qui fait appel aux 
statistiques ait l’intention de les détourner. Churchill disait « Je 
ne crois jamais une statistique à moins de l’avoir moi-même 
falsifiée ». Sa citation montre bien que le problème ne vient 
alors pas de la statistique elle-même, mais de l’usage qu’on 
en fait. Il en va de même de tout outil puissant que l’on peut 
détourner à mauvais escient. Pour qu’un falsificateur réussisse 
à détourner une statistique, il faut également qu’il puisse tirer 
profit de l’ignorance de l’interlocuteur. C’est précisément ce 
que nous voulons éviter à nos lecteurs, et c’est pourquoi nous 
envisageons de publier – en parallèles aux articles qui consti-
Mains Libres / 2016 / 4
tuent le cœur de Mains Libre – d’autres articles qui mettent les 
statistiques à la portée des cliniciens. 
Vous y verrez que les statistiques visent finalement un ob-
jectif fort louable : s’approcher de la vérité. Cependant, s’en 
approcher ne signifie pas la détenir. Les statisticiens sont les 
premiers à le reconnaître, et comme dans nos professions, les 
controverses sur la meilleure manière de procéder vont bon 
train dans leur domaine de compétences. 
Les statistiques nous rendent néanmoins un énorme service : 
elles permettent de déterminer, avec une certaine marge d’in-
certitude, ce qui se passe dans l’ensemble de la population à 
partir d’un petit nombre de personnes. La seule alternative 
pour s’approcher de la vérité serait de mesurer l’ensemble de 
la population concernée pour connaître la réponse. Ce serait 
tellement compliqué, long, cher et fastidieux, que c’en est in-
concevable.
Les praticiens reprochent souvent aux statistiques, de ne pas 
dire grand-chose du patient qu’ils ont en face d’eux, et ceci est 
vrai ! Savoir qu’une approche est juste en général ne signifie pas 
qu’elle s’applique avec certitude à la personne que l’on traite. 
Un traitement généralement efficace ne l’est pas pour tout le 
monde, et son degré d’efficacité est variable chez chacun. Il y 
a donc quelque chose qui relève du pari, lorsque l’on utilise les 
statistiques en clinique. Tel un joueur de poker professionnel, 
le clinicien averti utilise des résultats issus des statistiques pour 
orienter son approche avec les meilleures chances de réussites 
a priori. Le pari est sensé, car en l’absence de certitude absolue, 
opter en première intention pour le « best bet » est le mieux que 
nous puissions offrir aux patients. 
Face à eux, le praticien cherche avant tout à agir de la manière 
la plus juste possible. Le bon usage des statistiques va dans 
ce sens. Elles ne sauraient suffire à toucher du doigt la vérité, 
mais elles contribuent à s’en approcher, ou du moins à estimer 
avec quel degré d’incertitude on agit. L’écoute, le ressenti, le 
raisonnement et l’expérience sont des sources d’information 
tout aussi valables, et complémentaires des savoirs quantitatifs 
issus des statistiques. Face à la complexité des situations que 
nous rencontrons dans les milieux de la santé, comment pour-
rions-nous nous passer ne serait-ce que d’un seul de ces piliers ?
Editorial
Claude Pichonnaz
Claude Pichonnaz, PT, MSc, PhDc
Rédacteur de Mains Libres
(Lausanne)
Le patient, le clinicien et les statistiques