galopante des processus d’urbanisation ; leurs caractéristiques nouvelles, notamment leur banalité
et leur répétitivité, ainsi que les questions liées à leur traitement quantitatif, font muter les
objectifs que s’assignait l’histoire de l’architecture. Ainsi le rapport central que noue l’histoire de
l’art, discipline-mère, avec la question de l’esthétique peut-il à cet égard être interrogé à nouveaux
frais.
Les grands récits des historiens de l’architecture au XXe siècle sont centrés sur la figure du
créateur intègre et univoque, éventuellement érigé en prophète de son époque. En cela héritiers
de Vasari
, ces récits célèbrent le projet « héroïque et original »
, dans une posture qu’on pourrait
qualifier d’histoire de la nouveauté. Cependant, ces grands récits ont créé une sorte de structure
de malentendus, une série d’angles morts dont on peut tirer aujourd’hui une historiographie en
creux. Depuis une vingtaine d’années, ces récits ont progressivement fait place à une
compréhension de l’acte de bâtir plutôt comme processus premièrement collectif, mieux
appréhendable, par exemple, grâce aux outils de l’histoire culturelle ou de la sociologie et de
l’anthropologie. À cet égard, les travaux de Bruno Latour et de François Jacob sont peut-être
l’outil d’une approche renouvelée de l’histoire de l’architecture, comme l’avait montré la journée
doctorale Les mains de l’intellect en février 2013.
Une autre forme de périphérie réside sans doute dans la figure de l’oubli. La capacité d’inventer
d’un individu ou d’une société n’a d’égale que celle d’oublier les pratiques, les savoir-faire et les
représentations des devanciers. Une époque se démarque des précédentes non pas seulement en
ce qu’elle innove, mais aussi par ce qu’elle désapprend, ce dont les historiens ont parfois du mal à
se saisir, car l’extinction d’un phénomène et le tarissement de ses sources font croire à la non
pertinence d’analyser le silence qui s’ensuit. À une posture mainstream d’histoire de l’innovation,
on pourrait opposer une sorte d’histoire de l’oubli.
Les périphéries de l’histoire de l’architecture, qu’elles soient topographiques, chronologiques,
épistémologiques, méthodologiques, historiographiques, sont les ferments d’un renouvellement et
d’un recentrement permanents de la discipline, dont les recherches doctorales en cours sont les
postes avancés. Les contributions attendues se centreront sur les facteurs de renouvellement de
l’histoire de l’architecture par l’apport des autres disciplines et de nouvelles méthodes, par l’étude
de ses malentendus et de ses angles morts topographiques, temporels et thématiques.
Attendues pour le 15 décembre au plus tard, les propositions d’intervention seront accompagnées
d’un texte d’une trentaine de lignes et d’un curriculum vitae. Elles devront parvenir à :
Jean-Baptiste Minnaert, Université François-Rabelais, Tours : jean-baptiste.minnaert@univ-
tours.fr
avec copie à :
Anne-Marie Châtelet, École Nationale Supérieure d’Architecture de
Jean-Baptiste Minnaert, « Architecture ordinaire et hommes pluriels », Ligeia, n° 93-96, L’autre Europe,
numéro thématique sous la direction de Carmen Popescu, juillet-décembre 2009, p. 38-44. Voir aussi
Perspectives n° 4, 2006, numéro thématique consacré à « La monographie d’artiste », et en particulier l’article de Pieter
Uyttenhove, « Qu’importe qui conçoit ? Questionnement sur la monographie d’architecte », p. 585-613.
Selon l’expression, restée célèbre, de Robert Venturi.