« L’icône corruptrice : l’argent »
A contexte particulier, homme d’exception. Dans le programme des trente ans
d’existence de l’U.T.B. figurait, cerclée de rouge, la venue d’un homme protéiforme
qui a des choses carrées à révéler, liberté de parole aidant. Ses propos ont d’ailleurs
pris du relief de par son dernier ouvrage en date (« L’homme, le libéralisme et le bien
commun »), « dont le thème principal est plutôt économique, qui traite de la notion du
bien commun et de la place qu’elle acquiert au fil des ans ». Quelle est sa définition
de l’éthique ? «C’est la réflexion sur ce qu’est la vie bonne et les valeurs qui la
fondent. Cette vie bonne est l’action correcte, on est confronté assez souvent à un
choix. Il semblerait qu’il y ait une manière correcte et incorrecte d’agir, mais on ne le
fait pas à pile ou face ». Pour imager le dilemme, le grand écart, le conférencier a
pris pour exemple la fin de vie. « On connaît bien les deux démarches. L’une d’entre
elles dit que la vie a une valeur en soi, qu’on ne peut la raturer d’un trait. D’un autre
côté c’est l’évitement essentiel de la souffrance, et si la vie est un fardeau, il vaut
mieux l’arrêter ». L’humaniste va plus avant dans sa pensée. » Quelle est la base de
ces valeurs sur lesquelles on va se reposer ? C’est la morale, et son application dans
l’action. La voie correcte que je vais privilégier a un rapport avec le bien et le mal.
Nous sommes une société diverse, mais avons-nous des valeurs communes ? Est-
ce qu’il existe, ou pas, des bases universelles de la morale ? L’immense majorité des
philosophes ne se réclamant pas d’une religion diront que la morale est purement
relative. Mon sentiment est qu’il existe bien des valeurs universelles qui forment la
base de la morale ». Ici entre en scène la sacro-sainte altérité. » Il faut qu’il y ait une
prédestination à échanger avec l’autre, là réside la base d’une morale universelle.
Nous avons une aptitude fondamentale à penser l’existence de l’autre ». Lui qui
revendique un agnosticisme parfait s’empare de l’économie. « C’est la science de
l’échange des biens dans une société de pénurie ». Pourquoi de pénurie ? «Pour
que l’échange soit indispensable il faut au moins qu’il y ait une pénurie relative. Mon
souci de l’éthique m’amène à penser que l’échange des biens depuis la nuit des
temps a une importance essentielle pour faire société ». En citant à plusieurs
reprises Aristote, « le premier économiste du Monde connu », le sexagénaire a
affirmé « qu’il n’y a nul divorce entre la pensée éthique et la pensée économique ».
Sauf que… » mais la difficulté dans laquelle nous sommes confrontés, c’est qu’un
divorce est apparu au fil de l’Histoire. Aristote oppose deux théories : l’économie
sage et raisonnable, à l’économie perverse, profondément vicieuse, dont le but est
d’accumuler de la monnaie et pas d’échanger les biens. Ca conduit les nations à leur
dégradation morale et à leur perte ». La dichotomie perpétuelle entre l’humanisation
et le rendement n’a de cesse de se manifester. « L’idéal d’une pauvreté absolue,
Jésus a dit que seule la pauvreté permettait d’accéder au royaume de Dieu
facilement, amène à créer les fondations de notre économie moderne. Elément
fondamental du capitalisme, l’argent doit travailler ». Jusqu’à la Renaissance
l’économie s’avérait éminemment théologique. Changement de décor ensuite, avec
la laïcisation progressive de la société et de l’économie. « Les pères du libéralisme
sont croyants. La société libérale se doit de faire régner les conditions de la paix,
mais dans le strict respect des droits naturels, mais aussi avec l’exigence de la
poursuite du bien commun ». En citant trois citations cultes du libéralisme, parmi
lesquelles « Les vices privés font les vertus publiques », « laisser faire, laisser
passer), Axel Kahn estime que « dans la société humaine il ne faut pas qu’il y ait de
finalité à l’économie ». « Siècle de feu, de sang, de guerre », la fin du XXème siècle
portera en elle les stigmates de difficultés stagnantes. « Cette révolution néo-