
Modélisation LSF et GM
verbale est entendue principalement comme les marques qui existent entre le verbe et ses ac-
tants. Les marques modales et temporelles sont exprimées par des morphèmes indépendants
généralement placés en tête de phrase. Avant de commenter le dernier exemple, revenons sur
ce qu’est la flexion verbale. Les états constitutifs de la réalisation d’un signe (et même, pour
ce qui nous intéresse, d’un prédicat verbal) en LSF sont constitués de paramètres variants ou
non. Ces derniers sont les morphèmes de la représentation. Seule une réalisation mérite notre
attention, celle effectuée par le locuteur 4. Comme nous l’avons commenté précédemment, en
plus de l’organisation syntaxique particulière (calquée sur le français), on peut remarquer l’ab-
sence de flexion sur [MANGER]. Cette absence, couplée à l’ordre des signes, nous montre que
nous sommes face à un exemple de Français Signé, éliminant toute difficulté pouvant gêner
l’intercompréhension avec un entendant. Le principe d’économie n’est pas respecté : le verbe
[MANGER] est normalement soumis à la flexion (semi-rigide).
Dans cette étude, nous allons examiner plus particulièrement le phénomène d’incorporation no-
minale, à partir des travaux menés par (Lazard, 1994) et (Baker, 1988). En effet, suite à un
travail récent sur la flexion verbale (Voisin & Kervajan, à paraître) nous avons constaté que la
flexion verbale pouvait se rapprocher du phénoméne décrit par (Lazard, 1994) et plus parti-
culiérement de l’incorporation nominale, décrite (entre autres) par (Baker, 1988), tout comme
nous pouvons le voir dans de nombreuses études sur les langues amérindiennes ou encore les
langues eskimo-aléoutes. Par exemple, en nahuatl le nom (l’actant verbal) est inséré entre le
préfixe actanciel et la racine verbale. Les caractéristiques de l’incorporation nominale résident
dans la perte de la fonction actancielle. La fonction de ce nom est fréquemment celle d’objet.
En LSF, nous avons constaté dans les exemples étudiés qu’il s’agit en effet des objets qui sont
ordinairement intégrés au verbe. On constate aussi que les instrumentaux peuvent être intégrés
au verbe ("couper avec un couteau" par exemple).
Comme nous le soulignions plus haut, les langues eskimo-aléoutes sont elles aussi très concer-
nées par ce phénomène d’incorporation nominale. L’aspect typologique concernant leur appar-
tenance aux langues fortement polysynthétiques est très intéressant dans le cadre d’une étude
contrastive. Il nous appartiendra de montrer des exemples les mettant en parallèle de la LSF.
À présent que nous avons identifié plusieurs phénomènes d’incorporation en LSF, nous sou-
haitons en rendre compte dans un formalisme permettant une automatisation de leur reconnais-
sance et production. Nous avons choisi d’utiliser les Grammaires Minimalistes, sur lesquelles
nous revenons dans la section suivante, pour leurs propriétés permettant de dissocier relations
intra-phrastiques et ordre de réalisation final.
4 Les grammaires minimalistes
Les grammaires minimalistes (GMs) ont été proposées par Stabler, (Stabler, 1997). Elles implé-
mentent le programme minimaliste de Chomsky, (Chomsky, 1995). Cette théorie linguistique
veut expliquer, dans la perspective de la théorie générative, non seulement quelles sont les re-
lations syntaxiques entre éléments d’une phrase mais également comment les analyses sont
réalisées : nous parlons alors de cadre dérivationnel qui se prête aisément à une formalisation.
La forme phonologique reconnue est un étiquetage de l’arbre final, appelé arbre dérivé.
L’analyse est basée sur la théorie X-barre (relations spécifieur/tête et tête/complément) et elle
est réalisée à partir de deux opérations : la fusion et le déplacement. Ces opérations utilisent la
notion de traits qu’elles consomment. Il en existe quatre types fonctionnant par paires, chacune