Le Courrier de la Transplantation - Vol. XV - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2015 145
Comment passer des cellules
auxtissusouaux organes ?
La première application est l’utilisation des cellules dans
des bioréacteurs, par exemple, des cellules hépatiques
pour le traitement de l’insuffisance hépatique
aiguë. Une possibilité plus évoluée est la création
in vitro d’organes par l’utilisation de l’impression
tridimensionnelle (3D) ou par la recellularisation
d’organes décellularisés (lire les articles de J. De Vos,
p. 146, et d’A. Dubart-Kupperschmitt, p. 164). Enfin, une
autre approche est la création in vivo d’organes ou de
bourgeons d’organes dans des animaux réceptacles
(lire l’article de T. Takebe, p. 167) ou par l’intermédiaire
d’animaux chimères (lire l’article de J. De Vos, p. 146).
Ces approches posent le problème de la vascularisation
de l’organe : les cellules nécessitent en effet la présence
d’un capillaire à proximité (< 50 µm) pour lui assurer
oxygénation et nutrition. Cette contrainte impose
que l’ingénierie tissulaire doit construire des tissus et
des organes traversés d’un dense réseau de capillaires.
Pour le foie, T. Takebe envisage la possibilité d’injecter
des bourgeons multiples dans le mésentère.
Il est également possible, au moins en théorie, de
produire un organe humain dans un animal hôte.
L’animal hôte serait génétiquement altéré afin de
bloquer le développement de l’organe recherché,
pour que seules les cellules humaines puissent
contribuer à la croissance de cet organe. Nous sommes
là presque dans la science-fiction. Des IPS humaines
seraient injectées dans le blastocyste de l’animal
génétiquement altéré, puis le blastocyste porteur
des cellules humaines serait implanté dans l’utérus
d’une femelle “porteuse”. L’animal qui naîtrait serait
élevé jusqu’à la taille requise pour l’organe humain,
puis sacrifié le jour où l’organe devrait être réimplanté
(lire l’article de J. De Vos, p. 146). L’animal actuellement
envisagé pour porter de tels organes est le porc, pour
des raisons de taille, de physiologie et de connaissances
issues des travaux sur la xénogreffe. Les premières
tentatives expérimentales d’injection de CSP humaines
dans le blastocyste de souris ont déjà été réalisées.
Cependant, un certain nombre d’obstacles techniques
(sans envisager ici les obstacles éthiques) doivent
encore être levés avant de passer à la production
d’organes humains dans le porc. Le premier obstacle
est la barrière interespèce : les cellules humaines
doivent “communiquer” avec les cellules porcines. Seule
l’expérience permettra de savoir si la communication
est suffisante pour tous les organes. Une autre difficulté
est que les IPS humaines actuellement obtenues sont
de moins bon “niveau” que les IPS de souris (elles
sont “commutées” et non pas vraiment équivalentes
des CSE), alors que la colonisation du blastocyste animal
par des IPS nécessite des IPS “naïves” (lire l’article de
J. De Vos, p. 146). Cela fait l’objet de recherches actives
de la part de la communauté scientifique. Un troisième
obstacle est d’ordre immunitaire : l’organe humain
produit, en théorie autologue pour le futur receveur,
pourrait encore comporter des cellules résiduelles de
porc responsables d’un rejet. Une étape supplémentaire
pourrait être nécessaire (invalidation de gènes porcins
responsables d’épitopes immuns ou nécessaires au
développement des vaisseaux et de l’hématopoïèse).
Enfin, le dernier obstacle est la possibilité de transmettre
à l’homme des agents infectieux, tels que les rétrovirus
endogènes dont le risque potentiel est l’hybridation
avec des rétrovirus humains, une question déjà posée
au cours des recherches sur la xénotransplantation de
cellules porcines.
Au-delà des problèmes techniques, dont les barrières
tombent plus rapidement que prévu, il reste les pro-
blèmes éthiques. Les cliniciens y sont plus préparés que
les chercheurs, mais il faut s’attendre à de nombreuses
questions de la part de la société civile et à des obstacles
de la part des législateurs…
■
Y. Calmus déclare ne pas
avoir de liens d’intérêts.
Référence
bibliographique
1. Takahashi K, Yamanaka S.
Induction of pluripotent stem
cells from mouse embryonic
and adult fibroblast cultures
by defined factors. Cell
2006;126(4):663–76.
AVIS AUX LECTEURS
Les revues Edimark sont publiées en toute indépendance et sous l’unique et entière responsabilité du directeur de la publication et du rédacteur en chef.
Le comité de rédaction est composé d’une dizaine de praticiens (chercheurs, hospitaliers, universitaires et libéraux), installés partout en France, qui représentent, dans leur
diversité (lieu et mode d’exercice, domaine de prédilection, âge, etc.), la pluralité de la discipline. L’équipe se réunit 2ou 3fois par an pour débattre des sujets et des auteurs
à publier. La qualité des textes est garantie par la sollicitation systématique d’une relecture scientifique en double aveugle, l’implication d’un service de rédaction/révision
in situ et la validation des épreuves par les auteurs et les rédacteurs en chef.
Notre publication répond aux critères d’exigence de la presse :
· accréditation par la CPPAP (Commission paritaire des publications et agences de presse) réservée aux revues sur abonnements,
· adhésion au SPEPS (Syndicat de la presse et de l’édition des professions de santé),
· indexation dans la base de données internationale ICMJE (International Committee of Medical Journal Editors), partenariat avec la SFT,
· déclaration publique de liens d’intérêts demandée à nos auteurs,
· identification claire et transparente des espaces publicitaires et des publi-rédactionnels en marge des articles scientifiques.
0145_CTR 145 18/11/2015 15:05:20