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TDC NO 1038
t
LES BIOTECHNOLOGIES
CS mésenchymateuses pour la reconstruction des
os, etc.). Nous approchons pourtant des limites de
ce modèle, à cause de la capacité réduite d’auto-
renouvellement des CS adultes et de la difficulté de
standardisation entre type cellulaire et donneur
d’origine. En revanche, les capacités uniques des
CSE offrent la possibilité d’appliquer cette tech-
nique à une échelle industrielle, tout en standardi-
sant la production, ce qui implique un bien meilleur
contrôle des risques sanitaires. Les premiers essais
cliniques ont été lancés aux États-Unis fin 2010 ; en
Europe, les agences réglementaires étudient des
dizaines de demandes d’essais cliniques similaires.
Les applications les plus avancées portent sur les
maladies neurodégénératives, sur celles de la rétine,
du cœur, de l’épiderme ou de la pigmentation, ainsi
que sur la production de tissus de remplacement, tel
que le sang. Pour de nombreuses maladies orphe-
lines, les CSE représentent aussi un grand espoir.
Moins avancées, mais également très promet-
teuses, les iPS – pouvant être obtenues à partir d’un
échantillon de peau ou de sang – permettent
d’envisager ces thérapies sous la forme d’autogreffes
ou à partir d’individus choisis pour leur compatibilité
avec le patient. On peut aussi produire des modèles
cellulaires de maladies à partir d’embryons écartés
lors de diagnostics préimplantatoires et contenant
des CSE porteuses de maladies génétiques. Grâce à
elles, il est possible de reproduire in vitro le type
cellulaire affecté par la pathologie, de l’étudier pour
mieux connaître les mécanismes de la maladie et les
façons de prévenir son apparition, ou simplement
de tester des médicaments potentiels.
Obtenir in vitro de minuscules mais nombreux
échantillons de cellules hépatiques, neurales, mus-
culaires ou cutanées permet de tester la toxicité de
produits entrant dans la consommation courante.
Ce type d’application aussi en est à ses débuts,
mais il ouvre la voie à une réduction drastique des
tests animaux. Nombre de spécialistes partagent
l’espoir que ces applications diminueront considé-
rablement le coût de développement des médica-
ments – et donc les coûts de santé – tout en
réduisant l’occurrence de la découverte tardive
d’effets secondaires graves.
Le frein de la législation française
La révision des lois de bioéthique françaises en
2011 maintient le statu quo juridique décidé en
2004 : interdiction de réaliser des recherches sur
l’embryon ou les cellules embryonnaires, tout en
permettant à l’Agence de la biomédecine de distri-
buer des dérogations encadrées à cette interdic-
tion. Rien ne bloque pourtant l’importation de
thérapies venant de ces technologies interdites…
La réussite du passage à l’étape suivante
– impliquant une production, ainsi qu’une mise en
banque à grande échelle des CS pluripotentes –
dépendra en grande partie des investissements du
secteur pharmaceutique et des établissements
de santé. Mais les contraintes que leur impose la
loi les rendent inenvisageables sur le territoire
français – tandis que la Belgique, l’Espagne, la
Suisse et la Grande-Bretagne (pour ne citer que
des voisins directs) ont des législations favorables
à de tels développements. À l’heure du « made in
France », il serait donc bénéfique pour la recherche
médicale française d’adapter le droit national aux
découvertes scientifiques anticipées. La filière
industrielle de thérapie cellulaire devra être créée
de toute pièce pour représenter, à terme, une part
conséquente de la médecine de demain. La France
a d’énormes atouts dans ce domaine. Cependant,
nous sommes en passe de reproduire l’histoire des
débuts de l’informatique individuelle en mettant
dans les bras de nos concurrents l’industrie de
santé de nouvelle génération, que nous avons for-
tement contribué à faire émerger. ●
❯
Au service
de la recherche
médicale.
À l’horizontale :
les étapes du
développement
humain et les types
de cellules souches
rencontrés.
À la verticale :
les étapes préalables
à l’utilisation
de ces cellules.
●
www.istem.eu
●
www.stempole-idf.com (réseau Île-de-France).
●
www.eurostemcell.org/fr (réseau européen).
●
www.stemcellnetwork.ca (réseau canadien).
●
www.isscr.org (Société internationale de
recherche sur les cellules souches ; en anglais).
SAVOIR
Nourrisson, enfant, adolescent, adulteCellule fécondée Blastocyste Embryon
+ 5,5 jours
Fécondation + 7,5 jours Naissance
iPS CSE
Fœtus
Ampli• cation
Progéniteurs intermédiaires
Ampli• cation
Différenciation
terminale
Cellules différenciées / fonctionnelles
+ 8 semaines
Pluripotente
Multipotente
CS des organes et tissus
fœtaux et adultes
Hématopoïétique
Neurale
Épidermales
Intestinales
Etc.
CS de cordon
ombilical
Hématopoïétique
Reprogrammation
(arti• cielle)
Mise en
banque
des cellules
pluripotentes
Mise en banque
des progéniteurs
intermédiaires
Engagement vers
une lignée spéci• que
© MIODRAG STOJKOVIC/SPL/COSMOS
© TEK IMAGE/SPL/COSMOS