Intéret Haies en viticulture (bulletin 16)

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L'intérêt des haies en viticulture
Comme vous avez pu le lire dans racines N° 9, notre équipe de recherche à l'ENITA de Bordeaux
développe depuis l'année 2000 une expérimentation sur le rôle possible des haies pour la viticulture.
Arbres et Paysages en Gironde m'a demandé de vous faire un petit bilan des principaux résultats.
Ce travail, mené dans le cadre d'une collaboration entre l'ENITA de Bordeaux et l'INRA dans une
'Unité Mixte de Recherche 'santé végétale' commence à donner des résultats forts intéressants, même
si on ne peut pas encore conclure sur l'efficacité réelle d'un tel dispositif.
L’objectif de ce travail est de voir si la présence de haies peut avoir une influence positive sur les
populations d'auxiliaires au sein d'un vignoble. Il ne s'agit donc pas de faire des lâchers d'auxiliaires
mais de stimuler les insectes utiles déjà présents pour qu'ils arrivent à maîtriser les insectes ravageurs.
Cette approche de 'lutte biologique par conservation' a déjà montré son efficacité pour le contrôle des
acariens phytophages, si on choisit bien les produits phytosanitaires pour qu'ils ne tuent pas les
acariens prédateurs (typhlodromes). Ceux-ci maîtrisent parfaitement les acariens rouges. Acariens
rouges et typhlodromes co-habitent toute l'année dans le vignoble sans qu'on observe des dégâts.
Pour les insectes ravageurs
l'histoire
semble
bien
plus
compliquée. D'abord nous avons pu
constater que les insectes ravageurs
ne posent pas systématiquement de
problèmes dans chaque vignoble, ni
chaque année. Dans certaines
régions comme l'entre deux-mers
peu de traitements insecticides sont
nécessaires
(malheureusement
beaucoup de viticulteurs en font
quand même). Nous avons donc
commencé à étudier un vignoble
dans l'appellation Côtes de
Castillon qui n'a pas de problèmes
de
dépassements
de
seuils
d'intervention de ravageurs, afin de
voir quels sont les auxiliaires
présents dans ces vignobles, et nous avons aussi aménagé un site expérimental sur le domaine du
Luchey (PESSAC-LEOGNAN) en 2001/2002 avec 25 essences différentes. Cette haie se développe
assez bien, et les premières observations ont commencé en 2003.
Très vite il nous est apparu qu'il manquait déjà beaucoup de connaissances sur la biologie des insectes
ravageurs. Leur développement dans le vignoble est peut-être connu mais ils ont souvent d'autres
plantes hôtes sur lesquelles ils se développent en dehors du vignoble. Pour un bon choix de plantes
pour une haie il faudrait évidemment éviter de choisir ces autres plantes hôtes. Notre premier souci
était donc de mieux comprendre la biologie des ravageurs, et plus particulièrement la cicadelle des
grillures.
Cette cicadelle a un cycle de vie caractérisé par des migrations importantes entre le vignoble et ses
environs. D'abord elle hiverne sur des résineux (surtout le genévrier) et certaines plantes comme les
ronces qui gardent leurs feuilles en hiver. Ces plantes à feuillage persistant sont donc à éviter dans la
plantation d'une haie. Cette cicadelle utilise au printemps beaucoup de plantes à démarrage précoce
(prunus, ronce) pour y séjourner environ un mois avant d'immigrer vers le vignoble. Pour l'instant
nous n'avons pas trouvé de preuves pour une multiplication importante sur ces plantes. Une fois migré
vers le vignoble on assiste à une première génération de larves, souvent peu importante, et ensuite un
deuxième vol en mi-juin. Ce qui est étonnant est le fait que ce vol de juin est parfois très important,
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même quand le première génération est très basse. Il semble donc que d'autres individus entrent dans
la parcelle et que c'est leur progéniture qui donne un deuxième pic de larves en fin-juillet. Nous ne
savons pas encore si ces individus viennent d'autre vignobles, voir d'autres plantes hôtes (qu'on devrait
donc éviter dans la plantation de haies). Pour l'instant aucune des plantes autour des sites existants
(Côtes de Castillon ou la haie du Luchey) ne s'est montrée une 'source' de cicadelles pour ce deuxième
vol.
Tout cela nous donne encore peu d'informations sur le rôle des ennemis naturels de la cicadelle verte,
objectif primaire de notre étude. La recherche des ennemis naturels dans la parcelle montre la présence
de plusieurs ennemis naturels, que ce soit des parasitoïdes qui pondent dans les œufs ou les larves, ou
des prédateurs qui les chassent. Il ne semble pourtant pas y avoir d’ennemis naturels 'miracles'
(comme les typhlodromes pour les acariens) qui nettoieraient la parcelle.
Afin de savoir s’il y a des plantes dans la haie, qui seraient une source potentielle d'ennemis naturels
spécifiques pour les cicadelles vertes, nous avons d'abord vérifié la présence d'autres cicadelles sur les
essences en bordure de parcelle. Ces ennemis spécialisés ne pourraient se développer que s'il y a
présence de cicadelles dans la haie. Malgré le fait que nous ayons trouvé plus que 40 espèces de
cicadelles différents (!) aucune plante ne semble héberger des niveaux de populations importants, et
donc peu de ces essences semblent prometteuses pour 'produire' les ennemis naturels 'spécialistes'.
Quelques ennemis naturels spécialisés ont été trouvés (Exemple: une guêpe parasitoïde Anagrus
atomus) mais sans que les populations ne semblent très importantes.
C'est pour cela que nous sommes maintenant plus tournés vers les ennemis naturels plus 'généralistes'
comme les punaises prédatrices (Orius, Malacocoris) ou les araignées qui peuvent se nourrir de
différentes proies telles que des pucerons, quand ceux-ci sont abondants, et qui peuvent manger des
cicadelles quand leur population dans le vignoble est importante. Les observations faites sur la haie
expérimentale du domaine du Luchey montrent bien que plusieurs plantes de la haie hébergent des
grandes colonies de pucerons en début de saison. Ces colonies sont attaquées par des prédateurs et,
durant le mois de juin, les pucerons sont pratiquement éliminés sur la haie. Les prédateurs, qui se sont
nourris et multipliés sur ces pucerons doivent donc partir ailleurs pour se trouver de la nourriture.
Dans un futur proche il va falloir vérifier qu'ils se déplacent effectivement vers le vignoble, mais cela
semble fort probable.
Nos résultats semblent prometteurs, pourtant l'effet réel d'une haie sur le vignoble reste à quantifier.
Le choix des essences n'est pas encore très clair mais les chênes, les noisetiers, les différents saules et
les aubépines semblent fort intéressants. D'autres aménagements comme l'enherbement sont aussi à
l'étude. Comme l'enherbement se trouve dans plutôt qu'autour du vignoble, il semble fort intéressant
comme source d'auxiliaires qui n'auront pas besoin de se déplacer très loin vers la vigne. Les
enherbements semés, à base de graminées, ne sont pourtant pas très riches en biodiversité. Les
dicotylédons (plantes herbacées à feuilles larges) sont plus riches en phytophages et donc en
prédateurs.
Affaire à suivre …
Maarten van Helden
UMR santé végétale INRA/ENITA
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