UnerévolutiondesTICensanté
?
Pourunevisionsociologiquementréalistedel’usage
destechnologiesdel’informationetdela
communication
FrédéricPIERRU
CNRSCERAPS,Comitédedirectiondela
ChaireSantédeSciencesPoParis
LesTIC:unerévolutionmédicalepourlepireet
lemeilleur?
Une croyance répandue : la capacité démiurgique des TIC àtransformer
les politiques de prévention et les prises en charge médicales…
Pour le meilleur : Prophétie de l’avènement d’une « Médecine 2.0 », de la
«esanté », du « Big Data » / Pour le pire : prophétie de malheur sur le
déclin de la clinique et du colloque singulier comme rencontre d’une
confiance et d’une conscience (médecins)
Révolution technologique adossée à l’extrapolation de transformations
socioculturelles : l’avènement de « patients experts », d’individus
« acteurs » et « gestionnaires » de leur santé qui ne demanderaient qu’à
se saisir des TIC
De forts doutes sociologiques quant à ces prophéties :
Des technologies multiusages et multiprises ? Le flou des finalités et des
usages des TIC
Vision amorphe de la société et du système de santé
Non prise en compte des inégalités sociales, de santé et d’accès aux soins en
particulier, invisibles mais d’ampleur (en cancérologie particulièrement
(Fainzang, 2009))
Ne correspond pas aux acquis des sciences sociales (sociologie de
l’information et de la communication, sociologie des sciences et des
techniques, etc.)
Deuxcasinvitantaudoute
La dramaturgie des palmarès hospitaliers (information des « usagers »)
Vive polémique avec la parution en 1997 de la première liste noire, ayant réalisé un record de
ventes
Des camps partageant un lieu commun : « rien ne sera plus comme avant »
Déceptions journalistiques : les ventes record n’impliquent pas des changements de pratiques
de recours aux structures hospitalières
L’étude ex post des « effets » des palmarès : des rapports très divers à ce type de classements,
qui ne se réduisent pas au « consumérisme » (Naiditch, etc.)
Les recherches économétriques (Bahrami, Dormont, 2013) corroborent le faible impact des
classementshormisdansdescastrèsspécifiques(chirurgiedelaprothèsedehanchedansles
cliniques à but lucratif mais pas d’effet sur les établissements à but non lucratif)
Le fiasco du Dossier Médical Personnalisé (DMP) (communication aux
fins de coordination des acteurs)
Lancé en 2004, comme l’un des grands axes de la réforme de l’Assurancemaladie de 2004 :
attentes politiques très fortes à l’égard de cet instrument
Un projet politique qui s’enlise rapidement et s’avère de plus en plus coûteux
La lecture technique de cet échec : le « dossier mal parti »
«Lerreur stratégique du DMP est d’avoir oublié le contexte social dans lequel il est censé se
déployer : celui de professionnels autonomes et libéraux, que l’on ne peut mobiliser que sur la
base du volontariat. Croire que parce qu’un outil de coordination existe, les gens vont
spontanément se coordonner, est typique de la technostructure française, qui séduit les
politiques toujours à la recherche de " la " solution miracle. Pour que les professionnels
coopèrent, il faut qu’ils se fassent confiance, sur la base d’une connaissance réciproque et de
pratiques communes » (Bourgueil)
Laforced’unecroyance
Vision asociologique des acteurs de la relation
thérapeutique et des processus d’information et de
communication : pourquoi ?
Quelqueshypothèses:
Une fascination technologique très répandue dans le cadre
d’une « société de communication »
La diffusion d’une conception de l’individu autonome et
rationnel, opérant un travail constant sur luimême (Ehrenberg)
L’individualisme de principe des politiques publiques (de santé) :
économisme, responsabilisation, consécration des savoirs
« individualistes » sur les savoirs « holistes », etc.
Les généralisations – abusives – des porteparole des usagers et
des malades en matière d’exigence de « transparence »,
d’ information, de « codécsion », etc.
Projection biomédicale d’une conception asociologique des
patients + goût de la technique (vision biomédicale de la
prévention par exemple)
Le«patientsentinelle »commereprésentationnécessaireàla
cancérologiemoderne
«L’invention de l’homo medicus conduit le malade à
occuper de fait une double position,carsilestintégré
comme agent dans le processus de production médicale, il
n’en cesse pas pour autant d’y être inclus aussi comme
objet de pratiques. «Collaborateur»et«patien,ilest
prédisposé à éprouver les contradictions inhérentes à cette
double position, à contester les conditions de sa prise en
charge, à critiquer le double jeu du médecin qui ne le traite
pas tout le temps comme un collaborateur. D’où une
logique de revendications qui, parce qu’elle adhère à la
croyance du maladeacteur, met en avant l’insuffisance
des informations dispensées par le médecin, suspecte leur
partialité, i.e. leur fonction manipulatrice » (Pinell, 1992)
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