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Qui peut être contre la transparence?
Mais quand une intention louable
tourne au slogan, elle en devient sus-
pecte. Devenue indiscutable dans le
discours, la transparence ne risque
t-elle pas paradoxalement de mas-
quer certains intérêts et surtout un
grand déséquilibre?
Comme la neutralité, c’est un des
deux dogmes du moment. Les deux
ensemble ont justifié la révolution
TarMed par exemple. Depuis, les
patients et les médecins sont bel et
bien devenus transparents aux yeux
et des assureurs et bientôt de la
Confédération (allez voir du côté du
projet Mars!). Mais TarMed est-il
devenu transparent pour le patient?
Et les assureurs ou les administra-
tions le sont-ils davantage? La trans-
parence ressemble plutôt à un miroir
sans tain à travers lequel on peut voir
que le roi est nu. Et le roi en démo-
cratie, c’est le peuple.
Vous reprendrez bien un peu de glasnost?
sudations profuses, état fébrile et fris-
sons solennels. Parmi les investiga-
tions pratiquées, le CT thoraco-abdo-
minal révèle de multiples adénopathies
thoraco-abdominales, évoquant en
premier lieu un diagnostic de lym-
phome, avec comme diagnostic diffé-
rentiel une infection à HIV ou EBV, et
une sarcoïdose.
L’équipe médicale,
face à une incerti-
tude diagnostique,
choisit de taire ini-
tialement la pré-
somption de lym-
phome, afin de
protéger le patient
d’une détresse
potentiellement inutile. Si cette déci-
sion de non-transparence vise ici la
bienfaisance, elle n’en reste pas moins
une décision que l’on pourrait qualifier
de paternaliste. La littérature actuelle
tend, en effet, à montrer que le patient
PIERRE-ANDRÉ REPOND
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
souhaite être informé de sa situation
médicale et qu’il gère souvent mieux
l’information que le médecin l’aurait
envisagé.
Prendre une décision bienfaisante
Dans notre pratique, nous sommes
confrontés à divers patients. Certains
souhaitent être
informés des incer-
titudes diagnos-
tiques. D’autres font
confiance au méde-
cin et souhaitent
être guidés dans les
prises de décisions.
Finalement, cer-
tains patients plus
fragiles bénéficieraient peut-être de ne
pas être inquiétés inutilement.
Ainsi, il nous semble que promouvoir
le bien du patient – à travers une atti-
tude bienfaisante – c’est non seule-
ment lui permettre d’exercer son droit
à l’autodétermination, mais aussi
savoir gérer à son contact l’information
pertinente pour lui. En clinique, une
attitude transparente ne peut être
appliquée à l’aveugle en vertu du res-
pect du principe d’autonomie: le
médecin, en fonction de la certitude
diagnostique et en fonction de sa rela-
tion avec le patient, de son écoute et
de sa compréhension des valeurs et
préférences de ce dernier, prendra
une décision bienfaisante empreinte
de transparence ou non.
Si l’autonomie et la bienfaisance sont
les piliers de l’éthique médicale, la
transparence médicale en est-elle l’ex-
pression ultime en clinique? La ques-
tion reste sujette à discussion. n
* M.D. + M.S., UNITÉ D’ÉTHIQUE, CHUV
** UNITÉ D’ÉTHIQUE, CHUV/PLATEFORME ETHOS/
INTERFACE SCIENCES-SOCIÉTÉ UNIL
« Le bien du
patient consiste
en la promotion
de son droit à
l’autodétermination. »