Le diéthylstilbestrol - Université de Rennes 1

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Synthèse Bibliographique en Biologie et Biotechnologie
2014/2015
Le diéthylstilbestrol
ETAT DES LIEUX ET CONSEQUENCES CHEZ LA FEMME
Mathilde Fontaine
Master Biologie-Gestion
Université de Rennes 1 – UFR SVE
Tutrice : Mme Colette Vaillant-Capitaine
Maître de conférences à l’université de Rennes 1 (UFR SVE)
Equipe NEED, IRSET
Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
Remerciements
Je tiens à adresser mes remerciements les plus sincères à Mme Colette Vaillant-Capitaine, maître de
conférences à l’Université de Rennes 1 et membre de l’équipe NEED, IRSET, pour m’avoir accordé sa
confiance et son temps et pour m’avoir conseillée tout au long de cette synthèse.
Note des responsables du diplôme : « Le tuteur chercheur a pour rôle de conseiller l'étudiant, l'orienter
dans ses recherches bibliographiques, l'aider à comprendre les articles, en faire une synthèse de manière logique
et rigoureuse. Il ne peut vérifier toutes les citations et interprétations de l'étudiant. Il ne peut donc s'engager vis
à vis d'éventuelles erreurs ».
MATHILDE FONTAINE - M2 BIOLOGIE-GESTION - SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE 2014/2015
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme
M. Fontaine
Master Biologie-Gestion, UFR SVE Sciences de la vie et de l’environnement, Université de Rennes 1, Campus de Beaulieu,
Bâtiment 13, 263 avenue Général Leclerc, 35042 Rennes cedex, France.
Résumé
Le diéthylstilbestrol est un perturbateur endocrinien prescrit, à l’origine, pour les femmes ayant
des difficultés à mener des grossesses à terme. Cette molécule, remise en cause peu de temps après
sa commercialisation, fut utilisée pendant plus de 20 ans avant d’être interdite pour cause d’inefficacité
et à cause de ses effets secondaires. Chez les descendantes, il a entrainé des malformations génitales
et des difficultés à procréer. Mais le DES est aussi la cause de cancers de l’utérus et du vagin survenant
chez les jeunes femmes : l’adénocarcinome à cellules claires. Chez les descendants, il a également
entraîné des malformations génitales : cryptorchidies et hypospadias. Le diéthylstilbestrol est un
problème de santé publique mondial et majeur puisqu’il est désormais prouvé que c’est un perturbateur
endocrinien transgénérationnel avec des effets carcinogènes et tératogènes. Ainsi, les descendants de
la deuxième génération subissent les conséquences de la prise de la molécule mais également les
descendants de la troisième génération, aussi appelés les petits-enfants DES. Pour cette génération, les
incidences des malformations et des cancers sont moindres mais de nouveaux effets secondaires
surviennent : atrésie de l’œsophage et enfants Infirmes Moteurs Cérébraux. Un suivi des descendants
est donc essentiel afin de prévenir de nouvelles pathologies et de traiter au mieux celles dont nous
avons connaissance.
Sommaire
Introduction ................................................................................................................................................................... 3
I.
Le diéthylstilbestrol : historique................................................................................................................ 4
a.
Synthèse et prescription ....................................................................................................................................... 4
b.
Remise en cause et interdiction de la molécule ................................................................................................ 6
c.
Conséquences chez l’homme .............................................................................................................................. 9
II.
Le diéthylstilbestrol : femmes et générations .................................................................................. 11
a.
Mécanisme d’action et épigénétique ................................................................................................................ 11
b.
Conséquences anatomiques chez la femme ................................................................................................... 13
c.
Conséquences à long terme............................................................................................................................... 15
III.
L’adénocarcinome à cellules claires ...................................................................................................... 17
a.
Cancer de l’endocol ............................................................................................................................................ 17
b.
Herbst et l’adénocarcinome à cellules claires.................................................................................................. 19
c.
Cancers et générations ....................................................................................................................................... 21
Conclusion..................................................................................................................................................................... 23
Bibliographie ................................................................................................................................................................ 24
MATHILDE FONTAINE - M2 BIOLOGIE-GESTION - SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE 2014/2015
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
Introduction
Les perturbateurs endocriniens sont des molécules controversées ayant des propriétés
hormono-mimétiques qui vont agir sur le système endocrinien et induire des effets nocifs sur
l’organisme et sur sa descendance. Le diéthylstilbestrol ou DES est un œstrogène de synthèse non
stéroïdien utilisé à partir des années 50. Il fait partie des premiers perturbateurs endocriniens à avoir
été découvert. A l’origine, il a été prescrit pour les femmes ayant des difficultés à mener des grossesses
à terme : accouchements prématurés et avortements tardifs à répétition. Basé sur la théorie
endocrinienne émise par Smith (Smith, 1948), l’intérêt du DES résidait dans le fait qu’il était supposé
maintenir la sécrétion de progestérone et ainsi l’utilisation de l’hormone chorionique gonadotrope
(hCG). L’hormone chorionique gonadotrope va permettre un maintien du corps jaune et de la
sécrétion de progestérone. La progestérone est une hormone qui, en début de grossesse, va permettre
un maintien de l’endomètre, phénomène favorable à l’implantation de l’embryon dans l’utérus.
En 1953, Dieckmann remet en cause la publication de Smith. L’étude de Dieckmann montre
qu’au contraire de sa prescription initiale, le DES n’a pas les effets évoqués par Smith et qu’il n’améliore
pas les conditions de la grossesse : pas de réduction des accouchements prématurés ou après terme,
pas de bébés plus grands, pas de diminution de la mortalité post-natale. Malgré des résultats éloquents,
la publication de Dieckmann n’était pas prise en compte et la molécule fut prescrite jusqu’en 1971 aux
Etats-Unis.
Le diéthylstilbestrol est définitivement proscrit lorsqu’il est suspecté, puis accusé d’être à
l’origine d’une forme de cancer de l’utérus et du vagin : l’adénocarcinome à cellules claires (Herbst et
Scully, 1970). Cette forme de cancer du vagin et du col de l’utérus n’est habituellement pas retrouvée
chez des femmes de moins de 50 ans. Herbst découvre 7 cas d’adénocarcinome chez des jeunes
femmes de 19 ans. Il relie l’apparition du cancer avec les antécédents médicaux des mères de ces jeunes
femmes et fait le lien direct entre la prise de diéthylstilbestrol lors de la grossesse et la survenue
d’adénocarcinome à cellules claires (Herbst et al., 1971).
Cette synthèse bibliographique est un état des lieux sur le diéthylstilbestrol, de sa synthèse à
ses conséquences transgénérationnelles et plus particulièrement les cancers chez la femme. Ce rapport,
dans un premier temps, présentera l’historique du diéthylstilbestrol : de sa synthèse à sa remise en
cause. Dans un second temps, nous aborderons les conséquences sur les femmes et les effets sur les
générations. Nous terminerons avec l’étude du cancer anormalement développé chez les filles dont les
mères ont pris du diéthylstilbestrol lors de la grossesse : l’adénocarcinome à cellules claires du vagin
et du col de l’utérus.
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
I.
Le diéthylstilbestrol : historique
Les perturbateurs endocriniens sont des substances exogènes à l’organisme qui vont altérer les
fonctions du système endocrinien et induire des effets nocifs sur la santé de cet organisme intact, de
ses descendants ou sous population. Ils peuvent interférer avec les hormones naturelles au niveau de
leur synthèse, stockage, sécrétion ou encore sur leur mode d’action au sein de l’organisme (Comité
de la Prévention, 2003). Le diéthylstilbestrol ou DES fait partie de ces perturbateurs endocriniens. Il
est le premier œstrogène de synthèse à avoir été élaboré, dont l’activité était similaire à celle des
œstrogènes naturels (Dodds et al., 1938). Cet œstrogène de synthèse a entraîné de lourdes
conséquences sur la descendance des femmes pour qui il a été prescrit.
a. Synthèse et prescription
1) Découverte de la molécule
Le diéthylstilbestrol a été synthétisé pour la première fois par Charles Dodds, biochimiste
britannique, en 1938. C’est le premier œstrogène de synthèse non stéroïdien à avoir été découvert et
dont l’activité était proche de l’hormone naturelle, l’œstradiol (Dodds et al., 1938). Le diéthylstilbestrol,
de par sa structure non stéroïdienne et avec l’ajout de 3 cycles phényls, est 5 fois plus puissant que
l’œstradiol alors que ses caractéristiques physiologiques et pharmacologiques semblaient être similaires
à l’œstrogène naturel (Marselos et Tomatis., 1992). Le diéthylstilbestrol était, pour l’époque, une
révolution : il pouvait être synthétisé en grandes quantités à moindre coût et sa galénique permettait
une prise orale du médicament moins contraignante.
Le diéthylstilbestrol était utilisé en prévention des accouchements prématurés et des
avortements tardifs et à répétition. Il n’est pas aisé de déterminer le nombre de grossesses ayant été
exposées au diéthylstilbestrol. En effet, les formes galéniques de la molécule étaient variées et près de
50 % des femmes n’étaient pas au courant qu’elles prenaient la molécule. Ainsi, on estime entre 5 et
10 millions de grossesses menées avec le diéthylstilbestrol aux Etats-Unis, avec une utilisation plus
intense entre 1940 et 1951 (Martino et al., 2002) ; mais la molécule a aussi été utilisée en France pour
environ 160 000 grossesses (Spira et al., 1983), aux Pays-Bas sur 180 000 à 300 000 grossesses (Van
Erp et al., 1989) et au Royaume-Uni sur 7300 grossesses (Tournaire et al., 1997)).
L’utilisation du diéthylstilbestrol se basait sur une théorie : la théorie endocrinienne émise par
Smith en 1948.
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2) Smith et la théorie endocrinienne
Le docteur George Smith était le chairman du département de gynécologie obstétrique de
l’école de médecine de Harvard (Boston, Massachussetts). Il est le premier à prescrire le
diéthylstilbestrol pour les grossesses à risques de ses patientes (Smith, 1948).
Smith est également le premier à émettre la théorie selon laquelle les avortements tardifs et à
répétition et les accouchements prématurés sont la conséquence d’un déficit hormonal : c’est la théorie
endocrinienne (Smith, 1948). Il démarre son étude clinique des effets du diéthylstilbestrol sur les
femmes enceintes en 1943. Son étude porte sur 632 grossesses et a été réalisée avec la contribution
de 117 obstétriciens. Il observe que chez les femmes enceintes, une augmentation des taux
d’œstrogènes précède toujours une augmentation de la sécrétion de progestérone. Il remarque
également, avec l’étude du diéthylstilbestrol, que ce dernier stimule la sécrétion de progestérone chez
les femmes enceintes, ce qui stimule la synthèse de l’hormone chorionique gonadotrope. L’hormone
chorionique gonadotrope est une hormone sécrétée lors de la grossesse. Elle entraîne un maintien du
corps jaune et par conséquent un maintien de la sécrétion de progestérone. Elle possède également
une action anti-gonadotrope qui va inhiber la sécrétion d’hormone lutéinisante (LH) et d’hormone
folliculo-stimulante (FSH). Ainsi, le diéthylstilbestrol était utilisé pour ses supposées propriétés de
stimulation de la sécrétion d’œstrogène et de progestérone. Smith remarque qu’une déficience
d’hormones stéroïdiennes a des conséquences néfastes pour la grossesse : toxémie gravidique
(hypertension artérielle gravidique (due à l’implantation du placenta)), éclampsie, accouchement
prématuré, mort intra-utérine. Selon lui, l’utilisation du diéthylstilbestrol serait une solution pour
diminuer la sévérité et l’incidence des complications en fin de grossesse. Il note qu’un surdosage du
diéthylstilbestrol pourrait être toxique pour le fœtus.
Ses résultats montrent que 78 % de femmes (219 cas) traitées pour saignements entre la 6ème
et la 21ème semaine d’aménorrhée ont accouché à 28 semaines et 72 % des bébés étaient vivants et en
bonne santé. De plus, 83 % des femmes (272 cas) ayant reçu du diéthylstilbestrol contre les
avortements spontanés, ont mené leur grossesse jusqu’à 28 semaines et 78 % des bébés étaient vivants
et en bonne santé. Les doses de diéthylstilbestrol reçue par ces femmes traitées suivaient un schéma
d’administration précis : 5 mg/jour à partir de la 6ème ou 7ème semaine de grossesse puis augmentation
de 5 mg toutes les deux semaines pour atteindre un maximum de 150 mg de diéthylstilbestrol par jour
à la 35ème semaine (Smith, 1948).
Ainsi, avec les travaux de Smith, l’utilisation du diéthylstilbestrol s’est largement répandue,
principalement aux Etats-Unis. La molécule était utilisée pour les grossesses à risques mais également
de façon préventive pour les grossesses moins risquées.
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b. Remise en cause et interdiction de la molécule
La première étude exposant les doutes de l’efficacité du diéthylstilbestrol est parue en 1940.
Cette étude menée sur des souris remettait en cause l’utilité de la molécule. Cependant, elle fut ignorée
et le médicament fut encore prescrit pendant de nombreuses années.
1) L’essai de Dieckmann de 1953
En 1953, Dieckmann, gynécologue obstétricien et chercheur à l’Université de Chicago, Illinois,
publie une étude portant sur l’inefficacité du diéthylstilbestrol, soit plus de 5 ans après la théorie de
Smith et le début des prescriptions de la molécule (Dieckmann et al., 1953).
La publication de Dieckmann est l’une des premières à mettre en doute l’intérêt de la molécule.
Son étude randomisée en double aveugle a porté sur 1646 femmes et compare l’efficacité du
diéthylstilbestrol par rapport à un placebo. Dieckmann pointe le manque de contrôles lors de l’étude
de Smith de 1948. Dieckmann utilise le schéma d’administration préconisé par Smith dans son étude :
840 patientes ont donc reçu la molécule contre 806 qui ont reçu le placebo. Il définit l’avortement par
l’expulsion du fœtus avant 28 semaines d’aménorrhée mais également par un poids inférieur à 1 kg
pour le nouveau-né. La prématurité est, quant à elle, définie par un poids de naissance situé entre 1 kg
et 2.5 kg.
Dieckmann met en avant le fait que le diéthylstilbestrol ne réduit pas la fréquence des
avortements, des accouchements prématurés ou après terme. Les bébés issus de mère traitées avec
du diéthylstilbestrol n’étaient pas plus grands ou plus matures pour leur âge gestationnel par rapport
au groupe de bébés prématurés du groupe contrôle où les mères avaient reçu le placebo. Le
diéthylstilbestrol ne diminuait pas la fréquence de la mortalité post-natale. Enfin, le diéthylstilbestrol ne
semblait pas diminuer la fréquence des toxémies lors de la grossesse (hypertension artérielle
gravidique) (Dieckmann et al., 1953).
Malgré les résultats éloquents de cette étude et leur fiabilité, elle ne sera pas prise en compte
par les spécialistes de la santé. C’est en 1971, soit 18 ans plus tard, que Herbst démontrera la toxicité
et notamment la tératogénicité du diéthylstilbestrol pour que celui-ci soit enfin retiré de la vente aux
Etats-Unis. En France, il faudra attendre la décision de la commission de pharmacovigilance de 1976
pour voir l’interdiction de commercialisation du diéthylstilbestrol, effective en 1977.
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2) Les travaux de Herbst
Les travaux de Herbst figurent parmi les plus importants pour l’interdiction de la
commercialisation du diéthylstilbestrol. Herbst est un gynécologue obstétricien spécialisé en oncologie
de l’Université de Chicago, Illinois.
Sa première publication de 1970 résulte de consultations menées au « Massachusetts General
Hospital » de Boston. Il y décrit 7 cas d’adénocarcinomes du vagin et du col de l’utérus sur des jeunes
femmes de moins de 25 ans.
L’adénocarcinome est une tumeur maligne d’un épithélium glandulaire. La première patiente
diagnostiquée était une jeune femme caucasienne de 15 ans ayant des saignements vaginaux anormaux
depuis 6 mois. Herbst n’a remarqué aucune anomalie concernant l’âge des premières règles (11 ans
dans ce cas-ci) et pas de maladies anormales durant l’enfance. Après examen, Herbst découvre un
nodule de 2.5 cm dans la paroi antérieure du vagin. L’analyse de ce nodule mettra en évidence un
adénocarcinome de l’endomètre. La deuxième patiente âgée de 15 ans présentait également des
saignements anormaux du vagin depuis 6 mois. Après examen et analyse des prélèvements, Herbst en
conclue que la patiente est atteinte d’un adénocarcinome à cellules claires. La troisième patiente âgée
de 16 ans présentait des saignements depuis 18 mois. Son examen a également mis en évidence un
adénocarcinome mais cette fois-ci au stade métastatique. La patiente est décédée 6 mois après son
admission à l’hôpital, malgré une chimiothérapie. Les 4 cas suivants concernaient des jeunes femmes
entre 16 et 22 ans, présentant des saignements anormaux et des infections urinaires à répétition depuis
un an pour la dernière.
Tous les examens ont mis en évidence un adénocarcinome à cellules claires, et une adénose
vaginale pour les 2 dernières patientes (Herbst et Scully, 1970) (tableau I).
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Tableau I : Caractéristiques des patientes diagnostiquées par Arthur L. Herbst (d’après Herbst et Scully., 1970)
Cas
Âge
1ères règles
Symptômes
Durée
Diagnostic
1
15 ans
11 ans
Saignements
6 mois
Adénocarcinome de l’endomètre
2
15 ans
13 ans
Ecoulements
6 mois
Adénocarcinome à cellules claires
3
16 ans
12 ans
Saignements
18 mois
Adénocarcinome à cellules claires
4
18 ans
12 ans
Saignements
5 mois
Adénocarcinome à cellules claires
5
22 ans
13 ans
Saignements
12 mois
Adénocarcinome à cellules claires
6
16 ans
12 ans
Saignements
12 mois
Adénocarcinome à cellules claires
et adénose vaginale
7
19 ans
12 ans
Infections
urinaires
12 mois
Adénocarcinome à cellules claires
et adénose vaginale
Nb : Les saignements et écoulements mentionnés correspondent à des symptômes vaginaux.
Herbst remarque que ces adénocarcinomes (représentant 5 à 10 % des cas de cancers du
vagin) ne sont pas habituellement retrouvés chez de jeunes patientes. Entre 1930 et 1965, seulement
2 cas de cancers du vagin ont été déclarés au « Massachusetts General Hospital » et jamais pour des
femmes âgées de moins de 25 ans. Il entreprend une étude rétrospective pour déterminer la cause de
ces cancers du vagin après que la mère d’une patiente lui révèle avoir pris du diéthylstilbestrol pendant
sa grossesse.
Pour mener cette étude, Herbst a comparé les données de 8 femmes ayant pris du
diéthylstilbestrol pendant leur grossesse avec 32 témoins n’ayant pas utilisé la molécule. Il y apparaît
que les femmes ayant reçu du diéthylstilbestrol s’étaient vu prescrire la molécule à cause de
saignements pendant la grossesse : 3 femmes sur 8 pour le groupe DES ont subi des hémorragies
pendant la grossesse et seulement 1 femme sur 32 pour le groupe témoin. De même, la fausse-couche
était un élément pris en compte pour la prescription du diéthylstilbestrol : 6 femmes sur 8 du groupe
DES avaient déjà fait des fausses-couches dans le passé contre 5 femmes sur 32 pour le groupe témoin
(Herbst et al., 1971). Ainsi, 7 femmes sur les 8 formant le groupe DES se sont vu prescrire du
diéthylstilbestrol pour leur grossesse alors qu’aucune du groupe contrôle n’en a reçu. Herbst prouve
également que d’autres facteurs comme le poids à la naissance, l’âge des premières règles, le tabagisme
pendant la grossesse ou encore l’âge de la mère n’avaient pas de conséquence sur la survenue des
adénocarcinomes. Il met en évidence le lien entre la prise de diéthylstilbestrol et l’apparition de cancers
du vagin chez les filles issues de grossesses DES (Herbst et al., 1971).
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
En novembre 1971, soit six mois après la publication de cette étude, la « Food and Drug
Administration » (F.D.A) interdit l’utilisation du diéthylstilbestrol lors de la grossesse aux Etats-Unis
mais également de tout autre œstrogène de synthèse (F.D.A., 1971).
c. Conséquences chez l’homme
Après les travaux de Herbst, de nombreuses recherches sur le diéthylstilbestrol ont été menées
afin de déterminer les conséquences de la prise de cette molécule sur les générations issues de
grossesses DES.
Les descendants hommes et femmes ont subi des bouleversements aussi bien anatomiques que sur
la survenue de cancers. Ces études ont également permis de déterminer que le placenta n’est pas une
barrière aux xénobiotiques et que l’exposition de la mère peut avoir des conséquences sur plusieurs
générations (Toppari et al., 1996).
Chez les hommes, les études sur l’incidence du diéthylstilbestrol sont moins nombreuses. En effet,
en comparaison avec les femmes, les conséquences sont majoritairement de l’ordre de malformations
du système reproducteur. De plus, les études disponibles sont controversées de par leur méthodologie
ou leur échantillonnage.
On note que ce sont principalement des malformations structurelles qui ont été retrouvées chez
les fils DES : micro pénis, cryptorchidies, hypospadias et persistance de canaux de Müller (féminisation
de l’appareil reproducteur). D’autres observations et interprétations ont mis en avant des
disfonctionnements du tractus génital : hypofertilité, stérilité et impacts sur le spermogramme :
diminution du nombre de spermatozoïdes. Enfin, des anomalies cellulaires ont été détectées chez
certains sujets : tumeurs testiculaires, tumeurs des canaux de Müller persistants, kystes épididymaires
ou encore lésion et inflammation de la prostate (Newbold, 2004) (tableau II).
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
Tableau II : Les conséquences du DES sur la descendance masculine (d'après Newbold, 2004)
Disfonctionnement du
Malformations
tractus génital
structurelles
Anomalies cellulaires
Hypofertilité
Micro pénis
Tumeurs testiculaires
Stérilité
Hypospadias
Tumeurs des canaux de Müller
persistants
Diminution du nombre de Cryptorchidies
Kystes épididymaires
spermatozoïdes
Canaux de Müller persistants
Lésion et inflammation de la
prostate
On note qu’une notion importante est ressortie de ces études sur les descendants : la 11ème semaine
de développement du fœtus est évènement dans la vie intra-utérine : l’incidence du diéthylstilbestrol
avant la 11ème semaine est plus importante qu’après cette 11ème semaine. Les malformations
urogénitales sont deux fois plus importantes (18 %) si le fœtus a été exposé avant la 11 ème semaine
alors qu’elles sont moins importantes (9 %) si le fœtus a été en contact avec le diéthylstilbestrol après
la 11ème semaine de développement (Wilcox et al., 1995).
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
II.
Le diéthylstilbestrol : femmes et générations
Les femmes ont été les plus touchées par le diéthylstilbestrol. Les mères en ayant pris pendant la
grossesse ont eu des effets secondaires et les conséquences sur le fœtus ont été majeures : risque
élevé de fausses-couches, accouchements prématurés, pré-éclampsies et ralentissement de la
croissance in utero (Dieckmann et al., 1953). Mais ce sont surtout les descendantes de ces grossesses
diéthylstilbestrol qui ont subi les conséquences de ce perturbateur endocrinien : cancers (Hoover et
al., 1977), troubles de la fertilité, risques de bébés prématurés, avortements spontanés (fausses
couches) (Kaufman et al., 2000), anomalies du tractus génital (col de l’utérus, utérus et vagin) (Henley
et Korach, 2010) et risque important de cancer du sein (Newbold., 2004).
a. Mécanisme d’action et épigénétique
1) Exemples de mécanismes moléculaires et cellulaires potentiels
Le diéthylstilbestrol est le premier exemple de la toxicité d’un œstrogène de synthèse chez
l’homme. Il a été prouvé que la molécule traverse le placenta et entraîne des effets directs sur le
développement du fœtus. Le mécanisme d’action de cette molécule reste incertain, même si des
expérimentations animales ont démontré ses effets carcinogènes, à des doses comparables à celles
utilisées chez l’homme (Newbold et al., 2006).
Le diéthylstilbestrol serait impliqué dans la déméthylation des gènes de la lactoferrine des
souris, selon l’étude de Li et al., 1997. La déméthylation du promoteur de la lactoferrine n’a été
observée que chez les individus exposés au DES in utero. Cette déméthylation persiste à l’âge adulte et
est retrouvée dans l’ADN de souris pré pubères. Cette étude met ainsi en évidence le fait que le
diéthylstilbestrol a un effet au niveau génomique au moment du développement embryonnaire et que
ces modifications génétiques sont retrouvées chez les souris adultes.
De plus, il a été prouvé que le diéthylstilbestrol perturbe la différenciation des canaux de Müller
et la régression des canaux de Wolff lors du développement de l’embryon. L’expression des gènes
HOX, impliqués dans la différenciation cellulaire seraient ainsi supprimée. Cette suppression serait à
l’origine des anomalies structurelles retrouvées dans les tractus génitaux des descendants. Le
diéthylstilbestrol serait également impliqué dans plusieurs autres mécanismes génétiques, notamment
sur le gène Wnt impliqué dans la différenciation du tractus génital féminin, d’où la complexité de
terminer son mécanisme d’action complet (Block et al., 2000, Sasoonn, 1999).
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
2) Transmission à la descendance
Des études ont été menées afin de déterminer les régulations génétiques causées par le
diéthylstilbestrol et transmises à la descendance.
Des souris mutantes ont été étudiées afin de déterminer le rôle du récepteur des œstrogènes
(ER) dans le développement des anomalies et des tumeurs chez les descendants exposés au
diéthylstilbestrol in utero. Ces souris mutantes ont été génétiquement modifiées afin de surexprimer le
récepteur œstrogènes α. Ces souris ont ensuite été traitées avec du diéthylstilbestrol lors de leur vie
embryonnaire puis suivies après la naissance. L’hypothèse émise par les auteurs partait du principe
qu’une surexpression des récepteurs aux œstrogènes α couplée à une exposition néonatale au
diéthylstilbestrol entrainerait un développement plus important des tumeurs du tractus génital. Les
résultats obtenus montrent qu’à 8 mois, 73 % des descendantes des souris mutantes exposées au
diéthylstilbestrol in utero ont développé un adénocarcinome au niveau de l’utérus, contre 46 % des
descendantes des souris sauvages également exposées au diéthylstilbestrol in utero. De plus, ces
anomalies sont apparues plus tôt pour les descendantes des souris mutantes. Cette étude suggère que
le taux de récepteurs aux œstrogènes α peut être un facteur déterminant dans le développement de
tumeurs en lien avec les œstrogènes (Course et al., 1997). Enfin, une étude a également soulevé
l’hypothèse que ces récepteurs α sont impliqués dans les processus de malformations du tractus génital
(comparaison de souris sauvages et de souris avec une mise en veille des récepteurs α exposées au
DES) (Henley et Korach, 2010).
Enfin, une étude (Newbold et al., 2006) s’est penchée sur l’incidence de la prise de
diéthylstilbestrol sur la descendance : anomalies du tractus génital et tumeurs. Ainsi, des souris ont été
traitées avec du diéthylstilbestrol in utero (soit entre les jours 9 et 16 de la gestation et avec des doses
de 2.5, 5 ou 10 µg de DES / kg, soit avec une dose de 0.002 µg de DES entre les jours 1 et 5 de la
gestation). Les doses administrées sont les doses maximales pouvant être administrées sans altérer la
fertilité des descendants une fois adultes. Les descendantes de la première génération (F1) ont été
croisées avec des mâles contrôles non traités. Les descendants de la deuxième génération (F2) ont été
examinés entre 17 et 24 mois pour des anomalies du tractus génital. Il en ressort qu’il y a plus de
chances de développer des lésions prolifératives du « rete testis » (un tissu testiculaire cible aux
œstrogènes présent chez les mâles) et la présence de tumeurs du tractus reproducteur pour la lignée
mâle. En ce qui concerne la lignée femelle, il a été observé une incidence d’adénocarcinomes de l’utérus
plus importante. Comparativement, la lignée femelle F1 à un âge de 18 mois présente une incidence
des tumeurs utérines plus forte : 31 % des sujets ont été touchés (pour une dose de 0.002 µg de DES)
contre 11 % des sujets femelles de la lignée F2. Ainsi, cette étude prouve que l’altération génétique est
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
bien transmise à la descendance et donc que cette altération a lieu dans les cellules germinales de la
mère.
b. Conséquences anatomiques chez la femme
Le diéthylstilbestrol administré pendant la grossesse traverse la barrière placentaire et est
retrouvé chez le fœtus au niveau de l’appareil reproducteur. Il a été prouvé que le diéthylstilbestrol
n’est pas dégradé par le métabolisme du fœtus et qu’il va engendrer des anomalies morphologiques
importantes, particulièrement chez la femme. Il a également été prouvé que la période à laquelle la
molécule est administrée pour la première fois est un paramètre essentiel à prendre en compte alors
que la dose totale de diéthylstilbestrol administrée ne semble pas avoir d’incidence sur la survenue
d’anomalies du tractus génital féminin (Amour et al., 2004).
1) Actions sur le tractus génital
Chez la femelle, ce sont les canaux de Müller qui vont former les trompes, l’utérus et le vagin
à la 22ème semaine d’aménorrhée. Quelques débris des canaux de Wolff vont persister et former des
débris vestigiaux (Langman et Sadler, 2000).
Le diéthylstilbestrol et son action oestrogénique sur les canaux de Müller serait à l’origine de
l’adénose vaginale retrouvée chez les descendantes femelles. On suppose également une action sur les
canaux de Wolff, ayant pour conséquence les malformations utérines. L’action du diéthylstilbestrol sur
les canaux de Müller serait exclusivement effective sur la portion caudale des canaux qui formeront, à
terme, le col de l’utérus. Ainsi, cela aura pour conséquence une malformation du col de
l’utérus (bourrelet recouvert d’un épithélium endocervical cylindrique débordant sur les parois
vaginales). L’absence de modelage du col utérin entrainera une suppression des culs-de-sac vaginaux,
ce qui engendrera un contact direct entre l’épithélium de Malpighi situé à la surface du vagin et
l’épithélium endocervical cylindrique du col de l’utérus. La persistance de l’épithélium mullérien en
dessous du niveau normal serait à l’origine de l’adénose vaginale (Laronda et al., 2012).
Cette malformation serait aussi à l’origine des utérus en T retrouvés chez les patientes : la
distance entre l’orifice interne du col et le fond de l’utérus est réduite à cause de la divergence
horizontale des canaux de Müller (hypertrophie du col utérin). Enfin, la régression des canaux de Wolff
aurait aussi une incidence sur la divergence des canaux de Müller (Belaïsch, 1983).
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
2) Conséquences anatomiques
Les examens médicaux pratiqués lors des études épidémiologiques ont permis de déterminer
les anomalies du tractus génital féminin. On note deux types de malformations en fonction de leur
localisation (cervico-vaginale ou utérine) (tableau III).
Tableau III : Malformations cervico-vaginales et utérines des filles DES (d'après Goldberg et Falcone, 1999 et Amour et
al., 2004)
Anomalies cervico-vaginales
Anomalies utérines
Adénose cervico-vaginale
Anomalies de formes : utérus en T
Hypoplasies cervicales
Hypoplasie de la cavité
Diaphragmes vaginaux
Cloisons utérines
Bourrelets vaginaux
Sténose médiocavitaire
Petits cols coniques
Utérus bicorne uni cervical
Cols avec crêtes de coq
Aspects pseudo-polypoïdes
Replis annulaires ou transversaux
Orifice externe déformé (en S, Y ou T)
Ces malformations pouvaient être observées de façon isolée mais elles pouvaient également
être associées. Les associations les plus fréquentes étaient les utérus en T avec une hypoplasie (dans
31 % des cas) mais aussi les utérus en T avec une sténose médiocavitaire (dans 13 à 33 % des cas)
(Amour et al., 2004).
Enfin selon Kaufman et al. (1980), le début de traitement de la mère au diéthylstilbestrol est un
élément clé pour l’incidence des malformations utérines retrouvées chez les descendantes. Il observe
qu’avant 12 semaines de grossesse, le taux de filles atteintes de malformations utérines est de 73 % (98
cas contre 36 chez les individus exposés plus tard). Ce taux passe à 66 % entre la 13ème et la 18ème
semaine de grossesse (29 cas contre 15 chez les individus exposés plus tard) et il passe à 45 % à partir
de la 19ème semaine de grossesse et au-delà (14 cas contre 17 chez les individus exposés plus tard).
Ainsi, il apparaît que ce n’est pas la durée d’exposition mais bien le début de l’exposition au
diéthylstilbestrol qui aura les conséquences les plus néfastes pour le fœtus.
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
c. Conséquences à long terme
1) Incidence sur la fécondité et les grossesses de la génération des filles DES
Les malformations engendrées par le diéthylstilbestrol ont eu un impact négatif sur la fertilité
de la première génération de descendantes. A l’inverse de l’indication pour lequel il était prescrit pour
les mères, le diéthylstilbestrol a entraîné des difficultés pour concevoir des enfants chez les filles, des
risques plus importants de bébés prématurés et donc d’un poids à la naissance faible, des retards de
croissance in utero (Hatch et al., 2011), des risques de fausse-couche, des risques de grossesses extrautérines (Goldberg et Falcone., 1999).
L’étude épidémiologique de Kaufman et al. (2000), avait pour but de comparer les effets à long
terme sur la fertilité des descendantes exposées au diéthylstilbestrol in utero (3373 questionnaires
récoltés) avec des sujets non exposés (1036 questionnaires récoltés). Cette étude s’est basée sur les
sujets interrogés pour deux études de cohorte : le DESAD (DES and Adenosis Project) et l’étude de
Dieckmann de 1953. Le taux de réponse obtenu était de 88 %. Kaufman souligne le fait que les filles
DES ont un peu plus de difficultés à tomber enceinte (75.4 % de grossesses vs 81 % pour les témoins).
Les résultats de cette étude montrent également que les filles issues de grossesses diéthylstilbestrol
ont de plus fortes probabilités d’accoucher prématurément, de faire des fausse-couches et d’avoir des
grossesses extra-utérines (tableau IV).
Tableau IV : Données sur la grossesse obtenues à partir de 2 études de cohorte, pour des femmes exposées au DES in
utero en comparaison avec des témoins non exposés (d'après Kaufman et al., 2000)
Témoins non exposés
Sujets exposés au DES in
utero
Bébés vivants à la naissance
87.4 %
84 %
Accouchements
7.5 %
21 %
23.5%
31 %
1.6 %
6.7 %
Grossesse extra-utérine
1.9 %
9.25 %
Avortements induits (IVG)
27.2 %
21.8 %
prématurés
Avortements spontanés au
1er trimestre
Fausses-couches
au
2ème
trimestre
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
2) Le diéthylstilbestrol et les deuxième et troisième générations en France
Une enquête menée en France par l’association Réseau DES et la Mutualité Française dont les
résultats sont parus en décembre 2014 s’est attachée à l’étude des descendants de la deuxième et de
la troisième génération, soit les enfants et petits-enfants des femmes ayant pris du diéthylstilbestrol
lors de leur grossesse. Cette étude indique que les descendants de la 2ème génération sont aujourd’hui
âgés entre 36 et 63 ans. Ces sujets ont développé les complications que nous avons pu observer dans
les études précédemment analysées : cancers, anomalies génitales, stérilité et complications lors de la
grossesse pour les filles DES ; malformations génitales pour les fils DES. Pour la 3ème génération, les
petits-enfants DES, ils sont âgés de moins de 43 ans et les naissances continuent pour cette génération.
En ce qui concerne les cas de cancers et pour la génération des filles DES, il est à noter que
l’incidence des cancers du sein est un élément important : l’étude épidémiologique réalisée montre un
risque significatif de cancer du sein deux fois plus élevé et ce peu importe l’âge du sujet (moins de 40
ans, entre 40 et 49 ans ou plus de 50 ans). Ce risque a été classé comme modéré : il est aussi important
comparativement à une femme dont une parente du 1er degré est atteinte ou a été atteinte d’un cancer
du sein (mère, sœur ou fille). Chez les hommes, on remarque une augmentation des anomalies de
l’appareil génital : cryptorchidies, kystes de l’épididyme, hypospadias, atrophie testiculaire.
Pour les résultats de la 3ème génération issue de « filles DES », les petits-enfants DES, l’étude
regroupe les informations de 2332 petites-filles et 2331 petits-fils, en comparaison avec 3114 filles et
3222 garçons témoins non exposés. Il a été observé une augmentation du nombre d’atrésies de
l’œsophage (obstruction) : 14 cas contre aucun cas dans le groupe témoin. Pour les petits-fils,
l’incidence des cryptorchidies et des hypospadias est forte. Pour les petites-filles, on n’observe pas
d’augmentation des anomalies génitales, ce qui est rassurant. Cependant, il faut noter une augmentation
du nombre d’enfants Infirmes Moteurs Cérébraux (IMC), ceci pouvant être dû au taux de naissances
prématurées et très prématurées pour les deux sexes. De plus, une élévation des malformations
cardio-vasculaires a été exposée, élévation déjà observée dans l’étude de Titus-Ernstoff. Le nombre de
sujets étant limité, cette observation nécessite des études plus poussées. En ce qui concerne les cas de
cancers, l’étude ne dénombre pas une incidence plus importante pour les descendants issus des
générations exposées mais ces informations ne concernant qu’un petit nombre d’individus et de jeunes
individus d’une quinzaine d’années, il faudra tout de même suivre de près cette génération dans les
années à venir.
Enfin, cette étude s’est penchée sur les enfants des « fils DES ». Aucune anomalie génitale n’a
été observée pour les 197 filles issues d’hommes de la 2ème génération et ayant participé à l’étude.
Deux hypospadias et trois cryptorchidies ont été dénombrées pour les 209 garçons étudiés, taux
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
supérieur à celui de la population générale (Etude Réseau DES France – « Santé publique : les
conséquences du distilbène (DES) », 2014).
III. L’adénocarcinome à cellules claires
En 1971, Herbst démontre le lien entre la prise de diéthylstilbestrol pendant la grossesse et le
développement de cancers du vagin et du col de l’utérus (Herbst et al., 1971). L’adénocarcinome à
cellules claires est la conséquence dramatique la plus fréquemment retrouvée chez les filles issues de
grossesses diéthylstilbestrol. Ainsi, Herbst dénombre 7 cas d’adénocarcinomes sur de jeunes patientes
qu’il a auscultées. Cette forme de cancer étant anormale pour des patientes si jeunes, la publication de
Herbst entraîne l’interdiction de la molécule par la « Food and Drug Administration » aux Etats-Unis.
Aujourd’hui, l’adénocarcinome à cellules claires du vagin et du col de l’utérus est la conséquence du
« Scandale Distilbène » qui a été la plus étudiée par les scientifiques.
a. Cancer de l’endocol
1) Définition et dépistage
L’adénocarcinome à cellules claires fait partie des cancers de l’appareil génital féminin, qui
concernent donc le col de l’utérus, le corps de l’utérus ou les ovaires. L’adénocarcinome est un cancer
du col de l’utérus : en France en 2005 on dénombrait 3 068 nouveaux cas de cancers du col de l’utérus
et 1 067 décès. L’adénocarcinome est un type de cancer situé sur la face interne de col de l’utérus que
l’on appelle l’endocol. Seulement 15 % des cancers du col de l’utérus sont des adénocarcinomes, le
reste étant des carcinomes épidermoïdes situés sur la partie externe du col et représentant 85 % des
cas.
L’adénocarcinome étant situé dans la partie interne du col de l’utérus, dans le canal qui relie le
col à la cavité utérine, soit plus en profondeur, son diagnostic est plus compliqué car sa situation moins
accessible. Le diagnostic d’un adénocarcinome peut être retardé du fait de cette situation, par rapport
à un cancer de l’exocol.
Le dépistage du cancer du col de l’utérus est essentiel pour la survie de la patiente. Un cancer
de l’exocol est plus aisé à détecter car plus visible. Pour un adénocarcinome, le frottis est le principal
moyen de dépistage s’il n’y a pas de signes cliniques. Il va permettre de récolter des cellules du vagin
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
et de l’utérus et leur analyse mettra en avant toute anomalie cellulaire. Dans le cas d’un
adénocarcinome lié à la prise de diéthylstilbestrol par la mère, Herbst et Scully (1970) ont remarqué
des signes cliniques en amont du diagnostic : les pertes anormales, d’une durée plus ou moins longue,
survenant entre les règles. Ce sont ces signes cliniques qui ont permis de faire le lien entre la prise de
diéthylstilbestrol et l’apparition d’adénocarcinomes à cellules claires.
Il est essentiel de noter que les adénocarcinomes surviennent généralement après 50 ans. Dans
le cas du diéthylstilbestrol, les descendantes ont présenté cette forme de cancer plus tôt : en moyenne
à 19 ans.
Les examens cliniques vont également permettre de déterminer l’étendue de la maladie et ainsi
de déduire son stade d’avancement (tableau V) (La ligue contre le cancer, 2009).
Tableau V : Les stades d'avancement du cancer du col de l'utérus et leurs caractéristiques (d'après « Les cancers de
l’appareil génital féminin », La ligue contre le cancer, Janvier 2009)
Stade de la maladie
Caractéristiques
Stade 1
Cancer limité au col
Stade 2
Cancer débordant sur la partie avoisinante du vagin et/ou
ayant infiltré partiellement le tissu autour de l’utérus
Stade 3
Atteinte de plus de deux tiers du vagin et/ou du tissu périutérin jusqu’à la paroi
Stade 4
Cancer ayant commencé à infiltré les organes voisins (vessie,
rectum) et/ou en dehors du bassin, avec ou non métastase à
distance
2) Caractéristiques de l’adénocarcinome à cellules claires
Dans le cas des adénocarcinomes à cellules claires, ces derniers sont liés aux vestiges
embryonnaires mülleriens (« Les cancers invasifs de l’endocol », 2012). On a remarqué qu’il n’y avait
pas de lien entre l’exposition au diéthylstilbestrol et les modèles histologiques retrouvés chez les
patientes (Waggoner et al., 1994). Le modèle histologique le plus fréquemment retrouvé est
l’adénocarcinome tubulo-cystique, pour 50 % des patientes exposées au diéthylstilbestrol contre 48
% des patientes non exposées. L’adénocarcinome à cellules claires est la forme majeure retrouvée : 32
% des patientes exposées au diéthylstilbestrol et 35 % des patientes non exposées. Les patientes étaient
généralement diagnostiquées au stade III de l’avancement de leur cancer : 48 % des femmes exposées
et 49 % des femmes non exposées.
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
Enfin, Tournaire et al., (1997) conseillent des examens particuliers pour favoriser le dépistage
de l’adénocarcinome à cellules claires. Selon Tournaire, il ne faut pas se contenter d’inspecter
uniquement le col de l’utérus mais la paroi vaginale en entier afin de détecter de potentielles tumeurs.
Des frottis de l’endocol, de l’exocol et des quatre quadrants du vagin doivent être réalisés chaque
année. Une palpation du col et de la paroi vaginale est également nécessaire afin de détecter des
tumeurs naissant sous l’épithélium.
b. Herbst et l’adénocarcinome à cellules claires
1) Survie à 5 ans
A la suite de ses premières publications reliant l’utilisation de diéthylstilbestrol lors de la
grossesse et la survenue d’adénocarcinomes à cellulaires claires chez les descendantes, Herbst s’est
attaché à construire un registre regroupant 346 cas d’adénocarcinomes à cellules claires du vagin
(Herbst et al., 1979). Il contient des informations sur la survie à 5 ans des patientes atteintes, les
modèles de récidives des tumeurs et les traitements mis en place.
Il ressort que les deux tiers des 317 patientes dont les informations sont regroupées dans ce
registre sont issues de mère ayant pris des traitements pour grossesses à risques (le médicament utilisé
n’est pas identifié pour toutes les patientes). Depuis 1961, date à laquelle le premier cas
d’adénocarcinome à cellules claires (ACC) relié au diéthylstilbestrol fut diagnostiqué, le nombre de
patientes atteintes d’ACC était en constante augmentation, avec un pic dans les années 70. L’âge moyen
des patientes diagnostiquées avec ce cancer était de 19.5 ans. A noter que la patiente la plus jeune
diagnostiquée avait 7 ans et la plus « vieille » 29 ans. Il ressort également de cette étude que le risque
de survenue d’un ACC pour les femmes exposées in utero était de 1 pour 1000.
A propos du type de cancer, 55 % (189 cas) ont été classés comme cancers vaginaux et 42 %
(145 cas) comme cancers du col de l’utérus. 3 % (12 cas) n’ont pas pu être classés pour cause de
manque d’informations.
En ce qui concerne la survie des patientes, 78 % des patientes survivent à 5 ans après la
détection du cancer. Ce score s’améliore si le cancer est détecté au stade I : 87 % de survie à 5 ans
pour l’ACC du vagin et 91 % de survie à 5 ans pour l’ACC du col de l’utérus. Le score de survie à 5
ans est de 76 % pour un cancer de stade II. Ce score chute si le cancer n’est détecté qu’au stade III
avec une survie à 5 ans pour seulement 30 % des patientes. Enfin, le pronostic pour un cancer de stade
IV est mauvais : une seule patiente a survécu (27 mois) sur les 5 patientes diagnostiquées.
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
2) Traitements des patientes et récidives
Les traitements des ACC sont différents en fonction du stade de développement du cancer et
du type de cancer.
Pour les ACC de stade I, 4 thérapies ont été mises au point : irradiation locale avec, pour les
cas de cancer du vagin une excision locale ; hystérectomie totale (le corps et le col de l’utérus sont
entièrement enlevés) avec vaginectomie partielle ou totale et dissection des ganglions lymphatiques
pelviens ; combinaison de radiothérapie interne et externe. Il est ressorti de ces thérapies que
l’hystérectomie totale était la thérapie qui entrainait le taux de récidive le moins élevé. La thérapie la
moins efficace était la radiothérapie interne et externe. L’excision locale a également eu comme un
résultat un taux de récidive important. Enfin, les patientes ayant reçu une irradiation locale ne
montraient aucune récidive mais il n’y avait pas assez de patientes pour en tirer des conclusions (tableau
VI).
Tableau VI : Récidive d'un ACC pris en charge au stade I à 5 ans après différentes thérapies (d'après Herbst et al.,
1979)
Traitement
Pourcentage de récidive à 5 ans
Hystérectomie totale et vaginectomie
8.1 %
Radiothérapie interne et externe
36.8 %
Excision du vagin
30.1 %
Excision de l’utérus
50 %
Irradiation locale
0%
Les résultats concernant ces cancers de stade I dus au diéthylstilbestrol étaient encourageants
par rapport à la survie des patientes souffrant d’un ACC mais n’ayant pas été exposées au
diéthylstilbestrol. En effet, le taux de survie est, pour ce registre, de 75 % alors qu’il est de 55 % pour
les cancers du col de l’utérus de femmes non exposées et de 30 à 35 % pour les cancers du vagin. Il
est important de noter qu’un diagnostic précoce est essentiel afin de traiter les tumeurs dès le stade I.
Herbst relie ces résultats avec le fait que ces jeunes filles atteintes d’ACC ont été suivies fréquemment
et donc que leur cancer ont été découverts tôt et traités rapidement. Cette étude montre également
qu’une excision du vagin ou de l’utérus au stade I présente un risque majeur de récidive alors que
l’hystérectomie et la vaginectomie présentent moins de risques de récidive.
Enfin, cette étude met en lumière le fait que l’ACC peut s’étendre au bassin et aux poumons.
Des récidives de cancer du bassin et des poumons ont été diagnostiquées 6 ans après la thérapie
initiale. Les patients ayant développé un ACC doivent donc être suivies régulièrement et longtemps
après leur premier traitement afin de minimiser les risques de récidives.
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
c. Cancers et générations
1) Cancers à long terme et facteurs de risque
L’étude de Titus-Ernstoff et al., (2001) regroupant le suivi de plusieurs patientes et l’analyse de
deux études de cohorte (Mother Study et Dieckmann Study), a eu pour but d’évaluer le risque de
cancers à long terme après exposition de la mère au diéthylstilbestrol.
Cette étude montre que les femmes exposées au diéthylstilbestrol in utero ont un risque relatif
global de développer un cancer (sans distinction du type de cancer) 1.1 fois plus élevé que les femmes
non exposées. En ce qui concerne les cancers génitaux, les risques relatifs ne sont pas significativement
plus élevés : 0.92 pour le cancer de l’endomètre, 0.72 pour le cancer des ovaires et 1.15 pour le cancer
du tractus urinaire. Cette étude montre également que le seul cancer pour lequel le risque relatif est
significativement plus élevé pour les femmes exposées est le cancer du sein : 1.27.
De plus, Palmer et al., (2000) se sont interrogés sur les facteurs de risques pouvant intervenir
dans le développement d’ACC chez les femmes exposées au diéthylstilbestrol. Le but était de
déterminer si l’exposition à des hormones endogènes ou exogènes pouvait avoir une influence sur la
survenue d’ACC.
Pour cette étude, 244 femmes exposées au diéthylstilbestrol in utero et ayant développé un
ACC et 244 témoins non exposés dont les âges correspondaient ont été interrogés.
Les résultats de cette étude montrent que la prise de contraceptifs oraux ne semble pas avoir
un impact sur la survenue d’ACC suite à l’exposition au diéthylstilbestrol. Cependant, une seule
différence significative a pu être mise en évidence : l’utilisation d’œstro-progestatifs pourrait augmenter
l’incidence d’un ACC chez les femmes dont le diagnostic de cancer a été établi avant l’âge de 20 ans.
Finalement, Herbst (1999) émet l’hypothèse que les résultats obtenus pour le lien entre ACC
et exposition au diéthylstilbestrol (moindre « agressivité », pas de lien avec d’autres facteurs de risque)
suggèrent que les cancers développés après stimulation par des œstrogènes ont un comportement
différent des tumeurs développées de façon spontanée aux mêmes endroits.
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
2) Effets secondaires à l’avenir et prévention
Comme nous l’avons vu précédemment, la troisième génération ou « petits-enfants DES »
souffre aujourd’hui encore des effets secondaires dus à la prise du médicament, notamment les garçons
au niveau des malformations génitales. L’étude des descendants de la quatrième génération devrait
déterminer si ces malformations ont un impact transgénérationnel important. Les individus de cette
quatrième génération étant encore jeunes (en moyenne 4.4 ans selon l’étude du Réseau DES France),
il faudra attendre encore quelques années pour observer les conséquences de la molécule. A noter
que 3 malformations génitales sont déjà apparues chez les descendants filles et garçons de la quatrième
génération issue de petites-filles DES (pour un total de 112 enfants).
L’étude du Réseau DES France (2014) a, elle aussi, mis en avant le lien entre la prise de
diéthylstilbestrol et la survenue d’ACC pour la deuxième génération. Pour les filles de la troisième
génération, une donnée rassurante concerne les cancers : en effet, l’incidence des cancers ne semble
pas plus élevée. Toutefois, le nombre d’individus étant relativement faible et les filles étant jeunes (18
ans), il reste impératif de suivre ces individus afin de prévenir toute apparition de cancers.
Ainsi, il reste essentiel pour ces femmes de la seconde génération et de la troisième d’être
suivi régulièrement par des spécialistes afin de minimiser les risques de survenue de cancer et de
détecter toute anomalie génitale. Pour les femmes de la seconde génération, le risque de récidive de
cancer étant bien présent, des examens gynécologiques sont nécessaires : frottis, coloscopies selon les
résultats obtenus après analyse des cellules des frottis, mammographie pour les risques de cancer du
sein. Pour les petites-filles DES, ces mêmes examens gynécologiques sont recommandés par les
spécialistes. L’âge moyen d’apparition des ACC étant de 19 ans, un suivi préventif est conseillé.
Finalement, l’étude des descendants de la troisième génération dans un futur proche et l’étude
des descendants de la quatrième génération dans une dizaine d’années devrait fournir des notions
importantes et permettre d’approfondir l’impact transgénérationnel du diéthylstilbestrol.
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Le diéthylstilbestrol : état des lieux et conséquences chez la femme ©
Conclusion
Le diéthylstilbestrol est un œstrogène de synthèse qui a entraîné des conséquences néfastes
sur les descendants des femmes l’ayant pris lors de leur grossesse. Prescrit, dans un premier temps,
pour améliorer l’issue des grossesses difficiles, le diéthylstilbestrol a été utilisé pendant plus de 20 ans
aux Etats-Unis. Après la preuve de ses effets tératogène et carcinogène, le diéthylstilbestrol a été
interdit.
Ses conséquences sur la descendance des femmes à qui il a été donné sont importantes. Chez
les femmes de la seconde génération, les filles issues de ces mères DES, les anomalies sont nombreuses
et interviennent à différents niveaux. Tout d’abord, il a été observé que le diéthylstilbestrol est impliqué
dans la différenciation du tractus génital, entrainant des malformations chez les femmes mais aussi chez
les hommes. Pour les femmes de la 2ème génération, on remarque des malformations cervico-vaginales
et utérines : malformation du col de l’utérus entrainant des adénoses vaginales, malformations de
l’utérus entrainant des utérus en T, en S ou en Y, hypoplasies. Chez les hommes, ce sont les
cryptorchidies et les hypospadias qui sont retrouvés le plus fréquemment. Lors de ces études sur la
descendance, il a été déterminé que la date de début de traitement de la mère avait un impact
conséquent sur les générations : avant les 11ème et 12ème semaines d’aménorrhée, les conséquences du
diéthylstilbestrol sont d’autant plus néfastes pour les descendants.
Chez les femmes de la seconde génération, ces malformations ont entraîné des problèmes de
fertilité et des risques de difficultés plus importants lors des grossesses : accouchements prématurés,
fausses-couches, grossesses extra-utérines. Mais ce sont surtout les cancers qui ont affectés ces
descendantes et notamment l’adénocarcinome à cellules claires du vagin et de l’utérus, cancer qui se
déclarait en moyenne autour de 19 ans. Le diagnostic de ce cancer devant être réalisé le plus tôt
possible, les descendantes sont régulièrement suivies afin de prendre en charge et de traiter un
éventuel cancer à un stade précoce et ainsi favoriser la survie des patientes.
Les dernières études se sont intéressées à la 3ème génération issue de grossesses
diéthylstilbestrol. Il a été observé, en France, une diminution de l’incidence des cancers chez la femme,
une diminution des malformations chez l’homme mais de nouveaux risques sont apparus : atrésie de
l’œsophage et enfants Infirmes Moteurs Cérébraux (IMC), ce qui a été relié aux accouchements
prématurés. Les sujets étant encore jeunes, d’autres études sont nécessaires afin de suivre la survenue
des effets secondaires à la prise de la molécule mais aussi pour apporter un suivi et des traitements
adaptés aux descendants des femmes DES.
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