COMMUNIQUÉ DE PRESSE I GRENOBLE I 16 novembre 2009
Le rôle essentiel des volcans dans le refroidissement
de la Terre au début du XIXe siècle
En appliquant une nouvelle technique analytique très originale sur les retombées de
sulfate d'origine volcanique dans les précipitations de neige en Antarctique et au
Groenland, une équipe franco-américaine(1) dont un chercheur du LGGE
(CNRS/UJF), vient de démontrer que les basses températures de la décennie la plus
froide des derniers 500 ans (1810-1819) résultaient de la succession, à quelques
années d'intervalle, de deux éruptions volcaniques majeures, dont l’une n’avait
encore jamais été considérée dans les reconstructions climatiques. Ces travaux
sont publiés dans la revue Geophysical Research Letters dont ils bénéficient des
"Editor's highlights".
Indépendamment du forçage à long terme des gaz à effet de serre d'origine humaine, la
température moyenne de la Terre peut fluctuer largement aux échelles de temps de
quelques années. Divers mécanismes peuvent être à l’origine de telles fluctuations :
variations de l'activité solaire, circulation océanique et événements de type El Nino ou La
Nina dans l'océan Pacifique, éruptions volcaniques…
La Terre a ainsi connu des températures relativement froides durant la décennie 1810-
1819, au point que cette décennie figure comme la plus froide des 500 dernières années
selon les mesures instrumentales des derniers 150 ans et les reconstructions
paléoclimatiques. Une partie de ce refroidissement a été attribué à l'énorme éruption du
volcan Tambora en Indonésie, en 1815. De telles éruptions cataclysmiques refroidissent
en effet la planète car elles déversent d'importantes quantités de poussières et surtout de
dioxyde de soufre dans la stratosphère (au-dessus de 15 km d'altitude). Alors que les
poussières sont rapidement éliminées du fait de leur masse, à ces altitudes, le dioxyde de
soufre gazeux se transforme en gouttelettes d'acide sulfurique qui agissent comme un
véritable parasol en réfléchissant la lumière solaire, i.e. en réduisant l'énergie reçue au sol.
Cependant, si ce mécanisme permettait de justifier le coup de froid entre 1815 et 1819 par
l’éruption du Tambora, il restait à expliquer le refroidissement terrestre observé à partir de
1810.
(1) Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (LGGE – CNRS/Université Joseph Fourier),
Université de Dakota du Sud, Université de Californie à San Diego, Centre européen de recherche et
enseignement en géosciences de l'environnement (CEREGE – CNRS/Collège de France/Université Paul
Cézanne/Université de Provence/IRD).
Afin d’étudier cette question, une équipe franco-américaine(1) a mis au point une méthode
d'analyse très originale des carottes de glace, qu’elle a appliquée aux strates datant du
début du XIXe siècle de carottes forées au Groenland et en Antarctique.
Après avoir prélevé les quelques millionièmes de gramme de sulfate présents dans ces
strates, les chercheurs ont réalisé une véritable microchirurgie moléculaire consistant à
déterminer les proportions des quatre isotopes stables du soufre constituant le sulfate
(soufre 32, 33, 34 et 36). Au sein des couches de glace datant de 1809-1810, ils ont
observé une anomalie particulière dans les rapports de concentration entre ces isotopes.
Or cette forme d’anomalie isotopique sur le soufre du sulfate ne peut résulter que de
réactions chimiques se produisant au sein de la stratosphère après une éruption
volcanique. Ils ont ainsi pu démontrer qu'une éruption volcanique cataclysmique, inconnue
à ce jour, s'est produite au début de l'année 1809, probablement au niveau des Tropiques,
et qu’elle a affecté le climat de manière globale.
Ces résultats confortent le rôle important joué par l'activité volcanique explosive dans la
modulation du climat terrestre aux échelles de temps de quelques années. Étendues à des
périodes de temps plus longues, ces mesures très innovantes vont permettre une nouvelle
évaluation du forçage climatique dû aux volcans, notamment au cours du dernier
millénaire, une information particulièrement importante comme donnée d'entrée des
modèles climatiques, ceux-ci étant habituellement testés sur cette époque reculée.
Ces travaux ont bénéficié du soutien logistique et financier de la National Science
Foundation américaine et de l'Institut Polaire Français Paul-Emile Victor (IPEV), ainsi que
d’un soutien de l’Institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU) au travers de
son programme LEFE(2).
Référence
Jihong Cole-Dai, David Ferris, Alyson Lanciki, Joël Savarino, Mélanie Baroni et Mark H. Thiemens,
Cold Decade (AD 1810-1819) Caused by Tambora (1815) and Another (1809) Stratospheric
Volcanic Eruption, Geophysical Research Letters, sous presse.
Contact
Chercheurs CNRS l Joël Savarino l T 04 76 82 42 51 l savarino@lgge.obs.ujf-grenoble.fr
CEREGE l Mélanie Baroni l T 04 42 50 74 15 l [email protected]
Service communication CNRS l Pascale Natalini l T 04 76 88 79 59 l [email protected]
(2) LEFE : « Les enveloppes fluides et l'environnement ». Créé en 2006, le programme national inter-
organisme LEFE fédère tous les anciens programmes Océan-Atmosphère coordonnés par l’INSU.
Station de recherche Summit au sommet de la calotte polaire du Groenland. Une des carottes de glace
analysées pour cette étude a été extraite sur ce site. Crédit photo : Joël Savarino, CNRS/LGGE.
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