REVUE MÉDICALE SUISSE
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27 janvier 2016
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Par ailleurs votre patient, dont la santé est excellente, a plus
de quinze ans d’espérance de vie,4 et fait donc potentiellement
partie de la sous-population diagnostiquée susceptible de mou-
rir à cause du cancer. Qui plus est, il porte un facteur de risque
familial, ce qui l’expose évidemment à un diagnostic positif.
Il est donc légitime de lui expliquer les bénéfices d’une détec-
tion précoce et, s’il est d’accord, de doser son PSA sanguin.
Le résultat du PSA est supranormal (8,5 ng / ml ; limite supérieure
de la norme : 4 ng / ml) ; peut-on lui éviter le risque de subir
plusieurs séries de biopsies, ainsi que celui d’une infection grave ?
Les progrès récents de l’IRM et de l’échographie tridimen-
sionnelle ont permis, ces deux dernières années, de diminuer
le nombre de biopsies prostatiques inutiles, fréquentes aupa-
ravant. L’IRM permet désormais de localiser avec précision et
d’identifier des nodules prostatiques dont le risque de cancer
peut être quantifié.5 En employant un logiciel spécifique, ces
séquences peuvent être fusionnées avec l’échographie tridi-
mensionnelle transrectale de la prostate qui guide la réalisa-
tion des biopsies. Celles-ci peuvent désormais être ciblées sur
les nodules à haute suspicion de malignité.6 Ainsi, grâce à ces
progrès d’imagerie, le rendement de biopsies prostatiques
réalisées pour un PSA entre 4 et 10 ng/ml a passé de 20-25%7
à près de 60%, sans augmenter le taux de diagnostics de
tumeurs cliniquement non significatives.6,8 Inversement, s’il
n’y a pas de nodules significativement suspects de tumeur à
l’IRM, on peut renoncer aux biopsies et suivre semestrielle-
ment le PSA sanguin.
Le risque de prostatite postbiopsie est de l’ordre de 2-4%, et
peut être limité en recherchant préalablement, par frottis
anal, des souches d’entérobactéries productrices de BLSE
(bêtalactamases à spectre largi), ce qui permet d’adapter la
prescription antibiotique péribioptique.
Quatre des douze biopsies sont positives, et le pathologue
diagnostique une tumeur dont le score de Gleason est de 6.
Que peut-on en déduire quant aux options de prise en charge ?
Le score de Gleason est le principal facteur pronostique du
cancer de la prostate. Il est quantifié sur une échelle de 2 à 10,
cette dernière valeur indiquant la malignité la plus élevée. Un
score de Gleason de 6 sur 10 témoigne d’une tumeur peu agres-
sive, ce qui est bien corrélé avec le PSA qui est resté in férieur
à 10 ng/ml. Ce patient fait donc probablement partie de cette
moitié des cancers de prostate qui sont rela tivement indo-
lents. La normalité du toucher rectal, le score de Gleason et
son taux de PSA le classent dans la sous-population qui pour-
rait bénéficier d’une surveillance active. Il n’est finalement pas
éligible car le nombre de biopsies positives est trop élevé (>2).
Par contre, seul le lobe gauche est concerné.
a Médecin-chef, Service d’urologie, Directeur du Centre du cancer de la prostate,
HUG, 1211 Genève 14
Cancer localisé de la prostate
détection bilan et traitement
Pr CHRISTOPHE E. ISELIN a
Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 184-5
Vignette clinique
Un homme de 67 ans vous demande, lors de son check-up
annuel, un «contrôle de sa prostate»; il est anxieux car
son frère vient de se faire enlever celle-ci suite à un diag-
nostic de cancer de cet organe. Votre patient n’a aucun
problème mictionnel et est en très bonne santé. Au tou-
cher rectal, la prostate est peu augmentée de volume, lisse,
souple, symétrique, sans aucune induration suspecte.
Vous hésitez à en faire plus car vous vous souvenez de la
remise en question, en 2012, de l’opportunité de dépister
précocement une telle tumeur.1 Par ailleurs, l’un de vos
patients a récemment subi des biopsies prostatiques
pour suspicion de cancer, heureusement négatives; il a
souffert cependant d’une septicémie dans les suites im-
médiates de ces biopsies. Il lui a néanmoins été conseillé
de répéter cet examen dans les six mois, en raison du
risque de faux négatif de l’ordre de 20%.
COMMENTAIRE
Faut-il effectuer un dépistage chez ce patient ?
Il a été démontré, il y a deux ans, que le dépistage de masse du
cancer de la prostate n’est pas rentable, sur la base notam-
ment d’une étude européenne multicentrique randomisée
(European Randomized study for Screening of Prostate Cancer
– ERSPC) regroupant plus de 180000 patients.2 En résumé, il
fallait traiter près de 40 patients dont le dépistage s’était avéré
positif pour sauver une vie. Ce résultat est principalement lié
au fait que près de la moitié des cancers de la prostate sont in-
dolents et surviennent chez l’homme âgé. Ainsi, lorsqu’on
s’aventure dans un processus diagnostique de cancer de la
prostate, il faut toujours avoir à l’esprit la perspective sui-
vante: si on découvre une tumeur, le patient risque-t-il de
mourir avec ou à cause de celle-ci? La détection précoce reste
cependant, comme de principe en oncologie, la meilleure op-
portunité de mettre en évidence un éventuel cancer au stade
localisé et de le guérir, plutôt que d’attendre que des méta-
stases provoquent des symptômes et soient le prélude d’une
issue défavorable. Pour le cancer de la prostate, ceci a été dé-
montré dans une population suédoise de 20000 sujets, au
sein de laquelle traiter douze hommes dépistés précocement
sauve une vie.3
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