SEP-MEDIC CONSEIL SCIENTIFIQUE de la Société suisse de la sclérose en plaques www.sclerose-en-plaques.ch LEMP - CONSÉQUENCE DES TRAITEMENTS CONTRE LA SEP La leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) est une infection du cerveau par le virus JC. Souvent grave, elle peut entraîner un handicap définitif ou la mort. Jusqu’à présent, les cas de LEMP enregistrés lors de la prise d’un traitement contre la SEP étaient principalement liés à Tysabri®. Très peu de cas de LEMP ont été rapportés sous Tecfidera® ou des médicaments plus anciens à base d’acide fumarique. Jusqu’à aujourd’hui, les cas de LEMP liés à un traitement par Gilenya® résultaient le plus souvent d’un prétraitement par Tysabri®. Le présent document a pour objectif de décrire les caractéristiques de la LEMP ainsi que l’influence de certains produits thé-rapeutiques contre la SEP sur le risque de développer une LEMP. Virus JC L’infection par le virus JC est très fréquente. On suppose que 60% de la population a été en contact avec le virus au cours de sa vie. La primo-infection est asymptomatique, c’est-à dire que la personne atteinte ne présente aucun symptôme. Après l’infection, le virus n’est pas complètement éliminé par le système immunitaire comme c’est le cas dans les infections habituelles, mais une infection persistante et asympotomatique s’installe. Le virus se retire dans certains tissus. On suppose qu’il se trouve, à ce stade, dans les reins et la moelle osseuse. Dans cet état latent, le virus peut se réactiver de temps en temps chez une partie des patients et est excrété avec l’urine. Cette activation du virus ne s’accompagne d’aucune gêne. Leucoencéphalopathie multifocale progressive L’infection dangereuse du cerveau par le virus JC, appelée leucoencéphalopathie multifocale progressive ou LEMP, n’apparaît généralement qu’en présence d’un affaiblissement du système immunitaire. Ceci est possible, d’une part, en raison d’un affaiblissement médicamenteux, p. ex. suite à une transplantation d’organe ou dans le cadre d’une chimiothérapie; d’autre part, ces infections cérébrales par le virus JC ont également été constatées chez des patients atteints du SIDA. Dans tous ces cas, le système immunitaire n’est plus capable de se défendre suffisamment contre le virus. On suppose que le virus modifie sa structure génétique et peut ainsi se propager davantage dans le cerveau. En cas de protection immunitaire réduite, l’infection peut se propager de manière pratiquement illimitée dans les tissus du cerveau. Le résultat d’une telle infection est souvent un handicap sévère. LEMP et produits thérapeutiques contre la SEP Traitement par Tysabri® Généralement, tous les traitements immunosuppresseurs augmentent le risque d’une LEMP. Cependant, le mécanisme de l’immunomodulation inhérent à un traitement par Tysabri® comporte un risque de LEMP particulièrement élevé par rapport à d’autres traitements. Si l’on n’en connaît pas encore la raison, certains facteurs ont été identifiés et permettent de mieux évaluer le risque de LEMP avec un traitement par Tysabri®. Ces facteurs sont énumérés dans le paragraphe « Evaluation des risques» ci-dessous. Les deux autres cas de LEMP sous Gilenya® sont apparus alors que le patient n’avait pas suivi de traitement par Tysabri® auparavant. Traitement par Tecfidera® Quatre cas de LEMP ont également été rapportés avec un traitement à base de mélanges d’acide fuma-rique destiné à soigner le psoriasis, de même qu’un cas avec un traitement par Tecfidera® (acide fuma-rique) chez une personne atteinte de SEP. En raison du faible nombre de cas de LEMP avec un traitement à base de fumarate, nous ne disposons actuellement que de peu de données en matière d’évaluation des risques et de pronostic. Le cas de LEMP sous traitement par Tecfidera® chez une personne atteinte de SEP a montré une évolution grave qui s’est terminée par le décès du patient. Outre un traitement immunosuppresseur concomitant, tel qu’il a parfois été administré à des patients atteints de psoriasis en complément à des mélanges à base d’acide fumarique, une réduction durable du nombre de lymphocytes (sousgroupe des globules blancs) dans le sang semble être un autre facteur de risque pour le développement d’une LEMP en cas de prise d’acide fumarique. Pour réduire le risque de LEMP en cas de traitement par Tecfidera®, il est donc recommandé de contrôler régulièrement l’hémogramme et d’interrompre le traitement lorsque le taux de lymphocytes passe en dessous de 500/µl. Au vu du nombre élevé de patients traités jusqu’à présent avec des préparations à base d’acide fumarique et du très faible nombre de cas de LEMP, le risque avec Tecfidera® est considéré comme étant très faible. Au début d’un traitement par Tecfidera®, il ne semble dès lors pas nécessaire de procéder à une détermination des anticorps anti-VJC telle qu’elle est désormais pratiquée systématiquement pour un traitement par Tysabri®. Le premier cas concerne une neuromyélite optique atypique à évolution grave (maladie inflammatoire autoimmune rare du système nerveux central qui touche principalement le nerf optique et la moelle épinière). La maladie n’ayant pas pu être stabilisée par l’administration de cortisone et l’immunosuppression au moyen d’azathioprine, un trai-tement par Gilenya® a été débuté. La LEMP a été diagnostiquée après quelques mois de traitement par Gilenya®. Traitement par Gilenya® Entretemps, quelques cas de LEMP ont également été signalés lors d’un traitement par Gilenya®. Ces cas de LEMP, à l’exception de deux, sont apparus au moment du passage du traitement par Tysabri® au traitement par Gilenya®. Des images tomographiques révélant déjà l’existence d’une LEMP subclinique lors d’un traitement par Tysabri® et la durée fréquemment très brève du traitement par Gilenya® laissent à penser que la LEMP résulterait du traitement par Tysabri® et non par Gilenya®. Le second cas de LEMP sous Gilenya® est survenu chez un patient atteint de SEP rémittente. Ce patient a été soumis à un changement de traitement, passant d’une préparation d’interféron à Gilenya®. Après quatre ans de traitement, une IRM a été réalisée lors d’un contrôle de routine. Son résultat laissait supposer l’existence d’une LEMP, qui a par la suite été confirmée lors d’une ponction lombaire. Aucune pathologie connexe ni aucun antécédent thérapeutique susceptibles d’augmenter le risque de survenue d’une LEMP n’étaient connus chez ce patient. Ainsi, on ne peut pas exclure de lien entre le traitement par Gilenya® et l’origine de la LEMP dans ce cas présent. Vu le nombre important de patients suivant un traitement par Gilenya® et le nombre très faible de cas de LEMP, le risque de contracter une LEMP lors d’un traitement par Gilenya® reste très faible. Il n’est pas nécessaire de réaliser un test visant à déterminer la présence d’anticorps anti-virus JC avant de commencer un traitement par Gilenya®. Evaluation des risques en cas de traitement par Tysabri® L’infection cérébrale par le virus JC étant actuellement très difficile à traiter, les recherches des dernières années ont principalement porté sur l’identification des facteurs de risque permettant de prédire si un patient développera une LEMP en cas de traitement par Tysabri®. Jusqu’à présent, trois facteurs ayant un impact sur ce risque ont pu être identifiés: 1. la durée du traitement par Tysabri® 2. un prétraitement immunosuppresseur 3. une réponse d’anticorps contre le virus JC dans le sang Une observation attentive des patients traités par Tysabri® – partiellement documentée dans des registres spéciaux – a montré que le risque de LEMP augmente en fonction du statut d’anticorps JC et de l’augmentation de la durée du traitement. Ces anticorps contre le virus JC indiquent si un patient a été en contact avec le virus. Il est actuellement supposé que seuls les patients qui sont porteurs du virus et présentent donc une réponse immunitaire contre le virus peuvent développer une LEMP, puisque la LEMP est considérée comme la conséquence d’une réactivation, et non comme la conséquence d’une nouvelle infection. Etant donné que le statut infectieux peut changer au fil du temps (le taux de nouvelle contagion est d’environ 1% par an), il est recommandé de refaire le test tous les six mois. Le test est effectué de manière centralisée pour toute l’Europe par un laboratoire indépendant et financé par l’entreprise Biogen, qui commercialise Tysabri®. tement aux interférons ou par Copaxone® ne modifie pas le risque de contracter une LEMP. Dans le groupe des «patients à haut risque», le risque de LEMP se situe dès les deux premières années de traitement à 1:556 et après plus de deux années de traitement à 1:89. En raison du trop petit nombre de patients, il est impossible d’évaluer avec certitude si le risque continue d’augmenter après plus de quatre années de traitement. De récentes découvertes indiquent également que l’index d’anticorps devrait également être intégré dans l’évaluation des risques, en plus de la détection des anticorps anti-VJC. Classement des risques En l’absence de prétraitement immunosuppresseur, les patients ayant un test d’anticorps anti-VJC né-gatif semblent présenter un risque constant plus faible de 1:10 000 de développer une LEMP, indépen-damment de la durée du traitement par Tysabri®. Un risque plus élevé de développer une LEMP liée à Tysabri® est constaté chez les patients ayant un statut d’anticorps anti-VJC positif, et qui ont déjà reçu un traitement par immunosuppresseurs (p. ex. Mitoxantron®, Imurek®, Rituximab®) avant Tysabri®. La durée du traitement immunosuppresseur ainsi que l’intervalle entre le traitement immunosuppresseur et le début de la prise de Tysabri® n’ont, selon l’état actuel des connaissances, aucune autre influence sur le risque. De même, un prétrai- Centre romand SEP, rue du Simplon 3, 1006 Lausanne, T 021 614 80 80, F 021 614 80 81 [email protected], www.sclerose-en-plaques.ch, CCP 10-10946-8 Société suisse SEP, Josefstrasse 129, 8031 Zurich, T 043 444 43 43, F 043 44 43 44 03.2015 Cependant, les patients sans prétraitement immunosuppresseur, mais avec une détection d’anticorps anti-VJC, présentent un risque d’environ 1:1427 dès les 24 premiers mois et de 1:189 après plus de deux ans de traitement. Après plus de quatre ans de traitement, le risque de LEMP liée à Tysabri® chez les patients n’ayant pas reçu de prétraitement immunosuppresseur semble augmenter seulement légèrement à 1:164. Conséquence des connaissances actuelles Les conséquences éventuelles que l’on peut tirer de ces évaluations des risques sont variées et doivent être discutées individuellement avec le neurologue traitant. En fonction de la progression antérieure de la maladie, du profil de risque individuel et des options thérapeutiques restantes, le traitement par Tysabri® peut être poursuivi ou un changement de traitement doit être considéré. Actuellement, on ne dispose d’aucune réponse généralisée à une certaine constellation de risques. Il faut continuer à évaluer les risques potentiels face aux avantages de la thérapie. Novembre 2014 / Dr méd. Bernhard Décard, Université de Bâle et membre du Conseil scientifique de la Société suisse SEP, Prof. Dr méd. Tobias Derfuss, Université de Bâle, PD Dr Myriam Schluep, Université de Lausanne, Dr Claudio Gobbi, hôpital cantonal de Lugano, PD Dr Patrice Lalive, Université de Genève. La Société SEP se tient à votre entière disposition pour de plus amples renseignements: Infoline SEP, 0844 737 463 Du lundi au vendredi de 10h à 13h [email protected] Site Internet www.sclerose-en-plaques.ch Bibliothèque http://netbiblio.multiplesklerose.ch