SANTÉMÉTIERURGENTOLOGUE
C’est le changementde garde.
Responsable desurgencescettenuit,
laD
reNadineCassiani rencontretour
àtour lesquatrem
édecinsquiont
travaillé cesoirafin de faireletransfert
despatients,c’est-à-dired’assurerle
suivid
esdossiers desmaladesqui
sonthospitaliséspourlanuit.
0h10.Desambulanciers arrivent,
transportantunj
eune hommeg
rave-
mentintoxiqué. Ilaingurgitédes
médicaments,maison ne saitpas
encorelesquels.Sa respiration difficile,
son rythme cardiaqueaccéléréetson
étatsomnolentnelaissentplaceà
aucunetergiversation.
D’unevoixdoucemaisferme,la
D reCassiani luidemande d’ingurgiter
ducharbon de bois,nécessairedans
lescasd’intoxication. Aprèsplusieurs
minutesde persuasion de lapartdu
personnel etd’hésitationsdujeune
hommeq
uiproteste,il accepte
finalementde boirelamixtureau
mauvaisgoût.
L’étatde son patients’étantstabilisé,
laD
reCassiani terminelechangement
de garde. Elle communiqueensuite
avecleCentreantipoison,comme le
veut le protocole,pour lesinformer
de l’arrivée d’unpatientintoxiqué
etvérifieravecexactitude leseffets
possiblesdesmédicaments qu’il a
pris.
Elle retourne ensuitelevoir,le
frontsoucieux.Àuncertain moment,
ellecraintmême quelesreinsn’aient
ététouchésde manièreirréversible.
«Ilnous afaitpeur,cepatient,surtout
audébut de lanuitquand il est arrivé»,
diraplus tardlemédecindansla
jeune trentaine.
1h35. Profitantd’une accalmie,la
D reCassiani entreprend latournée
despatients déjàhospitalisés.Elle
doitr
elirelesnotesde leur dossier,
s’assurerquelesradiographieset
lesprisesdesangdemandéesont
étéfaitesetquelesmédicaments
administrésontl’effetescompté.
Àpeine 45 minutesplust
ard,une
nouvelle ambulancesepointe.Cette
fois,elle amèneunpatientsérieu-
sementmalade quireçoitdestrai-
tements d’hémodialysetroisfoispar
semaineàl’hôpital. Cettenuit,
l’homme de fortecorpulenceade
gravesdifficultésrespiratoires.Ilest
tout de suiteinstallé danslasalle
29,lasalle de choccomme on l’appelle,
pendantquelesinfirmiers,lespré-
posésaux bénéficiairesetlestechni-
ciensde laboratoires’affairentautour
de lui.
L’horloge marqueprèsde 3hetla
salle d’attenteest presquedéserte.
Heureusementparcequ’il n’yadéjà
plus de moniteur disponible aux
urgences,comme sicesoirtous les
patients quiseprésentaientsouf-
fraientd’unproblème cardiaque.
Appuyée parl’équipedenuit—
une vingtaine de personnesautotal,
le médecin de garde doitdéterminer
lesquelsdespatients peuventrecevoir
leur congé de l’hôpitalouêtretrans-
férésaux étagespour dégagerdes
lits aux urgences.
Experteenconvulsions
Unjeune hommeseprésentedans
lasalled’attente.Ils’est blesséau
pied en glissants
ur le plancher.
Visiblementnerveux,ilnetientpas
en placedeux minutes.Unerapide
investigation permetauD reCassiani
de savoirpourquoi. Lejeune homme
aingurgitéunmélangedecocaïne,
de bièreetde marijuanapour tenter
de calmerlui-mêmeladouleur avant
de serésigneràserendreaux urgences.
Cen
’est pasuncasunique.
3h50.LeD rDanielPotvin,médecin
de soutienaux urgencescettenuit-
là, est sur le pointde partir.Avecla
DreCassiani,ilrevoitlesdossiers
despatients qu’ilavaitsous sa
supervision,question d’assurerle
suivi.
La D reCassiani seprépareàterminer
lanuitseule. Elle n’apasprisune
minutedepausedepuisle début de
son quartde travail.Elle n’en prendra
pasnonplus parlasuite. «Ça dépend
despersonnes,maislanuit,on est
seul. Personnellement,dèsqueje
voisquelapile de patients s’accumule,
je ne me senspasbien d’allerprendre
mon café. Iln’yapersonne d’autre
pour lesvoir»,explique-t-elle.
LeD rPotvinvientàpeinedequitter
l’annexeo
ùdormentdespatients
qu’une dame d’une soixantaine
d’annéesestprisedeconvulsions,
tremblantdespiedsàlatêtedans
son lit.C’est le branle-basauxurgen-
ces.Unpréposéarriveavecune bon-
bonne d’oxygène,desinfirmières
accourentauchevetde cettepatiente
àlacheveluregrisonnante.
Concentrée,laD reCassiani réfléchit
rapidementetfaittransférerlacivière
de ladame danslasalle de choc.
Presqueaussitôt,lapatienteprend
dumieux etle médecin atôtfaitde
constaterqu’il s’agissaiten faitde
pseudo-convulsionsquelafemme
feintde déclencherpour attirer
l’attention. Elle n’en est d’ailleurs
pasàsespremières,commeen
témoigne son dossiermédicalépais
de plusieurs centimètres.
Les abonnés des urgences
5h55. Unhomme attend dansl’un
descabinets de consultation.Ilsouffre
terriblement,semble-t-il. La Dre
Cassiani prescritune dosede
médicaments pour le soulager,mais
elle l’auraàl’oeil,soupçonnanten
faitu
ne dépendanceaux narcotiques.
Elle demande même qu’on vérifie si
son nom ne figurep
asdansle livre
noirdel’hôpital.
Àpeine10minutess’écoulentavant
quel
esambulanciers amènentu
n
hommed’une cinquantaine d’années
qu’ilsonttrouvédanslarue. Ils’est
faitdescoupuresàl’avant-bras.
Pendantqu’ilattenddanslasalle de
consultation,unpréposéest chargé
de le surveillerafin qu’iln
’attente
pasàsesjours.Ils’agitd’unpatient
connu,unpatientchroniquecomme
on lesappelle. «Onvoitl’importance
de bien documenterlesdossiers
médicaux.Çanousaide parcequ’on
apprend àconnaîtrel
espatients.On
aquelquesréguliers quiviennent
aux urgenceseton lesreconnaît,mais
c’est le dangerde crierauloup. La
foisoùil vavraimentyavoirquelque
chose,on risquede passeràcôté,
alors on est toujours unpeusur nos
gardesparrapport àcespatients
chroniques»,racontelaD
reCassiani.
Lejour pointàl’horizon etlasalle
d’attentecommenceàseremplirde
patients àmoitié réveillés.Vers 7h,
cinq ambulancesarriventcoupsur
coup,transportantdespatients en
détresserespiratoireouavecdes
douleurs thoraciques.Cesontdes
castrèsfréquents après4h dumatin,
lorsquel’organisme est en mode
sommeil depuisquelquesheures.
Toutelanuit,laD
reCassiani file
d’une salle àl’autre,s’arrêtantquel-
quesminutessur le bout d’une chaise
oud’uncomptoirpour remplir
quantitédepaperasse,toujours
concentrée.
Autourd’elle lesinfirmiers tour-
billonnent,luidemandantunren-
seignement,luifaisantsignerdes
documents ouluiapportantles
radiographies.
Lorsquel’heureduchangement
de garde sonneànouveau,vers 8h
dumatin,laDreCassiani faitune
dernièretournée despatients
qu’elle ahospitaliséspendantla
nuitetassurelesuividechacun
d’eux avecl’équipe de jour.Elle
quitterafinalementl’hôpitalà10h,
pendantquelasalle desurgences
refaitle plein de patients.
SEULEDANSLANUIT
TOUTELANUIT,
LA DRE CASSIANI
FILED’UNESALLE
ÀL’AUTRE,
S’ARRÊTANT
QUELQUES
MINUTES SUR
LE BOUT D’UNE
CHAISEOU
D’UNC
OMPTOIR
POUR REMPLIR
QUANTITÉ
DE PAPERASSE,
TOUJOURS
CONCENTRÉE.
Textes Pascale Breton etphotoreportageMartin Tremblay
Minuit.Leboulevarddel’Assomption,quimèneàl’hôpital
Maisonneuve-Rosemont,estquasimentdésert.Dans lasalle
d’attentedel’établissement,les chaises en plastiquesont
presquetoutes inoccupées. Seuleunefemme,sonbambin
somnolantdans les bras,attendpourconsulter le médecin.
A22 LA PRESSE MONTRÉAL SAMEDI8JANVIER2005
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