ETHNOGRAPHIE,
MINORITÉS
ET
DÉVELOPPEMENT 89
phique, comme l’International Institute of African Languages and
Cultures
(1926)
et le Rhodes-Livingstone Institute
(1938).
L’anthro-
pologie fonctionnaliste, notamment malinowskienne
(5)’
trouve là
un
champ propice
à
sa volonté de se constituer comme savoir scien-
tifique
à
prétention pratique et une source décisive de financement
pour le développement des études de terrain d’une nouvelle géné-
ration d’anthropologues.
L’investissement britannique dans les sciences sociales colonia-
les sera encore amplifié,
à
partir de la seconde guerre mondiale,
avec la création du British Colonial Development and Welfare
Fund, qui mettra des crédits importants
à
disposition de la recher-
che anthropologique
(6)’
puis la fondation du Colonial Social
Science Research Council (d’abord dirigé par Firth) qui lui don-
nera également une large part. Le financement gouvernemental de
l’anthropologie appliquée en Afrique aura ainsi eu, des années
1930
aux années
1950,
un
effet absolument décisif sur le développement
de l’anthropologie britannique classique.
Cette association entre administration coloniale et anthropolo-
gie universitaire ne s’est cependant pas faite sans ambiguïté, débou-
chant sur la constitution d’un corps d’anthropologues opposés
à
l’idée d’une recherche strictement finalisée et qui défendront plu-
tôt l’application indirecte de leurs recherches fondamentales. On
leur doit ainsi, comme chacun sait, bon nombre de classiques an-
thropologiques, notamment les travaux d’Evans-Pritchard, Forde,
Fortes, Gluckman, Nadel, Seligman et Schapera. Les études qu’ils
auront
à
mener sur des thèmes véritablement imposés seront, de
fait, assez limitées (lois traditionnelles, autorité politique, tenure
foncière, migrations de main-d’œuvre, économie domestique). Ce
qui ne signifie évidemment pas que leurs recherches fondamenta-
les sur les systèmes politiques
ou
sur les changements socio-
économiques soient complétement étrangères aux besoins ethnogra-
phiques du Colonial Office
(7).
Des années
1930
au début des années
1950,
les dissensions n’ont
pas manqué entre anthropologues et administrateurs britanniques
(5)
Radcliffe-Brown demeurera plus réticent, par souci scientifique, devant les rela-
tions entre anthropologie et administration coloniale
(cf.
Guiart,
1992
:
51).
I1
n’a
cependant pas manqué de sacrifier aux déclarations programmatiques d’usage sur
l’anthropologie appliquée
(1930
:
3,
cité par Evans-Pritchard,
1969
:
145).
(6)
I1
permettra, entre autres, la création, en
1950,
de l’East African Institute
of
Social Research de Makerere (dirigé par Richards) et du West African Institute of
Social and Economic Research d’Ibadan, ainsi que le financement d’importants pro-
grammes du Rhodes-Livingstone Institute (dirigé par Gluckman) et de l’International
Institute of African Languages and Cultures (dirigé par Forde).
(7)
Forde,
1953,
donne une image précise du continuum existant entre travaux
fondamentaux et finalisés de l’époque ainsi que de celle de leurs communes condi-
tions institutionnelles de production.