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L’EVALUATION DES ACTIFS IMMOBILIERS
Bernard THION
Chercheur associé au CEREG, Université Paris-Dauphine
Plan de l’étude
I- Caractéristiques, typologie et formation des actifs immobiliers
§1- La notion d’actif immobilier et ses caractéristiques
A. Caractéristiques fondamentales
B. Conséquences
C. Caractéristiques particulières
D. Un bien ambivalent
§2- Typologie des biens immobiliers
A. Classification des immeubles
B. L’immobilier résidentiel
C. L’immobilier non résidentiel
D. Autres classifications
E. Conclusion sur la classification
§3- Elaboration du produit immobilier
A. La prospection foncière et l’acquisition du terrain
B. Le montage d’une opération immobilière
C. Financement et rentabilité d’une opération immobilière
§4- Conclusion sur la typologie et l’élaboration des produits immobiliers
II- Evaluation des biens immobiliers
§1- La valeur en théorie
§2- Méthodes traditionnelles d’évaluation
A. Méthode par comparaison
B. Méthode de capitalisation des loyers
C. Méthode d’évaluation par les coûts
D. Rapprochement des méthodes : la conciliation
§3- Méthodes d’évaluation plus récentes
A. Evaluation par les cash flows
B. La méthode hédoniste
§4- Conclusion
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LʼEVALUATION DES ACTIFS IMMOBILIERS
I- Caractéristiques typologie et formation des actifs immobiliers
Des terrains désertiques aux palais des Mille et une Nuits, des montagnes rocheuses aux
gratte-ciels de nos cités surpeuplées, les actifs fonciers et immobiliers sont d’une infinie
variété. Leur valorisation qui utilise des méthodes complexes passe nécessairement par leur
définition et leur classification mais aussi, pour les constructions immobilières, par une
meilleure compréhension du processus permettant leur élaboration.
Mais préalablement il convient de signaler l’ambiguïté des termes fonciers et immobiliers
dans le langage parler. Les expressions real estate aux Etats-Unis ou property an Royaume-
Uni qui traduisent la notion d’immobilier englobent à la fois les terrains et les immeubles
construits sur ces terrains. En France, la notion de foncier plutôt réservée au sol s’applique
parfois aux immeubles érigés sur ces terrains comme dans l’expression “ propriétaire
foncier ” et la notion d’immobilier utilisée de préférence pour les immeubles est presque
toujours étendue aux terrains nus, le terme de marché immobilier concernant normalement
l’un et l’autre. Ces ambiguïtés au niveau du vocabulaire proviennent de la nature particulière
des objets ” immobiliers. Un immeuble n’existe que s’il repose sur un terrain et, tout terrain
a vocation à recevoir un jour au moins un immeuble afin d’abriter les personnes qui
l’exploitent ou en ont la jouissance. De découle un certain nombre de caractéristiques dont
l’analyse suivie d’une typologie constituent les deux premiers paragraphes de cette section.
La troisième sera consacrée à l’élaboration du produit immobilier dont le déroulement
influence la valorisation des immeubles neufs tout comme ses caractéristiques
§1- La notion d’actif immobilier et ses caractéristiques
Suivant sa définition le mot foncier assimilé à bien-fonds, signifie : “ un bien immeuble
constitué par un domaine qu’on exploite ou un sol sur lequel on bâtit ”. Ainsi ne peut-on
dissocier réellement ni l’immeuble du terrain qui le supporte, ni la terre de l’usage qui en sera
fait. Par contre, la pratique et les réglementations déterminent deux catégories : d’une part les
terrains à bâtir ou bâtis et d’autre part les terres agricoles. Les Américains y rajoutent les
réserves détenues par les Indiens. Dans l’étude des biens immobiliers, qui traditionnellement
regroupent les terrains à bâtir et les constructions, plusieurs caractéristiques apparaissent
comme fondamentales. Elles proviennent de la nature même du bien. D’autres plus
particulières se rapportent à l’importance de la valeur des biens immobiliers et aux
réglementations qui l’accompagnent. Enfin, l’aspect ambivalent de ce bien qui peut être
considéré comme un produit ou comme un service induit des caractéristiques
complémentaires.
A- Caractéristiques fondamentales
Un bâtiment repose nécessairement sur un terrain, indestructible et sans substitut, sur lequel il
est immobilisé. Les conséquences en sont non seulement l’hétérogénéité du bien et son
manque de fongibilité, mais aussi l’importance considérable de l’emplacement et la durabilité
des immeubles dans le temps.
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Indestructibilité du sol
Sauf certains cas très rares (effondrement d'un terrain situé en bord de falaise, par exemple),
les terrains sont indestructibles. Le fait que les terrains soient indestructibles ne signifie
toutefois nullement que la valeur de ces terrains ne puisse fluctuer de façon très importante.
Pensons par exemple la valeur des terrains dans les "villes fantôme": le terrain existe bel et
bien, mais il n'existe pas de demande pour de tels produits et leur valeur est par conséquent
très faible. Les bâtiments en revanche sont destructibles. Comme nous le verrons lorsque nous
présenterons une prochaine caractéristique des actifs immobiliers, à savoir la caractéristique
d'investissements à long terme, même si les constructions sont destructibles elles ont, sauf
exceptions, une longue durée de vie.
Immobilité
Cette caractéristique se comprend très facilement en ce qui concerne les terrains. En effet, un
terrain est par définition immobile. On peut toutefois également considérer que la plupart des
constructions1 ne peuvent pas être déplacées, sauf si l'on est disposé à engager des grands
coûts pour réaliser ce projet. La conséquence de l'immobilité des biens immobiliers est que
l'économie locale joue le plus souvent un rôle très important sur la valeur des objets
immobiliers. Selon l'activité économique réalisée dans un bien immobilier donné, un
changement majeur dans l'économie d'une région entraînera non pas un déplacement de
l'immeuble (qui comme nous l'avons vu est impossible), mais un changement d'affectation du
bien. Les exemples pouvant illustrer cette caractéristique des biens immobiliers sont très
nombreux. Port-Grimaud, par exemple, a été construit sur des terrains destinés auparavant aux
chantiers navals. La conjoncture s'étant modifiée, il a été nécessaire de modifier l'affectation
de ces terrains d'une activité de chantiers navals à celle d'immobilier de loisirs. De nombreux
entrepôts à New York et dans d'autres villes ont été transformés en grands appartements
("lofts").
Non substituable
C’est une caractéristique importante qui le différencie fondamentalement des matières
premières traditionnelles. Car, si le terrain peut être considéré comme la “ matière première
d’une opération immobilière, aucun autre substitut ne peut être réellement utilisé pour le
remplacer. Même la mer, les lacs ou les rivières sur lesquelles peuvent reposer des bâtiments
n’offrent pas de caractéristiques comparables. Or, lorsqu’on peut substituer par exemple
l’aluminium au cuivre, on peut modifier durablement les conditions du marché de cette
matière première. Ce n’est pas le cas pour le sol. Un immeuble ne peut se concevoir sans le
terrain qui le supporte et, sans terrain, on ne peut construire d’immeuble. Par contre, si on ne
peut trouver de substitut à la terre, la satisfaction des besoins auxquels répond un immeuble
donné peut être trouvée dans un immeuble voisin. On peut ainsi transformer des ateliers -
voire des églises - en logement, des habitations en bureau ou, depuis le développement du
“ télétravail ”, abandonner un appartement à dans le 19e arrondissement pour une villa à
Arcachon.
B- Conséquences
Trois conséquences essentielles résultent de la nature particulière du bien immobilier : le
manque d’homogénéité des produits existant sur le marché, l’importance de la localisation et
le fait que ce soit un produit durable.
1Certaines constructions très "légères" peuvent être déplacées (mobile-home, pavillons préfabriqués).
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L'hétérogénéité
Signifie que deux biens immobiliers ne peuvent jamais être exactement les mêmes. Le
caractère hétérogène des biens immobiliers résulte à la fois de l’unicité de chaque terrain et la
possibilité d’y élever des bâtiments de forme, de volume et d’utilisation très variés. Deux
parcelles de terrain ne peuvent jamais être exactement identiques car même si leurs
caractéristiques sont très semblables, elles ne peuvent avoir les mêmes coordonnées
géographiques. Outre cet aspect, les terrains diffèrent souvent selon leur destination
(immobilier résidentiel, commercial, industriel), leur taille, leur accessibilité, leur orientation,
leur forme. Deux bâtiments également sont le plus souvent différents: ils peuvent se
distinguer par exemple selon la qualité de leur construction, leur âge, leur état d'entretien, leur
affectation, leur volume, ou leur localisation. Comme on peut le voir, les sources
d'hétérogénéité des biens immobiliers sont extrêmement nombreuses, beaucoup plus
nombreuses que pour un bien aussi précieux que l'or. Dans le cas de l'or en effet, il suffit de
donner le degré de pureté du métal pour le caractériser de façon précise, alors que pour
l'immobilier, il convient en tout cas de donner l'adresse, la surface ou le volume de
l'immeuble, la surface du terrain sur lequel est construit l'immeuble, l'année de construction,
l'état de rénovation, l'affectation du bâtiment. Même si un acheteur potentiel dispose de tous
ces éléments, il voudra visiter l'objet afin de pouvoir mieux le caractériser.
Absence de fongibilité.
Sur un terrain indestructible, les constructions peuvent être reproduites dans le temps, à
l’identique ou différemment en fonction des données du marché. Par contre, une fois
l’immeuble réalisé il est malaisé de le diviser en éléments plus petits ou de concevoir des
répartitions différentes. Transformer un immeuble de grands logements (4-5 pièces) en
immeubles de petits appartements peut se révéler difficile voire impossible à réaliser s’il y a,
par exemple, nécessité de construire des parkings supplémentaires.
Très grande importance de la localisation.
Cette caractéristique se retrouve dans de nombreux manuels traitant de l'investissement
immobilier. Ces manuels indiquent en effet fréquemment que les trois éléments les plus
importants d'un bien immobilier sont: 1) sa localisation, 2) sa localisation et 3) sa localisation!
De cette caractéristique des biens immobiliers, il découle que des décisions prises sur des
terrains adjacents peuvent avoir un impact très important sur la valeur d'un terrain. Cet impact
peut d'ailleurs aussi bien être positif que négatif. Les exemples illustratifs sont nombreux. Un
terrain sur lequel est située une villa peut perdre beaucoup de valeur si une route à grand trafic
est construite juste à côté de celui-ci. En revanche, un terrain est située une station-service
peut voir sa valeur s'accroître si l'accessibilité de ce terrain est améliorée, notamment par une
modification de l'infrastructure routière.
Bien durable.
Cela différencie le bien immobilier des biens de grande consommation et des biens industriels
et le rapproche de grandes catégories telles l’automobile et les produits électroniques grands
publics. Mais curieusement l’INSEE dans ses études sur la consommation n’inclut pas le
logement dans la catégorie des biens durables. Suivant Merunka (MerunkaD., «Marketing
des produits durables», in Encyclopédie de gestion, p.1918-1936, Economica, 1997), la
catégorie des biens durables reste d’ailleurs un concept flou. Trois spécificités importantes
sont généralement reconnues à ces biens: ils sont discrets (ils ne peuvent être fractionnés), ils
représentent une partie importante du budget des ménages et ils rendent aux consommateurs
un niveau de service pendant une longue période de temps. La demande de biens durables
émane essentiellement de trois sources: le premier équipement, les achats d’unités
additionnelles et les achats de remplacement. Or, compte tenu du taux d’équipement élevé des
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ménages dans de nombreuses catégories de produits, les volumes en premier équipement ne
peuvent être que faibles et le multi équipement limité. C’est donc l’achat de remplacement qui
constitue la source la plus importante du volume des ventes. Or, il apparaît que le produit
durable sera remplacé, après une longue période d’utilisation (de 5 à 15 ans), par un produit
très différent du produit initialement possédé compte tenu de l’évolution technologique ou de
l’évolution générale du marché. Les autres spécificités de ces biens sont une conséquence de
leur durabilité: ils peuvent s’acheter neufs ou d’occasion, se louer ou faire l’objet d’un crédit-
bail.
Les études de marketing sur les produits durables - qui ignorent les constructions
immobilières - présentent cependant des conclusions fort utiles pour le développement du
marché immobilier. Ainsi, un grand nombre de recherches ont montré que la plupart des
consommateurs s’engagent dans peu de recherche d’information lors de l’achat d’un bien
durable. Elles montrent aussi que le phénomène d’obsolescence peut inciter au
renouvellement du bien. L’obsolescence peut se définir comme la perte relative de valeur du
bien à des changements de style (obsolescence de style ou obsolescence symbolique) ou à
des améliorations de la qualité (obsolescence fonctionnelle). Cela s’applique aussi au marché
de l’immobilier et en particulier à celui des bureaux. De même, la vente de produits durables
est souvent associée à une série de services comme la garantie, la livraison, le financement, la
réparation et la maintenance. La promotion des ventes est aussi un outil essentiel du
management des produits durables et les dépenses promotionnelles sont même un peu plus
importantes dans le domaine des biens durables que dans celui des biens de grande
consommation. Elles portent le plus souvent sur le prix et les conditions de paiement. En fait,
la promotion est souvent un moyen pour convaincre les consommateurs d’acheter maintenant
plutôt que de reporter leur achat à plus tard. Le marché immobilier sera ainsi plus proche du
marché de l’automobile ou du marché de l’art que du marché de la grande distribution.
C- Caractéristiques particulières
Tout bien immobilier a une valeur unitaire élevée qui résulte à la fois de son emplacement,
des matériaux et des techniques nécessaires à son élaboration et du temps de leur mise en
oeuvre. L’immobilier est un bien “ lourd ” qui nécessite des moyens de production
importants. Et cela détermine un cycle de production assez long. Mais cela nécessite aussi la
disposition de grandes sommes d'argent pour pouvoir investir sur le marché immobilier. Les
caractéristiques qui découlent de cette valeur élevée concernent la nature de l’investissement
immobilier, les transactions et les modalités de financement de ce bien.
Investissements à long terme.
Le fait que les placements immobiliers constituent des placements à long terme découle de
trois éléments: l'indestructibilité des terrains et la longue durée de vie des bâtiments, la
motivation de nombreux investisseurs et la législation. Si le premier élément ne nécessite pas
d'explications complémentaires, il n'en va pas de même pour les deux autres. En ce qui
concerne la motivation des investisseurs, on peut citer le cas des particuliers qui acquièrent un
logement ou des entreprises achetant des locaux pour exercer leur activité. Dans ces deux cas,
le bien immobilier est acheté principalement dans une optique de jouissance du bien et
l'optique de tels investisseurs est dans la plupart des cas clairement à long terme. De
nombreux autres investisseurs acquièrent de l'immobilier à des fins de rapport mais raisonnent
toutefois également dans une optique à long terme: c'est le cas par exemple des caisses de
retraite ou des compagnies d'assurance. En ce qui concerne l'effet de la législation sur le
caractère à long terme des investissements immobiliers, nous pouvons citer le cas de l'impôt
sur les plus-values immobilières qui est très souvent dégressif (c'est-à-dire que plus le bien est
conservé longtemps et plus le taux d'impôt sur une éventuelle plus-value est faible) et le
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